Section III. L'initiative PPTE et les perspectives de
croissance
La réduction du stock de la dette est une chose, mais
rendre soutenable la dette d'un pays suppose qu'on l'ait engagé sur la
voie d'une croissance durable. Si l'Initiative PPTE offre effectivement des
nouvelles opportunités de développement, il faudrait les
exploiter à suffisance et les mettre au profit de la population,
particulièrement des pauvres.
3.1. Allégement de la dette et la réduction
de la pauvreté
Ce dernier point de l'étude nous permettra de
répondre aux questions que nous nous sommes posées sur la
réduction de la pauvreté, à savoir: l'Initiative PPTE
est-elle une issue au problème de réduction de la pauvreté
en République Démocratique du Congo ? Que faut-il faire pour que
l'allégement de la dette conduise à une véritable
réduction de la pauvreté ? Nous parlerons des perspectives de la
croissance en RDC, car il n'est pas possible de réduire la
pauvreté sans réaliser une croissance de qualité.
Le 12 juin 2002, la RDC a bénéficié d'un
crédit relais de 402,3 millions DTS (environ 519,0 millions USD) pour
apurer ses arriérés envers le Fonds Monétaire
International. Ce crédit relais lui a été accordé
conjointement par la Belgique, la France, la Suède et l'Afrique du
Sud.
A la même date, le Conseil d'Administration du FMI a
consenti à la RDC un prêt sur 3ans de 750
millions USD, soit 581,4 millions DTS à des conditions
concessionnelles (0,5% de taux d'intérêt annuel remboursable sur
10 ans par paiement semestriel, avec un délai de grâce de 5ans
1/2) au titre de Facilité pour la Réduction de la Pauvreté
et pour la Croissance. Un tirage de 420 millions
DTS soit 541,8 millions USD a été
effectué sur ce montant dont 402,3 millions ont servi au remboursement
du crédit relais. La différence, soit 17,7 millions DTS ( soit
22,8 millions USD) est destinée en partie à la constitution d'une
provision pour le paiement des charges d'intérêts dus au FMI en
2002-2003 (8,7 millions DTS) et le solde, soit 9 millions DTS, à l'aide
à la balance des paiements.
Le crédit de la relance économique
accordé par la Banque Mondiale a été utilisé en
partie au règlement des arriérés envers cette Institution
soit 330 millions USD. En sus du remboursement du crédit relais, deux
autres tirages totalisant 72,0 millions USD ont été
effectués sur les ressources du crédit de relance
économique, à savoir :30,0 millions USD destinés à
échéance envers la Banque Mondiale et 42,0 millions au titre
d'aide budgétaire.
En août 2002, la Banque Mondiale a accordé un
deuxième crédit de 454 millions de dollars destiné
à appuyer le Programme Multi-Sectoriel d'Urgence, de Reconstruction et
de Réhabilitation. La RDC était éligible à ce
mécanisme : c'est un pays pauvre où le revenu national brut par
habitant est loin inférieur à la norme de l'admissibilité
au guichet de l'IDA, c'est-à-dire au guichet des prêts
octroyés à des conditions concessionnelles.
Du 12 au 13 septembre 2002, se sont en plus
déroulées à Bercy (Paris) au siège du
Ministère de l'économie et finances, les négociations
entre la partie congolaise, conduite par le Ministre des finances et budget et
les créanciers du Club de Paris conduit par le Président du Club.
Ont pris part a ce forum en tant qu'observateurs, les
délégués du FMI, de la Banque Mondiale, de la BAD, de
l'OCDE, de la CNUCED et de l'Union Européenne. Ces négociations
ont été sanctionnées par un accord dit procès
verbal agrée à Paris le 13 septembre 2002 ou « accord X
».
Cet accord traite environ 8980 millions USD dont environ 16%
au titre des prêt d'APD. Ce montant consiste en 8490 millions USD
d'arriérés en principal, intérêts et
intérêts de retard au 30 juin 2002 et 30 juin 2005.
Cet accord a été conclu selon les termes de
Naples. Les prêts d'APD pré-date butoir doivent être
remboursés sur 40 ans, dont 16 ans de grâce à un taux
d'intérêt favorable que le taux concessionnel de ce prêt et
les échéances sur les crédits commerciaux pré-date
butoir sont traitées de manière à obtenir un taux de
réduction de 67% en prenant en compte les réductions
déjà mises en rééchelonné sur 23 ans dont 6
ans de grâce à un taux d'intérêt de marché. Ce
traitement a conduit à une annulation immédiate d'environ 4640
millions USD sur la dette extérieure du Club de Paris. Ces mesures ont
réduit aussi le service de la dette due aux créanciers du Club de
Paris entre 30 juin 2002 et 30 juin 2005 de 9090 millions USD à 390
millions USD.
La lutte contre la pauvreté est par l'hypothèse
l'objectif premier de toutes stratégies et politiques de
développement préconisées ou mises en oeuvre aujourd'hui
par des dirigeants des pays en développements, mais y parvenir n'est pas
chose facile. Au regard de la profondeur et de la péristance des crises
économiques en Afrique subsaharienne, singulièrement en RDC,
extirper la pauvreté ou en réduire l'incidence exige beaucoup, la
stabilité macroéconomique ne saurait suffire pour cette
fin90.
La projection faite du ratio VAN de la dette sur Exportations
des biens et services pour l'année 2007, est de 375%. Bien que le pays
ait accédé au point de décision de l'Initiative, sa dette
reste toujours insoutenable. Ce qui porte à croire que le régime
PPTE n'est pas une panacée au problème de la réduction de
la pauvreté.
Le tableau suivant témoigne de l'insuffisance de
réduire la pauvreté par le régime PPTE en RDC.
Tableau n° 17 : Projection du revenu par jour et
par habitant
ANNEE
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
PIB au Prix Constant (millions $)
|
5.518
|
5.456
|
5.966
|
6.560
|
7.156
|
7.769
|
8.434
|
9.114
|
9.848
|
Population En millions
|
55,6
|
57,3
|
59,0
|
60,8
|
62,6
|
64,5
|
66,4
|
68,4
|
70,5
|
PIB/habitan ($/ Jour)
|
0.28
|
0,26
|
0,28
|
0,29
|
0,32
|
0,33
|
0,35
|
0,37
|
0,38
|
|
Source : Fond Monétaire et
International(2003 ) , Soutenabilité de la dette et ressources
PPTE,
Kinshasa, Décembre, p.4
90.Nshue Mbo mokime.A, (2004) « Réduire
la pauvreté de moitié d'ici 2015 :Le Congo est-il bien parti ?
», in Economie et Développement , n°1, CRES , Kinshasa,
p.6
L'analyse du PIB par jour et par tête d'habitant montre
que de 2002 à 2010, le revenu par jour et par habitant reste en
deçà de 2 USD. Il s'est situé à 0,28 USD en 2002 et
sera de 0,38 USD en 2010. Dans ces conditions, le fardeau de la dette et de ses
intérêts constitue un obstacle pour le Congolais de jouir du bien
être pour lui-même et sa famille, y compris de la nourriture, des
vêtements et d'un logement suffisant.
Le modèle de développement fondé
essentiellement sur le secteur public que la RDC a retenu depuis son accession
à l'indépendance, a montré sa fragilité sous les
effets combinés du choc pétrolier de 1974 et de la baisse de
cours mondiaux du cuivre ainsi que son incapacité à produire
assez de richesse pour répondre aux besoins de la population. Ajouter
à l'initiative PPTE, nous pensons pour ce qui nous concerne, que le
mécanisme PPTE tend aussi à démontrer ses limites. Dans le
cas de la RDC, même après le point d'achèvement, le fardeau
de la dette bien qu'estimée à 1,500 milliard, sera toujours
insoutenable et hypothéquera les chances d'amorcer une croissance
élevée et soutenue dans deux à trois ans voir dix ans.
Au regard de cet état de choses, le Fonds
Monétaire International et la Banque Mondiale, devront être plus
créatifs pour définir d'autres modalités
d'allègement de la dette impliquant notamment la disponibilisation de
ressources extérieures plus importantes pendant la phase finale.
L'appui de la Communauté Internationale ne produira
qu'un impact marginal si elle ne s'attaque pas d'urgence et efficacement aux
problèmes posés par les capacités humaines et
institutionnelles qui constituent l'un des facteurs clés de la faible
absorption des ressources fournies aux pays en conflit ou sortant d'un conflit
armé.
Pour que le pacte entre les pays riches et les pays en
développement, soit réalisé, nous pensons que les pays
riches doivent effectivement conjuguer des efforts, pour atteindre les
objectifs.
Ils doivent définir des échéances et des
cibles concrètes, en agissant également sur plusieurs fronts :
par exemple un démantèlement des subventions commerciales et
droits de douane inéquitables, afin d'instaurer des conditions
égales pour tous. La zone OCDE par exemple verse plus de 300 milliards
USD de subventions agricole chaque année. Aux Etats-Unis, les
subventions à la culture de coton se montent à plus de trois fois
l'aide de ce pays à l'Afrique Subsaharienne. En Union Européenne,
Les subventions en numéraire accordées par vache laitière
sont supérieures à l'aide par habitant destinée à
l'Afrique Subsaharienne91.
Que faire dans des telles conditions ? Nous pensons
qu'il faut exhorter donc les pays riches à supprimer les droits de
douane, quotas et subventions discriminatoires qui nuisent aux échanges
et aux investissements agricoles par exemples dans les PED et la RDC en
particulier, ensuite il faut annuler totalement la dette des PED, parce que sa
suppression pourrait intervenir sans mettre en cause l'équilibre
financier des institutions financières privées et sans menacer le
système financier international.
91 PNUD, (2003) ; « Rapport Mondial sur le
Développement humain »,New-York,p.2
Si chaque année les pays en développement
remboursent plus de 240 milliards USD, les allègements de dette
prévus dans le cadre du régime PPTE devraient porter à
terme, sur 73 milliards de stock de dette. Cela peut paraître important
à première vue mais ne représente que 2,8% du stock de la
dette de l'ensemble des pays en développement. 92
Comment lier les allègements de la dette à
une véritable réduction de la pauvreté ?
L'utilisation des
fonds dégagés par les allègements de
dette est une des préoccupations principales des organisations de la
société civile mobilisées autour de la question de la
dette. Il convient à la fois de s'assurer que ces fonds serviront au
financement du développement et d'éviter d'en tirer
prétexte pour imposer des conditions excessives. Il importe de mettre en
place des mécanismes transparents; d'attribution des fonds, associant
les organisations de la société civile locale et les
églises.
En Ouganda par exemple, la mise en place d'un tel
mécanisme a fait que l'allègement de sa dette lui ait permis de
doubler son taux de scolarisation primaire, et d'augmenter de 270% ses
dépenses de santé publique93.
L'intégration des Documents de Stratégies pour
la Réduction de la Pauvreté (DSRP) dans le cycle
budgétaire témoigne du souci de rendre les actions
gouvernementales efficaces et bénéfiques pour la
collectivité. Les raisons de cette formule sont premièrement,
l'affectation des ressources budgétaires à la lutte contre la
pauvreté et deuxièmement, la détermination des
autorités à exécuter des politiques favorables aux
pauvres
L'admission de la RDC à cette initiative devrait en
principe, conduire à certaines réalisations en matière de
lutte contre la pauvreté, mais les choses semblent ne pas vraiment
évoluer dans ce sens. Nonobstant l'allégement de la dette en
septembre 2002 et la fin de la guerre, les dépenses politiques et
militaires demeurent prépondérantes. En 2003, il a
été prévu d'engager des dépenses PPTE, pour un
montant de 11.783 millions de Franc congolais, mais malheureusement, leur
exécution étant nulle. Et jusqu'à la fin du mois de
février 2004, aucune dépense PPTE n'a pas été
engagée. Et comme dit Essimbo (2003), citer par Nshue Mbo
Mokime94 le gouvernement doit prouver ses capacités et sa
détermination à orienter sa politique en faveur des pauvres.
Pour permettre aux pays d'orienter les fonds
dégagés par l'Initiative PPTE dans les projets de
développement à caractère social, il faudrait que l'APD
augmente pour financer ces allègements. Mais par - delà ces
augmentations, il faudrait qu'il y ait amélioration de la gouvernance
politique et
économique. Une plate forme qui plaide pour la dette et
son développement avait pensée que « la
mise en place d'une telle instance indépendante
arbitrant les intérêts des débiteurs et créanciers,
devrait être confiée aux Nations Unies et prendre en compte le
respect des besoins et des droits fondamentaux des populations et la
reconnaissance de l'illégitimité de certaines créances
». 95
92 . Voir Plate Forme (janvier 2002), Dette et
Développement, Tiré sur Internet :
www.dette2000.org 93. Nshue Mbo
Mokime, A, (2004) Op. cit.p.6
94 .Voir plate forme ,Op.cit
94.Ibidem
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