III LE BUSINESS PLAN DANS LA GESTION COURANTe
La gestion courante du business-plan se traduit par quatre
utilités principales. Les trois premières peuvent s'adresser
à toutes les sociétés, la quatrième ne concerne
quant à elle que les groupes de sociétés. Celles-ci sont
les suivantes :
Ø Coordonner l'action à moyen terme
Ø Fournir une prévision globale et
cohérente
Ø Communiquer à l'intérieur de la
société
Ø Mesurer les dérives et mettre en oeuvre les
actions correctives.
1) Coordonner l'action à moyen terme
Une des difficultés des entreprises, dès qu'elles
dépassent la taille artisanale, est d'obtenir que les différentes
fonctions qui les composent opèrent de manière concertée
et non désordonnée.
Pour que l'entreprise réussisse, il est
indispensable :
Ø Qu'il existe un consensus sur l'avenir de l'entreprise.
Le consensus général est habituellement le plus facile à
obtenir car il est, sinon imposé, du moins fortement
« proposé » par la direction.
Ø Que l'ensemble des décisions prises au niveau des
différentes fonctions de l'entreprise soit à la fois
cohérent avec l'objectif global et cohérent entre elles. Ainsi,
ne servirait-il probablement à rien d'investir pour augmenter la
capacité de l'outil industriel si le service commercial n'était
pas renforcé afin d'écouler les produits que ce surcroît de
capacité permettrait de produire. Il serait tout aussi inefficace de
tenter de vendre plus si l'entreprise ne disposait pas d'une capacité de
production suffisante et si le recours à la sous-traitance était
pour une raison ou pour une autre impossible. Enfin, s'il est possible,
grâce à des investissements simultanés, d'augmenter le
chiffre d'affaires et de produire ce que l'on va vendre, cela suppose, de plus,
une action du financier. Il faudra que celui-ci ait simultanément mis en
place les financements indispensables, tant pour ce qui est des investissements
que du besoin en fonds de roulement. Cette coordination indispensable entre ces
grandes fonctions de l'entreprise l'est également au sein de ces
fonctions. Pourquoi, au niveau informatique, mettre en place un système
de gestion comptable en temps réel, si rien n'est fait pour rattraper le
retard chronique des services administratifs et comptables utilisateurs de ce
système ?
C'est donc une des finalités du business-plan que
d'assurer cette coordination sur le moyen terme, coordination qui devra
évidemment être reprise et affinée au niveau des budgets
annuels.
Pour que le business-plan puisse répondre à cette
finalité, son mode de construction sera essentiel. Le business-plan ne
remplira ce rôle qu'à deux conditions :
Ø être le résultat d'une concertation entre
les différentes fonctions de l'entreprise et avec les services
financiers chargés de sa concrétisation sous forme
chiffrée.
Ø être largement communiqué et
commenté au sein de l'entreprise, lors de son établissement et de
sa révision périodique. Une communication ponctuelle n'est
toutefois pas suffisante même si elle est indispensable. Le business-plan
devra devenir, en plus du budget, une référence permanente de
l'entreprise.
Il devra donc dans ce cas exister deux versions du
business-plan : une version limitée aux seules personnes
habilitées à avoir accès aux détails les plus
secrets de la stratégie. Une seconde version destinée à
une diffusion plus large. Ces deux documents ne seront en fait pas
différents. On se contentera pour la version à diffusion large de
« gommer » les points délicats sans pour autant
modifier les résultats globaux prévus. On peut raisonnablement
penser que plus ce type de « mensonges par omission » sera
limité et plus l'utilisation du business-plan sera performante.
2) Fournir une prévision globale et cohérente
Dans toute entreprise, il existe de nombreuses prévisions
et ce, à des niveaux très différents.
Ø Le vendeur tente de prévoir ses ventes du mois,
de l'année et quelquefois à plus long terme. Cette anticipation
lui permet d'estimer sa rémunération future et,
éventuellement, son intérêt à envisager un
changement de poste ou d'employeur.
Ø Le service technique organise sa production non
seulement en fonction des commandes connues et enregistrées mais
également de celles qu'il peut estimer. Il réalise cette
estimation en fonction de ses relations avec les services commerciaux ou
quelquefois des enseignements du passé.
Ø Le financier, pour négocier avec son ou ses
banquiers, tente de prévoir ses encaissements et décaissements
futurs et d'en tirer les conséquences au niveau des besoins ou des
excédents de trésorerie prévisibles.
Ø Le président lors de l'assemblée
générale annuel donne à ses associés des
indications sur l'activité et les résultats prévisibles
pour l'année en cours et parfois les années à venir.
On pourrait continuer longuement cette énumération
sans pour autant avoir la certitude d'être exhaustif.
Toutes ces prévisions sont utiles et même
indispensables. Il n'est pas question d'en retirer l'initiative et la
maîtrise aux différentes personnes concernées pour tout
centraliser. Le but du business-plan n'est donc pas de se substituer aux
prévisions de détail mais d'en assurer la cohérence et
d'éviter par là même des décisions contraires les
unes aux autres et donc néfastes au bon fonctionnement de
l'entreprise.
Ø Le commerçant qui aura connaissance du
business-plan ne sera pas plus renseigné sur ses ventes de la semaine
à venir. Celles-ci dépendent d'ailleurs largement à aussi
court terme de son propre niveau d'activité et d'efficacité. Par
contre, il saura si l'entreprise entend se développer dans les
années à venir, si ce développement sera
réalisé sur la gamme de produits ou la région dont il a la
responsabilité ou sur de nouvelles gammes de produits ou de nouveaux
secteurs.
Ø Le service technique ne trouvera pas dans le
business-plan la réponse à ses problèmes de lancement du
mois ou de la semaine. Par contre, il pourra en fonction de celui-ci
décidé s'il est ou non nécessaire d'investir dans
l'étude de l'automatisation de telle ou telle production ou s'il est
préférable de poursuivre durablement dans le cadre du processus
actuel.
Ø Le financier pourra discuter clairement avec ses
banquiers en leur parlant non seulement de son besoin à court terme mais
en replaçant celui-ci dans un cadre plus large. Une telle approche est
toujours rassurante pour ses interlocuteurs. Il est évident qu'un tel
outil lui permettra, en ayant une vision à moyen terme, de choisir les
financements les mieux adaptés aux besoins (durées, taux,
modalités, etc.).
Ø Le président ne courra pas le risque de tenir
à ses actionnaires, des discours incohérents d'une année
sur l'autre et, de ce fait, de déstabiliser son actionnariat. Cette
vision à long terme et cette cohérence sont encore plus
indispensables s'il est nécessaire de demander aux actionnaires un
effort particulier (abandon ou limitation du dividende, augmentation de capital
par eux-mêmes ou par ouverture de celui-ci à de nouveaux
partenaires, etc.).
Ces quelques exemples mettent en évidence
l'intérêt pour l'entreprise de disposer d'une prévision
à moyen terme. Notons qu'en réalité, ce n'est pas tant le
business-plan qui permettra de répondre à ces différentes
questions que le fait de l'avoir établi et la réflexion
coordonnée que cela suppose.
3) Communiquer à l'intérieur de la
société
Dans l'entreprise, quelle que soit sa taille, la décision
est rarement solitaire et elle à pratiquement toujours des
conséquences aux niveaux des autres fonctions de l'entreprise ainsi
qu'au niveau global. Il est donc indispensable de communiquer. Le business-plan
est-il un outil de communication ? Oui, principalement à deux
niveaux :
A lors de son établissement et
révision
Le business-plan qui nécessite obligatoirement une
réflexion préalable constitue une occasion
privilégiée de :
Ø définir les points sur lesquels il y a accord et
éventuellement ceux où cet accord n'existe pas.
Ø faire travailler en commun des femmes et des hommes qui
n'ont dans la fièvre de la gestion courante que trop peu d'occasion de
le faire.
Ø communiquer dans l'entreprise non seulement un plan mais
des valeurs, voire une éthique. Il n'est pas inutile de rappeler, lors
de l'élaboration de chaque nouveau business-plan, quelles sont les
grandes valeurs auxquelles répond l'existence même de
l'entreprise.
Il important de signaler qu'un business-plan n'est pas un projet
d'entreprise. Il doit cependant mettre en évidence que celui-ci existe,
qu'il soit ou non écrit, et que c'est vers son accomplissement que
doivent être tendues les énergies dans l'entreprise.
B en cours de vie
a) Lors de toute décision importante, la
référence au business-plan doit devenir un réflexe. Toute
nouvelle décision significative devra donc tout d'abord être
triée entre :
Ø La décision s'intégrant dans les objectifs
définis dans le business-plan, à la fois quant à sa
finalité (respect de la stratégie et du projet) et à son
niveau (montant de l'investissement prévu).
La décision non cohérente avec le business-plan. Ce
type de décision devrait ne pouvoir être prise qu'à haut
niveau car elle suppose une modification ou un infléchissement de la
stratégie. Dans l'absolu, toute décision importante qui ne serait
pas en accord avec le business-plan devrait amener une modification de
celui-ci. Cela ne sera évidemment pas toujours le cas mais devra
l'être :
Ø Si la décision prise est d'importance (montant
élevé),
Ø Ou si la décision exprime une véritable
modification stratégique et pas simplement un infléchissement de
celle-ci.
b) Lors de l'établissement des budgets
annuels, il sera indispensable de vérifier la cohérence entre le
court et le moyen terme (budget et business-plan). En fait, il s'agit plus
d'une simple vérification de cohérence.
Ainsi, si le budget est non conforme, soit dans ses objectifs,
soit dans son chiffrage au business-plan, on devra selon les cas :
Ø modifier le budget afin de le rendre conforme. Encore
faut-il que ce nouveau budget soit réaliste et acceptable pour ceux qui
auront la charge de le mettre en oeuvre dans l'année à venir.
Ø modifier le business-plan afin de tenir compte des
évolutions constatées, soit dans les marchés, soit au
niveau des choix stratégiques de l'entreprise.
La réalité est souvent plus complexe. Il peut
exister plusieurs contrôles de cohérence successifs puisque le
processus budgétaire est lui-même itératif.
4) Mesurer les dérives et mettre en oeuvre les actions
correctives.
Le rôle du business-plan n'est pas de se substituer au
budget dans la mise sous contrôle de la gestion courante de l'entreprise.
Le calcul et l'explication des écarts resteront donc bien du domaine du
contrôle de gestion.
Le business-plan sera utilisé pour mesurer ou tenter de
mesurer les dérives éventuelles sur le moyen terme.
Cette mesure pourra porter soit sur les aspects
stratégiques, soit sur les aspects financiers. Ces derniers ne sont
fréquemment que la conséquence des premiers.
L'ampleur des questions posées montre à
l'évidence qu'il ne peut s'agir d'interrogations permanentes. Ce sera
plutôt le résultat d'une étude annuelle, souvent
liée à la sortie des résultats définitifs d'un
exercice.
Une telle périodicité présente l'avantage
d'être cohérente avec la procédure budgétaire. En
effet, les écarts constatés amèneront soit :
Ø À prendre des décisions nouvelles de
nature à faire disparaître le « gap »
constaté entre le business-plan et la réalité. Ces
décisions devront évidemment être intégrées
dans la nouvelle prévision budgétaire pour la période
à venir.
Ø À modifier le business-plan afin de l'adapter
à la réalité. Il faudra alors modifier en
conséquence les prévisions de la période restant à
courir ainsi que les prévisions des années
postérieures.
Dans un cas comme dans l'autre, se posera là encore un
sérieux problème de communication. Celui-ci peut s'avérer
délicat s'il convient de justifier un infléchissement
stratégique majeur.
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