- Article 21 :
EXISTE-T'IL UNE RELATION ENTRE LES POTENTIELS EVOQUES
DE LATENCE TARTIVE ET LA RECONNAISSANCE DE LA PAROLE CHEZ LES SUJETS
IMPLANTES COCHLEAIRES
J. Wable, S. Gallégo, A.M. Jonas, I. Roussillon, E.
Truy, Y. Ormezzano, B. Frachet, L. Collet Proceeding du Congrès de la
Société Française d'Audiologie, Clermont-Ferant,
décembre 1998
L'objectif a été d'analyser, pour une population
20 sujets implantés cochléaires Digisonic, les relations entre
les caractéristiques des potentiels évoqués auditifs
tardifs et les performances de reconnaissance phonétique. Contrairement
à la littérature et aux PEAEP, l'étude n'a pas
trouvé de liens statistiques entre la reconnaissance de la parole et les
ondes de latences tardives.
Les PEAEP sont donc de meilleurs indicateurs que les PEA
tardifs.
Existe-t-il une relation entre les potentiels
évoqués de latence tardive et la reconnaissance de la parole chez
les implantes cochléaires ?
Jocelyne Wable, Stéphane Gallégo* #,
Anne-Marie Jonas, Isabelle Roussillon, Eric Truy*, Yves Ormezzano,
Bruno Frachet, et Lionel Collet*.
CRISTAL, Hôpital Avicenne, Service ORL, 125 rue de
Stalingrad, 93009 Bobigny, France.
* Laboratoire Perception et Mécanismes Auditifs, CNRS
ESA 5020, Hôpital E. Herriot, Place d'Arsonval, 69437 Lyon.
MKM 2720 Chemin St Bernard F-06224 Vallauris Cedex,
France.
Introduction
Les performances de reconnaissance de la parole sont
très variables selon les sujets implantés cochléaires.
Celles-ci dépendent de l'étiologie, de la durée de la
surdité, de l'état du système auditif. Diverses mesures
électrophysiologiques permettent d'évaluer
l'intégrité du système auditif des implantés
cochléaires. Les potentiels évoqués auditifs
électriques de latence précoce, reflétant
l'activité du tronc cérébral, ont été
abondamment étudiés. De récentes études ont mis en
évidence une relation entre la latence des ondes précoces et les
performances (Hermann et al., 1990 ; Gallégo et al., 1998 ; Groenen et
al., 1997). Les potentiels de latence tardives (N100, MMN, P300) ont
reçu jusqu'à présent beaucoup moins d'attention. Ces
potentiels s'avèrent intéressants dans le cadre de l'étude
des processus neurophysiologiques impliqués dans la perception auditive
et dans l'évaluation des dysfonctionnements (Kraus et al, 1995). Leur
caractérisation chez les implantés devrait fournir un outil
d'évaluation des capacités cognitives (Kraus et al., 1993).
L'objectif de notre étude est de recueillir les
potentiels évoqués de latence tardive chez les implantés
cochléaires pour en mesurer la latence et l'amplitude, et de confronter
des données relatives à leur latence, leur amplitude avec les
performances des sujets à des tests phonétiques.
Matériel et méthodes
Sujets
L'étude s'est déroulée dans deux centres
d'implantation. Elle concerne 20 sujets porteurs de l'implant Digisonic.
Potentiels évoqués
Les potentiels évoqués ont été
évalués par stimulation de l'électrode 14 (apicale). Le
stimulus consiste en une impulsion dont la durée correspond à 70
% de la dynamique du sujet. La cadence de stimulation est de 1 Hz. Les
potentiels sont analysés sur une durée de 300 ms, avec un
filtrage des réponses entre 1 Hz et 25 Hz. Trois enregistrements de 200
tracés sont effectués.
Tests phonétiques
La reconnaissance de la parole a été
évaluée grâce à divers tests : listes de Lafon avec
ou sans l'aide de la lecture labiale, avec ou sans l'implant (1 liste, 51
phonème), liste de mots monosyllabiques (10 mots), listes de phrases
courtes (15 phrases), texte (durée : 5 mn)
Analyse statistique
Deux types d'analyses ont été effectuées
:
· d'éventuelles corrélations entre les
valeurs de latence des différentes ondes (P1, N1, P2, N2) et d'amplitude
(P1N1, N1P2, P2N2) et les taux de reconnaissance (% de phonèmes reconnus
ou mots/mn pour la répétition de texte) ont été
recherchées.
· Les valeurs de la tence et d'amplitude des potentiels
évoqués de deux groupes de patients repartis selon leurs
performances ont été comparées. Pour chaque test
phonétique, la population a été séparée en
deux groupes en fonction des performances (50 % meilleurs,50 % moins bons).
Résultats Potentiels
évoqués
Le tableau ci-dessous répertorie les différentes
valeurs de latence et d'amplitude observées :
Latence (ms)
|
Valeur
|
Ecart-type
|
P1
|
72
|
19
|
N1
|
105
|
19
|
P2
|
194
|
31
|
N2
|
252
|
22
|
Tests phonétiques
Amplitude (uV)
|
Valeur
|
Ecart-type
|
P1N1
|
0.88
|
0.62
|
N1P2
|
1.87
|
0.98
|
P2N2
|
1.21
|
0.67
|
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Sujets
Mots monosyllabiques ta Phrases Lafon IC Lafon IC + LL Lafon
LL
Figure 1- Taux de reconnaissance des sujets aux tests
phonétiques IC: avec implant cochléaire ; LL : avec lecture
labiale
Relation entre les potentiels évoqués
et la reconnaissance de la parole
Aucune corrélation entre les taux de reconnaissance et les
valeurs de latences ou d'amplitude des différentes ondes n'a
été mise en évidence de manière statistique.
Lorsque les sujets sont séparés en deux groupes
en fonction de leur performance, la seule différence significative est
obtenue pour les latences de P2 et de N2 lorsque les sujets sont
distingués en fonction de leurs performances en lecture labiale seule.
Les ondes des meilleurs sujets présentent une latence plus courte
(figure 2).
050 % moins bons · 50% meilleurs
250 --
c
t 200 -- 'o
Q.
0 150 -- H
el I I I II là é I I 11111
* 100 --
I I
Lafon LL
Figure 2- Comparaison entre les latences et intervalles
des différentes ondes de potentiels évoqués des deux
groupes de sujets. Le test phonétique est une liste de Lafon
présentée dans la condition "lecture labiale seule". Les
deux groupes sont bien distincts (colonnes de gauche). Les valeurs de
latences de P2 et N2 diffèrent (* p< 0.05)
Discussion
Notre étude n'a pas mis en évidence de
corrélation entre les variables des potentiels évoqués
tardifs et les performances de reconnaissance à la différence de
Makhdoum et al. (1997). Ces auteurs observèrent une corrélation
positive entre les taux de reconnaissance et les valeurs d'amplitude de l'onde
N1P2, ainsi qu'une corrélation négative avec les valeurs de
latence du pic P2.
En ce qui concerne les comparaisons entre les groupes de
sujets distingués selon leurs performances, la seule différence
de latence est obtenue dans le test de Lafon dans la condition de lecture
labiale seule. Les meilleurs sujets présentent des latences plus
courtes. Aucune différence relative aux amplitudes n'est observée
entre les groupes. Parfois la variabilité est plus importance dans le
groupes des sujets les moins bons.
Bibliographie
Gallégo S., Frachet, B., Micheyl C., Truy E., and Collet
L. (1999) Cochlear implant performance and electrically evoked auditory
brainstem response characteristics. EEGJ (in press).
Groenen P.A.P., Makhdoum M., Van Den Brink J.L., Stollman
M.H.P., Snik A.F.M., Van Den Broek P. (1996), The relation between electric
auditory brain stem and cognitive responses and speech perception in cochlear
implant users. Acta Otolaryngologica, 116, 785-790.
Herman B., Thornton A. (1992) Electrically-evoked auditory
brainstem responses in cochlear implanted subjects (abstr). Second
International Cochlear Implant Symposium, Iowa City, IA pp 57.
Kraus N., McGee T., Carrell T., and Sharma A. (1995)
Neurophysiologie bases of speech discrimination. Ear & Hearing, 16,
19-37.
Kraus N., Micco A.G., Koch D.B., McGee T., Carrell T., Sharma
A., Wiet R.J., and Weingarten C.Z. (1993) The mismatch negativity cortical
evoked potential elicited by speech in cochlear-implant users. Hearing
Research, 65, 118-124.
Makhdoum M.J., Groenen P. AP., Snik A. FM., and van den Broek
P. (1997) Intra- and interindividual correlation between auditory evoked
potentials and speech perception in cochlear implant users. Scandinavian
Audiology, 27, 13-20.
d- PEA Tardifs dans un protocole
Rare/Fréquent
Une méthode objective utilisant les potentiels
évoqués de latence tardive et permettant d'évaluer
objectivement les capacités de discrimination a été
développée récemment (Donchin & coll., 1978 ;
Fitzgerald & Picton, 1983 ; Nââtânen & coll., 1978,
1980). Le principe de la méthode repose sur le recueil des potentiels
évoqués par deux types de stimuli : l'un, dit stimulus standard,
présenté de manière répétitive ; l'autre,
dit stimulus déviant, présenté de manière
aléatoire et rare au sein de la séquence de stimuli standards. La
différence entre les potentiels évoqués par les deux types
de stimuli présente une négativité aux environs de 200 ms
appelée Mismatch Negativity (Nââtânen & coll.,
1978, 1980) ou négativité de discordance. L'apparition de l'onde
de discordance, liée à la détection automatique d'une
différence, précède tout traitement linguistique du
signal.
Kraus et al. (1993) ont mis en évidence l'onde de
discordance lors d'une stimulation électrique chez les implantés
cochléaires. En utilisant des signaux de parole
synthétisée de 100 ms, /da/ et /tai ils observent une
réponse similaire à celle recueillie chez des sujets
normo-entendants. L'utilisation clinique de cette technique dans le domaine de
l'implant permettrait d'évaluer l'intégrité du
système auditif, les capacités de discrimination (Kraus &
coll., 1993 ; Ponton & Don, 1995), de suivre l'évolution des
capacités au cours de la rééducation des sujets (Tremblay
& coll;, 1997 ; Kraus & coll., 1998).
Une utilisation clinique de l'onde de discordance
nécessite tout d'abord une caractérisation de cette onde. Nous
avons souhaité mettre en évidence et analyser l'onde de
discordance chez les implantés lors de la stimulation de deux
électrodes avec un même stimulus, ceci dans le but de comparer les
ondes en fonction des paramètres expérimentaux (occurrence,
position des électrodes).
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