Chapitre2 : Les défis des conventions
locales
Les conventions locales au-delà de leur
efficacité ne sont pas tout à fait exemptes de critiques ayant
trait à des difficultés d'ordre juridique et d'autres d'ordre
pratique. Tous les spécialistes des conventions locales s'accordent
sur
le constat qu'elles présentent des limites
sur tous les plans : juridique, méthodologique, politique,
social, économique. De même, lors des différentes
étapes d'élaboration et de mise en oeuvre des dites
conventions locales, des
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critiques sont formulées sur l'effectivité
de ces dernières dans la réussite du pari de
légitimité symbolisant les accords locaux. Les plus
virulentes critiques adressées à l'encontre des conventions
locales sont afférentes à leur régime juridique. En
effet, lorsque certains estiment la légalité des
conventions locales, d'autres affirment leur caractère
illégal. Un débat intéressant à tout point de
vue dans la mesure où, tous les arguments pertinents se
valent même si de notre côté, nous estimons la
légalité des conventions qui respectent les
règles de procédures telles que déterminées
par les textes sur
la décentralisation et ceux de la gestion
des ressources naturelles au Sénégal71. Une
systématisation des diverses critiques nous permet d'en
retenir principalement deux : celles qui sont d'ordre
général (section1) et celle d'ordre
spécifique (section2) à savoir la
problématique du fondement juridique des conventions locales.
Section1 : Les difficultés d'ordre
général
Nous entendons par difficultés d'ordre
général, celles qui sont consécutives à toutes
les conventions locales et formulées par la plupart
des acteurs intervenant dan le cadre du développement local.
Elles sont généralement observées lors de la
conception (par1) d'une part, et d'autre part dans la mise en oeuvre
(par2).
Paragraphe1 : Lors de la conception des CL
Dans le cadre de la mise en place des
conventions locales, des contraintes de divers ordres se dressent et
annihilent le caractère original des conventions dans la gestion
locale. Tous s'accordent sur les limites purement méthodologiques
qui faussent l'approche dans le choix d'une échelle pertinente. Pour
dire qu'un débat s'instaure sur l'échelle à
privilégier
(villages, communautés rurales, communes,
régions). La pratique démontre que la structure
villageoise est privilégiée au détriment des
collectivités
71Contrairement à beaucoup de chercheurs
sénégalais qui se reportent sur les arguments de Moussa
Djiré dans sa « une grande nébuleuse juridique et un
pragmatisme en GRN » ; nous estimons que le contexte de
décentralisation et même
les degrés différent ; pour dire que ce qui est
valable pour le mali ne l'est pas au Sénégal.
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locales. Toutefois certaines conventions locales tentent de
couvrir les circonscriptions administratives même si les contours
tels que appréhendés par les populations locales
n'épousent pas toujours la réalité étatique.
Un autre problème se pose s'agissant de la reconnaissance d'une
personnalité juridique au village comme structure sociale. Ceci
aurait permis dans une certaine mesure de réussir le pari de la
participation de toutes les couches de
la population. En effet, malgré le discours
sur la participation plusieurs processus aboutissent à une
« instrumentalisation des populations72 ».
Aussi,
il a été constaté que certains groupes
sociaux sont marginalisés parmi eux, les femmes et les
étrangers (ex : éleveurs transhumants).
Les conventions locales reposent en de termes certes
nouveaux les démarches d'élaboration. Ainsi,
généralement tributaires du contexte local, elles expriment
les rapports de force entre acteurs aux enjeux souvent
divergents. Elles doivent de ce fait matérialiser la
légitimité du groupe. C'est pour cette raison que la
méthode participative lors de la phase diagnostic facilite une
« meilleure appropriation du processus par les
populations73 » Même si cette procédure
retarde le processus d'établissement de la convention locale, force
est de noter la nécessité d'une prise en compte des
aspirations des différentes composantes de la
collectivité. Dans un autre registre, les conventions locales
sont un exemple pertinent de mise en oeuvre des compétences
transférées. En fait, lorsque le code des
collectivités locales dispose que les collectivités
déterminent des cadres de concertation, cela a pour
conséquence l'implication et pourquoi pas l'initiation par le
conseil rural
de convention en matière de gestion des ressources
naturelles. Toutefois, ces dernières sont confrontées au
manque de moyens, limitant ainsi toute initiative de la
collectivité locale tendant à la mise en place des
conventions. C'est pour ces raisons que beaucoup de communes et
de communautés rurales ont des difficultés afin
d'apporter l'appui nécessaire aux initiatives locales en
matière d'élaboration.
72 Djiré Moussa « les conventions
locales au Mali : une grande nébuleuse juridique et un pragmatisme en
GRN » ; IIED 2004 ; page 20.
73Serigne.M.Tall et M.B.Gueye « les
conventions locales : un outil de co-gouvernance en gestion des ressources
naturelles » IIED Sahel ; Novembre 2003. Page 24.
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Dans le contexte de décentralisation, il
est indispensable que les collectivités locales s'impliquent
activement dans l'élaboration des conventions locales seul gage
de légalité (sur laquelle nous allons revenir dans la
seconde section). Bref, nous pouvons retenir que les conventions
locales posent des difficultés dans la phase de conception et qui
se manifestent par une instrumentalisation des populations locales et la
marginalisation de certaines couches de la société
en sus de la non implication des collectivités locales.
Ce constat est conforté par la place
prépondérante occupée par les organismes de
développement local. Pour preuve, la majorité des
conventions locales signées au Sénégal ont
été initié
et conceptualisé par des ONG telles que l'IIED
(convention de Mbadakhoune, Keur Baka, Salémata, charte du domaine
irrigué). Cette intervention d'acteurs différents comme
initiateur des conventions constitue un frein à la pertinence des
conventions. En effet, chaque acteur ayant sa propre approche, une
floraison de conventions différentes dans l'approche et le
contenu risque à terme de créer une véritable anarchie
textuelle ; compliquant encore plus la compréhension des
populations locales. Il est temps que les acteurs se
réunissent pour élaborer des conventions cadres mais
flexibles afin de les adapter au contexte de temps et de lieu sur lesquels
ils auront à intervenir. L'initiative des experts
Sénégalais lors de la conférence de Bamako, de
créer un Réseau National sur les Conventions locales
est louable à tout point de vue. Ainsi, il permet de
capitaliser les expériences de chacun afin de former une
synergie d'actions pour une cohérence dans leurs
différentes interventions. Qu'en est -il lors de la mise
en oeuvre et du suivi -évaluation ?
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