Paragraphe2 Pour une articulation réussie entre
légitimité et légalité
Cette problématique de la légalité ou
non des conventions locales de gestion des ressources naturelles est la
question et même l'unique question à
la quelle les acteurs intervenant dans le
développement local n'arrivent toujours pas à élucider
à cause des diverses approches proposées par les uns
et les autres selon leur formation (juriste positiviste,
anthropologue, sociologue, géographe etc.), leur conviction et
parfois même par des intérêts purement personnels. Il
est loisible (et c'est ce qui fait la spécificité de la
science) pour chaque spécialiste d'essayer d'apporter un certain
contenu à un concept nouveau dont il serait appelé à
utiliser lors de ses interventions sur le terrain. Malgré tout, certains
gardes fous existent et ont pour nom : principes généraux de
droit, textes législatifs et réglementaires,
jurisprudence etc. Force est de noter cependant que les
conventions locales soulèvent la problématique
récurrente du pluralisme juridique qui caractérise la
société Africaine et Sénégalaise en
particulier. En fait, nous avons d'une part des règles
traditionnelles bénéficiant d'une légitimité
absolue mais dont la légalité est méconnue par le
droit positif ; et d'autre part, des textes de lois
présentant une légalité certaine sans
bénéficier d'une légitimité. Ces deux tendances
aux méthodes et règles opposées à tout bout
de champ mettent
83 Op.cit Diallo Ibrahima.
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les populations devant un dilemme. Et tout
bonnement, il faut souligner l'existence quotidienne de règles
négociées dans la vie courante des populations locales
surtout dans la gestion environnementales et des ressources naturelles.
C'est pourquoi nous pensons qu'afin de trouver l'équilibre pour
cette articulation par, soit une combinaison, soit une phagocytose de l'un
des ordres par rapport à l'autre ; le juriste doit suivre le
conseil de Barrière Olivier84 qui avoue que lors d'une
recherche, le juriste : « Dans un premier temps, et tout
naturellement, c'est le droit posé par l'Etat qui constitue pour
lui une source de préoccupation. Il s'intéresse d'une
façon simultanée à la doctrine et aux
décisions de justice (tribunaux et cours), en évalue
l'importance, la pertinence. Il s'applique en outre à dégager les
contours du droit prétorien reflétant l'importance de
l'intervention du juge dans la création du droit. S'il aborde la
science administrative, il s'interroge rapidement sur l'investissement
de l'administration dans l'application des textes qui ont
été adoptés par le législateur national
et sur son degré d'application « sur le terrain ».
A ce stade un malaise risque fort de l'envahir : notre
juriste curieux commence à pressentir une distance réelle
entre ce droit qualifié de positif, que "nul n'est
censé ignorer", ce qui justement fait ressortir un certain
niveau de fiction et l'univers vivant de la réalité
juridique. La frustration ne fait qu'empirer lorsque, pour
dégager les limites de ce droit, formalisé et
imposé par l'Etat, il se trouve confronté à
l'effort de s'imprégner de la vie sociale. Le franchissement de ce
« rubicond »
du champ juridique exprime la volonté
d'aller aux confins du droit, en s'adonnant à l'étude
des processus de « juridicisation » propres à chaque
société ».
Ainsi, avec ce sage conseil, nous entrevoyons deux
solutions : soit la réglementation étatique (textes sur la
décentralisation, les ressources, l'environnement ect.) reconnaissent
la force juridique aux règles instaurées par les
populations locales ; soit les règles locales se
conforment à la législation. Ce dernier cas est plus
difficile à réaliser pour une raison évidente
à savoir l'impossibilité matérielle
(même si c'est faisable si le droit est fait pour la
société c'est-à-dire la codification des
règles sociétales) d'intégrer
84 Barrière Olivier « Vers la
définition d'un nouveau droit de l'environnement africain »
Février 2001 ; LAJP. Page 1.
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toutes les pratiques dans la législation. Il
s'avère nécessaire d'apporter là aussi une
précision dans la mesure où, il existe à notre
avis trois types de conventions locales susceptibles d'être
considérées comme illégales.
D'abord celles qui sont élaborées par les
populations dont le conseil local s'est approprié par le
biais d'une délibération et approbation du
représentant de l'Etat. Ensuite celles qui sont
élaborées par les populations sans intervention du conseil
local mais qui sont appliquées dans la localité tout de
même. Et enfin celles qui sont prévues par les
compétences transférées (gestion des ressources
naturelles et de l'environnement par exemple le plan d'occupation
et d'affectation des sols, plans ou schémas d'action
pour l'environnement, aménagement et gestion des
forêts etc.) nécessitant la participation des
populations par le biais des cadres de concertation. Ces
dernières sont confortées par les articles 14, 15 pour
la région ; 39, 40 et 43 pour les communautés
rurales du décret 96-1134 portant transfert de
compétences.
S'agissant des premières, il suffit qu'elles
respectent les critères d'une convention locale (organique,
matériel et formel) afin de signer leur acte de naissance en
bonne et du forme dans l'ordonnancement juridique. C'est-à- dire
que la convention doit être prise par une collectivité
locale, dans des compétences relevant des attributions des
collectivités locales (générales et
transférées) après délibération et
approbation du représentant de l'Etat. Pour les secondes, ce
sont des populations en tant que particuliers qui ont accepté
des règles de gestion contenues dans un convention ; cependant
à défaut d'une réforme de la législation
actuelle du droit des collectivités locales, elles sont et
restent illégales au regard des pouvoirs publiques même si
par un contournement juridique elles se constituaient en association,
ces règles ne pourront s'appliquer qu'aux parties prenantes de
la dite convention (donc un banal simple contrat). Concernant la
troisième catégorie, les collectivités ne
se trouvent nullement dans l'obligation de mettre en
place des cadres de concertation car le législateur a
utilisé le verbe « pouvoir » et non «
devoir ». En atteste par exemple le libellé de l'article 16 du
décret 96-1134 qui dispose que « pour l'élaboration
de ces plans ou schémas, la région peut
s'appuyer sur le cadre de concertation visé à
l'article 14 ... » Il suffit dans ce cas de
66
figure que la collectivité locale à qui
est dévolu la possibilité de mettre en place des cadres
de concertation de faire participer ces derniers dans le
processus. Ainsi, l'absence de participation des cadres de concertation
peut être interprétée comme un vice de
procédure avec ses conséquences sur le plan administratif
(contrôle de légalité du représentant de l'Etat) et
contentieux.
Afin de trouver le juste milieu, nous proposons d'abord la
reconnaissance des règles de gestion locale et leur
intégration effective et expresse dans le corpus juridique du
droit des collectivités locales avec la définition des
rôles de tous les acteurs (collectivités locales,
Etat, ONG, populations). Ensuite, la mise en place d'un code
foncier qui contiendra toutes les règles d'accès, de gestion
et de contrôle des ressources foncières à partir des
modes de régulations déterminées par les utilisateurs de
ressources dans le maintien de l'unité nationale et de la
sécurité juridique.
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