1.3. Période de la récession et des
tentatives de stabilisation de 1975 à 1989
A partir de 1975, l'économie Congolaise est
entrée dans une phase de récession marquée par une
profonde détérioration des principaux indicateurs
économiques et sociaux. L'origine de cette récession tient
principalement à trois phénomènes; il s'agit d'abord de
l'échec de l'expérience de la politique de Zaïrianisation/
radicalisation lancée en novembre 1973, qui a livré
l'économie nationale entre des mains non expertes. Il en
résulté une méfiance des investisseurs tant
étrangers que nationaux vis-à-vis du pays ; ce qui eut comme
conséquences des désordres socio-économiques, la baisse
très sensible de la production agricole ; la négligence de
l'entretien des routes, l'abandon de la gestion de la chose publique au profit
des affaires acquises. Il faut ensuite relever la légèreté
doublée d'une tendance prononcée à la tricherie visant
l'enrichissement personnel et sans cause, qui a longtemps
caractérisé les responsables de la gestion de l'économie
nationale. Mais aussi du choc pétrolier de 1973 et la baisse brutale des
cours mondiaux du cuivre.
Les résultats affichés par l'économie furent
:
- la régression de l'activité économique
avec des taux de croissance, si pas négatifs,
Inférieurs au taux de croissance de la population
estimé à 3,4 % l'an, d'où un
appauvrissement général et une
détérioration des conditions de vie de la population;
- les déficits des finances publiques donnant naissance
à une création excessive de liquidités;
- le déficit chronique de la Balance de Paiement
atteignant 600 millions de dollars en 1989 contre
7,4 millions de dollars en 1970;
- la détérioration de tous les indicateurs de la
dette extérieure qui a été multipliée par six entre
1970 et 1975, et par 47 entre 1970 et 1990 entraînant ainsi une
diminution de la capacité de paiement de l'Etat et aggravant le
problème de l'endettement;
- la monnaie nationale a continué sa chute libre et ,
à la fin de l'année 1989, elle avait perdu plus de 90% de sa
valeur de la période 1967 - 1975;
- l'inflation est restée très forte, laminant ainsi
le pouvoir d'achat des populations l'exacerbation des détournements des
deniers public et de la corruption comme moyen de survie.
1.4. Période de la conflagration
économique
Cette période révèle une réelle
débâcle économique et un effondrement du système
économique du pays .Elle peut- être subdivisé en deux sous
- périodes, à savoir de 1990 à 1997, puis de 1998 à
2003.
· la première sous - période de 1990
à 1997 : est caractérisée par une anarchie et un
vandalisme dans la gestion des finances de l'Etat. Tous les indicateurs
économiques et sociaux sont passés au rouge, comme
conséquence d'une absence totale de politique cohérente en
matière monétaire, financière et sociale, le pouvoir ayant
décidé de tout sacrifier à travers la corruption politique
tous azimuts et l'achat des consciences. Cette période fut
marquée par la rupture de la
coopération avec tous les partenaires extérieurs
pour non respect des engagements, singulièrement dans le paiement du
service de la dette dont les arriérés se chiffraient fin 1991
à 1.746 millions de dollars.
Concrètement, il a été observé les
faits suivants 50 :
- la taille de l'économie est revenue
à son niveau de 1958, alors que la population est passée de 2,9
fois plus nombreuses et que la structure de l'économie a change.
L'économie s'est vue contrainte de se replier sur des activités
de subsistance et des activités informelles;
- l'urbanisation croissante, mauvaise qualité de
l'infrastructure des transports, l'insuffisance des investissements;
- l'économie démonétisée et les
marchés des capitaux comme ceux des changes ne fonctionnant presque plus
qu'à des fins spéculatives (de 28% du PIB en 1958), la masse
monétaire au sens large n'était plus que d'environ 9% en 1988 -
1989 et 1,4 % en 1993;
- un recours accru à la création
monétaire pour financer les déficits budgétaires
croissants.
La gouvernance économique et
politique
L'appréhension de l'engrenage hyper inflationniste au
Congo devrait prendre en compte l'analyse minutieuse de la situation politique
qui a nourrit les mécanismes d'anticipations pessimistes des agents
économiques. Cette dynamique se cristallise sur le comportement du taux
de change parallèle qui évolue en temps réel en rapport
avec les prévisions des agents économiques. Lorsqu'un
gouvernement bénéficiant de l'adhésion populaire
était mis en place, les circuits parallèles des changes ont
réagi positivement. En effet, le mouvement ininterrompu de
dépréciation du taux de change de la monnaie congolaise a
toujours connu un répit, en favorisant la baisse des tensions
inflationnistes. Les analyses sur le processus hyper inflationniste distinguent
généralement deux phases dans la prolifération du
phénomène.
Dans la première étape, le poids de la
contrainte internationale notamment de l'endettement constitue le vecteur
essentiel, alors que la deuxième phase est caractérisée
par la suprématie du taux de change dont les fluctuations entretiennent
les anticipations autoréalisantes des agents économiques dans
l'explosion des prix.
Dans le cadre de l'économie congolaise, au -
delà des transferts financiers relatifs à la dette, il convient
de mentionner le manque à gagner consécutif au retrait des
organismes internationaux au début de la décennie 90. Ainsi, les
autorités gouvernementales seront privées du soutien au
financement des déséquilibres de la Balance des Paiements, et le
recours à l'émission monétaire va se
généraliser car les recettes fiscales ne permettent pas de
générer des ressources substantielles. Il convient de
déplorer également l'existence d'un système de prix
différenciés selon le type de modalités de paiement dans
l'engrenage hyper inflationniste .En règle générale, les
opérateurs économiques procèdent aux « sur- plus
», lorsque les transactions sont réglées par chèques
ou en billets de5 millions de zaïres 51.
50 . Ministère du Plan et Développement, Programme
triennal minimum : 1997-1999 Kinshasa, (décembre 1997), pp.14-17
51. . Il convient de remarquer que ces billets de 5 millions
ont été démonétisés par le Premier ministre
issu de l'opposition dès leur mise en circulation .Cette situation a
entraîné des Émeutes à Kinshasa en janvier 1993 car
les militaires ont refusé ces nouvelles coupures.
Dans ce contexte, la préférence pour les devises
accroît la demande de ces encaisses en favorisant l'envolée des
prix. Cependant, l'existence d'un régime frontalier poreux permet
d'éviter la reprimairisation de l'économie, notamment dans les
zones frontalières. En effet, les échanges continuent à se
développer harmonieusement dans ces régions dans la mesure
où les individus font des transactions en devises.
Les répercussions des pillages de septembre 1991
sur l'économie Congolaise
Les pillages orchestrés à Kinshasa les 23 et 24
septembre 1991 sur l'initiative des militaires se sont
généralisés, pour atteindre la plupart des centres urbains
du pays. Les militaires furent relayés par les civils pour se servir, en
détruisant l'outil de production existant. Cette situation va porter un
lourd préjudice à l'économie nationale, car le manque de
confiance animera désormais l'ensemble des opérateurs
économiques.
Les pillages des années 1991 et 1993 ont des
répercutions psychologiques dans le mental des investisseurs parce
qu'ils étaient systématiques et avaient détruit
volontairement tout l'appareillage de production, mettant ainsi au
chômage des dizaines de milliers d'ouvriers et des sociétés
en faillite. On a assisté à la recrudescence des pratiques
spéculatives au détriment des investissements productifs. La
conséquence immédiate de ces événements reste la
pénurie des biens sur les marchés et l'accélération
des tensions inflationnistes. On enregistra une hausse de 47,9% de l'indice des
prix aux marchés pour le mois de septembre 1991 alors qu'il
représentait 37% en Août. Il semble que les dommages subis par les
entreprises représentent environ 618,1 millions de dollars. Par
ailleurs, on estime à 73.278 les pertes d'emplois, et les besoins en
fonds de roulement se chiffrent à 319 millions de dollars. Les
dégâts les plus considérables concernent les domaines du
commerce, des industries manufacturières et des services dont les pertes
d'emplois atteignent environ 80,1% de l'ensemble des secteurs52.
· La deuxième sous - période de
1998 à 2003 53
A la prise du pouvoir par l'A.F.D.L. le 17 mai 1997, le peuple
Congolais, préparé par 7 années de démystification
du dictateur, attendait, comme en 1965, un changement radical .
Au moment de la prise de pouvoir par l'A.F.D.L., celle- ci
jouissait d'un préjugé favorable de la population et
auprès des investisseurs potentiels. En effet, exaspéré
par l'obstination du pouvoir dictatorial à ne pas ouvrir l'espace
politique, la population attendait que les nouvelles forces armées la
débarrassent de celui ci et qu'elles installent une véritable
démocratie avec un pouvoir réellement civil.
Parallèlement, les opérateurs économiques et les
investisseurs extérieurs potentiel attendaient du nouveau pouvoir un
climat, paisible et propice aux activités économiques.
52.SUMATA Claude, (2001),L'économie
parallèle de la RDC :taux de change et dynamique de l'hyper inflation au
Congo ,Ed Harmattan , Paris, pp.224-227
53.TALA-NGAI Fernand (2001), RDC de l'an 2001 :
déclin ou déclic, Ed Analyses sociales, Kinshasa ,
pp.147-148
54.ANEZA(Association Nationale des Entreprises
Zaïroises), cité par TALA- NGAI. F.,Op.cit p.147
Certains investisseurs avaient même signé des
conventions avec la rébellion, en anticipant la prise du pouvoir. Mais
au fur et à mesure que le nouveau pouvoir se consolidait en ralliant
quelques leaders
acquis à la cause démocratique, un noyau de
« dur » à tendance dictatoriale naissait dans les
rangs
des nouveaux dirigeants.
Cela se traduisit d'abord par une attitude de méfiance
envers les opérateurs économiques, suivie de suspicion, avant
d'arriver à des incarcérations sous divers prétextes ;
à la rigueur, ils avaient à payer des amendes transactionnelles
de validité douteuse .Cette attitude belliqueuse aux allures
communisantes envers la haute finance et les opérateurs
économiques, ajoutée aux nombreuses promesses commerciales non
tenues, occasionna le gel des investissements ainsi que des aides promises.
Quant au plan triennal de stabilisation et de relance de
l'économie, il n'était pas crédible aux yeux des personnes
sensées , car il s'appuyait sur des impondérables telle qu'une
aide extérieure accrue alors qu'une des conditions essentielles qui
n'avait jamais été remplie était l'ouverture de l'espace
politique . Comment peut - on demander à des pays démocratique
des aides financières pendant que l'on refuse d'appliquer chez soi la
démocratie ?
Les tentatives d'une restructuration économique ne
pouvaient qu'échouer parce que les facteurs générateurs
des précédents échecs demeuraient, le manque de cadre
incitatif et le refus d'une gestion financière transparente. Cela
s'explique par l'abandon d'un budget élaboré dans le but de
contraindre le gouvernement à une orthodoxie financière. Ce
budget a été remplacé par des injonctions verbales. De
même l'abandon de la réforme fiscale amorcée a eu pour
conséquence le recours à des créations monétaires
qui vont ruiner la nouvelle monnaie.
Alors que l'atmosphère politique ne permettait pas
encore à l'économie d'amorcer une phase de stabilisation
l'éclatement d'une guerre entre les ex-alliés va ruiner tous les
espoirs d'une stabilisation économique et pire, cette guerre va plonger
le pays dans un marasme économiques qu'il n'avait jamais
connus55.
Cette sous - période fut caractérisée parles
faits suivants55 :
- recul de la croissance économiques : le PIB a
enregistré une baisse cumulée de 21 ,9% pour la période
1997-2000, soit une en régression moyenne annuelle de 5,5%;
- difficultés d'approvisionnement en produits
pétroliers et en biens de première nécessité, dues
entre autres raisons, à l'insuffisance des ressources en monnaies
étrangères, aux renchérissements des produits
pétroliers;
- investissements entravés par la faiblesse de
l'épargne nationale (3,7% en moyenne entre 1997 et 2000, contre une
moyenne africaine de 17%);
- politique monétaire expansionniste entraînant des
conséquences délétères sur les prix
intérieurs et le taux de change;
- persistance d'une inflation élevée, avec un taux
annuel moyen de 212,4% entre 1997 et 2000;
55. Ministère du plan et Développement (septembre
2001), Programme Intérimaire Renforcé
du Gouvernement, Kinshasa, p.14
- déficit des paiements extérieurs et accumulation
des arriérés de paiement;
- déséquilibres structurels du marché de
change;
- sous-bancarisation du pays (pour une population
estimée à 50,4 millions d'habitant), les banques dans leur
ensemble ne disposent que de 25 guichets, soit en moyenne 2 millions de
personnes par guichet;
- déséquilibre profond des finances publiques et
éviction du secteur privé.
Au regard de ce qui précède, dans un environnement
macroéconomique aussi macabre que malsain, devrions - nous conclure en
paraphrasant NDELE56que: en 42 ans d'indépendance, la
République
Démocratique du Congo a connu 35 ans de crise
ouverte et 7 ans seulement de vie sociale e normale,
soit 1967 à 1974, age d'or de l'histoire
économique du pays ? Quel paradoxe pour un pays que la
nature a doté de tout.
Au début de l'année2001, un changement politique
s'opèrera au sommet de l'Etat, avec l'avènement du
Président joseph KABILA. La République
Démocratique du Congo reprend le dialogue avec les partenaires
extérieurs. Puisant les grandes lignes de son action dans le discours
d'investiture du chef de l'Etat du 26 janvier 2001, le gouvernement mettra sur
pied avec le concours des services du FMI, deux Programmes économiques
successifs. Le premier, dénommé Programme Intérimaire
Renforcé (PIR), étalé de juin 2001 à mars 2002,
visant essentiellement à casser l'hyper- inflation et à
créer les conditions propices à la relance de l'activité
économique.
Et le second, communément appelé, Programme
Economique du Gouvernement (PEG), couvrant la période 2002 à
2005, visait essentiellement la consolidation de la stabilité
macroéconomique et la croissance économique en vue de
réduire la pauvreté. Fondé essentiellement sur
l'exécution équilibrée des opérations
financières de l'Etat, la maîtrise de l'expansion monétaire
et la mise en oeuvre des reformes structurelles, les deux programmes ont
permis:
- la reprise de la coopération avec la Communauté
Financière Internationale après 11 ans de rupture;
- la réalisation, en 2002, d'un taux de croissance
positif de 3,5%, après 13 années de contraction du
PIB. Au 30 juin 2003, la croissance est de 2,4% par rapport
à un objectif de 5% en fin d'années; - la réduction
sensible du taux d'inflation qui est passé de 511,2% à la fin
2000, à 135,1% en 2001
puis à 16% à fin 2002. Au 27 juillet 2003, le taux
annualisé est de 10,6% contre un objectif de
8%;
- la stabilité remarquable du Franc Congolais
observée depuis la suppression des taux de change multiples au 27 mai
2001, et la réduction de l'écart entre les taux officiel et libre
de 182% en 2000 à 0,8% juillet 2003;
- l'exécution sur base caisse des opérations
financières de l'Etat, que se sont soldées par des
excédents en 2001 et 2002. Néanmoins, il importe de relever le
faible niveau d'exécution des dépenses d'investissement dont la
réalisation est tributaire du décaissement des ressources
extérieures;
56 . NDELE BAMU ,A.(1992), « Les grandes leçons de
l'histoire monétaire, financière et économique du Congo-
Zaïre » , in Zaïre - Afrique , n° 267,Kinshasa, p.403
- l'amélioration du cadre juridique, légal et
réglementaire des affaires grâce, à la promulgation d'une
nouvelle réglementation de change libérale, d'un code des
investissements, d'un code et du cadastre miniers, d'un code forestier et d'un
code du travail a permis l'attrait de nouveaux capitaux tels que ceux investis
dans le secteur de la téléphonie cellulaire et du traitement des
minerais.
C'est au vu de ces résultats et des efforts entrepris
par le gouvernement en vue de la réunification du pays et de la
réconciliation nationale que les conseils d'administration du FMI et de
la Banque Mondiale ont décidé à l'issue de leurs
réunions tenues respectivement les 23 au 24 juillet 2003, d'une part le
décaissement en faveur de la République Démocratique du
Congo de la 3ème tranche de la FRPC de plus ou moins 37
millions de USD, au titre d'appui à la Balance des Paiements et,
d'autres part, l'accession de notre pays au point de décision de
l'initiative PPTE57.
Section II. La crise de l'endettement de la
R.D.C.
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