Le Forum de Trajan à Rome. Templum Divi Traiani. Etat de la question et tentative d'interprétation. I. Commentaires et analyse( Télécharger le fichier original )par Claire Richard Université Catholique de Louvain (Belgique). Faculté de Philosophie et Lettres. Département d'Histoire de l'Art et d'Arché - Licence en Histoire de l'Art et Archéologie 2005 |
II. TEMPLUM DIVI TRAIANI ?A. LES SOURCES ARCHÉOLOGIQUES, NUMISMATIQUES ET LITTÉRAIRESL'élément déterminant, d'un point de vue archéologique, fut la découverte d'une double inscription de dédicace. La première épigraphe proviendrait de la zone de transition entre les complexes trajanien et augustéen. Nous disposons de peu d'informations (essentiellement le C.I.L) quant àsur cette découverte : ce titulus serait aurait été transcrit au XVIème siècle par Silvester S. Peruzzi PERUZZI et conservé au musée Museo degli Uffizi de Florence95(*) (fig. 45). L'inscription, bien que fragmentaire, a pu être restituée comme suite. [E]X· S· C· DIVI[s Tr]AIANO· PARTHICO· ET ·[Plotinae / im]P CAES[ar / di]VI ·TRAIANI ·PARTHICI [f] DIVI N[ervae / nepos s traia]NUSNVS ·HADRIANUSHADRIANVS ·AVG ·PONT·M[ax / trib. Pot. --] COS ·III ·PARENTIBUSPARENTIBVS·SVI[s] C.I.L., VI, 966 = I.L.S., 306 « Sur décision du Sénat, aux divins Trajan Parthique et Plotine, l'Empereur César, fils du divin Trajan Parthique, petit-fils du divin Nerva, Trajan Hadrien Auguste, Grand Pontife, investi de la puissance tribunicienne, consul pour la troisième fois, à ses parents. » Traduction de l'auteur Une seconde inscription au texte similaire, exhumée en 1695, provient des substructures de l'église San Bernardo (Santissimo Nome di Maria depuis sa destruction en 1748)96(*). Acquise en 1703, elle est actuellement conservée dans la Galleria Lapidaria (n° inv. 6.886) des musées Musées du Vatican. E ; elle est constituée de lettres de bronze insérées dans une dalle de marbre (fig. 46). D(ivo) NER(va) TRAIANO PARTHICO ET DIVAE / PLO(tinae) DIVI TRAIANI PARTHICI VXORI / IMP(erator) C(aesar) TRAIANVS HADRIANVS AVGVSTVS / P(ontifex) M(aximus) TR(ibunicia) P(otestate) CO(n)S(ul) III PARENTIBVS SVIS C.I.L., VI, 966 « Au divin Nerva Trajan Parthique et à la divine Plotine, épouse du divin Trajan Parthique, l'Empereur César Trajan Hadrien Auguste, Grand Pontife, investi de la puissance tribunicienne, consul pour la troisième fois, à ses parents. » Traduction de l'auteur Tentons d'analyser les composantes de cette inscription pour en dégager une séquence chronologique. Trajan et son épouse Plotine présentent ont tous deux le titre de divus/diva, ils sont donc décédés. Trajan est mort le 9/11 août 117 apr. J.-C. à SelinonteSélinonte en Cilicie et Plotine en 121-122 apr. J.-C.. L'empereur a reçu son nomen ex virtute de Parthicus le 21/23 février 116. Hadrien, quant à lui, devient Imperator Caesar Traianus Hadrianus Augustus en 117, il est Grand Pontife dès 117 et proclamé pour la troisième fois consul en 11997(*). C'est communément la puissance tribunicienne qui sert de repère pour établir une datation, mais dans notre cas, il n'est pas mentionné le nombre de fois où celle-ci a été renouvelée. Le terminus post quem est fixé, par conséquent, sur la base du décès de Plotine en 122 apr. J.-C. Généralement, on considère que c'est après son retour de voyage à l'étranger, c'est-à-dire en 127/128, qu'Hadrien aurait réalisé cette dédicace. Cette date marque aussi la fin de son consulat et constitue donc le terminus ante quem. La séquence chronologique est dès lors comprise entre 121/122-127/128 apr. J.-C.. Nous disposons également d'émissions monétaires en or reprenant le même type de dédicace. En effet, sur un premier type98(*) (fig. 47), on nous retrouvonse au droit l'effigie d'Hadrien, de profil, tourné vers la droite avec en bordure de champs la légende HADRIANVS AVG COS III PP. Le revers présente les portraits de Trajan et de Plotine affrontés et surmontés chacun d'une étoile avec la mention sur le pourtour du champ DIVIS PARENTIBVS. Hadrien en est donc également à son troisième consulat (119), il ne recevra officiellement le titre de Pater Patriae qu'en 128, mais il semble que ce nom se retrouve déjà sur des épigraphes avant cette date99(*). La dédicace du revers est similaire à celle étudiée. ; Dde même, elle est destinée aux parents adoptifs de l'empereur, Trajan et Plotine, qui ont été déifiés. Ce type monétaire est daté également des années 128/130 apr. J.-C100(*). D'autres émissions analogues (fig. 48) comportent alternativement les portraits de Trajan au droit et de Plotine au revers avec comme légende DIVO TRAIANO AVGVSTI PATRI et DIVAE PLOTINAE AVGVSTI MATRI101(*). Comme j'ai déjà pu le souligner ci-dessus, nous ne possédons pas d'autres preuves archéologiques pouvant affirmer la présence d'un temple sur le site étudié. En effet, il semble sûr, aux vues des analyses de R. MENEGHINI, qu'un temple canonique monumental ne pouvait orner l'une des extrémités du Forum (quand bien même J. E. PACKER maintient cette hypothèse pour le secteur septentrional). Les vestiges archéologiques restent donc très lacunaires concernant ce pseudo prétendu édifice cultuel. Toutefois, les sources littéraires nous offrent des données plus pertinentes. Nous pouvons citer principalement trois textes antiques, ceux d'Aulu-Gelle (IIème siècle apr. J.-C.), de l'Histoire Auguste (fin IVème siècle) et de Dion Cassius (II-IIIème siècle apr. J.-C.) ; ainsi que le catalogue des Régionnaires (description du IVème siècle des quatorze régions de Rome). · Aulu-Gelle, Les nuits antiquesattiques, XI, XVII, 1 « Edicta veterum praetorum sedentibus forte nobis in bibliotheca templi Traiani et aliud quid requirentibus cum in manus incidissent, legere atque cognoscere libitum est. » « Comme nous nous trouvions assis dans la bibliothèque du temple de Trajan et que les édits des préteurs anciens nous étaient tombés sous la main au cours d'autres recherches, nous eûmes plaisir à les lire et à en prendre connaissance. » Traduction de R. MARACHE · Aelius Spartianus, Histoire Auguste, Hadrien, XIX, 9 « Cum opera ubique infinita fecisset, numquam ipse nisi in Traiani patris templo nomen suum scripsit. » « Il construisit partout un nombre infini de monuments, mais n'y inscrivit jamais son propre nom, sauf sur le temple de son père Trajan. » Traduction de J.-P. CALLU · Dion Cassius, Histoire Romaine, LXIX, 10, 3 « O$Oqen ou} qaumasto\n ei} kai\ th\n Plwti~nan a}poqanou~san, di} h^j e@tuce th~ò a}rch~j e}rw/shj au}tou~, diafero/ntwj e}ti/mhsen, w{j kai\ e}pi\ h{me/raj e}nne/a melaneimonh~sai kai\ nao\n au}t*~ oi}kodomh~sai kai\ u$mnouj tina\j e}j au}th\n poih~sai. » « Aussi, ne faut-il pas s'étonner si, à la mort de Plotine, dont l'amour l'avait porté au pouvoir, il lui rendit des honneurs extraordinaires, au point d'être durant neuf jours, vêtu de noir ; qu'il lui bâtit un temple et composa des hymnes à sa mémoire. » Traduction d'e E. GROS et V. BOISSÉE102(*) · Publius Victor, De Regionibus Urbis Romae, Reg. VIII103(*) « Forum Trajani cum templo, et equo aeneo, et columna cochlide. » « Le Forum de Trajan avec le temple, et le cheval de bronze, et la colonne coclide. » Traduction de l'auteur · Catalogues des Régionnaires, Regio VIII Forum Romanum Vel Magnum, 6-14104(*)
L'élaboration systématique de cette notitia tend à faire penser que le Templum se trouverait après le Forum Traiani et avant la VIème cohorte et la Basilica Argentaria, idée déjà soumise par E. LA ROCCA en 1998105(*). Aussi, dans celle-ci, tout comme dans les propos de Publius Victor et des auteurs précités, on nous notonse que le temple est bien un bâtiment constitutif du complexe trajanien, au même titre que l'equus ou la Colonne. C'est sur la base de ces données archéologiques combinées aux sources littéraires, que l'existence d'un élément dénommé « Templum Traiani» ne peut être infirmée. De fait, l'étude des sources antiques permet de situer cet « élément » en liaison avec le Forum Traiani, et les épigraphes font mention de la dédicace d'une construction par Hadrien à ses parents. Mais on nous ignoronse de quoi il s'agit concrètement, c'est uniquement en confrontant ces inscriptions avec les propos de l'Historia l'Histoire Augusta Auguste que des archéologues, comme notamment R. LANCIANI ont voulu faire de ce titulus un fragment apposé au tympan de ce temple dit colossal. Soucieux de conférer immanquablement un édifice cultuel au complexe pour répondre aux besoins d'un schéma tripartite, les chercheurs ont dès lors exploité abondamment ces sources pour confirmer l'existence d'un templum similaire à celui de Mars Ultor. * 95 C.I.L., VI, 1, p. 841 ; I.L.S., 306 * 96 MICHELI M. E., 1984, p. 111-114. * 97 BENNETT J., 1997, 317 p.; BIRLEY A. R., 1997, 399 p. * 98 COHEN H., 1882, T. II, Trajan, 1-2, p. 246; MATTINGLY H. M. A., 1926, vol. III, Hadrien, 270, p. 318, 367 (232a-b) et 384 (387) ; STRACK P. L., 1933, T. II, 354, p. 28. * 99 CORBIER P., L'épigraphie latine, Paris, Armand Colin, 2002, 191 p. (Campus Histoire). * 100 STRACK P. L., 1933, T. II, 354, p. 28. * 101 STRACK P. L., 1933STRACK P. L., T. II, 357, p. 28. * 102 Sur http://www.mediterranees.net/Empereurs/Dion/Index.html * 103 MICHELI M. E., 1984, p. 112. * 104 PLATNER S. B., ASHBY T. sur http://penelope.uchicago.edu/Thayer/E/Roman/home.html * 105 LA ROCCA E., 1998, p. 165-166. |
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