LES POTENTIELS EVOQUES AUDITIFS ELECTRIQUES PRECOCES
(PEAEP) Introduction
L'exploration fonctionnelle des voies auditives fournit une
mesure objective de la réponse de ces systèmes à une
stimulation électrique. L'utilisation des potentiels
évoqués suite à une stimulation électrique de la
cochlée (PEAE) semble être intéressante. L'objectif
étant d'utiliser ces réponses électrophysiologiques pour
des applications cliniques, deux critères importants, la durée et
la fiabilité du recueil, doivent être prises en compte. Seules les
PEAEP permettent de répondre à ces contraintes ; en effets les
PEAE de latences moyennes et tardives ont des durées d'enregistrements
longues et des caractéristiques fluctuantes. L'étude des PEAEP
des sujets porteurs d'un implant cochléaire est riche en information.
Elle permet de mieux comprendre le fonctionnement rétrocochléaire
pour des stimulations électriques sur différentes zones de la
cochlée à différentes intensités. Elle aurait un
intérêt clinique tant au niveau du réglage (en particulier
chez l'enfant) qu'au niveau prédictif avant l'implantation. De plus
l'utilisation des PEAEP durant l'intervention permettrait de rassurer le
chirurgien sur le bon fonctionnement de l'implant cochléaire et du
système auditif.
II Les PEAEP
Les potentiels évoqués auditifs précoces
(PEAP) enregistrés sur le scalp reflètent le passage des influx
nerveux à travers les synapses du système auditif ou le long d'un
nerf auditif qui change brusquement d'orientation. Décrits dès
1967 (Sohmer et Feinmesser), ils sont composés de 7 ondes dans un
intervalle de temps inférieur à 10 ms (Jewett et Williston,
1971). Chaque onde correspond à l'activité prédominante
d'un ou plusieurs générateurs le long du système auditif
afférent, de la cochlée au corps genouillé médian
(Moore, 1987a, b). L'onde I est générée par les
ramifications du nerf auditif le long des cellules ciliées internes.
L'onde II est générée par le passage de l'influx nerveux
à travers le nerf VIII ainsi que par l'entrée dans le noyau
cochléaire. L'onde III est principalement générée
par la sortie du noyau cochléaire dorsal (homolatéral) ainsi que
par l'entrée dans le complexe olivaire supérieur. Le complexe
IV-V serait principalement généré par le colliculus
inférieur et le lemnisque latéral (controlatéral). Les
ondes VI et VII ne sont présentes que chez 70 % des sujets ; leurs sites
générateurs semblent être le corps genouillé
médian, néanmoins ils restent mal définis. La
caractérisation des PEAP
montre que les latences des ondes sont très sensibles
à l'intensité de stimulation et à la zone de
cochlée stimulée (Don et Eggermont, 1978 ; Gorga et al, 1988).
Des études chez le singe (Dobie et Kimm, 1980) ont
décrit la morphologie des PEAP par stimulation électrique de la
cochlée (PEAEP) lors d'une section du nerf facial et/ou vestibulaire.
D'autres auteurs (Gyo et Yanagihara, 1980 ; Charlet de Sauvage, 1983) ont
comparé les PEAP par stimulation acoustique et électrique (PEAEP)
chez le cochon d'Inde ou cobaye. Les latences des ondes en stimulation
électrique, sont plus précoces qu'en stimulation acoustique
d'environ 1 ms et sont peu sensibles à l'intensité de
stimulation. Les mêmes observations ont été faites chez
l'humain (Starr et Brackman, 1979). Les variations de latence en fonction de
l'intensité dans le cas d'une stimulation acoustique sont donc
principalement dues aux processus cochléaires. Le recueil de PEAP par
stimulation électrique de la cochlée chez l'humain est donc
très riche en informations, car il permet de mieux caractériser
et comprendre le système auditif rétro cochléaire en
éliminant les distorsions dues à la biomécanique
cochléaire.
Le développement de l'implant cochléaire (House
et al, 1976 ; Michelson, 1971 ; Simmons, 1966) a grandement facilité la
technique de recueil des PEAEP chez l'humain, car on a pu utiliser
l'électrode implantée comme stimulateur. Le développement
de ces techniques a permis de caractériser les PEAEP en fonction de
l'intensité de stimulation chez les sujets porteurs d'un implant
cochléaire monoélectrode (Honert et Stypulkowski, 1986). Les
résultats suggèrent que les PEAEP sont
générés de la même façon que les PEAP,
puisqu'il n'existe pas de différence statistique entre les intervalles
d11-111, dlll-V et dll-V des stimulations électriques et acoustiques. La
comparaison des ondes III et V des PEAP provoquées par une stimulation
électrique du noyau cochléaire et des PEAP obtenus par
stimulation acoustique chez les mêmes patients confirme ces
résultats (Waring, 1992, 1995). Néanmoins les auteurs nous
mettent en garde sur les difficultés inhérentes au recueil des
PEAEP. En effet la stimulation électrique de la cochlée peut
provoquer des réponses myogéniques (Fifer et Novak, 1990 ; Honert
et Stypulkowski, 1986), vestibulaires (Honnert et Stypulkowski, 1986) et
faciales (Waring, 1992). De plus l'artefact de stimulation est très
difficile à extraire du PEAEP. Des études effectuées
chez
l'animal (Honnert et Stypulkowski, 1984, 1986) retrouvera les
corrélations entre PEAEP et PEAP et
confirment qu'il existe une corrélation entre le nombre
de cellules survivantes du ganglion spiral et les amplitudes des PEAEP (Hall,
1990) ; hypothèses qui avaient été faites chez l'humain
(Brightwell et ail, 1985 ; Smith et al, 1983).
L'apparition des implants cochléaires
multiélectrodes (Clark et al, 1981 ; Eddington, 1980) a rendu possible
le recueil de PEAEP en stimulant une partie seulement de la cochlée
(Abbas et Brown, 1988). La caractérisation des PEAEP en fonction de
l'intensité de stimulation (Abbas et Brown, 1991) n'a pas montré
de différences majeures selon les parties de la cochlée
stimulées. Néanmoins, il est plus difficile d'obtenir des PEAEP
pour des stimulations de la base de la cochlée (Shallop et al, 1993), ce
qui contraint les auteurs à stimuler une zone assez grande de la
cochlée avec deux électrodes éloignées (Abbas et
Brown, 1991) ou d'étudier seulement l'onde V (Miller et al, 1993).
Plusieurs études ont recherché
d'éventuelles relations entre les caractéristiques des PEAEP et
les capacités perceptives telles que le seuil de détection
(Shallop et al, 1991,1993 ; Brown et Abbas, 1994 ; Mason et al, 1994 chez
l'homme ; Smith et al, 1994 chez le chat). Malheureusement ces
paramètres étaient très peu corrélés et les
corrélations ne pouvaient en aucun cas être utilisées en
routine clinique à des fins de réglage. D'autres auteurs ont
trouvé des relations entre les performances phonétiques des
sujets et les caractéristiques des PEAEP (Abbas & Brown, 1991 a,b ;
Herman & Thornton, 1992), suggérant que le recueil de PEAEP avant
l'implantation, par stimulation électrique du promontoire ou de la
fenêtre ronde, pourrait constituer un facteur pronostic.
L'objectif de notre travail a été dans un
premier temps de développer une technique fiable de recueil de PEAEP,
puis de caractériser ces PEAEP en fonction de l'intensité de
stimulation, du site de la cochlée stimulé, de la durée et
de la fréquence de la stimulation. Le deuxième temps consistait
à comparer les caractéristiques des PEAEP aux mesures subjectives
effectuées chez les mêmes sujets afin d'utiliser cette technique
de recueil des PEAEP à des fins cliniques.
Ili Recueil et conditionnement des potentiels
évoqués auditifs sur implant cochléaire
Si le recueil de potentiels évoqués auditifs
précoces (PEAP) par stimulation acoustique est devenu quelque
chosed'aisé et de classique, il n'en est pas de même pour les PEAP
par stimulation-électrique
(PEAEP). En effet la grande difficulté du recueil de
PEAEP réside dans l'élimination de l'artefact de stimulation qui
sature l'amplificateur différentiel d'entrée et masque donc les
PEAEP dont l'amplitude est de l'ordre du dixième de microvolt. A titre
d'exemple, la stimulation peut aller jusqu'à six volts, ce qui
représente un rapport d'amplitude de 6,000,000 entre la stimulation et
le recueil. Une étude approfondie sur les paramètres de
stimulation et de recueil pour l'obtention de PEAEP de bonne qualité est
donc nécessaire.
a/ Le Digistim+®
Pour le recueil des PEAEP, le système
spécialisé Digistim+® (cf partie psycho-physique)
remplace la partie externe de l'implant cochléaire. Il est
alimenté par des batteries, et est commandé par un P.C. via un
port série optocouplé. Ce système permet de
générer des stimulations dont plusieurs paramètres peuvent
varier (électrodes, amplitude, durée de pulse, fréquence
de stimulation). Il permet aussi de synchroniser les appareils de recueil de
PEA. Ce système permet aussi de stimuler directement la cochlée
sans passer par l'implant cochléaire ; il est utilisé pour
estimer l'état fonctionnel du système auditif avant
l'implantation. Comme nous l'avons décrit plus loin, il est aussi
possible de modifier la morphologie de la stimulation en fonction des
contraintes dues au recueil de PEAEP (réduction de l'artefact de
stimulation sur le recueil).
Système l'acquisition
2
Figure 72 : schéma de câblage du
Digistim+ avec l'appareil de PEAEP lors d'une stimulation
électrique de la cochlée via l'implant cochléaire
Digisonic ou une électrode temporaire extra-cochléaire
.
13/ L'artefact électrique
L'étude plus approfondie de l'artefact électrique
recueilli avec un système d'acquisition de PEAP a deux
intérêts :
- L'obtention d'un artefact après stimulation
électrique d'une électrode montre qu'il y a une stimulation
(Gallego et al, 1997). L'analyse des artefacts sur toutes les électrodes
permet donc de vérifier l'intégrité du système. La
position des électrodes de recueil adapté à l'acquisition
des artefacts de stimulation électrique est à définir.
- Le recueil des potentiels évoqués auditifs
électriques précoces, dont l'amplitude est de l'ordre du
dixième de micro-volt sur les cinq premières millisecondes,
impose d'avoir un artefact électrique peu ample et de courte
durée. La position des électrodes de recueil qui réduit au
maximum l'artefact de stimulation reste à définir.
Afin de trouver les positions optimales des électrodes de
recueil, des mesures in vitro (dans du liquide physiologique) couplées
à une modélisation de l'artefact de stimulation ont
été effectuées.
Mesure in vitro de l'artefact de stimulation
Nous voulons nous rapprocher au maximum des conditions
réelles du recueil des artefacts de stimulation chez un implanté
cochléaire. Nous disposons d'une cuve cylindrique de 20 cm de
diamètre et 15 cm de hauteur remplie de liquide physiologique, dans
lequel on plonge un implant cochléaire Digisonic®. Huit
électrodes de recueil sont placées à équidistance
sur le périmètre de la cuve dans le liquide physiologique. On
place le porte électrode au centre et le récepteur et
l'électrode de masse à la périphérie sur
l'emplacement d'une des électrodes. L'électrode de masse
située au niveau du récepteur récolte les charges
accumulées par les condensateurs de couplages des électrodes
intracochléaires. Pour la stimulation cochléaire,
l'électrode de masse n'a pas d'influence, par contre pour le recueil des
artefacts électriques, elle a un effet important car la longueur du
dipôle équivalent entre l'électrode de stimulation et
l'électrode de masse est environ cent fois plus grande que la longueur
du dipôle équivalent entre l'électrode de stimulation et
les autres électrodes intra-cochléaires. Le
Digistim® nous permet de contrôler la stimulation de
l'implant cochléaire (fréquence de stimulation, électrode
stimulée, amplitude et durée du pulse) tout en synchronisant le
système d'acquisition des artefacts électriques.
A
E Figure 73 : Principe de la
mesure in vitro des artefacts de stimulation mesurés dans un bocal
remplie
de liquide physiologique. Huit électrodes
Afin de minimiser la déformation des traces, on utilise
un spectre large pour l'enregistrement (0.2-8000 Hz) et une durée de
pulse longue (250 ps). L'électrode testée correspond à
celle placée au centre de la cuve (électrode 10).
Plusieurs configurations d'enregistrement par rapport au
porte-électrode et à l'électrode de masse de l'implant
cochléaire sont testées (28 combinaisons).
1000 3000
S., 2000
1000 0 --1000
--0.1
|
|
|
|
|
|
|
6
|
500 400 300 e
200 oo
-100 --200 --300
--100
--0.1
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
0.0
|
0.1
|
0.2 0.3
Temps (ms)
|
0.4
|
0.5
|
0
|
0.0
|
0.1
|
0.2 0.3
Temps (ms)
|
0.4
|
0.5
|
0.6
|
Figure 74 : Exemple de recueil de
l'artefact de stimulation avec une tension de E=3.35 volts et
une durée de pulse de 250ps: V+ =a, V- = c, masse = e (gauche), V+ =
g, V- = c, masse = e (droite)
Les tests effectués n'ont jamais montré une
annulation de l'artefact de stimulation. L'amplitude pour une tension
d'alimentation de 3.35 volt varie de 1 à 18 mV. Les amplitudes des
artefacts sont, les plus faibles lorsque l'électrode de masse est
à équidistance des électrodes de recueil (par exemple V+
=c, V- = g, masse = e), les plus élevées lorsqu'une
électrode de recueil est proche de l'électrode de masse de
l'implant cochléaire (par exemple V+ =d, V- = f, masse = g) .
L'orientation du porte-électrode semble avoir
très peu d'effet. Nous avons estimer l'influence de la partie
stimulation entre les électrodes intracochléaires en retirant
l'électrode de masse du liquide physiologique. Les tests
effectués n'ont jamais montré une annulation de l'artefact de
stimulation mais l'amplitude pour une tension d'alimentation de 3.35 volt est
beaucoup plus faible et varie de 0.1 à 1.5
mV. L'amplitude est la plus faible lorsque les électrodes
de recueil (V+V-) sont parallèles ou
perpendiculaires à l'axe du porte-électrode (par
exemple V+ = b, V- = d ; V+ = c, V- = g).
--100
200
--0.1 0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0 6 Temps
(ms)
300 200
3 100
0.1
0.2 0.3
Temps (ms)
0.4
0.5
06
Figure 75 : Exemple de recueil de l'artefact de
stimulation avec une tension de E=3.35 volts et une durée de pulse de
250ps: V+ =a, V- = c, (gauche), V+ = g, V- = c (droite)
Le modèle de recueil de potentiel de surface :
Nous sommes partis du modèle de stimulation
électrique développé dans l'article 2. Nous avons
ajouté l'électrode de masse. Comme l'a montré l'article 2,
le fonctionnement en masse-commune de l'implant (toutes les électrodes
sont impliquées) localise la stimulation électrique,
principalement entre l'électrode de stimulation et les deux
électrodes limitrophes. Pour simplifier le recueil de l'artefact
électrique, un quadripôle est considéré. Celui-ci
est défini par une équation différentielle
résoluble par Runge-Kutta sous matlab (en fonction de la durée et
de l'amplitude du pulse, et en fonction de l'impédance du milieu
physiologique).
V1
·
B
- ·
B'
-------- I ______
C2
v2
------- ------
C2 Cl
C2
R(E)
A
IL
0
Figure 76 : Modélisation de la stimulation
par un quadrupôle VA, VB, Vis' Vo. VBA et VBA=V1, VAo=V2
Dans le domaine de Laplace, les équations de VI et V2 sont
les suivantes ('p' étant la transformée de Laplace).
Figure 77 : Orientation et distances des
électrodes de recueil par rapport à la stimulation de
l'implant.
Pour chaque couple de pôle, le recueil de l'artefact
électrique équivalent est fonction de sa distance et de son
orientation par rapport aux électrodes de recueils (figure 78).
Contrairement aux mesures in vitro, nous faisons ici varier les distance dl et
d2.
Figure 78 : Paramètres à prendre en
compte pour le calcul de l'artefact électrique recueilli sur les
électrodes E+ et E-.
Après quelques simplifications (V+ ) - (V-) peut
être considéré comme une combinaison linéaire de V1
et V2 : (V+ ) - (V-)= m.V1 + n.V2
Où lo=0E+, 1'0=0E-, 11=AE+, 12=B'V+, l'2=B'V-, 13=BV+,
l'3=BV-. A leur tour chacune de ces
longueurs peut être défini par d1, d2, d3, 0, (p.
Afin de valider le modèle, nous avons comparer les
simulations par des expérimentations in vitro.
05
En faisant toutes les combinaisons possibles avec les 8
électrodes de recueil, la position de l'électrode de masse et
l'orientation du porte-électrode, l'amplitude varie de 0 à 40 mV.
Nous avons trouvé plusieurs configurations où l'artefact de
stimulation s'annule. OA doit être perpendiculaire à E+E- et 0 = 0
ou 7c/2 [7c] (figure 78). Les amplitudes maximales sont trouvées lorsque
l'électrode de masse est proche d'une électrode de recueil.
15
0,
Figure 79 : Exemple de recueil de
l'artefact de stimulation avec une tension E variable de 2.7 à 5.6 volts
et une durée de pulse de 250ps: V+ =c, V- = a, masse = e (gauche), V+
=c, V- = g, masse = e
(droite)
La même étude de simulation sans électrode de
masse, trouve des artefacts de stimulation beaucoup plus réduits
(inférieurs à lmV).
15
08 06
09 02
0:
.08 .08
05
Figure 80 : Exemple de recueil de
l'artefact de stimulation avec une tension E variable de 2.7 à
5.6 volts et une durée de pulse de 250ps: V+ =c, V- = a (gauche), V+
=c, V- = g (droite)
Les résultats obtenus par le modèle concordent
avec les mesures in vitro. Nous avons montré que les recueils d'artefact
de stimulation sont pour une bonne partie (jusqu'à 95 % de l'amplitude)
due au dipôle électrode de stimulation électrode de masse
et seulement pour 5% au tripôle B'AB.
Les deux positionnements recherchés sont les suivants :
- pour avoir une amplitude d'artefact de stimulation maximale,
il est nécessaire que les électrodes de recueils soit
parallèles au dipôle masse / électrode de stimulation.
L'amplitude est encore plus importante si une des électrodes de recueil
est proche soit de l'électrode de stimulation ou de l'électrode
de masse (si dl =d2).
- pour avoir une amplitude d'artefact de stimulation minimale,
les électrodes de recueils doivent être perpendiculaires au
dipôle masse / électrode de stimulation. L'amplitude est encore
plus faible si l'angle = 0 ou 7c/2 [irj et si l'électrode de stimulation
est à équidistance des électrodes de recueil.
La durée classique du pulse pour un E de 3.35 volts est
généralement comprise entre 5 et 50 ps au lieu de 250ps comme
nous l'avons étudié. La morphologie de l'artefact est alors
très influencée par les paramètres d'enregistrement du
système d'acquisition de PEAP (bande passante du
préamplificateur). Les amplitudes de l'impulsion sont, avec un
système de recueil classique, divisées environ par 25 (pour 5ps)
et 2.5 (pour 50ps) pour une bande passante de 10-8000 Hz. L'amplitude est donc
comprise entre 40pV et 800pV pour une durée de pulse de 5ps, et entre
400pV et 8000pV pour une durée de pulse de 50ps.
cl mesure du potentiel de surface (i.e. artefact de
stimulation)
Nous avons voulu mesurer les artefacts de stimulation sur le
scalp des sujets implantés cochléaires (mesure de potentiel de
surface). Après avoir étudier les différents placements
possibles des électrodes en fonction des contraintes anatomiques. Deux
configurations ont été choisies (figure 81).
- La première position des électrodes de recueil
est théoriquement idéale pour la mesure des artefacts
électriques des électrodes médianes (les électrodes
de recueil sont parallèles au dipôle et l'électrode de
masse est proche de l'électrode négative de recueil).
- La deuxième position est théoriquement
idéale pour supprimer l'artefact électrique du recueil des
électrodes basales (les électrodes de recueil sont
perpendiculaires à l'axe formé par l'électrode de
stimulation et l'électrode de masse.
Figure 81 · Meilleur
(gauche) et moins bon (droite) positionnement des électrodes de recueil
pour l'acquisition de l'artefact de stimulation.
Nous avons testé les artefacts électriques
évoqués par une stimulation des 15 électrodes sur 10
patients implantés pour les deux configurations (avec E=3.35 volts, une
durée de pulse de 10 ps, et une bande passante du
préamplificateur de 0.2-8000 Hz, chaque enregistrement est une moyenne
de 100 traces).
15 14 13 18 11 ID g 8 7 8 5 4 3 2 I
800
I 600
o
`g. 100
E
200
`)
140
16 14 13 18 II 10 8 8 7 8 5 4 3 8 I
800
f 400
-`é
200
Figure 82 : Recueil d'artefacts
électriques sur les 15 électrodes (positionnement des
électrodes de recueil en front - lobule, la durée du pulse est
de 10 ps avec E=3.35 V), chez un sujet porteur d'implant cochléaire
avec toutes les électrodes actives (gauche), chez un sujet porteur
d'implant cochléaire ayant une cochlée ossifiée avec
les électrodes 1 et 5 inactives (droite).
La figure 82 représente deux exemples de recueil des
artefacts. Chaque pic correspond à une des quinze électrodes. Le
patient de gauche a toutes les électrodes fonctionnelles et une
cochlée non ossifiée. Le patient de droite a une cochlée
ossifiée et deux des quinze électrodes non fonctionnelles.
L'ossification de la cochlée modifie la diffusion du courant et
l'impédance du milieu, ce qui perturbe l'amplitude et la morphologie de
l'artefact.
Pour chaque sujet testé, on a relevé l'amplitude
des artefacts correspondant à chaque électrode active. Seules 3
électrodes sur 150 testées n'ont pas évoqué
d'artefact électrique (pour le premier positionnement). Dans les 147
autres cas l'amplitude de l'artefact est positive. Par des mesures psycho-
physiques, ces 3 électrodes se sont révélées non
fonctionnelles.
Par contre 5 électrodes sur les 150 testées
n'ont pas évoqué d'artefact électrique pour le
deuxième positionnement. Chez 4 sujets sur 10 l'amplitude de l'artefact
change de polarité en fonction de l'électrode stimulée
(chez deux de ces patients l'électrode 2 ou 3 n'a pas de réponse
alors qu'elles sont fonctionnelles). 200
150 100
50
-0
E
< --50
--100
--150
15 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1
Numéro d'électrode (1:bose 15:opex)
Figure 83 : Exemple d'inversion de polarité
sur l'électrode 2 (la durée de pulse est de 10ps, E=3.35
V)
La figure représente les valeurs moyennes (et erreurs
standards) des amplitudes des artefacts en fonction de l'électrode
stimulée (pour les deux configurations).
700 600 500 Y. 400 -0 300 200 100 0
--100
15 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1
Numéro d'électrode (1:base, 15:apex)
Figure 84 : Moyenne et erreurs standards sur 10
sujets porteurs de l'implant cochléaire Digisonice des amplitudes des
artefacts électriques de chacune des électrodes avec la position
1( ·) et 2 () des électrodes de recueil (la durée de
pulse est de 10ps avec E=3.35 V).
L'utilisation de la mesure de l'artefact de stimulation pour
mesurer l'intégrité du fonctionnement de l'électrode
testée est fiable à 100% avec le positionnement 1 des
électrodes de recueil. Cela permet, contrairement aux autres
systèmes d'implants cochléaires d'utiliser la mesure de
l'artefact en routine clinique (Gallégo et al, 1997).
Les amplitudes des artefacts sont en moyenne divisées
par 10 avec la deuxième configuration des électrodes de
recueil (de 0 à 100 pV). Le modèle ainsi que les mesures in-vitro
sont en accord avec ces résultats clinique in-vivo. La position Front
- Menton est celle qui est la mieux adaptée au recueil des
PEAEP pour la suppression de l'artefact. La position
homolatérale (Front -- Oreille homolatérale) permet d'obtenir des
artefacts de grande amplitude.
d/ Les paramètres importants pour le
recueil:
o
o Figure 85: Orientation du
champ électrique émis par un dipôle.
Pour les PEAP (en stimulation acoustique) les
électrodes de recueil sont positionnées sur le lobule (ou la
mastoïde) homolatéral et sur le front (ou le vertex).
L'électrode de référence est positionnée
généralement sur le lobule contralatéral, mais sa place
n'a pas d'influence sur le recueil. Les PEAP reflètent donc
l'activité des voix auditives localisées entre les deux
électrodes. Le potentiel recueilli est celui du dipôle
créé par l'influx nerveux. Son amplitude sera fonction de la
distance et de l'angle entre les électrodes de recueil et le
dipôle (plus le dipôle sera éloigné, plus l'amplitude
sera faible, si l'angle est de 90° le potentiel sera nul). Les PEAP sont
donc une combinaison géométrique des différentes
activités du système auditif. L'activité correspondant
à un dipôle orienté perpendiculairement aux
électrodes de recueil ne pourra pas être enregistrée.
Figure 86 : Positionnement
conventionnel des trois électrodes de recueil de PEAP. La stimulation
acoustique est envoyée à l'oreille homolatérale.
Pour le recueil des PEAP avec une stimulation électrique,
il est difficile d'utiliser un positionnement conventionnel des
électrodes car le dipôle créé par la stimulation
électrique vient masquer les potentiels à recueillir. Comme
l'a montré l'étude précédente, ie positionnement
des électrodes de recueil est
déterminant pour la suppression de l'artefact
électrique. Pour éviter les phénomènes de
saturation de l'amplificateur différentiel d'entrée, il est
préconisé d'utiliser un axe de recueil perpendiculaire à
l'axe de stimulation. Le problème étant de savoir si cette
position idéale pour la stabilité du système
d'enregistrement est une orientation qui permet d'obtenir des PEAEP
reproductibles, quantifiables, interprétables et d'une morphologie
similaire à ceux recueillis par un positionnement homolatéral des
électrodes de recueil.
En effet, les potentiels évoqués
représentent les champs créés par des dipôles
lointains générés par des passages d'influx nerveux. La
différence de potentiel (ddp) recueillie est principalement fonction de
trois paramètres : la longueur du dipôle, la distance qui
sépare le dipôle et les électrodes de recueil, et l'angle
entre le dipôle et l'axe des électrodes de recueil. Une mauvaise
orientation des électrodes de recueil engendrerait un mauvais recueil de
potentiels évoqués.
E+
E-
Figure 87 : Principe d'une mesure
d'une ddp évoquée par un dipôle éloigné
AB dans un milieu Homogène
Certaines études sur les PEAP par stimulation
acoustique (Phillips et Thornton, 1995) ont caractérisé les
modifications des potentiels en fonction des positions des électrodes de
recueil. Il a été montré notamment qu'un enregistrement de
PEAP controlatéral était moins exploitable qu'un enregistrement
homolatéral, surtout pour l'estimation des seuils. Le recueil
homolatéral, permettait entre autre d'obtenir les réponses
très périphériques telles que les ondes I et II.
Outre les problèmes liés à l'artefact de
stimulation et à l'orientation des électrodes de recueil, le
recueil des PEAEP nécessite le moyennage de nombreuses réponses.
En effet, l'amplitude des ondes des PEAP ou/et PEAEP dépassent rarement
le microvolt alors que la ddp provenant des activités biologiques est de
l'ordre de 100 microvolts. Cette ddp provenant des activités biologiques
diverses telles que l'EEG, l'ECG, l'EMG est désynchronisée de la
réponse auditive. Le moyennage permet de réduire son influence.
Son amplitude décroît proportionnellement à la racine
carrée du nombre de réponses moyennées ; cette valeur
théorique est une sous-estimation des valeurs expérimentales
(Grônfors, 1994). L'autre principe permettant d'augmenter le rapport
signal sur bruit est de filtrer chaque trace et/ou la trace moyenne de
manière analogique et/ou numérique afin de privilégier les
fréquences
caractéristiques du PEAP ou/et du PEAEP et de minimiser
l'amplitude des fréquences indésirables contenues dans les bruits
physiologiques.
La technique de moyennage permet également d'augmenter
artificiellement la résolution du convertisseur analogique
numérique (CAN) du système de recueil. Avec un CAN de n1 bits qui
décompose sa dynamique en 2n1 niveaux, on peut obtenir une
décomposition de la même dynamique par (2n2) niveaux en
moyennant 2(112-111) signaux. A titre d'exemple, pour passer avec un
CAN de 8 bits à une résolution de 18 bits, il suffit de moyenner
1024 fois le signal (pour une sensibilité de 100pV, on passe d'une
résolution de 400 nV à 0.4 nV). Ce calcul n'est valable que parce
que le signal que l'on moyenne est bruité par un signal non
stationnaire.
1 3 4 5 Moyenne
Figure 88 : Moyennage et
résolution Exemple avec un CAN 2 bits 0-5 V et un signal de 2 V avec
un bruit de 1 V.
La figure 89 représentant l'évolution de la
qualité des PEAEP en fonction du moyennage (par pas de 256) et de la
position (homolatérale versus controlatérale) des
électrodes reflète bien la problématique du choix des
paramètres de recueil.
La morphologie des PEAEP en fonction des positions
d'électrodes présente des différences en ce qui concerne
les premières ondes (ondes II et III). L'enregistrement
homolatéral semble demander un moins grand nombre de tracés (512
versus 1024) pour avoir une stabilisation des latences et amplitudes des ondes
mais il est beaucoup plus perturbé par l'artefact électrique.
Figure 89 : Exemple de recueil de
PEAEP en homolatéral et contralatérale pour différents
moyennages (256, 512, 768, 1024, 1280, 1536, 1792, 2048 moyennages).
et Les paramètres importants pour la
stimulation:
La qualité des tracés de PEAEP dépend
beaucoup des caractéristiques de la stimulation électrique.
Morphologie de l'impulsion délivrée par l'implant Digisonic :
L'article 2 modélisant la forme et les
caractéristiques de la stimulation électrique
générée par l'implant révèle une morphologie
asymétrique de l'impulsion comportant une phase positive ample et
très courte, puis une phase négative de plus faible amplitude et
plus longue durée. Le rapport entre les amplitudes des phases positives
et négatives est d'autant plus grand que la durée de stimulation
est faible. Comme nous l'ont montré les études psychophysiques
sur l'évaluation des seuils de détection et confort, la
durée de l'impulsion positive est en moyenne de 30 ps (article 7). Avec
cette durée d'impulsion le rapport entre l'amplitude de la phase
positive et l'amplitude de la phase négative est d'après le
modèle de 10. La partie de la stimulation qui active les neurones du
ganglion spiral est donc essentiellement la phase positive, la phase
négative ne servant qu'à équilibrer les charges pour
éviter les phénomènes d'électrolyse. Des
études comparant de la stimulation monopolaire ou bipolaire
asymétrique par rapport à la stimulation bipolaire
symétrique (Frijns et al, 1996) retrouve ces résultats.
Zone de stimulation de la phase positive
Zone de stimulation
de la phase négativ
Figure 90 : Zone de stimulation des
neurones en fonction de l'asymétrie de l'impulsion
Avec ce type de stimulation électrique, le recueil des
PEAEP est quasi impossible car la durée de la phase négative est
importante et son amplitude est loin d'être négligeable (entre
200.000 à 600.000 pV pour une durée de 30 ps sur la phase
positive), ce qui produit des dérives et des artefacts perturbant le
recueil. Comme seule la phase positive est responsable de l'activation des
neurones, nous avons modifié la morphologie de la stimulation en
inversant l'ordre des deux phases. Commencer par la phase négative
permet, comme le montre la figure 91, l'arrêt de la stimulation 50 ps
après l'activation de la phase positive tout en maintenant
l'équilibre des charges. De plus, d'un point de vu électronique,
l'amplificateur différentiel de l'appareil de recueil supporte beaucoup
mieux la stimulation ; en effet la phase négative, beaucoup moins
agressive, charge négativement l'amplificateur puis la phase positive,
très agressive, rééquilibre les charges.
I
Figure 91: Modification de
l'impulsion électrique en impulsion triphasique asymétrique
Fréquence de stimulation :
Afin d'utiliser le recueil des PEAEP en routine clinique, il
est nécessaire de mettre au point des protocoles simples et rapides.
Généralement, les fréquences de stimulation sont de
l'ordre de 20 Hz. L'obtention d'une courbe moyenne de 2.000 tracés
nécessite donc 100 secondes d'enregistrement. Nous savons d'après
la littérature et des études préliminaires (Abbas et
Brown, 1991 ; Kasper, 1992 ; Gallégo et al, 1997) qu'il est possible
d'obtenir des PEAEP à des fréquences élevées tout
en préservant la morphologie et les caractéristiques des ondes.
Cependant, lorsque la fréquence de stimulation est élevée
(100 Hz et plus) les potentiels évoqués de latence moyenne ou
tardive se superposent aux enregistrements des PEAEP. Nous avons mis au point
une technique de dérive de la fréquence de stimulation qui permet
par moyennage d'éliminer sur le recueil les PEA indésirables
générés bien après la fenêtre temporelle
d'analyse de 5 à 10 ms (figure 92). Il est ainsi possible d'obtenir des
PEAEP à des fréquences de stimulation allant jusqu'à 200
Hz soit un temps d'acquisition divisé par 10 par rapport à un
enregistrement conventionnel.
R Na Nb
Figure 92 : Intérêt
de la dérive de la fréquence de Stimulation pour la suppression
des activités auditives au-delà de la fenêtre temporelle
analysée
Pour des raisons de limitation du système
d'enregistrement et non du système de stimulation et/ou de contraintes
physiologiques, les études suivantes ont été
effectuées avec des fréquences de stimulation de 60 Hz (soit un
gain de 3 en temps de stimulation).
fi Faisabilité du recueil de PEAEP via l'implant
cochléaire Digisonic
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