MINISTÈRE DE L'EDUCATION NATIONALE
République du Mali
UNIVERSITÉ DE BAMAKO
Un Peuple-Un But-Une Foi
FACULTÉ DES LETTRES, LANGUES, ARTS, ET SCIENCES
HUMAINES (FLASH)
DER
Histoire-Archéologie
MEMOIRE DE MAITRISE
Thème :
CONTRIBUTION À L'HISTOIRE ÉCONOMIQUE
DU SOUDAN FRANÇAIS :
LE COMMERCE COLONIAL :
1870-1960
Présenté et Soutenu
par : Djibril Issa Niaré
Directeur de Mémoire : Mr
Mamadou Sow Date de Soutenance : /19 / 04/
2007/
Membres du Jury :
Mr : Dr Idrissa
MAIGA
Mr : Dr El Mouloud
YATTARA
Promotion 1999 - 2004
INTRODUCTION
Cette étude fait une description du commerce
colonial : ses causes, ses acteurs (avec leurs rôles), son mode de
fonctionnement, les produits commercialisés et son impact (historique,
économique, démographique ou social)
Nous devons comprendre que l'histoire est un processus
continu. Ainsi le commerce colonial découle d'une évolution,
c'est-à-dire que d'autres événements l'ont
engendré. Le phénomène qui l'engendra directement est la
traite négrière, car de la cessation de celle-ci, il naquit. La
traite négrière est la première forme de commerce
régulière qui exista entre l'Europe et l'Afrique après
l'invention des outils permettant d'entreprendre des voyages à longue
distance.
Après l'interdiction de la traite
négrière, ses différents acteurs se convertissent dans une
nouvelle forme de commerce, la nature ayant horreur du vide.
La conquête coloniale, la colonisation et la
réorganisation des colonies ont été décisives pour
le commerce colonial. Cette réorganisation touche beaucoup de domaines,
d'abord le contrôle militaire de la zone puis le cadre administratif, le
cadre fiscal, le cadre législatif, le cadre organisationnel. Elle
devrait faciliter également la réalisation des infrastructures
permettant la fluidité du commerce français florissant. Le
commerce colonial, après ces différents phénomènes
qui l'ont introduit, ne pouvait que retrouver un terrain favorable à son
plein épanouissement. Ce commerce s'effectuait par un mécanisme
bien agencé. Un réseau était ainsi organisé. Il
comprenait les maisons de commerce et leurs ramifications et les acteurs
animant le réseau. Les maisons de commerce sont des compagnies
généralement européennes, qui pratiquent leur
activité dans l'espace ainsi organisé à leur gré
par la métropole. Il existait des grandes et des petites maisons de
commerce, en fonction de leur statut juridique ou fiscal et en fonction de la
capacité de brassage d'affaire. Ces maisons disposaient des
ramifications. Les ramifications allaient des comptoirs (principales
représentations de la maison de commerce), aux colporteurs (derniers
distributeurs du produit), passant par les succursales, les factoreries et les
points de vente tertiaires (les étalagistes).
Quant aux acteurs animant les maisons de commerce, ce sont les
personnes qui y travaillent. On peut les diviser en trois principaux groupes,
à savoir : les Européens, les Syro-Libanais ou
Libano-Syriens ou encore les Lévantins, et les indigènes. Les
Européens sont ceux qui tiennent les comptoirs de la maison. Ils sont
soit issus de la famille d'un actionnaire important du groupe ou issus du
cercle restreint des proches de ceux-ci. Ils entretenaient d'étroites
relations avec les gouverneurs qui les soumettaient à une surveillance
secrète et une fiche de renseignement qui permettait de donner d'amples
informations sur eux. Ils étaient tous fichés. Les Syro-Libanais
ou Libano-Syriens ou Lévantins sont des migrants venus des territoires
français de l'Orient (d'ou leur nom de Lévantins), il s'agit du
Liban et de la Syrie. Ils sont majoritairement chrétiens. Ils ont servi
au début comme intermédiaires dans les maisons de commerce
européennes. Avec la pratique de cette activité, ils parviendront
à créer des maisons pour eux-mêmes avec les capitaux ainsi
générés. Ces sociétés que les Syro-Libanais
ont créées par la suite n'ont pas la même taille que les
européennes. Leur profusion fut surtout favorisée par le
départ de certains Européens pour des raisons de crise (crise
économique de 1929, Première et Deuxième Guerre Mondiale).
Ils livrèrent une concurrence rude aux Européens. Le groupe des
indigènes est constitué par des Soudanais (Soudan
Français) et des Wolofs. On les appelle les `'Dyula''. Ceux ci sont des
courtiers, les colporteurs, de véritables navettes des maisons de
commerce. Quelques rares d'entre eux créeront des maisons de commerce
pour leur propre compte, avec les capitaux qu'ils ont constitués. Cette
situation survint à la veille des indépendances et après
les indépendances, car des maisons de commerce y rentreront en
Europe.
Le commerce colonial consistait en deux principales
opérations : l'importation et l'exportation. L'importation
consistait à introduire au Soudan Français des produits issus de
la France (métropôle coloniale), des colonies voisines
(françaises et anglaises) et d'autres pays (pays européens et
latino-américains). Ces produits étaient
généralement industriels. Parmi ceux-ci, nous citerons les
alimentaires, les textiles, les verreries, les matériaux de
construction, etc. L'importation introduit des produits jadis méconnus
en Afrique. L'exportation concernait des produits dont l'exploitation avait
un caractère de traite. Les différents produits indigènes
destinés à l'exportation observent un cycle périodique
dans l'année. Toute la machine d'intermédiaires intervenait
pendant ces périodes. Ces produits sont essentiellement issus de
l'agriculture, de l'élevage, de la cueillette, de la chasse, du
ramassage et des mines. Les unités de transformations étaient
quasi absentes. Les ramifications des maisons de commerce se chargeaient de la
vente des produits importés et l'achat des produits destinés
à l'exportation. A ces niveaux du réseau commercial, les
intermédiaires (`'Dyula'' et Syro-Libanais) étaient très
importants et incontournables.
Le commerce colonial se pratiquait sur des voies de
communication qui connaissent une grande diversité. Ces voies allaient
des chemins de fer aux voies routières passant par les voies fluviales.
Le chemin de fer était la première voie de communication du
point de vue du volume de marchandises transportées de la côte au
Soudan Français. Le principal chemin de fer était le Dakar-Niger
achévé en 1924. Il relie la côte à
l'intérieur du Soudan Français. La voie fluviale est la seconde
voie de communication après le chemin de fer selon le même
critère. Il existe ici deux principaux cours d'eau qui se prêtent
à la navigation. Il s'agit du fleuve Sénégal et du fleuve
Niger. Le fleuve Sénégal fut la porte d'entrée principale
des Français dans le Soudan Français. Il est navigable de
Saint-Louis à Kayes. Des bateaux à vapeur sont
déjà fréquents sur le Sénégal au
début du XXème siècle. Le Niger offre une
possibilité de navigabilité en deux directions, à savoir
le Nord (Koulikoro- Tombouctou) et le Sud (Bamako-Kouroussa). Il connait
la fréquence des pirogues aménagées avec les
progrès de la mécanique en pinasses. Les voies routières
constituent la continuité des voies ayant servi le commerce des grands
empires du Soudan Occidental (Wagadu-Ghana, Mali et Songhay). Elles
connaissent la fréquence des piétons, des camions et d'autres
moyens de locomotion tractés par les animaux.
Les régions s'échangeaient des produits :
de Saint Louis et Dakar (les points de départ du commerce colonial),
à Tombouctou (son aboutissement). Certaines régions
étaient défavorisées par rapport à d'autres dans
cet échange. Ainsi le Sud recevait l'essentiel de ses produits des
colonies voisines, qu'elles soient françaises ou anglaises. Les produits
européens comme les produits africains arrivaient dans toutes les
régions qui y participaient. Des centres jadis importants sur le plan
commercial perdirent leur éclat avec le basculement des directions du
commercial, tel fut le cas de Tombouctou. La monnaie utilisée
était celle de la métropôle (la France). Cette monnaie
s'impose après l'élimination des autres monnaies et des autres
formes d'échange, respectivement, les cauris et les pièces
venues des comptoirs autrefois négriers ainsi que le troc.
Le commerce colonial causa des conséquences sur le
plan socio-économique, historique, politique et démographique.
Ses déplacements de populations au gré des zones de production
des cultures destinées à l'exportation, causèrent des
problèmes sociaux avec l'intégration de celles-ci en certains
endroits. Les infrastructures réalisées furent un acquis, mais
leur réalisation fit une hécatombe. Les travaux de
réalisation de ces infrastructures revêtaient un aspect de force.
L'exportation massive des produits pendant les Guerres Mondiales, provoqua
des famines. A la suite des catastrophes engendrées par ces famines
des efforts sanitaires sont déployés par des consciences
humanistes. La dépendance de l'Afrique vis à vis de l'Occident
est accentuée. Les cultures ainsi exportées suscitèrent
des intérêts qui ont permit aux pays du Soudan Occidental de les
mettre au centre des préoccupations. Elles occupent de nos jours une
place de choix dans l'économie de ces pays. L'arriération de
l'Afrique est aggravée également.
Sous un angle critique, nous constatons que le commerce
colonial a mis en place des mécanismes qui devraient défavoriser
l'Afrique dans le concert des nations. Ces mécanismes permirent
aujourd'hui de maintenir la dépendance de l'Afrique à l'Occident
ou la continuité de la colonisation : c'est le
néo-colonialisme.
|