L'enfant apprenti au Bénin( Télécharger le fichier original )par Camille Raoul FASSINOU Université d'Abomey Calavi (UAC Bénin) - DEA en droit de l'homme 2006 |
PARAGRAPHE 2 : LE REFUS D'AMELIORER LA SITUATIONDE L'ENFANT APPRENTILa ratification de plusieurs conventions relatives aux droits de l'enfant et l'élaboration de plans nationaux d'action en faveur de la mère et de l'enfant, la mise en place d'instruments juridiques nationaux ainsi que la création d'institutions chargées de les appliquer au niveau national constituent certes des avancées significatives dans le sens de l'amélioration de la situation des droits de l'enfant. Mais la protection de l'enfance reste une tâche en devenir permanent. L'apprentissage évoluant dans le secteur informel non structuré n'offre aucune garantie de protection des droits des milliers d'enfants qu'ils engagent. Certes, depuis un certain temps, les gouvernants béninois s'intéressent à ce secteur pour sa réorganisation en faveur des jeunes apprentis, mais il est évident que cette réorganisation ne serait pas utile sans la réunion au préalable de certaines conditions indispensables dont l'harmonisation (A) et l'adéquation (B) des textes internationaux ratifiés et des textes législatifs avec les réalités socioculturelles et économiques. A - L'harmonisation des textes Les droits de l'enfant restent des droits fondamentaux garantis aussi bien par les instruments universels que les instruments régionaux. Il est important qu'en Afrique, de tels droits soient toujours plus promus et respectés, tout en tenant compte des réalités culturelles locales. L'une des premières étapes pour un Etat soucieux de respecter ses obligations aux termes des instruments relatifs aux droits de l'enfant, consiste à s'assurer que la législation nationale est parfaitement compatible ou mise en conformité avec les normes énoncées dans les traités. L'acte de ratification perdrait son sens si au plan interne, l'Etat béninois ne le reconnaissait pas, compte tenu de ses réalités les droits relatifs à l'enfant issus des conventions qu'il a librement ratifiées au nom de sa souveraineté. « Mais malheureusement, il existe des lacunes certaines au niveau de la législation qui exigent que des solutions soient trouvées pour se conformer aux engagements pris au plan international pour garantir les droits de l'enfant65(*) ». La constitution permettant à tout citoyen d'être éligible à la députation, certains députés sont des ignorants du droit et n'ont aucun attaché juridique pour les aider à régler les problèmes de droit qui se posent à eux comparativement à leurs homologues des pays développés. C'est pourquoi, plusieurs textes adoptés par l'assemblée nationale ont des contenus tout à fait contradictoires. Tel est le cas de la contradiction qui existe aujourd'hui entre le code du travail et le code de l'artisanat sur la condition de forme du contrat d'apprentissage. Les droits de l'enfant apprenti sont multiples. Bien définis et divulgués, ils permettront aux enfants apprentis de connaître leurs droits pour solliciter en cas de violation, leur respect. La connaissance de ces droits contribuerait à une meilleure protection de ces apprentis contre les abus dont ils sont victimes au quotidien. Pour réussir la lutte contre les mauvais traitements et l'exploitation des enfants apprentis, il ne suffira pas uniquement de mettre en place un arsenal juridique reconnaissant la protection à l'enfance africaine, mais de mettre en oeuvre des mesures concrètes pour rendre effective une telle protection. Il est important que la législation interne évolue dans le sens d'une protection toujours plus efficace ; d'où la nécessité d'assurer une plus grande harmonisation et la vulgarisation de la législation béninoise avec les différents instruments juridiques internationaux en faveur de l'enfant car, il est vrai que la population béninoise est pauvre, mais elle entend protéger sa progéniture et la voir prospérer. Pour le Président de la FENAB, Monsieur Théophile HOUNZA, outre l'harmonisation des textes, il faut une adéquation entre les réalités socio-culturelles et les lois, décrets et arrêtés d'application qui sont pris par les gouvernants pour passer de la parole aux actes. B - L'adéquation des textes « Un droit, quelle que soit sa perfection technique formelle, doit être en relation avec la société et l'exprimer et non être un idéal, incompréhensible pour ceux qu'il doit régir et qui sont pourtant censés ne pas l'ignorer66(*) ». Au Bénin, nul doute qu'il existe un grand fossé entre la théorie et la pratique en ce qui concerne les engagements pris en direction des enfants. Le comité des droits de l'enfant après analyse du rapport présenté en 1997 par le Bénin, reconnaît que les difficultés économiques et sociales entravent la mise en oeuvre de la convention. Il faut noter en particulier les effets du programme d'ajustement structurel, la croissance du chômage et de la pauvreté et l'insuffisance des ressources humaines spécialisées. Le comité a également souligné l'insuffisance de la place que le vaste mandat du comité national pour la surveillance de la mise en oeuvre des instruments internationaux fait à la surveillance particulière des droits de l'enfant. Il apparaît donc clair que la proclamation des droits est une chose et leur jouissance effective en est une autre. Il faut du chemin pour passer d'une étape à une autre. Les conventions, traités et lois de protection de l'enfance ne reçoivent qu'une application limitée car la mise en oeuvre connaît des difficultés qui sont liées à leur inadéquation avec nos réalités socioculturelles et économiques. Le secteur de l'apprentissage est mal régi au Bénin, nombre des dispositions existant dans ce domaine ne sont pas en conformité avec nos réalités parce que les gouvernants n'associent pas les acteurs du secteur de l'apprentissage et ne prennent pas leur avis lors de l'élaboration des textes or, on ne saurait prendre de textes applicables dans ce secteur sans tenir compte des réalités de chaque métier et secteur d'activité. Ainsi, les dispositions prises par les gouvernants pour l'encadrement de l'apprentissage deviennent par ce fait inadéquates et difficilement applicables. Ces incohérences des normes avec les réalités de l'apprentissage semblent être les conséquences de notre mimétisme juridique. Mais à l'analyse, il nous semble que les textes coloniaux sont plus protecteurs des droits et intérêts de l'enfant apprenti que ceux datant de l'après indépendance. « L'écart entre la réalité aujourd'hui et les actes du législateur, indique la direction dans laquelle doit s'engager l'effort de tous67(*) ». Pour ce faire, il s'avère indispensable que désormais les gouvernants associent les acteurs du secteur de l'apprentissage aux prises de décisions les concernant. Les textes qui ne tiendront pas compte de la réalité socioculturelle, économique, politique, du poids de la tradition, de ces coutumes du secteur de l'artisanat ne seront pas d'application. Lorsque les textes seraient bien conformes aux réalités du pays, ils seront plus facilement maîtrisés par les populations s'ils sont portés à leur connaissance et alors les infractions pourront être sévèrement réprimés. Car reconnaissons après tout que malgré la pauvreté, tous les enfants et leurs parents rêvent d'un monde meilleur. En définitive, les problèmes liés à la mise en oeuvre des textes, sont multiples au Bénin, comme dans la plupart des pays africains. Ces problèmes découlent aussi bien du manque d'harmonie ou d'inadéquation de la loi nationale, du manque de moyens matériel et humain, d'un vide législatif, que de beaucoup d'autres facteurs au nombre desquels, l'insuffisance des moyens de protection. * 65 OSSE (Casimir) et AKPOVO (Elvire E.), « Les garanties juridiques de protection de l'enfant contre les mauvais traitements au Bénin », Mémoire de maîtrise es-sciences juridiques, page 33. * 66 DEGNI-SEGUI (René), « Les droits de l'homme en Afrique noire francophone : Théories et réalités », deuxième édition, CEDA, Abidjan, avril 2001, page 291. * 67 DEGNI-SEGUI (René), op. cit., page 291. |
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