3.1.5 Pauvreté
Le concept de microfinance est toujours associé à
celui de la pauvreté, d`où la nécessité d`apporter
un éclairage sur la compréhension que nous nous faisons de cette
notion dans le cadre
de ce travail.
La pauvreté est une notion toute relative et
assez complexe. Alors que dans l`Union Européenne, on
définit comme pauvre, toute personne dont le revenu est inférieur
à la moitié du revenu moyen de l`ensemble de la population du
pays considéré (Hausser et Pilgram, 1999), beaucoup
d`organisations internationales de développement se base sur la
notion de pauvreté absolue, laquelle définit le pauvre
comme étant toute personne dont le revenu journalier ne
dépasse pas un dollar américain.
Se basant sur les déclarations des pauvres, la
banque Mondiale (2000) propose la définition synthétique
suivante : « la pauvreté est un profond dénuement, un
manque aigu de bien-être. Etre pauvre, c`est avoir faim, ne pas avoir un
toit, ne pas avoir des vêtements décents, être malade et
ne pas pouvoir se faire soigner ; c`est être illettré et
sans instruction. Les personnes démunies sont particulièrement
exposées à des événements extérieurs qui
échappent à leur contrôle : maltraitées par les
institutions et la société, n`ont les moyens de se faire
entendre,
ni d`exercer une influence quelconque »
En nous basant sur un des quatre niveaux de pauvreté
définis par l`OCDE, nous pouvons résumer en considérant
comme pauvre une personne privée de certains cinq capitaux suivant : Le
capital naturel (l`eau, la terre, les ressources environnementales), le capital
social (les liens de solidarités entre membres d`un groupe social,
l`accès aux institutions, ...), le capital humain (les connaissances,
l`aptitude au travail, la santé,...), le capital physique (le
patrimoine, l`accès aux infrastructures de base, les moyens de
productions,...) et le capital financier (l`épargne, l`accès
au crédit, assurances).
C`est de ces pauvres que la microfinance tente de s`occuper dans
le but les faire sortir de
la situation précaire dans laquelle ils se trouvent.
3.1.6 Définition de la microfinance
Selon Marc Labie (1999), on appelle microfinance,
l`octroi de services financiers (généralement du
crédit et/ou de l`épargne), à des personnes
développant une activité économique productive, le plus
souvent de l`artisanat ou du commerce, et n`ayant pas accès aux
institutions financières commerciales en raison de leur profil
socio-économique (il s`agit des pauvres, sans revenus fixes, qui
n`offrent aucune des garanties en vigueur dans les institutions bancaires
commerciales).
L`aspect le plus connu de la microfinance est le
microcrédit. Il consiste le plus souvent à octroyer des
prêts à cours terme, soit pour permettre la constitution du fonds
de roulement, soit pour réaliser de petits investissements (par exemple
une machine à coudre pour un artisan, achat
des semences pour les maraîchers, etc.). Les prêts
sont ainsi octroyés à des individus ou à des groupes
appelés « groupes solidaires » en raison de l`obligation
faite à leurs membres de se couvrir les uns les autres (si un
membre du groupe ne remplit pas ses obligation en matière de
remboursement, les autres doivent les assumer). Les taux
d`intérêts appliqués sur ces prêts sont
au moins égaux, voire supérieurs, à ceux
du système bancaire traditionnel. Quant aux garanties, elles peuvent
être réelles ou morales mais elles reposent avant tout
sur des mécanismes de pression sociale (groupe solidaire ou chef du
village) et sur la motivation de se préserver un accès à
des services financiers (notamment à des crédits dont les
montants peuvent aller croissant). Ici, il faut noter que les
mécanismes de pression sociale souvent utilisés comme
garantie semblent de plus en plus critiqués car tendant à
restreindre les libertés individuelles. En effet, très
généralement dès qu`un membre d`un groupe est en
retard, les autres membres se rabattent sur sa famille pour le
remboursement.
Reste à mentionner une caractéristique
méthodologique essentielle : le concept de proximité. En
effet, quelles que soient les mesures envisagées, un point commun
à l`ensemble
des programmes et institutions de microfinance est
constitué par la proximité avec les clients micro-entreprenneurs,
proximité à la fois géographique, mais aussi sociale.
Cette caractéristique directement inspirée de la finance
informelle est une condition indispensable pour établir une relation
fiable entre le micro-entreprenneur et le prêteur. Elle est,
dans une large mesure, à l`origine des succès
rencontrés par les organisations actives en microfinance.
Dans ce travail il est plus question, bien entendu, du
microcrédit qui est la forme la plus pratiquée de la microfinance
à travers le monde, notamment en RDC et à Kinshasa en
particulier.
Tendances bancaires et
développementalistes
Si l`objectif des IMF est bien de donner accès à
des services financiers aux personnes exclues du système financier
classique, on observe toutefois deux grandes tendances oe bancaire
et développementaliste oe opposées en terme de
logique d`intervention (Tollenaere, 2002) :
· Pour la tendance dite « bancaire », le
crédit est une opération financière sérieuse. Il
doit
se rembourser et le risque doit être couvert par des
garanties (matérielles et juridiques).
Le taux d`intérêt doit couvrir les
coûts de gestion et les risques, voire permettre de dégager
des profits. L`accent est mis sur le taux de remboursement, un
différentiel d`intérêt suffisant pour atteindre
l`équilibre financier de l`institution et le professionnalisme des
agents. Cette tendance a comme inconvénient l`exclusion de tous
ceux qui ne peuvent fournir des garanties matérielles, or
dans la plupart des cas il s`agit des plus pauvres.
· Pour la tendance « développementaliste
», le crédit est un instrument pour atteindre d`autres
objectifs. L`essentiel est de distribuer des crédits à un
maximum de bénéficiaires. Le crédit a alors des effets
positifs sur l`adoption de certaines innovations technologiques, sur la
production et sur la diversification des produits et services. Dans ces
conditions, le taux de remboursement n`est pas un problème prioritaire
et les taux d`intérêts (souvent subsidiés) doivent
être les plus bas possibles.
Figure 2. Structuration de l`espace des systèmes
financiers
· Tontines
· Gardes-monnaies
· Caisses de solidarité
Forte implication
des bénéficiaires
· Banquiers ambulants
· Usuriers
· Clubs d`investisseurs
Normes de développement
Fédération
d`organisations paysannes
ONG spécialisées
· COOPEC
· Caisses villageoises
· Organismes de crédit solidaire
· Institutions de microfinance urbaines
Normes bancaires
· Fonds de développement
· Projets agricoles
· Projets artisanaux
· Projets petites entreprises
Faible implication des bénéficiaires
· Banques commerciales
· Banques de développement
· Banques ou Caisses de crédit agricole
Source : Microfinance oe Orientations méthodologiques, CE,
2000
Les conceptions développementalistes n`apportent que
des solutions temporaires très dépendantes des financements
extérieurs. En outre, elles peuvent avoir des graves effets pervers
en introduisant une culture de non remboursement. Elles
rendent difficile l`émergence de systèmes financiers
viables à long terme, alors même que le financement des
activités économiques des populations cibles est un besoin
constant pour les emprunteurs. De plus en plus, donc, les IMF se rangent dans
la sphère de la tendance bancaire, par souci et devoir de
pérennisation des institutions et des services financiers. Ce qui en
outre produit des externalités positives en terme notamment de
formation des populations à la gestion de l`argent, au
remboursement, à la création de l`épargne, ...
Toutefois la tendance bancaire ne doit pas faire oublier les
raisons du recours à ce mode financement. Car ici le grand risque
serait d`ignorer certaines couches de la population, déjà
exclues des banques traditionnelles et pour qui la microfinance a
été mise en place.
Eléments méthodologiques de la
microfinance.
En microfinance, la méthodologie de crédit
repose plus sur le profil de l`emprunteur
(l`évaluation des crédits est centrée sur la
volonté et la capacité des clients à rembourser), que
sur les actifs pouvant être saisis en cas de
non-remboursement. Même si certaines institutions de microfinance
prennent des garanties matérielles en dépôt, ces
dernières constituent rarement le fondement de leurs décisions
d`octroi de crédit.
Les méthodologies de crédit peuvent être
classées en deux grands groupes (Nsabimana,
2004) : les modèles de crédits individuels et les
modèles de crédit de groupe.
Les modèles de crédits individuels
recourent, lorsque c`est possible, à des garanties
matérielles, comme le nantissement des actifs, terrains et
constructions, etc. Cependant, la légalité et la pratique de
ce type de mesures de garanties sont souvent remises en cause. Dans la
pratique, la plus part des institutions de microfinance adoptent des
techniques de sélection fondées sur une évaluation sur
base du profil individuel.
Les modèles de crédit de groupe recourent
à des groupes solidaires, constitués
généralement de quatre à six membres, qui sont voisins, ou
qui exercent des métiers dans le même quartier ou dans le
même secteur d`activité. Le système de sélection
mutuelle qui est à l`origine de la constitution de tels groupes renforce
la confiance de l`institution envers le groupe.
Dans la méthodologie de crédit aux
groupes, et plus particulièrement dans le cas de groupes de
grande taille, les agents de crédit ont tendance à mener une
analyse minimale des caractéristiques individuelles du client ou de son
activité. Cette analyse est plutôt implicitement
déléguée aux autres membres du groupe, qui ont une
connaissance les uns des autres plus complète que celle des agents
de crédit.
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