Le Forum de Trajan à Rome. Templum Divi Traiani. Etat de la question et tentative d'interprétation. I. Commentaires et analyse( Télécharger le fichier original )par Claire Richard Université Catholique de Louvain (Belgique). Faculté de Philosophie et Lettres. Département d'Histoire de l'Art et d'Arché - Licence en Histoire de l'Art et Archéologie 2005 |
III. CONCLUSIONCe bref préambule avait pour objectif de faire le point sur les données archéologiques en notre possession et d'établir les bases nécessaires à la une bonne compréhension de la suite de cette étude. Il n'est évidemment pas possible, pour conserver un discours cohérent et structuré, de prendre en considérations toutes les propositions de reconstitution émises. C'est ainsiAinsi que, pour éviter toutes confusions, je poursuivrai en me basant sur les fondements archéologiques établis par R. MENEGHINI. Sa reconstitution planimétrique, qui reste évidemment toujours hypothétique et qui peut être infirmée à tout moment, nous servira de point de référence. Toutes ces digressions nous ont permis de mettre au clairdécouvrir le contexte historique du Forum Traiani et de prendre compteconstater de l'ampleur et de la complexité de la problématique autour du Templum Divi Traiani. Nous allons donc dès à présent, sur la bases de ces données archéologiques, mais en ayant recours également à d'autres types de sources, tenter de dégager le terrain et d'avancer de nouvelles propositions quant àsur l'interprétation des deux limites du complexe trajanien. CHAPITRE II. À LA LUMIÈRE DES NOUVELLES DÉCOUVERTES, MISE AU POINT, ESSAITENTATIVE D'ANALYSE ET D'INTERPRÉTATION I. PRÉALABLESA. LE CONCEPT DE FORUM TRIPARTITENous venons d'appréhender, dans le précédent chapitre, les données archéologiques. Au terme de ce développement, nous pouvons souligner constater la détermination des chercheurs à placer au sein du complexe trajanien un édifice cultuel. Ces études se basent principalement, on l'a vunous l'avons vu, sur des sources littéraires, épigraphiques et numismatiques au détrimentcontre des vestiges archéologiques lacunaires, du moins jusqu'aux recherches de R. MENEGHINI. Les publications s'interrogeant sur la situation et la physionomie du Templum Divi Traiani ne sont plus à compterlégion. Mais tentons de comprendre cette ferveur interrogative. En vérité, cette obstination à positionner un templum au nord de la Columna Traiana, dans l'élaboration progressive des reconstitutions hypothétiques, semble nettement dirigées'orienter vers une volonté : , celle de parvenir à un schéma planimétrique qui englobe les trois composantes du forum type : la place bordée de portiques, la basilique et le temple italique (templum Italicum sine postico). J.-Ch. BALTY nous explicite l'élaboration de ces éléments conventionnels constitutifs des fora dit tripartites : en bref, c'est vers la fin du IIème siècle av. J.-C. qu'un temple souligne, désormais, de par son ampleur, l'une des extrémités de l'area forensis (Pompéi) (fig. 29)65(*); à l'époque de Sylla et plus précisément à Alba Fucens, la basilique vient se positionner sur un des petits côtés de la place66(*)(fig. 30) ; et enfin, entre le Ier siècle av. J.-C. et le Ier siècle apr. J.-C., la place s'entoure de portiques et se ferme définitivement67(*). On Nous en arrivonse alors à un schéma planimétrique similaire à celui prescrit par Vitruve, dans son De architectura (V, 1, 7)., Ppour Fano (Colonia Iulia Fanestris), : la curie/tribunal (aedes Augusti) s'ouvre sur la basilique positionnée transversalement à la place, . Ccette dernière fait face, de l'autre côté de la place, à un temple dédié à JupiterIupiter. L'élaboration de ces trois structures stéréotypées aboutit subséquemment par conséquent à la fermeture progressive du forum. Dès lors, tourné essentiellement sur lui-même, il constitue désormais un ensemble architectural unifié et prône une harmonisation de ses composantes. L'axialité et la symétrie sont de mise dans les principes de composition. Comme le proclame R. MARTIN, « au type ouvert, discontinu, à tendance agglutinante, se substitue un type fermé, sans relation avec l'extérieur, où la place, centre d'attraction, devient une cour délimitée, simple espace à ciel ouvert entre les portiques et les colonnades qui en constituent l'ossature »68(*). On parle alors de « bloc-forum ». Citons quelques exemples illustratifs de ce choix de typologie planimétrique: en Gaule romaine, on nous retrouve retrouvons notamment le complexe de Feurs69(*) (Ier siècle av. J.-C.-Ier siècle apr. J.-C.) (fig. 31, a) ou de Saint-Bertrand-de-Comminges70(*) (fin du Ier siècle av. J.-C.) (fig. 31, b) ; pour la Germanie, on nous mentionneronsa le forum d'Augst71(*) (IIème siècle apr. J.-C.) (fig. 31, c) ; et enfin, pour l'Afrique, Leptis Magna (fin du IIème siècle apr. J.-C.) en est un bon exemple (fig. 31, d). Ce concept de schéma tripartite issu de la tradition tardo-républicaine fut également appliqué à d'autres ensembles architecturaux plus tardifs comme celui du Panthéon (fig. 32). De fait, Hadrien (118 et 125 apr. J.-C.) insère un édifice cultuel (1), le Panthéon (1), au sein d'une cour bordée de trois portiques (2) qui viennent clore la composition ;. Eet à l'arrière, accolée au temple, la Basilica Neptuni (3) constitue le dernier élément canonique. Sous l'Empire, dans les villes provinciales d'occidentd'Occident, le temple peut être destiné au culte impérial. C'est ainsi que pour les forums impériaux, on peutnous pouvons parler véritablement de monuments honorifiques érigés à la gloire de l'empereur et voués à son culte72(*). C'est bien évidemment ce schéma qu'on a voulu appliquer au Forum Traiani. C'est pourquoi, comme déjà noté dans le chapitre précédent, parmi les deux hypothèses émises par R. MENEGHINI, la seconde situait le Templum Divi Traiani en face de la Basilica Ulpia (fig. 9). Il est vrai que placer un temple colossal dans l'axe de la porte de la Columna Traiana aurait constituéer une interaction visuelle mais surtout symbolique on ne peut plus alléchante entre les deux structures. MaisCependant, depuis les dernières investigations, l'idée d'un temple canonique dans ce secteur est à proscrire. Cependant Or, ne pourrionsait-nousn pas voir en l'aula méridionale une zone cultuelle pour retrouver ce même choix urbanistique ? La question reste ouverte pour le moment. Toutefois, si l'on observe les autres Fori Imperiali, ce concept n'apparaît pas aussi clairement que défini supra. De fait, pour ce qui concerne le Forum Iulium, la basilique est manquante (bien qu'une source telle que Cicéron (Atticus, IV, 16, 8) en fait fasse mention (Atticus, 4, 16, 8)), mais cette absence on peutest peut-être à lier cette absence àavec la proximité immédiate des basiliques Iulia (dont la construction a été lancée par César dès 54 av. J.-C.) et Aemilia (qu'il a restaurée à la même époque) du Forum romainRomain. La même carence lacune se retrouve au Forum Transitorium, mais celle-ci est probablement liée à la topographie et l'exiguïté du terrain. De plus, il serait fort hasardeux d'avancer de telles explications pour le Templum Pacis qui de lui-même ne constitue pas un forum en tant que tel. Cependant, le Forum Augusti est de nouveau un bel exemple demanifeste de nouveau cette volonté de calquer ce schéma tripartite. En effet, récemment, à la suite à de la découverte des vestiges d'une exèdre à l'ouest du complexe, E. LA ROCCA a voulu y voir une transposition du plan vitruvien. Il propose de positionner une basilique à exèdres en vis-à-vis du Temple de Mars Ultor73(*) (fig. 33). Il reproduisant, par conséquent, le plan d'un forum tripartite par excellence. Néanmoins, l'espace entre l'édifice cultuel et ce bâtiment où se rend la justice semble bien étroit., Ddès lors l'idée de P. GROS qui de placer le tribunal (tout en utilisant comme terminologie le mot basilica) dans les deux hémicycles septentrionaux semble plus attrayante74(*). Toutefois, dans l'ensemble, ces Fora Imperialia reproduisent le schéma d'une place fermée où l'accessibilité est réduite par un nombre d'entrées limitées ;. ils Ils rejoignent, par conséquent, donc cette typologie de « bloc-forum ». Au regard de ces distorsions, il émane que si ce schéma tripartite peut assez facilement se dégager dans les cités provinciales, toutefois, si nous observons ce qui porte la dénomination de forum au sein de l'urbsUrbs, il semble difficile de pouvoir établir formellement comme tel ce concept. Dès lors pourquoi chercher à l'appliquer impérativement au Forum Traiani ? Comme J.-Ch. BALTY75(*), j'adhère à l'idée qu'il ne faut pas chercher ici un plan canonique car il existe d'innombrables variantes à la fois régionales (il faut distinguer la capitale, Rome, le centre de pouvoir, des régions qui constituent son Empire), sociales (il s'agit d'une construction qui émane de l'empereur et qui porte son nom), topographiques (l'exiguïté du terrain où s'implante les Fori Imperiali, tout comme la préexistence d'édifices antérieurs), politiques, fonctionnelles, etc.. De plus, comme nous avons pu le voir ci-dessus, la nouvelle physionomie du forum Forum fait tomber toutes ces prérogatives. Le nouveau plan ne connaît pas d'autres précédents bien qu'on puisse évidemment en dégager des éléments conventionnels fondamentaux des fora (place, portiques, basilique). C'est donc toute l'idéologie sous-jacente qui est radicalement différente, il faut donc se méfier de tout rapprochement trop hâtif avec les autres fora. Cependant, il me semble intéressant de souligner également que pour J. E. PACKER, il existe tout d'abord une interaction entre le Forum Traiani et les autres Fori Imperiali qui vient entériner la présence d'un temple. De fait, « planimétricalement » (et non visuellement pour le spectateur) un axe privilégié se dessine, l'axe nord-sud. Il le fait traverser successivement, sur la base des données archéologiques en sa possession à ce moment, le Templum Divi Traiani, l'Equus Traiani, le Forum Augusti, le Forum Nervae, le Templum Pacis pour se terminer au temple proprement dit de ce Forum Vespasiani76(*)(fig. 34). Des analogies arithmétiques de même type ont pu se dégager des études de A. FRAZER, G. WIGHTMAN ou encore tout récemment de M. WILSON JONES. Pour le premier, il existe sept séquences dominantes qui ressortent dans les cinq Fora Imperialia, et l'élément à prendre en considération est qu'elles sont globalement de la même dimension, 400 pieds romains ou 118 m77(*)(fig. 34). Le second, dans une étude complexe de 1997, note l'existence d'une proportion arithmétique (x) que l'on retrouve comme dimension de base pour l'ensemble des Forums Impériaux (fig. 35). Il explique que pour chaque mesure que l'on dégagera d'un des complexes, on nous trouveronsa un multiple ou un diviseur de x. Cette proportion x équivaut approximativement à 150 pieds romains ou 45 m78(*). Enfin, le troisième parle essentiellement de reprises de « key dimensions » de 50, 150 et 400 pieds79(*) (fig. 36). Il semble donc exister un lien mathématique clair parmi les différents Fora qui n'est nullement remis en cause par les récentes découvertes. J. E. PACKER tient ensuite à voir aussi au sein du complexe trajanien, le dernier des Fori Imperiali, une inspiration venant des autres Fora : notamment les exèdres, le pavement des portiques, le Templum, le décor architectonique, etc. qui renvoient au Forum Augusti, l'Equus Traiani qui rappelle l'Equus Caesaris, etc.80(*). Il insiste tout particulièrement sur une correspondance avec le Templum Pacis (nous développerons cette proposition par la suite) qui perdrait de sa pertinence si on nous infirmionsait la localisation au nord de la Columna Traiana du si controversé Templum Divi Traiani (ce qui me semble d'ailleurs à discuter, nous y reviendrons). Tout ceci et bien d'autres points lui permettent alors de défendre l'hypothèse de la présence incontestable, à l'époque d'Hadrien, d'un temple colossal en l'honneur de ses parents adoptifs à la limite septentrionale du site. Toutefois, si l'on nous observonse des fora comme ceux de Britannia, dans la majorité des cas, ils ne présentent pas de temple. Prenons le cas du site d'époque hadrienne (117-138) de Caerwent (fig. 37) : le forum possède bien une place fermée d'un côté par une basilique transversale et clôturée de l'autre par trois portiques qui viennent restreindre le nombre d'accès, on nous rejoignonst donc cet archétype de « bloc-forum », mais le site ne s'est vu octroyéer un temple que plus tardivement. ; Ppar conséquent, il ne faisait pas partie de la conception première du forum. Ne pourraitpourrions-on nous pas voir ce même changement de procédé typologique en sein du Forum Traiani ? Même si cette interrogation pourrait s'avérer juste (nous y reviendrons), la question du projet originel reste cependant la même. En conclusion, on nous ne peut pouvons pas en arriver à prétendre qu'un temple inclus dans le complexe trajanien, dans sa conception originelle du moins, soit un fait évident. Il est certain que de nombreux chercheurs, comme P. ZANKER, S. SETTIS, J. B. WARD-PERKINS, avaient adhéré à cette idée qui leur semblaient alors naturelle puisque, comme le dit S. SETTIS, une amputation serait « contro la tradizione » 81(*). De fait, avec les premiers essais du reconstitution du site, notamment le plan proposé par G. GATTI, les composantes du forum tripartite (place portiquée, Basilica Ulpia, Templum Divi Traiani) ressortaient immanquablement (bien que la typologie de cette zone cultuelle soit innovante puisque le temple s'insère dans un portique en fer à cheval, non pas coupéer du monde extérieur, mais présentant des accès latéraux créant ainsi la liaison avec le Campus Martius). Pourtant, les découvertes de 1998-2000 renversent radicalement la donne, et il est temps maintenant de réviser ces préjugés trop hasardeux. Cependant, si l'on hypothèque la présence d'un templum colossal au sein du forumForum, c'est toute l'idéologie sous-jacente à la construction qui est à revoir. Ou alors faut-il attribuer à une autre composante le rôle d'édifice cultuel ? Quelle était la volonté de l'Optimus Princeps et de son architecte Apollodore de Damas ? Quelle image voulait-il transmettre par une telle construction sans précédent? C'est, dès lors, ici la question de la « laïcisation » du Forum de Trajan qui est posée. * 65 BALTY J. Ch., 1999, p. 92; GROS P., 1996, p. 211. * 66 BALTY J. Ch., 1999, p. 93; FELLMANN R., 1958, p. 117. * 67 BALTY J. Ch., 1999, p. 93; GROS P., TORELLI M., 1992, p. 345. * 68 MARTIN R., 1987, p.164-165. * 69 CAVALIERI M., 2002, p. 144-149 ; GROS P., 1996, p. 221. * 70 CAVALIERI M., 2002, p. 202-206. * 71 CAVALIERI M., 2002, p. 214-221 ; GROS P., 1996, p. 257-258. * 72 MARTIN R., 1987, p. 168. * 73 LA ROCCA E., 1998, p. 169-172; idem, 2001, p. 192-194. * 74 GROS P., 1996, p. 216. * 75 BALTY J. Ch., 1999, p. 91. * 76 PACKER J. E., 1994, p. 172; idem, 2001, p. 174. * 77 FRAZER A., 1993, p. 411-419. * 78 WIGHTMAN G., 1997, p. 65-88. * 79 WILSON JONES M., 20032001, p. 162. * 80 PACKER J. E., 1994, p. 174-177; idem, 2001, p. 182. * 81 ZANKER P., 1970, p. 538 SETTIS S., LA REGINA A., AGOSTI G., FARINELLA V., 1988, p. 75-76; WARD-PERKINS J. B., 1976, p. 349; ZANKER P., 1970, p. 538. |
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