Section II : Méthodologie de construction
d'un business-plan
I LES OPERATIONS D'ACQUISITIONS ET DE CESSIONS
Comme nous avons tenté de le démontrer, le
business-plan peut et doit être un outil de gestion permanent au service
des entreprises et des groupes. Il est également indispensable de
disposer d'un tel document à l'occasion d'opérations ponctuelles
portant sur la composition du capital d'une entreprise.
Ce sont ces occasions et l'utilisation qui seront alors faite du
business-plan qui retiendront toute notre attention.
Que l'on soit en position d'achat ou de vente, se posera toujours
un double problème : définir la valeur objective puis le
prix. Ce prix ne sera évidemment connu qu'à l'issue de la
négociation si celle-ci aboutit finalement. Il n'en est pas moins
nécessaire de tenter de définir à quel niveau ce dernier
pourrait se fixer.
Examinons donc l'apport et l'utilisation du business-plan pour la
détermination de ces deux éléments.
1) La valeur objective
C'est un prix normatif de transaction entre un acquéreur
et un vendeur qui ne seraient animés que par des motivations
financières. Il s'agit évidemment d'une approche théorique
dont la seule finalité est de fournir une référence pour
une future négociation.
A La valeur d'utilité des actifs
Cette valeur est égale à la valeur à
neuf multipliée par le quotient de la durée d'utilisation
résiduelle sur la durée d'utilisation totale.
Le business-plan permettra d'apprécier les risques qui
pourraient exister quant à la durée d'utilisation
résiduelle des actifs. Ainsi, le business-plan peut-il mettre en
évidence la nécessité de renouveler l'investissement pour
des raisons technologiques, de retard d'investissement ou d'évolution
des marchés. La durée de vie résiduelle accordée
aux biens considérés ne pourra alors être que
limitée et, donc, leur valeur d'utilisation faible.
B La capacité bénéficiaire
Il a été précisé que la
capacité bénéficiaire doit être l'expression des
résultats futurs prévisibles. De manière
générale, celle-ci sera appréciée en tenant
compte :
Ø Des résultats passés, corrigés, des
anomalies fiscales ou comptables qu'ils peuvent contenir.
Ø Des prévisions établies par le management
en place et donc d'un business-plan.
Toute évaluation suppose de s'interroger sur l'avenir et
sur les prévisions réalisées qui seront d'autant plus
crédibles qu'elles résulteront d'une démarche
systématique et rationnelle.
Notons enfin que le business-plan est d'autant plus indispensable
que l'évaluateur :
Ø entend donner à la rentabilité un poids
proportionnellement important par rapport à l'actif net
corrigé.
Ø utilisera une formule privilégiant les
résultats futurs, telle que par exemple celle du discounted
cash-flow. Cette formule, très usitée de nos jours,
apprécie la valeur d'une affaire en actualisant les résultats
futurs sur une période longue. Cette formule n'est dans la pratique
applicable que si l'on dispose d'un business-plan portant sur une
période équivalente à celle que l'on entend prendre en
compte pour l'évaluation.
C Le choix des taux d'actualisation ou de
capitalisation
Il s'agit selon les formules utilisées de capitaliser des
résultats en multipliant la capacité bénéficiaire
par un coefficient ou d'actualiser des résultats ou cash-flow
futur à un certain taux. Ce taux ou ce coefficient a pour rôle de
prendre en compte les risques spécifiques de l'entreprise.
Parmi les risques mesurables figure la pérennité
des résultats et leur niveau prévisible. Là encore, le
fait de disposer d'un business-plan va grandement aider l'évaluateur
dans la mesure où il lui fournira une vision claire et argumentée
des résultats futurs de l'entreprise dont il doit réaliser
l'évaluation. Il devra cependant se souvenir que le business-plan peut
ne pas se réaliser dans l'avenir et ce, pour deux raisons :
Ø La prévision établie est
irréaliste,
Ø Des événements non prévisibles
viendront éventuellement contrarier les plans de l'entreprise (crise
économique, nouveau concurrent, évolution technologique,
etc.).
La seconde catégorie de causes de non réalisation
existe pour toute entreprise et à toutes les périodes, elle fait
partie du « risque de l'entrepreneur » et explique
pourquoi, à rentabilité égale, un « placement
entreprise » est payé moins cher qu'un « placement
financier garanti ».
Un bon business-plan, comportant une réelle description de
la position stratégique et concurrentielle de l'entreprise, permettra
à l'évaluateur de se prononcer sur la décote à
envisager. Pour ce qui est du réalisme des prévisions,
l'étude de la manière dont ont été construites les
hypothèses retenues et de leur chiffrage permettra à
l'évaluateur de porter un jugement sur leur
crédibilité.
C'est intentionnellement que le mot crédibilité est
utilisé et non le mot exactitude. En effet, l'avenir ne peut jamais
être garanti sauf à attendre pour voir s'il se réalise
effectivement.
2) prix
Peut-être est-il tout d'abord utile de rappeler qu'une
négociation d'entreprise est un accord complexe qui porte non seulement
sur le prix mais sur une série de conditions essentielles telles
que :
Ø Les modalités de règlement,
Ø Les garanties données et reçues,
Ø Des conditions non financières mais souvent
importantes :
Ø La pérennité de l'entreprise et de son
implantation,
Ø Le futur rôle du dirigeant si c'est lui le
vendeur,
Ø La position des cadres ou de certains d'entre eux,
Ø Etc.
Le principe de toute négociation étant celui de
l'échange, le prix final variera donc en fonction des concessions faites
ou obtenues sur ces différents points. Il ne faut pas non plus ignorer
que la qualité et l'expérience du ou des négociateurs ont
un effet certain même s'il est difficilement mesurable sur le niveau
final d'une transaction.
Ces éléments font qu'il n'est jamais possible de
justifier le « prix payé » uniquement par des
calculs financiers rationnels. Il serait également inexact de
prétendre que le « prix » n'a d'autre justification
que le résultat d'une négociation ou l'envie d'acquérir
aurait été plus importante que celle de vendre ou vice
versa. Il existe en réalité des motifs objectifs pour qu'un
acquéreur accepte de payer plus ou moins que la valeur objective d'une
entreprise donnée. Cette affirmation est rassurante lorsque l'on sait
qu'il n'est pas rare de constater des prix de transaction deux à trois
fois supérieurs à la valeur objective et qu'en moyenne, les prix
constatés se situent dans une fourchette de plus à moins
20 % par rapport à la valeur. Nous tenterons donc d'expliquer les
raisons objectives de ces écarts et de voir en quoi l'existence ou la
construction d'un business-plan est de nature à aider dans sa
négociation l'une ou l'autre des parties en présence.
3) le business-plan et la définition du prix maximum
acceptable
Dans le principe, l'entreprise doit être
évaluée pour ce qu'elle est et en fonction de ce qu'elle produit,
ou pourra produire en demeurant indépendante et en continuant à
être gérée à l'identique. L'acquéreur, lui,
se posera une question différente : combien me rapportera cette
entreprise si j'en prends le contrôle ? La réponse ne sera en
principe différente que si l'acquéreur peut mettre en oeuvre des
synergies avec une ou d'autres entreprises qu'il contrôle
déjà ou éviter des pertes liées à
l'existence d'une concurrence frontale entre sa propre entreprise et celle
qu'il envisage d'acquérir.
Quel sera dans ce cas le rôle du business-plan? Ce
rôle est évident puisque l'acquéreur potentiel, pour
réaliser les calculs, a dû préalablement établir des
prévisions. Les effets des synergies envisagées ne sont en
général :
Ø Ni immédiats,
Ø Ni forcément durables.
Le rôle de business-plan c'est de mesure l'effet
prévisible sur une période de plusieurs années. C'est bien
là le rôle ou l'un des rôles d'un business-plan. Notons que
le fait de réaliser sur plusieurs années, en modélisant le
futur fonctionnement de l'entreprise, est bien préférable
à l'utilisation d'un résultat moyen.
L'expérience démontre que l'obligation de raisonner
par année et non en moyenne oblige à se poser les vraies
questions et à envisager avec plus d'attention les réactions
prévisibles du marché et de la concurrence. C'est ici
l'intérêt de la démarche d'approche par le business-plan.
Il faut cependant rester conscient qu'en cas d'achat d'entreprise on ne
disposera pas forcément d'informations suffisamment
détaillées et analytiques pour construire un véritable
business-plan. Le simple fait d'utiliser la démarche, même en
admettant la relativité des chiffres, doit au minimum permettre de poser
les « bonnes questions » et, ce qui est plus important, de
tenter de faire les « bonnes réponses », même
si elles demeurent approximatives.
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