IV. Etude empirique des inter relations
mécanismes de gouvernance, décisions financières et
risque :
Plusieurs recherches antérieures ont
étudié l'impact des pratiques de gouvernance sur la valeur de la
firme mesurée à l'aide de Q de Tobin et en incluant quelques
variables de contrôle. Leurs résultats ont été
biaisés du fait de la non considération de
l'interdépendance entre les différents mécanismes de
contrôle. Suivant Agrawal et Knoeber (1996), Beiner, Drobetz, Schmid et
Zimmermann (2003) et Schmid (2003), notre travail consiste à
spécifier un système à équations
simultanées, où chaque mécanisme constitue la variable
dépendante d'une des équations. Le choix de l'un des
mécanismes de contrôle dépend des autres
mécanismes.
Par ailleurs, pour étudier l'impact des
différents mécanismes sur la valeur de la firme, une
dernière équation est ajoutée au système. Elle
comprend comme variables le ratio Q de Tobin comme variable dépendante
à coté d'autres variables explicatives. De plus, suivant Beiner,
Drobetz, Schmid et Zimmermann (2004), Q de Tobin va être incluse comme
variable explicative des différents mécanismes dans chacune des
équations du système, pour permettre la corrélation
possible. Ainsi chaque mécanisme peut affecter Q de Tobin et Q de Tobin
lui même peut aussi affecter le choix des autres mécanismes.
La contribution de ce travail est premièrement, une
analyse simultanée de tous les mécanismes de
contrôle sur des données de panel; d'une part des
problèmes d'agence entre actionnaire - dirigeant, la
propriété managériale, la propriété
institutionnelle, la taille du conseil d'administration et la
propriété des grands actionnaires et d'autre part des
problèmes d'agence entre actionnaires obligataires à savoir
l'endettement et la politique de distribution de dividende.
Deuxièment, permettre l'interrelation entre ces
différents mécanismes dans un système à
équations simultanées qui prend en considération
l'endogeneité des variables pour éviter les coefficients
biaisés et non efficaces de MCO.
Troisièment, permettre l'interférence entre ces
mécanismes et la performance et surtout permettre à la
performance d'avoir une influence sur le choix des mécanismes de
contrôle et sur les décisions financières.
Quatrièment, la considération du contexte
à risque. En effet, le risque est une composante centrale dans la
littérature financière qui relie différents
mécanismes de contrôle. Par exemple, alors que la
propriété managériale inspire un niveau
élevé de risque, un risque élevé cause selon Ravid
(1988) un faible niveau d'endettement et selon Venkatesh (1989) une
réduction de la valeur de la firme par une réduction du paiement
du dividende. Le risque apparaît comme le maillon qui relie les
différentes variables à déterminer et les
différents choix à prendre.
Notre échantillon est constitué de 72
entreprises américaines extraites de Fortune 1000 sur cinq années
(1999 - 2003). Les données concernant les états comptables sont
présentés sous les rappels annuels de type 10 K et les
données concernant la structure de capital sont extraites des rapports
de type DEF 14A « proxy statement ». On a pris soin
d'exclure toutes les sociétés du secteur financier, du secteur
des assurances ou des sociétés de portefeuille dont
l'activité entraînera un traitement comptable particulier.
1. Méthodologie :
Dans la littérature, plusieurs mécanismes de
contrôle ont été suggérés pour affaiblir les
problèmes d'agence. La plupart des études antérieures ont
été focalisées sur un des aspects de la gouvernance. Comme
exemple, la taille du conseil d'administration ( Yermack , 1996), la
composition du conseil d'administration ( Hermalin et Weisbach, 1991), la
compensation ( Loderer et Martin, 1997), les actionnaires majoritaires (
Demsetz et Lehn, 1985) ...
Mais, il semble crucial de considérer que ces
mécanismes de gouvernance peuvent être utilisés
simultanément ou substitués l'un à l'autre, ce qui n'a pas
été déjà pris en considération. Notre
étude empirique, pour ce faire, considère une multitude de
mécanismes de gouvernance ensemble pour réussir à
construire une image complète des interdépendances possibles
entre les mécanismes eux mêmes et avec la valeur de la firme.
Pour une compréhension exhaustive de la relation
gouvernance - valeur de la firme et vis vers ça, notre étude
inclut 8 variables endogènes et 16 variables de contrôle.
Une idée récurrente dans ce travail comme dans
d'autres études auparavant est la possibilité
d'endogeneité entre les mécanismes de gouvernance et la valeur de
la firme. Les firmes avec des valeurs élevées, pour n'importe
quelle raison qui soit, peuvent être plus aptes que d'autres firmes
à choisir de meilleures structures de gouvernance. Elles peuvent le
faire à cause du fait que les dirigeants d'une firme croient que ces
structures de gouvernance vont augmenter la valeur de la firme encore plus ou
potentiellement signaler une bonne qualité de gestion . Il y aura une
relation de causalité entre les mécanismes de gouvernance et la
valeur de la firme, mais le coefficient des moindres carrés
ordinaires(MCO) va l'ignorer.
Bhagat et Black (2002), à partir des régressions
de MCO, mettent en évidence une corrélation négative entre
l'indépendance du conseil administratif et les mesures de performance
des firmes. Au contraire, ils trouvent aussi que les firmes les moins
performantes augmentent l'indépendance de leurs conseils. Une fois cette
endogéneité entre la performance et la composition du conseil
contrôlée, la corrélation négative
précédemment mise en évidence s'affaiblie pour ne plus
être significative.
Par ailleurs, on peut s'attendre à des effets de
substitution. Etant donné une liste inter reliée de
mécanismes de contrôle, une firme peut choisir une plus grande
utilisation d'un mécanisme qui n'est pas positivement relié
à la valeur de la firme. Avec d'autres mécanismes moins
utilisés mais qui affectent positivement la valeur, le résultat
sera la conservation de la valeur finale de la firme.
L'existence de différents mécanismes de
contrôle et la possibilité d'interdépendance entre eux rend
la régression par MCO reliant la valeur d'une firme à
l'utilisation de l'un des mécanismes de contrôle difficile
à interpréter.
L'analyse empirique est procédée comme suit. La
première étape consiste à estimer par la méthode
MCO la valeur de la firme en fonction d'un seul mécanisme de
contrôle. Ces estimations ont été fréquemment
utilisées précédemment mais ils ignorent l'effet possible
de substitution ou d'utilisation alternative des mécanismes sur la
valeur de la firme et l'effet d'endogeneité. Ces régressions vont
nous permettre de déceler l'effet individuel de chaque variable sur la
valeur.
En second lieu, on estime, par MCO, Q de Tobin en fonction de
tous les mécanismes ensemble pour examiner leurs effets
simultanés. Il s'agit en fait d'estimer la dernière
équation de notre système. Ainsi, tous les mécanismes sont
considérés comme variables endogènes. Cette estimation ne
tient pas compte non plus de l'endogeneité des variables d'où les
coefficients seront biaisés et non efficaces.
Ensuite, chaque mécanisme est régressé en
fonction des autres mécanismes et en fonction de Q pour mettre en valeur
l'endogeneité. Il s'agit en fait d'estimer chaque équation du
système par MCO pour examiner les déterminants de chaque
décision à prendre par la firme et pour mettre en évidence
l'effet potentiel de la substitution et de l'endogeneité.
Enfin, on estime notre système de huit équations
simultanées, tenant compte de l'endogeneité, par la
méthode de triple moindre carré (3 SLS). Notre système
inclut 16 variables exogènes et 8 variables endogènes.
L'estimation à l'aide de la méthode 3SLS se justifie par le fait
que toutes les équations de notre système sont sur -
identifiées.
2. Résultats empiriques :
A. Les déterminants de la valeur en absence
d'endogeneité :
Les régressions par la méthode MCO de Q de Tobin
en fonction de chaque mécanisme de contrôle pris individuellement
avec les variables exogènes incluses dans la dernière
équation du système font ressortir un impact
significativement négatif du risque sur le Q de Tobin. Le risque fait
fuir les investisseurs quant à l'achat des actions d'une firme ce qui
fait diminuer son prix. Les variables dette, dividende et taille du conseil
d'administration sont sans effets significatifs sur la valeur
Hypothèse de convergence des intérêts
et d'enracinement :
La régression en fonction de la propriété
des managers, son carré et son cube pour tester l'hypothèse
d'Alberto et al. (2002)montre que la valeur de la firme commence par augmenter,
puis baisse et finalement continue à augmenter avec l'augmentation de la
propriété managériale. L'inclusion du terme au
carré et du terme au cube à améliorer la qualité
d'ajustement. De plus le coefficient de PMG gagne en significativité.
Hypothèse de contrôle et
d'expropriation :
Pour tester l'hypothèse d'une relation curviligne entre
la valeur et la concentration de la propriété, on régresse
Q de Tobin en fonction de la propriété des majoritaires et son
carré à côté des variables exogènes, cette
hypothèse de relation curviligne entre Q et PMAJ est rejetée.
B. Les déterminants de la valeur en
considérant l'endogeneité :
Prenant en considération l'interdépendance entre
les mécanismes et avec le Q de Tobin(la régression de Q en
fonction des différents mécanismes de contrôle par la
méthode de 3 SLS), La taille du conseil d'administration reste toujours
sans effet sur la valeur de la firme. Ce résultat peut être
justifié par un choix optimal des firmes de la taille du conseil
d'administration( Yermack,1996). Mais bien qu'il ne soit pas significatif, le
signe négatif du coefficient de TCA supporte l'hypothèse de
Jensen (1993), un large conseil peut être moins efficace qu'un petit
conseil, et les résultats de Yermack (1996) quant à la relation
inverse entre la taille du conseil et la valeur de la firme mesurée par
le Q de Tobin.
Le dividende et la propriété institutionnelle
gagnent en significativité. Les coefficients des variables
propriété managériale, dette et risque gardent leurs
significativités même en considération de
l'endogéneité.
L'effet positif et statistiquement significatif à 1% de
la propriété institutionnelle se justifie par leur rôle
crucial dans la réduction du coût d'agence et dans le
contrôle de la gestion de l'entreprise.
La dette apparaît avoir un coefficient
significativement négatif au seuil de 5%. Cette relation inverse va avec
l'hypothèse que la dette est source de mauvais stress de Titman et Opler
(1994).
Le risque garde son effet significativement négatif sur
la valeur. Le risque implique la réticence des investisseurs, implique
la baisse des prix.
Le coefficient positif de PMAJ sur la valeur supporte
l'hypothèse de Stiglitz (1985) qu'une propriété
concentrée encourage les actionnaires à contrôler la
gestion, ainsi la valeur de la firme augmente.
Les déterminants de la performance: analyse
comparative
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PMG
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PMAJ
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PINST
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DETTE
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DIVIDENDE
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RISQUE
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TCA
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Schmid (2003)
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Agrawel et Knoeber (1996)
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Beiner et al. (2004)
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***
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ns
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***
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ns
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Etude présente
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***(-)
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ns
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***(+)
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***(-)
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ns
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***(-)
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ns
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C. Les déterminants des différents
mécanismes de contrôle :
Les résultats de l'estimation par la méthode
de3SLS, tenant compte ainsi des effets de substitution et
d'endogéneité :
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Les déterminants de l'endettement
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PMG
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PMAJ
|
PINST
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DETTE
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DIVIDENDE
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RISQUE
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TCA
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Q
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Schmid (2003)
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***
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Agrawel et Knoeber (1996)
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Beiner et al. (2004)
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Etude présente
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ns
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***(+)
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***(+)
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***(-)
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***(-)
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ns
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ns
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Les déterminants de la propriété des
majoritaires
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|
PMG
|
PMAJ
|
PINST
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DETTE
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DIVIDENDE
|
RISQUE
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TCA
|
Q
|
Schmid (2003)
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ns
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ns
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ns
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Agrawel et Knoeber (1996)
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*
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Beiner et al. (2004)
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Etude présente
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***(-)
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***(+)
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***(+)
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***(+)
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ns
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***(+)
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ns : non significatif
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-Aucun mécanisme ne semble affecter la
propriété managériale. Parmi les variables
exogènes, la taille de la firme, les dépenses en recherche et
développement et la tenure du dirigeant ont des coefficients
statistiquement significatifs et ont les signes prévus.
-PMG et PINST ont tous les deux des coefficients
négatifs. Ce résultat semble prédire une relation de
substituabilité entre la propriété managériale, la
propriété des institutionnels et la propriété des
majoritaires. En effet l'utilisation de l'un des mécanismes diminue le
niveau d'utilisation de l'autre.
-La dette, le dividende, le risque et la performance semblent
affecter positivement et significativement la propriété des
majoritaires. Il est par contre surprenant de voir le risque en relation
inverse avec PMAJ puisqu'on s'attend d'après Agrawel et Knoeber (1996)
à un signe positif. Les actionnaires majoritaires sont supposés
être averses au risque puisqu'ils détiennent un portefeuille non
diversifié. Ceci peut être expliqué par le fait que dans
notre échantillon, la propriété des majoritaires n'est pas
très concentrée(une moyenne de 18.1433% et une médiane de
13.0850%).
-Le coefficient positif de la performance suggère que
les firmes les plus performantes choisissent d'avoir des propriétaires
majoritaires. La concentration de propriété est en fait synonyme
d'un contrôle plus étroit des dirigeants.
-Le coefficient négatif de PMG et PMAJ, montre encore
une fois la substituabilité entre la propriété des
majoritaires, celle des institutions et celle des internes.
-La dette, le dividende, le risque et la performance ont des
coefficients statistiquement significatifs. Ils affectent positivement la
propriété institutionnelle.
-La relation positive entre la dette, PINST et PMAJ peut
suggérer que le contrôle des créanciers est plus efficace
en présence d'actionnaires majoritaires et d'institutionnels( Agrawel et
Knoeber, 1996).
Il semble que les firmes à valeurs de Q
élevées préfèrent utiliser une proportion des
majoritaires plus élevée de même qu'une proportion des
institutions élevée.
- le risque a un coefficient significativement négatif
sur la dette et sur la distribution de dividende. En effet, une firme
risquée est plus exposée au risque de faillite d'où elle
diminue son endettement. Par ailleurs, une firme risquée compte plus sur
ses fonds propres d'où elle diminue la distribution de dividende.
-Le dividende paraît affecter négativement le
risque tel que prédit par Venkatesh (1989).
Il est surprenant que la dette a un coefficient
significativement négatif. Cet effet inverse sur le risque peut
être expliqué par le fait que les firmes à endettement
élevé sont plus exposées au contrôle du
marché de crédit ce qui les emmènent à diminuer le
risque à prendre ( Chen et Steiner, 1999).
-La régression de la taille du conseil d'administration
en fonction des différentes variables fait ressortir un impact
significativement négatif de la propriété
institutionnelle, le dividende et le risque. En effet, la concentration du
capital aux mains des institutions diminue le besoin d'un grand nombre
d'administrateurs.
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