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L'enfant apprenti au Bénin

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par Camille Raoul FASSINOU
Université d'Abomey Calavi (UAC Bénin) - DEA en droit de l'homme 2006
  

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SECTION 2 : L'ENTREE FACILE EN APPRENTISSAGE

L'apprentissage dans le secteur informel recrute les enfants des deux sexes. Il n'existe pas sur le plan national de données statistiques exactes sur leur nombre. Elle s'opère dans la plus grande simplicité possible et ne rencontre aucun obstacle. Les différents acteurs impliqués dans ce processus, ne se soucient pas de la réglementation pour envoyer ou recevoir les enfants en apprentissage. Tout se déroule selon une pratique facilement établie contraire aux dispositions législatives comme si l'Etat n'avait rien à imposer aux parents en ce qui concerne leur progéniture, ni aux patrons en ce qui concerne la gérance et le recrutement des apprentis dans leurs ateliers.

Cette entrée en apprentissage sera analysée par rapport aux conditions nécessaires pour l'entrée en apprentissage à savoir : l'âge d'entrée en apprentissage (Paragraphe 1), le contrat d'apprentissage (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : L'AGE D'ENTREE EN APPRENTISSAGE

Le système de recrutement et de transmission du savoir manuel dans le secteur de l'apprentissage au Bénin est caractérisé par le non respect des textes en la matière par les acteurs de ce secteur. Les enfants sont simplement confiés à un maître artisan ou à un patron par un contrat verbal selon le rapport social du Bénin de 199623(*).

Au Bénin comme dans plusieurs pays du monde, l'âge d'accès au travail est constamment violé involontairement (ignorance des textes A) ou volontairement (la violation consciente des lois B) par les uns et les autres en ce qui concerne les enfants candidats à l'apprentissage.

A°) L'ignorance des textes

Nul n'est sensé ignoré la loi dit-on. Et pour tant l'analphabétisme dont souffre la quasi-totalité des Béninois est l'une des causes principales de l'ignorance des textes et lois de la République. Nombreux sont les patrons d'atelier analphabètes, qui sont incapables d'écrire leur propre nom. Plusieurs patrons ne savent même pas que les enfants qu'ils doivent accepter en apprentissage dans leur atelier doivent avoir au moins 14 ans, ne pouvant lire et comprendre les tests.

Cette ignorance des lois sur l'enfant et l'apprentissage cause des préjudices graves et parfois irréversibles aux enfants apprentis. Le recrutement des apprentis se réalise par le biais des réseaux et des relations.

Par exemple, « Les parents et patrons ignorent que le législateur, en fixant l'âge minimum d'accès au travail ou à l'atelier des enfants à 14 ans, a voulu permettre à tous les enfants en âge scolaire de bénéficier au moins de l'instruction primaire obligatoire avant d'entrer dans la vie active24(*) ». Ils ignorent que l'instruction élémentaire est fondamentale et permet à tout individu de mieux se réaliser et aux apprentis en particulier de mieux gérer plus tard leur atelier et de se perfectionner en suivant des formations continues car l'apprentissage n'est pas une fin en soi. C'est une règle qui a aussi pour but de limiter les abus des employeurs et des patrons d'atelier qui utilisent les enfants sans distinction d'âge et de sexe, toutes choses souvent nuisibles à leur santé, leur psychologie, leur morphologie pour ne citer que ceux là.

Les parents des enfants apprentis n'ont pas conscience du mal qu'ils font à leurs enfants en les envoyant précocement dans les ateliers de formation. Ils n'ont pas la capacité nécessaire pour affronter les patrons d'ateliers lorsque ceux-ci abusent de leurs enfants ou les rend responsables des fautes commises par leurs enfants au moment même où ils étaient sous la tutelle de leur patron. Lorsque les litiges surviennent entre eux et le patron de leurs enfants, ils préfèrent rompre les contrats d'apprentissage sans autres formes de procès que d'ester en justice parce que ne sachant même pas si entre temps il y a eu une loi qui protègent leurs enfants. Pour eux, la justice est réservée aux personnes riches parce qu'elle est coûteuse. C'est le cas, des maçons notamment ceux ressortissant des départements de l'Ouémé-Plateau, des vulcanisateurs, des menuisiers, des mécaniciens qui emploient sur leurs chantiers des enfants de 5 à 14 ans ignorant qu'ils sont ainsi entrain d'enfreindre à la loi, que pourtant personne n'est censée ignorer.

Pour remédier à ce problème, « la sensibilisation sur les droits des apprentis et des méfaits de l'exploitation économique devra être à la hauteur des campagnes électorales ou de vaccination organisées périodiquement par le gouvernement25(*) ». Il est donc nécessaire de mettre à contribution les élus locaux, les chefs religieux et traditionnels, les ONG et les organisations de la société civile.

Il n'est pas rare aussi, de voir des parents ou des patrons d'ateliers qui, bien qu'ayant conscience de l'existence des textes, et pour une raison ou une autre, préfèrent volontairement les ignorer pour la simple raison qu'ils ne sont pas en adéquation avec les réalités sociologiques béninoises ou encore que leur application est coûteuse mais aussi et surtout qu'elles ne sont pas accessibles à tous.

B°) La violation consciente des textes

La plupart des textes adoptés et ratifiés par le Bénin en ce qui concerne le travail des enfants ont fixé l'âge d'accès des enfants au travail à 14 ans. L'article 166 du code du travail béninois dispose : « les enfants ne peuvent être employés dans aucune entreprise avant l'âge de14 ans ». En ce qui concerne le cas particulier de l'apprentissage, l'alinéa 1er de l'article 66 du même code en dispose : « nul ne peut être apprenti s'il n'est âgé de 14 ans révolus ».

Contre toute attente, la majorité des apprentis rencontrés au cours de notre enquête dans la région de l'Ouémé-Plateau où nous avons axé notre enquête compte tenu de leur nombre plus important dans cette localité, sont des mineurs de moins de 14 ans. On les retrouve le plus souvent dans la maçonnerie, la vulcanisation, la menuiserie, la mécanique autos et motos, la plomberie et autres.

Tous les parents et patrons, responsables de l'entrée précoce des enfants à l'apprentissage ne sont pas des analphabètes et n'ignorent pas toujours l'existence des textes. Les parents se tournent vers l'apprentissage pour faire face à la défaillance du système scolaire et pour les familles pauvres, l'apprentissage constitue un atout car il est moins coûteux que l'apprentissage dans les lycées techniques. Une étude réalisée à Cotonou en 1990, dans les villes de Cotonou, Porto-Novo, Parakou, Abomey et Bohicon a indiqué que « pour les enfants de 12 ans mis en apprentissage, le coût de la formation représente la moitié des frais de scolarité exigés dans les établissements d'enseignements techniques26(*) ». C'est pourquoi, quand bien même, ils sont conscients des lois en vigueur, ils préfèrent ne pas les respecter.

Ils préfèrent envoyer précocement leurs enfants à l'apprentissage. D'autres pensent qu'ils sont responsables et tout ce qu'ils décident pour leur enfant est le meilleur. Dans cet environnement, l'âge d'entrée en apprentissage est variable d'un artisan à un autre et ceci au mépris de la loi. Ils recrutent les enfants de moins de 14 ans pour satisfaire leur besoin en main d'oeuvre que représentent les apprentis. Ces derniers quant bien même ils ont connaissance de la loi, préfèrent la survie de leur atelier ou entreprise, au respect des normes réglementaires.

De plus, il n'est pas rare de rencontrer des parents qui, face à la crise scolaire, préfèrent envoyer le plus tôt possible leurs enfants en apprentissage, ce qui, selon ces parents, pourrait lui garantir dans 10 à 15 ans, un emploi. Ils pensent que face au chômage, l'école ne garantit plus très tôt l'avenir de leurs enfants.

Ainsi, parents et patrons entrent en complicité pour contourner la loi et permettre à chacun d'eux de trouver son compte dans le processus qui mène l'enfant à l'apprentissage. De ce fait, le contrat d'apprentissage à l'instar de l'âge d'entrée en apprentissage souffre également de plusieurs maux.

* 23 « Rapport social du Bénin », édition 1996, op. cit., page 122.

* 24 DOKOUI (Symphorien), KPOVIESSI (Julien), « Régime du contrat d'apprentissage au Bénin », mémoire de maîtrise es-sciences juridiques, UNB, 1997-1998, page 40.

* 25 TINKPON (Flavien), « L'exploitation économique des enfants », mémoire de fin de formation ENA, cycle I, 1998, page 62.

* 26« Rapport social du Bénin » édition 1996, op. cit., page 122.

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