IV-2. Le modèle empirique
Il s'agit de présenter les résultats des
analyses d'une part et d'autre part faire des recommandations susceptibles de
rendre le système de collecte des déchets à Yaoundé
compatibles avec les préoccupations de développement de
l'agriculture urbaine périurbaine.
Iv-2-1. Résultats des analyses
a- Profil des exploitants des bas-fonds de
Yaoundé
Le tableau 4. 5 présente le profil des exploitants de
notre échantillon total. Celui des sites spécifiques de
Nkolondom, d'Etoug-Ebé et d'Ekozoa est présenté en annexe
2.
Ce tableau révèle que :
- La majorité de personnes impliquées dans
l'AUP à Yaoundé est constituée de femmes (62%) contre
seulement 38% d'hommes. Leur tranche d'age varie entre 07 et 65 ans, avec une
moyenne de 35 ans. En outre, La taille moyenne des ménages
enquêtés est de 5 personnes et les parcelles exploitées ont
une surface moyenne de 530 m² tandis que l'expérience
agricole des enquêtés est de 12 ans en moyenne ;
Ces résultats sont très proches de ceux
trouvés par Lekane Kembou et al (2003) dans l'étude faite sur les
relations entre le maraîchage et l'élevage dans la
récupération et la valorisation des sous-produits de l'AUP
à Yaoundé.
- 44% de nos enquêtés détiennent
seulement un CEPE, contre 26% qui déclarent n'avoir jamais obtenu un
diplôme, 24% ont un diplôme secondaire et seulement 04% ont un
diplôme de l'enseignement supérieur ;
- La plupart des enquêtés sont de la tribu
Bamiléké (46%), Eton (27%) et Ewondo (17%) et 78% des
enquêtés vivent en couple ;
- 42% des exploitants des bas-fonds de Yaoundé ont un
revenu agricole mensuel qui se situe entre 45000 et 100 000FCFA, 26% gagnent
entre 25 000 et 45 000 FCFA, 19% gagnent moins de 26000 FCFA et seulement 13%
ont un revenu agricole mensuel de plus de 100 000FCFA. En outre, 90% des
enquêtés dépensent moins de 10 000 FCFA contre 10% qui
dépensent entre 10 000 et 33 000 FCFA, pour l'achat des intrants
agricoles ;
- La pratique de l'élevage est quasi inexistante ; en
effet, 77% de nos enquêtés déclarent ne pas pratiquer de
l'élevage et ceci pour des raisons aussi diverses que le manque de moyen
financier, les risques de maladies et le vol ;
- La majorité des exploitants enquêtés
vivent près de leurs exploitations agricoles (64%) et 21% seulement
appartiennent à un GIC. Ceci devrait inciter d'avantage les responsables
de GIC et les décideurs à se pencher sur les vrais
problèmes que rencontrent les exploitants dans l'exercice de leur
activité ;
- 68% des exploitants contre 32% achètent leurs
déchets. Ceci est dû au fait que les déchets animaux
(fientes de poules) sont les plus achetés et utilisés dans les
parcelles de Yaoundé contrairement aux déchets
végétaux (déchets de cuisines frais et
décomposés) qui certes sont utilisés mais pas en
très grande quantité ;
82
Joë& Sotamenou Mémoire de DEA- PTCI /UY II/
Octo6re 2005
- La plupart des enquêtés (68%) se
chargent personnellement de l'écoulement de leurs produits ;
Echantillon total
Tableau 4. 5 : Profil socio-économique des
exploitants de l'échantillon total
Fréquences relatives (en %)
Fréquences relatives (en %)
Facteurs socio-économiques
Facteurs socio-économiques
Diplôme le plus élevé
:
Sexe :
38
26
Aucun
Homme
62
44
Primaire
Femme
24
Secondaire
Tribu :
46
06
Supérieur
Bamilékés
17
Age :
Ewondos
27
07
[07-20)
Etons
10
32
[20-30)
Autres (Anglophones et Nordistes)
29
[30-40)
Statut matrimonial :
78
22
[40-50)
Couple
22
10
[50-65]
Seul
GIC
Taille ménage
53
21
Membre
[1-5]
39
79
Non membre
[6-9]
08
Dépenses agricoles mensuelles (en
FCFA)
[10-12]
90
[0-10000)
Revenu agricole mensuel (en FCFA)
19
10
[10000-33 000)
[0-25 000)
26
Distance domicile parcelle (en m)
[25 000-45 000)
42
64
Proche
[45 000- 100 000)
13
36
Loin
[100 000 et plus)
Circuit de vente de la production
Elevage
23
68
Soi-même
Pratique
77
32
Par un intermédiaire
Ne pratique pas
Expérience agricole (en
années)
Culture de fleurs
21
57
[0-10)
Cultive
79
27
[10-20)
Ne cultive pas
12
[20-30)
Culture de condiments
71
04
[30-44)
Cultive
29
Origine des déchets
Ne cultive pas
68
Achète
Culture de légumes
40
32
N'achète pas
Cultive
60
Ne cultive pas
Source : Données de l'enquête (fournies par
E-Views)
83
Joë& Sotamenou Mémoire de DEA- PTCI /UY II/
Octo6re 2005
b- Résultats des estimations
Tableau 4. 6 : Résultat du modèle Logit
d'utiisation des déchets ménagers dans les bas-fonds de
Yaoundé (Nkolondom, Etoug-Ebé, Ekozoa)
Dependent Variable: UDM
Method: ML - Binary Logit
Sample(adjusted): 2 126
Convergence achieved after 5 iterations
Prob.
z-Statistic
Std. Error
Effet marginal
Coefficient
Variable
Constante
- 2.448842
1.505460
- 1.626640
0.1038
- 0.54
Sexe féminin
- 0.361192
0.650584
- 0.555181
0.5788
- 0.08
Age de l'exploitant
0.03 2178
0.2146
- 0.039934
- 1.241012
- 0.01
Taille du ménage
0.028740
0.8240
0.129255
0.222352
0.01
Niveau d'instruction
Etudes primaires
0.807906
0.729658
1.107238
0.2682
0.18
Etudes secondaires
0.840303
1.681238
0.09 27***
1.412750
0.31
Etudes supérieures
1.354196
0.841768
1.139919
0.3999
0.25
Tribu
Tribu Bamiléké
0.868423
0.0016*
0.61
2. 74353 1
3.159209
Tribu Eton
0.981461
0.0128**
2.444271
2.490441
0.54
Surface exploitée
- 0.000228
0.000655
- 0.348697
0.7273
- 0.00
Classe Revenu agricole
0.113498
0.349880
0.7264
0.324390
0.03
Dépenses en intrants
0.081935
0.069973
0.2416
1.170955
0.02
Vends soi-même sa production
0.708056
0.278374
0.7807
0.197104
0.04
Proximité du domicile de la parcelle
2.719629
3.751036
0.0002*
0.60
0.725034
Appartenance à un GIC
- 1.259891
0.797489
- 1.579823
- 0.28
0.1141
Achat des déchets
2.258771
0.772869
2.922581
0.0035*
0.50
Propriétaire des parcelles
0. 766590
0.718599
1.066783
0.2861
0.17
Pratique des cultures maraîchères
2.694599
2.977282
0.0029*
0.60
0.905053
Pratique de l'élevage
0.166113
0.726841
0.228541
0.8192
0.04
Mean dependent var
S.D. dependent var
0.666667
0.473333
S.E. of regression
Akaike info criterion
0.369814
1.012295
Sum squared resid
Schwarz criterion
14.36003
1.423834
Log likelihood
Hannan-Quinn criter.
- 44.25611
1.179461
Restr. log likelihood
Avg. log likelihood
- 78.29124
-0.359806
0.434725
McFadden R-squared
LR statistic (17 df)
68 .07026
Probability(LR stat)
4.62E-08
*Significatif à 1%
**Significatif à 5% *** Significatif
à 10%
Tableau 4. 7 : Pourcentage de bonne prédiction du
modèle
(Observé)
Total
Dep=0
Dep=1
P(Dep=1)<=C
38
29
9
P(Dep=1)>C
85
12
73
Total
82
41
123
Correct
29
73
102
Pourcentage de bonne prédiction
89.02
82.93
70.73
Pourcentage de mauvaise prédiction
10.98
29.27
17.07
84
Joë& Sotamenou Mémoire de DEA- PTCI /UY II/
Octo6re 2005
A partir des résultats de l'enquête, nous avons
calculé les quantités hebdomadaires des déchets
utilisées dans nos sites d'enquête, d'où le tableau 4.
8.
Tableau 4. 8 : Quantités hebdomadaires de déchets
utilisés dans les bas-fonds de Nkolondom, d'Etoug-Ebé et
d'Ekozoa
( en seau de 15l)
|
Bas-fonds
|
Nkolondom
|
Etoug-Ebé
|
Ekozoa
|
Total
|
Déchets végétaux (déchets de cuisine
frais et décomposés des + restes de cultures) DV
|
175
|
100
|
82
|
357
|
Déchets animaux (fientes de poules, lisiers de porc) DA
|
121
|
73
|
66
|
260
|
Terre noire (fumier, provenant des anciennes parcelles
cultivées) TN
|
0
|
0
|
145
|
145
|
Nombre total de seaux de 15 litres de DV + DA + TN
|
296
|
173
|
293
|
762
|
Source : Nos calculs à partir des données de
l'enquête
|
|
Le tableau 4.6 présente les résultats de
l'estimation du modèle Logit sur un échantillon de 135
exploitants dans les bas-fonds de Yaoundé. La variable dépendante
est la variable dichotomique traduisant le fait d'utiliser ou non les
déchets ménagers récupérés et
recyclés. Globalement, le modèle est statistiquement valide. En
effet, le Khi-Deux du modèle (68.07) est significatif à 1%, le
R² (0.43)22 est assez satisfaisant d'autant plus que
le pourcentage de bonne prédiction du modèle est de 83%. Ce
pourcentage indique que dans 83% de cas, ce modèle prédit
correctement le comportement de l'exploitant.
Le modèle estimé identifie deux groupes de
variables pertinentes expliquant l'attitude des exploitants des bas-fonds de
Yaoundé quant à l'utilisation ou non des déchets
ménagers dans leurs parcelles. Il s'agit globalement :
- Des variables socio-économiques : Niveau d'instruction,
tribu et origine des déchets;
- Des variables techniques : Proximité du domicile de la
parcelle et type de culture pratiqué ;
Les variables socio-économiques :
- Niveau d'instruction : La modalité "Etudes
secondaires" est significative à 10% et a un signe positif, traduisant
ainsi l'intérêt que l'on doit accorder à l'éducation
des exploitants. En effet, éduquer les exploitants revient à leur
faire comprendre les avantages aussi bien agronomiques, économiques,
qu'environnementaux liés à la récupération et au
recyclage des déchets ménagers. Le résultat de l'effet
marginal montre que une augmentation du niveau d'instruction d'une unité
fait varier la probabilité d'utilisation des déchets de 0.31
point ;
22 Pour les modèles de demande en coupe transversale,
les R² sont généralement faibles parce que les
variables structurelles telles que le goût, l'habitude, etc. cause des
modifications dans le choix du consommateur et ne sont pas prises en compte
(Adesina, 94 ; Maiga, 95)
85
Joë& Sotamenou Mémoire de DEA- PTCI /UY II/
Octo6re 2005
- Tribu de l'exploitant : Le fait d'être
Bamiléké et Eton a un impact positif respectivement au seuil de
1% et 5% sur l'utilisation des déchets. Etre de la tribu
Bamiléké ou Eton augmente la probabilité d'utilisation des
déchets respectivement de 0.61 et 0.54 point. Ce résultat
s'explique par le fait que les Bamiléké et les Eton sont les
principaux exploitants des bas-fonds e Yaoundé. Les
Bamiléké et les Eton ont ceci de commun qu'ils sont très
dynamiques et aiment aussi bien pratiquer l'élevage que les
activités agricoles et par conséquent comprennent mieux les
enjeux liés à la récupération et à
l'utilisation des déchets issus de leurs activités.
- Origine des déchets : Acheter les déchets
(animaux surtout) exerce un impact positif sur la probabilité
d'utilisation des déchets dans les parcelles agricoles de Yaoundé
(significatif à 1%). Il est évident que plus les déchets
sont achetés, plus ils sont utilisés. Ceci s'explique par le fait
que 68% des exploitants enquêtés affirment acheter les fientes de
poules car 77% d'entre eux ne pratiquent pas l'élevage. Acheter une
unité de déchets fait augmenter la probabilité de leur
utilisation de 0.50 point.
Les variables techniques :
- Proximité du domicile des parcelles
: Plus un exploitant habite près de sa parcelle plus il lui est moins
pénible d'utiliser les déchets récupérés et
recyclés. Ceci est d'autant plus vrai qu'à partir du calcul de
l'effet marginal on constate que la réduction d'une unité (en
mètre) de la distance séparant le domicile de la parcelle
augmente la probabilité d'utiliser les déchets de 0.60 point.
Significatif à 1%, le signe positif de la modalité
"Proximité du domicile de la parcelle" traduit l'intérêt
que les gestionnaires des déchets doivent accorder à la
construction des centres de regroupement dans les quartiers périurbains,
bastions de l'AUP. En effet, la construction des centres de regroupement des
déchets ménagers (photo 20) dans les quartiers périurbains
(difficilement accessibles aux camions de ramassage) facilite la
récupération et le traitement des déchets et
élimine les obstacles liés à notamment l'approvisionnement
en engrais organique (compost par exemple);
- Type de culture : Le fait de pratiquer les cultures
maraîchères influence positivement l'utilisation des
déchets dans les parcelles. En effet, la modalité " Pratique des
cultures maraîchères" est significativement différente de
zéro au seuil de 1%. Si elle augmente d'un point, la probabilité
d'utilisation des déchets ménagers récupérés
et recyclé augmente de 0.60 point. Ceci est d'autant plus vrai que 73%
des exploitants des bas-fonds de Yaoundé cultivent les produits
maraîchers (condiments et légumes surtout) contrairement aux
fleurs qui sont seulement cultivés par 21 % des exploitants des
bas-fonds de Yaoundé.
Ces résultas viennent confirmer notre deuxième
hypothèse selon laquelle l'utilisation des déchets
ménagers récupérés et recyclés dans les
parcelles agricoles urbaines et périurbaines est
déterminée aussi bien par des facteurs socio-économiques
que techniques.
Le tableau 11.4 présente les quantités de
déchets utilisés ; On constate qu'à Ekozoa, la terre noire
(qui coûte 25 000 FCFA la benne) et que nous n'incluons pas dans la
catégorie des déchets récupérés et
recyclés y est essentiellement. Il faut toutefois mentionner que dans
les autres bas-fonds elle est également utilisée à de
faibles proportions dans les pépinières de condiments et
légumes à la seule
86
Joë& Sotamenou Mémoire de DEA- PTCI /UY II/
Octo6re 2005
différence qu'elle provient de la décharge des
déchets située le plus souvent derrière les maisons
d'habitation ou dans un coin de la parcelle (photo 18). Les déchets
végétaux sont le plus utilisés à Nkolondom et
Etoug-Ebé; cela se justifie par la grande quantité de condiments
et légumes qui y est produite au quotidien.
Sur le terrain lors des enquêtes, nous avons
remarqué que les déchets ménagers suivent deux cycles bien
distincts. Nous constatons que selon qu'un exploitant est éleveur ou
non, les déchets biodégradables que produisent les ménages
suivent des voies de recyclage différentes. En effet, les
éleveurs déversent leurs déchets tout d'abord dans leurs
porcheries afin non seulement de nourrir leurs porcs mais aussi de profiter des
lisiers et des urines de ceux-ci (schéma 4. 1). Pour les éleveurs
- agriculteurs le fait pour ces déchets d'être
piétinés par les porcs les enrichissent en substances organiques
et minérales. Pour les non - éleveurs (schéma 4. 2), leurs
déchets sont déversés derrière leur lieu
d'habitation et après putréfaction, ils sont transportés
dans les parcelles afin d'enrichir les pépinières. Seulement, la
forte utilisation des fientes de poule et l'élevage à très
petite échelle des poules, emmènent systématiquement les
agriculteurs à se ravitailler auprès des vendeurs de fientes.
Le tableau 4. 7 montre que plus de 357 seaux de 15 litres de
déchets végétaux sont utilisés dans les bas fonds
de nos sites d'étude ; ceci représente environ 4
tonnes23 de déchets ménagers
récupérés et recyclés par semaine et qui sont ainsi
utilisées comme engrais organiques dans les exploitations agricoles
urbaines et périurbaines soit 208 tonnes par an (soit une
économie de 3 000 000 FCFA par an pour la CUY).
23 Un seau de 10 litres de déchets ménagers
pèse environ 7 kgs.
87
Joë& Sotamenou Mémoire de DEA- PTCI /UY II/
Octo6re 2005
Les exploitants qui utilisent les lisiers de porc sont
surtout ceux qui pratiquent l'élevage des porcs. Les fientes de poules
par contre sont achetées en grandes quantités et sont
utilisées à grande échelle dans les bas-fonds de
Yaoundé. Le vrai compost quant à lui n'est pas utilisé
dans les parcelles pour des raisons que nous avons évoquées dans
la partie I.1.2 de ce travail. Nkamleu (1996) ajoute que la première
vertu du compost étant sa grande capacité de rétention
d'eau, les maraîchers des bas-fonds marécageux ne sont pas
toujours de grands utilisateurs du compost. De part son importance et sa
richesse en matière organique, la terre noire quant à elle est
grandement utilisée par les floriculteurs d'Ekozoa, car plus de 145
seaux de 15 litres sont utilisés dans les jardins de "l'axe de prestige"
toutes les semaines.
IV-2-2. Recommandations
a- Plaidoyer pour une collecte efficace des
déchets ménagers
A la lumière de notre étude, force est de
constater que le système de gestion des déchets ménagers
dans la ville de Yaoundé est incompatible avec les préoccupations
de développement de l'agriculture urbaine et périurbaine, et ceci
pour plusieurs raisons :
- L'unique mode de traitement des déchets
collectés à Yaoundé est l'enfouissement, ce qui ne
facilite pas les opérations de récupération et de
recyclage ;
- Faute de communication entre les gestionnaires des
déchets et la population, très peu de ménages (6%) dans
les quartiers périurbains maîtrisent un processus de traitement
des déchets ;
- L'absence de la précollecte et la rareté des
bacs à ordures dans les bas-fonds, bastion de l'AUP, favorisent le
déversement anarchique des déchets qui polluent le sol et le
sous-sol et constitue de ce fait un obstacle majeur à l'expansion de
l'agriculture urbaine et périurbaine.
Face à ces limites, nous faisons les propositions
suivantes :
- HYSACAM doit favoriser la création d'une
unité de récupération et de recyclage des déchets
à la décharge contrôlée de Nkolfoulou. Ces
opérations pourraient être assurées soit par
elle-même soit par une ONG ;
- Des efforts supplémentaires quant à la
sensibilisation et l'éducation de la population à travers les
campagnes régulières et les écoles doivent être
faits ; mais seulement l'absence d'un mécanisme d'incitation de type
"pollueur-payeur24" est de nature à biaiser l'action de
sensibilisation menée actuellement dans la ville ;
- Que le nombre de bacs présents dans la ville soit
revu à la hausse, car des spots télé en vue de
sensibiliser la population quant à la nécessité de jeter
les déchets dans des bacs à ordures ne saurait porter de fruits
dans un contexte de rareté des bacs à ordures dans la ville ;
- Que le dépôt des bacs soit le mieux
adapté au type d'habitat et au mode de précollecte ;
- Que le service de précollecte soit
endogénéisé par l'Etat c'est-à-dire inclus dans le
contrat de HYSACAM. HYSACAM et la CUY doivent contribuer à la
précollecte des déchets dans les quartiers en
24 Le principe du « Pollueur-payeur » doit être
instauré par le biais des ressources non fiscales (perception des
redevances auprès des ménages et gros producteurs de
déchets).
88
Joë& Sotamenou Mémoire de DEA- PTCI /UY II/
Octo6re 2005
facilitant la tâche aux ONG et en contribuant
financièrement à cette opération qui est ô combien
indispensable dans une ville oi'i l'accès à 60% des habitations
se fait par des pistes de quartiers. Ceci est fort possible dans la mesure oi'i
beaucoup de laxisme est constaté dans la gestion du budget
consacré à la collecte des déchets. En somme, il faudrait
repenser une autre stratégie de collecte des déchets
ménagers de Yaoundé (schéma 4. 3).
Schéma 4. 3 : Repenser une autre stratégie
de collecte des déchets ménagers
Les opérations de récupération et de
recyclage des déchets ménagers, ne font pas partie
intégrante du système de gestion des déchets
ménagers dans la ville de Yaoundé. La nécessité
d'intégrer ces opérations s'impose dans la mesure oi'i elles
constituent le principal noeud de la relation déchets ménagers -
agriculture urbaine et périurbaine et permet à la ville
d'être propre.
b- Proposition d'une stratégie efficace de
collecte des déchets ménagers, compatibles avec les
préoccupations de développement de l'agriculture urbaine et
périurbaine
b1- Importance des centres de
regroupement
L'analyse des déterminants de l'utilisation des
déchets ménagers récupérés et
recyclés que nous avons faites nous a permis entre autre de comprendre
que l'une des conditions d'utilisation des déchets dans les parcelles
ainsi que la promotion de l'activité agricole urbaine et
périurbaine passent par la proximité du domicile et donc de la
décharge des déchets des parcelles exploitées. De ce fait,
la solution la plus efficace semble être la construction des centres de
regroupement (photo 20) dans les quartiers périurbains non lotis,
principaux bastions de l'AUP de la ville. Pour cela, inspirons nous de
l'expérience de l'association Sarkan Zoumountsi du quartier
Briqueterie.
89
Joë& Sotamenou Mémoire de DEA- PTCI /UY II/
Octo6re 2005
L'asociation Sarkan Zoumountsi a été
Créée en 1997 avec pour ambition d'assurer la précollecte
dans le quartier Briqueterie, arrondissement de Yaoundé 2 avec 3800
ménages pour 26.600 habitants. En octobre 2003, elle a
bénéficié d'un financement de la Coopération
Française et de la CUY dans le cadre du programme d'assainissement
urbain (Voir annexe 4).
Les objectifs visés étaient :
- La création de trois Centres de Transfert (ou de
regroupement) des déchets ménagers servant de lieu de
regroupement des ordures qui après les opérations de
récupération et de recyclage (compostage) seront par la suite
acheminés vers la décharge contrôlée par HYSACAM
;
- La mise en place du tri et de la récupération
pour la revente d'une partie des matières valorisables (papiers-cartons,
verre, métaux et plastiques) ;
- Le compostage des déchets fermentescibles pour la
réduction des tonnages à transporter par les camions de HYSACAM
;
- La Commercialisation partielle du compost produit ;
Le ramassage quotidien des déchets ménagers de
chaque ménage par des équipes de précollecte
structurées en entreprise au moyen des cotisations directes des
ménages adhérents du service (50 F
CFA/ménages)25.
Initialement, pour une production hebdomadaire de
déchets de 161 tonnes dans le quartier, 6.88 tonnes devaient être
récupérées (Papiers, verres, plastiques, ...) et le
compostage devait permettre ainsi une réduction de masse de 28.1 tonnes
; il ne resterait donc plus qu'à évacuer 126.04 tonnes vers le
centre de décharge contrôlé de Nkolfoulou. Cette
réduction de masse permettait une économie de transport pour la
CUY. En effet, le prix moyen de la tonne transportée en décharge
par HYSACAM étant de 13.532 F CFA/tonne, l'action ainsi menée
devait permettre une réduction de masse de 35 tonnes (6,88+28,1) ; la
CUY ferait une économie annuelle de 25.000.000 F CFA.
La construction des centres de regroupement vient donc servir
de plate forme à l'activité de précollecte car
au-delà de la réduction des coûts de transport des
déchets et des emplois qu'elle crée, ces centres de regroupement
permettent de rapprocher au mieux les déchets
récupérés et recyclés des parcelles agricoles. Les
résultats de l'estimation de notre modèle Logit nous a
montré que la proximité du domicile des parcelles influence
positivement la décision d'utiliser les déchets. Moins elle est
grande (comme c'est le cas avec les centres de regroupements) plus les
déchets recyclés sont utilisés dans les parcelles.
25 La photo 19 montre la carte de fidélité qui
tient lieu de reçu de paiement des frais de précollecte.
90
Joë& Sotamenou Mémoire de DEA- PTCI /UY II/
Octo6re 2005
Malheureusement, les points faibles de cette initiative de
développement ont été :
- La faible participation des populations pour deux
principales raisons : Le quartier Briqueterie est un quartier commercial et la
plupart des commerçants qui y exercent n'y résident pas. Autre
raison, HYSACAM dès le lancement du projet s'est mit à assurer le
ramassage dans les zones où ses camions ne couvraient jamais ; ce qui
fait qu'entre juin 2004 et septembre 2004 par exemple, seulement 07 bacs
HYSACAM de 16m3 ont été remplis, soit 78,4 tonnes
d'ordures inutiles (après traitement) en 03 mois ;
- La difficulté de mise en oeuvre du projet et du non
respect des termes du contrat a fait que le projet s'est arrêté au
même moment que l'arrêt du financement de la Coopération
Française ;
- Une autre raison et peut être la plus importante a
été la non prise en compte des revenus des ménages et le
fait de compter sur les contributions financières des ménages n'a
pas permis de supporter à temps les coûts de l'opération.
Couplée au manque de sensibilisation sur la gestion de
l'opération, ces faiblesses ont entraîné une faible
mobilisation de la population et donc un échec de l'initiative.
L'échec de cette initiative doit servir de
leçons, de réorientation et de motivation pour les gestionnaires
des déchets. Il faut dire que si l'action menée par les
associations et ONG de précollecte est soutenue par la CUY et HYSACAM
comme nous l'avons montré, de telles initiatives porteraient des fruits
sans la contribution des ménages.
Autre solution : 03 tonnes en moyenne de
déchets sont précollectées par jour et
déversés dans les bacs à ordures de HYSACAM par
l'association Tam-Tam Mobile du quartier Melen IV, soit environ 70 tonnes par
mois. Mais comme beaucoup d'autres associations de précollecte de la
ville, Tam-tam Mobile exerce dans de conditions difficiles liés
notamment à la faiblesse des contributions des ménages et
à l'abandon de la part des gestionnaires des déchets.
Afin de palier à cet épineux problème de
financement, nous faisons la proposition suivante : En reversant seulement 30%
des 13 532 FCFA 26précollectée par tonne
collectée et mise en décharge versé à HYSACAM
à l'association de précollecte Tam-Tam Mobile, soit environ 326
172 FCFA par mois, ses charges mensuelles (salaires et autres) qui se situent
autour de 275 000 FCFA seraient entièrement couvertes. C'est ainsi que
l'activité de précollecte sera encouragée, l'environnement
sera préservé et surtout les exploitants des bas-fonds de Melen
III et IV bénéficieraient des déchets ainsi
récupérés et recyclés.
b2- Proposition en vue d'améliorer
la production agricole urbaine et périurbaine
Le développement de l'activité agricole urbaine
et périurbaine en elle-même souffre de plusieurs maux. A la
lumière des difficultés que rencontrent les agriculteurs,
proposons-nous de faire quelques recommandations qui nous semblent utiles :
26 Soit 4 F CFA par kg de déchet
91
Joë& Sotamenou Mémoire de DEA- PTCI /UY II/
Octo6re 2005
- Les exploitants des bas-fonds de Yaoundé ont besoin
d'être rassurés dans les bas-fonds. Car le fait pour eux
d'être incertains quant à leur avenir dans les bas-fonds ne les
encourage pas à redoubler d'ardeur au travail et c'est la production
agricole qui se trouve ainsi pénalisée ;
- Une exploitante des bas-fonds d'Etoug-Ebé lors de
notre séance de restitution dans ce quartier périurbain, à
la réponse à la question de savoir pourquoi elles (les
exploitantes) n'utilisent pas le compost elle a répondu : « Le
compost est vendu loin de notre quartier et les coûts relatifs à
leur transport sont élevés et en plus nous ne sommes pas sures
qu'il est plus efficace que les fientes que nous achetons à
proximité et utilisons dans nos parcelles... » ; Cette
réponse pertinente doit emmener les acteurs de l'AUP à diffuser
des informations relatives à la contribution aussi bien agronomique
qu'économique du compost. D'ailleurs, à de petites doses de
compost (5t/ha), le taux de rentabilité du compost urbain est
supérieur à 100% et conformément aux normes de la FAO, ce
taux de rentabilité devrait pouvoir justifier l'adoption de cet intrant
qui est un produit à forte rémanence. Toutefois, un accent doit
être mis sur le fait que le compost ne réagit pas de façon
identique sur toutes les cultures, car elles n'ont généralement
pas les mêmes besoins nutritifs. Les chercheurs doivent donc
étudier les valeurs nutritionnelles aussi bien des déchets
végétaux que des déchets animaux et celles du compost afin
de préciser le type de culture qui est favorable à l'utilisation
de tel ou de tel autre déchet ;
- Tous les exploitants des bas-fonds de Yaoundé se
plaignent également de la baisse du pouvoir actif des engrais chimiques
qui au fil des années deviennent de moins en moins efficaces. Ceci doit
pousser les chercheurs à trouver de nouvelles molécules qui
répondent au mieux aux mutations que connaissent les micro-organismes
dans le temps. L'Etat gagnerait également à subventionner comme
jadis les engrais afin d'encourager leur utilisation ; il faut dire que sur des
grandes surfaces, les engrais chimiques ont un taux de rentabilité de
l'ordre de 300% et sont donc plus efficaces que le compost par exemple,
malgré le fait qu'ils connaissent un lessivage systématique
après une saison;
- Ces mêmes exploitants se plaignent également
du mauvais encadrement dont ils font l'objet de la part des ONG avec qui elles
travaillent. Ils estiment que ces ONG (qui bénéficient des
subventions de l'Etat et de certains organismes de recherche) "s'enrichissent"
sur leurs dos et en retour ne partagent pas avec eux les retombés aussi
bien financières que matérielles des actions menées en
commun. En effet, les parcelles de ces exploitants, généralement
regroupés en GIC, servent souvent de lieu d'encadrement et de champ
d'expérimentation aussi bien pour les chercheurs que pour les
étudiants. Il serait préférable que l'Etat revoie sa
stratégie en matière de subventions, en demandant à ces
ONG d'intégrer dans leur conseil d'administration certains
délégués des exploitants avec qui elles travaillent. En
plus toutes les actions menées par ces ONG et subventionnées par
quiconque doivent être contrôlées avec la plus grande
attention.
CONCLUSION :
L'objectif visé par cette deuxième partie
était d'identifier les variables susceptibles d'influencer la demande
des déchets ménagers récupérés et
recyclés dans les bas-fonds de Yaoundé d'une part et d'autre part
de proposer une stratégie de collecte des déchets qui soit
compatible avec les préoccupations de développement de l'AUP.
92
Joë& Sotamenou Mémoire de DEA- PTCI /UY II/
Octo6re 2005
Alors que le chapitre III nous a permis d'analyser la demande
d'innovation et d'apprécier les caractéristiques de l'AUP
à travers ses acteurs, ses avantages, ses inconvénients et ses
produits, le chapitre IV quant à lui nous a permis d'identifier deux (2)
groupes de variables susceptibles d'influencer la demande des déchets
ménagers récupérés et recyclés dans les
bas-fonds de Yaoundé. Il s'agit des variables socio-économiques :
Niveau d'instruction, tribu, origine des déchets ; et des variables
techniques : Proximité du domicile de la parcelle et type de culture
pratiquée. Enfin nous avons proposé la construction des centres
de regroupement de déchets ménagers et une révision du
système de gestion des déchets ménagers qui devrait
intégrer la précollecte et donc les préoccupations de
développement de l'AUP.
Malheureusement, dans ce travail, l'incapacité de
prendre en compte certains facteurs aussi bien financiers que techniques
influençant directement la collecte des déchets dont : le taux de
couverture de la ville, les charges d'exploitation de HYSACAM, le nombre de
kilomètres de voiries carrossables, constitue la première limite
de notre étude. Ensuite, non seulement nous n'avons pas pris en compte
les effets négatifs liés à l'utilisation des
déchets ménagers récupérés et
recyclés dans les exploitations
agricoles urbaines et périurbaines, mais aussi les
sites retenus dans notre étude sont
"contrôlés"27.
L'absence d'informations relatives à ces variables
constitue la principale raison de son omission dans l'étude empirique.
Cependant, ces limites ne sont pas de nature à compromettre les
résultas et la pertinence des analyses qui ont été faites.
Toutefois, des recherches futures pourraient permettre
d'endogénéiser ces limites et affiner ainsi le sujet.
27 "Contrôlés" parce que ces sites
bénéficient de l'encadrement de certaines structures de
recherche. C'est le cas notamment de certaines exploitations agricoles de
Nkolondom qui constituent des champs d'expérimentation pour certains
chercheurs aussi bien de l'IRAD, du CIRAD que du MINERESI.
93
Joë& Sotamenou Mémoire de DEA- PTCI /UY II/
Octo6re 2005
|