Elections et transition démocratique en République centrafricaine( Télécharger le fichier original )par Blaise Zalagoye Université catholique d'Afrique centrale - Master droits de l'homme et action humanitaire 2005 |
premierE PARTIE :élection : VECTEUR detransition démocratique EN rEPUBLIQUE CENTRAFRICAINE« Ce n'est pas toujours en allant de mal en pis que l'on tombe en révolution. Il arrive le plus souvent qu'un peuple qui avait supporté sans se plaindre et comme s'il ne le sentait pas les lois les plus accablantes, les rejette violemment dès que le poids s'en allège. Le régime qu'une révolution détruit, vaut presque mieux que celui qui l'avait immédiatement précédé et l'expérience apprend que le moment le plus dangereux pour un (...) gouvernement est d'ordinaire celui où il commence à se réformer. Il n'y a qu'un grand génie qui puisse sauver un prince qui entreprend de sauver ses sujets après une oppression longue. Le mal qu'on souffrait patiemment comme inévitable semble insupportable dès qu'on conçoit l'idée de s'y soustraire. » Alexis de TOCQUEVILLE, L'Ancien Régime et la révolution . Paris, Gallimard, t.1, p. 223. L'année 1990 constitue, dans l'histoire politique de la RCA, un tournant décisif, une année charnière. Elle officialise la consécration de la contestation politique ouverte. En contribuant à mettre fin à l'absolutisme du parti unique, 1990 démontre si besoin est que l'oppression du monolithisme politique devient le chemin le plus droit qui conduit à la démocratie. Elle constitue sur plan de l'évolution constitutionnelle et institutionnelle une ouverture consacrant la démocratie élective (chapitre I). Il reste qu'une analyse des expériences des élections disputées est nécessaire pour évaluer l'évolution du processus démocratique amorcé depuis cette date (chapitre II).
Chapitre I :LE PROCESSUS DE CONSECRATION DE LA DEMOCRATIE ELECTIVE EN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE« On ne saurait fonder le suffrage universel sur autre chose que sur cette faculté universellement répandu de dire non ou de dire oui. » Sartre Le mot démocratie recouvre de nos jours, plusieurs significations. Mais, quel que soit le sens que l'on donne au mot, Robert Dahl4(*)5 estime que tout régime politique se réclamant de ce système de gouvernement doit nécessairement remplir les trois conditions qu'il juge indispensables. Il s'agit : - d'abord, de l'existence d'une vaste et significative compétition entre individus et groupes organisés ( les partis politiques notamment ) pour la conquête de la totalité ou de la quasi-totalité des fonctions relevant du pouvoir politique et cela sans recours à la violence. - ensuite, d'un degré suffisant de participation politique dans le choix des gouvernants et des programmes politiques. Tout cela doit se faire à travers des scrutins équitables et inclusifs. - et enfin, d'un niveau suffisant en matière de libertés civiles et politiques pour garantir les deux premières conditions à savoir, l'honnêteté de la compétition et de la participation politique. S'ouvrant aux vagues de démocratisation des années 1990, la République centrafricaine a décidé de consacrer le mode électif d'accession au pouvoir politique afin d'assurer sa transition vers la démocratie. Ce processus doit à cet égard prendre en compte les trois conditions stigmatisées par Dahl et mettre l'élection au centre du débat politique et surtout du choix des gouvernants. L'instauration du pluralisme politique ( section I ) ainsi que l'actualisation et l'ajustement du processus électoral centrafricain aux normes démocratiques ( section II ) sont les voies empruntées par ce pays pour consacrer la démocratie élective. SECTION I : L'INSTAURATION DU PLURALISME POLITIQUELa caractéristique principale d'un système démocratique, souligne Raymond Aron, est qu'il repose sur une « organisation constitutionnelle de la concurrence pacifique pour l'exercice du pouvoir »4(*)6 ; ce qui suppose donc l'existence de plusieurs partis. L'analyse du processus de l'évolution de la Centrafrique vers le pluralisme politique doit prendre en considération aussi bien les origines médiates de la dynamique des changements intervenus que les étapes immédiates de la remise en cause du système monopartite dont la phase décisive est marquée par la restauration du multipartisme4(*)7 ( paragraphe I ). L'on ne saurait oublier la consécration textuelle d'autres libertés civiles et politiques qui entre dans cette dynamique (paragraphe II). Paragraphe I : La restauration du multipartisme
L'histoire de la restauration du multipartisme en Centrafrique est à l'image même de celle du pays dont nous avons longuement analysé dans l'introduction. Il s'agit ici d'étudier le changement du contexte politique ( A ) des années 1990 qui a favorisé cette restauration ( B ).
A- Le changement du contexte politique
Comme bon nombre d'Etats africains, la Centrafrique a connu l'amorce d'un processus qui a permis à long terme de bouleverser radicalement son paysage politique et ses structures institutionnelles. L'évolution amorcée s'inscrit alors dans le passage d'un système de parti unique et de monisme idéologique4(*)8 dominé par le Rassemblement démocratique centrafricain ( RDC, parti au pouvoir ) au multipartisme. La succession rapide des événements, sous la pression des masses populaires et des différentes forces vives, a constitué autant d'éléments d'une problématique socio-politique complexe qui a débouché sur le changement. 1- Contexte géopolitique : On rappellera pour mémoire les facteurs conjoncturels tant internationaux que régionaux qui ont eu un impact non négligeable sur l'évolution des mentalités dans la population et sur l'amorce du déblocage de la situation politique. D'abord, la péréstroiska soviétique et les événements de l'Est européen qui se sont accélérés dramatiquement à partir de la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989, ne pouvaient laisser les pays africains dans l'indifférence. Dans la région d'Afrique centrale, les événements s'accélèrent également au printemps 1990. Après l'ex-Zaïre et le Gabon qui adoptèrent le principe du multipartisme, le Congo et le Cameroun leur emboîteront le pas un peu plus tard. L'effet d'entraînement à l'égard de la Centrafrique était incontestable. Les mentalités seront d'autant plus frappées par les événements violents qui se produisaient à la même période dans ces Etats voisins et qui traduisaient l'impatience de l'opinion publique face aux changements attendus sous diverses formes : troubles réprimés au Cameroun, répression de la contestation étudiante à Lubumbashi ( ex-Zaïre), journées d'émeutes au Gabon, des grèves assorties de pillages et de violences au Congo4(*)9. 2- Contexte socio-politiques interne : C'est dans ce contexte un peu généralisé qu'en avril 1990 débutent des contestations sociales à Bangui, la capitale (manifestations de rue suivies de casse). Désemparé, le comité directeur provisoire du parti unique, le RDC, réuni en session extraordinaire, rejette le multipartisme mais réaffirme le caractère multitendanciel du parti. Il prône en même temps une réforme constitutionnelle établissant un poste de premier ministre5(*)0. Le congrès ordinaire du parti, tenu en octobre de la même année à Berberati, une ville de province, emboîte le pas au comité directeur. Non seulement qu'il y est décidé de la réaffirmation du régime monopartite et du rejet du principe d'une transition vers le multipartisme mais un appel est également lancé en faveur de l'ouverture politique et du pluralisme des opinions au sein du parti5(*)1. Cependant, six mois plus tard et en tenant compte des facteurs endogènes ( accentuation des mouvements de contestation ) et exogènes ( la mise en garde de la France à l'égard des pays africains francophones qui ne s'ouvraient pas à la démocratie ) qui pouvaient agir négativement sur la conduite des affaires et nuire à ses relations internationales, le président Kolingba prend un décret restaurant le multipartisme ( 22 avril 1999 ) prenant ainsi de court les caciques de son régime5(*)2. * 45 Cette approche de Dahl est commentée par L. Diamond, S. M. Lipset dans leur ouvrage, Les pays en développement et l'expression de la démocratie, Manille, Nouveaux Horizons, 1996, pp. 9-11 * 46 Cité par H. Fouda in Droit à la démocratie et processus électoral camerounais, Yaoundé, UCAC/ICY, APDHAC, mémoire de Master Droits de l'Homme et Action Humanitaire, inédit, 1998, p. 7 * 47 J. M. Breton, « La transition vers la démocratie en République populaire du Congo » in Afrique en transition vers le pluralisme politique, G. Conac, (dir.) op. cit. p. 263 * 48 Idem. * 49 J. M. Breton, op. cit. p. 263 * 50 J. Du Bois de Gaudusson, G. Conac, Ch. Dessouches, op. cit. p. 183 * 51 L. G. Pampali, Le Centrafrique face à lui-même, Yaoundé, PUCAC, 2001, p. 103 * 52 L. G. Pampali, « Le processus d'implication de la Communauté internationale dans l'instauration et la consolidation de l'Etat de droit en République centrafricaine (1990-2000) » in Vers une société de droit en Afrique centrale ( 1990-2000 ), D. Maugesnet et J. D. Boukongou ( dir. ), Yaoundé, PUCAC, 2001, p. 341 |
|