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L'enfant apprenti au Bénin( Télécharger le fichier original )par Camille Raoul FASSINOU Université d'Abomey Calavi (UAC Bénin) - DEA en droit de l'homme 2006 |
PARAGRAPHE 2 : LA VIOLATION DES LIBERTESDE L'ENFANT APPRENTI« La liberté, condition d'une personne libre, non esclave, non serve, est un état indispensable à tout être humain pour l'accomplissement de sa personne21(*) ». Les enfants, sont des êtres vulnérables auxquels il est accordé plusieurs libertés indispensables pour leur développement normal. Ils bénéficient particulièrement de certaines libertés indispensables pour leur développement psychologique, physique, intellectuel et moral. Mais les acteurs du secteur informel considèrent les dispositions juridiques comme modernes et ne les appliquent pas. Au nombre des libertés qui sont constamment occultées par les patrons d'ateliers mais encore et aussi par les parents d'enfants apprentis on peut citer celles d'expression et d'opinion (A), et celles de conscience, de pensée et de religion (B). A.) La liberté d'expression et d'opinion La liberté d'expression et d'opinion est reconnue par la convention internationale des Nations Unies de 1989. Elle est reconnue également par les articles 4 alinéa 7 de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être des Enfants et l'article 12 et 13 de la Convention relative aux Droits des Enfants. Aux termes de ces dispositions, la famille, les éducateurs, les juges d'enfants et de la famille sont chargés de veiller à ce que les enfants jouissent de ces libertés. Malheureusement, ces libertés ne sont pas assurées aux enfants apprentis, ni par les juges, ni par les parents et encore moins par les maîtres d'ateliers. D'abord, ces enfants que les parents considèrent comme leurs propriétés n'ont pas le droit de faire un choix libre de leur profession, ni de choisir l'atelier ou le maître d'atelier qui devra assurer leur formation. Ils sont alors privés de liberté professionnelle. Les parents et les patrons, au lieu de les écouter et communiquer avec eux pour prendre leurs opinions sur les questions qui les concernent, prennent toutes les décisions à leur place. Heureusement, de nos jours, les parents demandent de plus en plus leur avis, car le constat est que les enfants à qui on a imposé les métiers ne terminent presque jamais la formation contrairement à ceux qui font leur propre choix ou qui sont associés dans le choix de leur profession d'avenir. Ils expriment du dévouement et de la passion dans l'exercice de la profession qu'ils choisissent. Les maîtres artisans ne respectent pas un seul instant les libertés d'expression ni d'opinion de ces enfants. Ils n'ont pas le droit d'exprimer leurs besoins, leurs difficultés encore moins leurs idées sur quelque situation que ce soit dans l'atelier. « Ces patrons sont prêts à les rabrouer à la moindre tentative de ces enfants de ce confier à eux22(*) ». Ils n'ont pas le droit de poser des questions au patron sur le métier qui leur est enseigné ; ils observent. Ils n'ont pas de voix. Ils sont pour ces maîtres, des esclaves prêts à servir. Si la liberté d'expression et d'opinion était assurée à ces enfants, elle leur permettrait évidemment une bonne compréhension des méthodes à eux enseignées pour leur développement psychologique et mental. Il serait apte à vite assimiler les mécanismes et pratiques usuelles du maître artisan. Il est important de reconnaître la liberté à l'enfant pour ne pas brider son imagination créatrice quand on sait que quelquefois les enfants ont tendance, si les conditions sont remplies, à réfléchir plus vite que les adultes. La violation des libertés des enfants apprentis ne se limite pas à celle développée ci-dessus mais également s'étend à celles de conscience de religion et de pensée. B°) La liberté de conscience, de religion et de pensée Dans les ateliers, les enfants sont privés de leur liberté de conscience, de penser, et même de religion. Les maîtres artisans ne respectent ni la pensée, ni la conscience et encore moins la religion de ces enfants. On note leur immixtion dans la vie religieuse et spirituelle de ces derniers. L'enfant apprenti est alors privé des libertés tant prônées au plan international régional et national. En effet, la Constitution Béninoise proclame son adhésion aux droits et libertés dès son préambule et leur consacre le titre II, intitulé « Des Droits et des devoirs de la personne humaine », dans lequel, sont garantis constitutionnellement la plupart des droits et libertés classiques. Le principe le plus général veut que « les Droits fondamentaux de l'homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice soient garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois tant dans la dimension temporelle, culturelle que spirituelle ». Les libertés, de pensée, de conscience et de religion sont aussi protégées par les articles 9 du CADBE et 12 du CIDE. Les parents et les éducateurs ont le devoir d'aider l'enfant à développer ses capacités intellectuelles et morales. Les apprentis auprès de qui nous avons enquêté ignorent tout de ces libertés. Dans les ateliers, les patrons ont leur règlement et les enfants apprentis ne font que subir car la moindre contestation de leur part entraîne des sanctions qui peuvent aller jusqu'à l'exclusion. Certains patrons obligent les enfants à suivre leurs pratiques religieuses. Ces apprentis sont alors obligés de respecter les règles de la religion de leur patron au risque de se faire renvoyer ou maltraiter. Sur les 152 enfants apprentis enquêtés, 38,15 % sont obligés d'adhérer à la religion de leur patron. C'est le cas chez des patrons musulmans ou animistes qui obligent leurs apprentis à leurs pratiques religieuses pour la sauvegarde de leur clientèle, ou encore pour résister à la concurrence des autres artisans voisins car les querelles ne manquent pas. Ils usent ainsi de leur titre pour convertir leurs apprentis. Des 58 patrons enquêtés, pour 46,55 % d'entre eux, cela est bien normal car la contradiction de plusieurs forces spirituelles au sein de l'atelier pourrait être nuisible pour l'harmonie et l'évolution dans l'atelier. Pour douze (12) patrons chrétiens assurant la formation d'enfant apprentis de conception religieuse musulmane, le temps qu'ils devraient consacrer aux prières dans la journée est plutôt utilisé pour le travail. Les libertés promues et indispensables à l'être humain sont hypothéquées chez les enfants apprentis de moins de 14 ans tant par leurs propres géniteurs que par les patrons d'atelier. L'indifférence des pouvoirs publics face aux multiples violations constatées facilitent les abus et permet aux acteurs de faire entrer l'enfant à l'apprentissage sans le suivi de quelque règle que ce soit et en toute illégalité. C'est pourquoi il convient de mettre un accent particulier sur l'entrée facile de l'enfant apprenti à l'apprentissage. * 21 GUILLIEN (Raymond) et VINCENT (Jean), « Lexique des termes juridiques », 13e édition, DALLOZ, Paris, 2001. * 22 UNICEF, « Enquête sur les enfants travailleurs dans la ville de Cotonou, Porto-Novo et Parakou », volume 1, Cotonou, Décembre 1999, page 63. |
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