Introduction Générale :
S'interroger sur la gestion des collectivités
locales et incidemment sur
leurs ressources naturelles et environnementales dans le
contexte africain en général et Sénégalais en
particulier requiert de la part du chercheur d'une part un miroir
orienté vers l'histoire et d'autre part sur l'évolution
actuelle de
la gestion de ces collectivités locales.
Pour ce faire nous allons prendre comme point de départ
le long processus de décentralisation opéré
au Sénégal. Cette politique de décentralisation du
Sénégal est vieille de plus de trente ans. Depuis 1964
en effet, la réforme foncière et la responsabilisation des
populations locales (gestion et aménagement des terres)
assuraient, dans les principes, la réalisation de l'autonomie et
de la participation. L'adoption en
1966 de la loi portant Code de l'administration communale
permettra l'approfondissement de la décentralisation à travers
les communes.
Depuis 1972, le Sénégal a fait des
progrès remarquables dans la conception et la mise en place
de politiques et d'institutions décentralisées
(les communautés rurales notamment). Dans
l'esprit de rapprocher les décideurs politiques des
populations, la décentralisation des services publics devrait
augmenter l'efficacité de la fourniture de certaines prestations.
On peut remarquer que c'est surtout à partir de 1972, lors de
la deuxième phase, avec la réforme de l'administration
territoriale, que la décentralisation connaîtra
véritablement des avancées significatives.
Enfin, le nouveau régime des collectivités
locales est fixé par la loi 96-
06 complétée par la loi 96-07 du
22 mars 19961 portant transfert de compétences
aux régions, communes et communautés rurales). Il importe de
noter que la réussite de la politique de décentralisation
dépend de plusieurs facteurs dont notamment la capacité
des institutions locales à assumer leur rôle avec la mise
à leur disposition de ressources financières et humaines.
Comme le stipule l'article 7 du code des collectivités
locales, celles-ci
« disposent de budget et de ressources propres
» destinées à la satisfaction
de la demande sociale locale. La décentralisation
fait des populations locales
1 Loi 96-06 complétée par la loi
96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux
régions, communes et communautés rurales dénommée
Code des Collectivités Locales
6
le principal centre de prise des décisions
relatives à la gestion des ressources naturelles en donnant des
perspectives réelles de développement de l'entreprenariat
rural privé. La prise en compte des valeurs locales et de
leur savoir-faire s'avère inévitable dans la conception,
l'élaboration et la vulgarisation des technologies de gestion
des ressources naturelles. La deuxième phase de la
décentralisation s'est accompagnée d'un transfert de pouvoir
de l'Etat aux collectivités locales notamment en matière
de gestion des terres des communautés rurales. Le transfert du
pouvoir s'est fait de manière progressive. Dans un premier
temps, le représentant de l'Etat avait
le droit de se prononcer sur l'opportunité des
délibérations du Conseil local,
ce qui lui conférait d'énormes
pouvoirs et beaucoup d'influence. Cette disposition a
évolué et désormais il n'exerce plus qu'un
contrôle de conformité des actes pris par le conseil local,
conformément aux dispositions législatives et
réglementaires. Les plans locaux de développement,
d'aménagement et de gestion des ressources naturelles,
élaborés par les collectivités locales, doivent
être approuvés par le représentant de l'Etat.
Le Sénégal compte actuellement trois
types de collectivités locales décentralisées sans
hiérarchie entre elles (le principe d'égale dignité
oblige) à savoir les communautés rurales, les communes et
les régions. La loi sur le transfert des compétences en
matière de gestion de l'environnement et des ressources naturelles
consacre une gestion rapprochée des ressources naturelles par les
communautés de base pour en assurer la durabilité. Le
transfert repose sur le principe de la
complémentarité entre l'Etat et les collectivités
locales. La loi 96-07 du 22 mars 1996 et le décret 96-1134 du 27
décembre 1996 précisent les compétences
transférées aux régions, aux communes et aux
communautés rurales.
Au plan local, il a été mis en place
des cadres institutionnels qui sont soit des services
déconcentrés de l'Etat, soit des cadres de concertation
au sein de l'administration locale d'une part et d'autre part entre
services de l'Etat, les partenaires au développement et les
administrés (OCB, populations etc.). Les activités
menées par les cadres de concertation sont fonction de leur
nature mais tournent essentiellement autour des réunions
d'information, d'échanges et de visites de terrain. Dans le
cadre de l'approfondissement du
7
processus de décentralisation, un nombre
significatif de compétences en matière de gestion des
ressources naturelles et de protection de l'environnement ont été
transférées aux collectivités locales.
La gestion durable des ressources naturelles, en raison de son
importance stratégique dans la planification du
développement économique
et social, se situe au centre des principales
préoccupations des pouvoirs publics. Elle est basée sur
certains principes directeurs tels que la participation, la responsabilisation,
le partenariat et la bonne gouvernance.
Condition préalable à l'élaboration
des politiques et programmes, la participation des acteurs
impliqués dans la mise en oeuvre du développement durable
est sollicitée par les institutions publiques pour plusieurs
raisons : elle permet de valoriser les compétences locales,
de garantir la prise en compte des préoccupations des
populations dans la définition des lignes d'actions et de
procéder à une délimitation concertée des
rôles et responsabilités de chaque catégorie d'acteurs,
dans la mise en oeuvre des programmes de développement.
L'évaluation de la décentralisation dans le domaine de la
gestion des compétences générales et
transférées a montré que les collectivités
locales ont des limites certaines pour assumer, de manière
satisfaisante, leurs rôles. Ces limites s'articulent autour des
points suivants : insuffisance de l'expertise au sein des CL
malgré les arrangements permis par les conventions-type pour mettre
à leur disposition une assistance technique disponible au niveau
des services déconcentrés ; insuffisance des moyens
financiers et logistiques pour faire face à leurs
responsabilités dans les domaines transférés. De plus
les CL ne sont pas souvent sensibilisées sur les nombreuses
opportunités quant à la GRN, notamment l'exploitation
forestière et les ristournes sur les recettes contentieuses
autour de la forêt ; etc.
8
Ces faiblesses d'ordre institutionnel et organisationnel
empêchent les
CL d'exercer effectivement le pouvoir transféré
pour une meilleure planification des ressources naturelles dans le cadre
des planifications locales
(PRDI, SRAT, PIC et PLD). Des conflits peuvent
découler de ces faiblesses énoncées ci-dessus. Le
manque de précision dans les limites des communautés rurales, la
perception de l'espace communautaire par le conseil rural et sa gestion
essentiellement limitée aux attributions de terres, souvent
déterminées par la prédominance d'une
activité donnée, entraînent des
déséquilibres dans les affectations au profit de
catégories professionnelles dominantes (agriculteurs notamment),
créant ainsi un rétrécissement des zones
réservées au parcours de bétail au point de
désorganiser le système pastoral.
Face à ces difficultés textuelles ;
les conventions locales viennent constituer selon le Docteur
Diallo2 des outils non encore exploités
de la gestion des ressources naturelles et environnementales
dans le cadre des compétences transférées et
subséquemment des collectivités locales. Ceci se traduit
par des conventions désignées sous des vocables
différents : accords locaux, contrats locaux, conventions locales,
charte etc.
Pour rendre compte de toute la complexité de
ces conventions locales, nous allons les cerner sous deux angles : d'abord
par rapport à la décentralisation (d'un point de vue
juridique), ensuite par rapport à la pratique,
c'est-à-dire dans le sens que les acteurs locaux en donnent et
qui
ne recouvre pas toujours la même
réalité pour ne pas dire les
conventions
locales de la décentralisation
d'une part et d'autre part les
conventions
locales dans la
décentralisation3.
2 Diallo Ibrahima « Les aspects juridiques
de la convention locale dans le cadre de la décentralisation au
Sénégal »
(une communication à l'atelier national de Kaolack sur les
conventions locales du 17 au 18 juin 2003)
3 A l'image du leitmotiv juridique classique
connu en droit constitutionnel à savoir la souveraineté
de l'Etat et la
souveraineté dans l'Etat qui nous a
été soufflé par le Docteur Diallo lors du séminaire
sur les Conventions locales sous
la direction de Mr Dieng.
9
D'un point de vue juridique, la convention locale
désigne un accord écrit passé officiellement entre
deux ou plusieurs parties qui s'engagent à respecter diverses
obligations. Le terme local indique qu'une institution locale est
partie au contrat. Cette institution peut être une
collectivité territoriale,
un établissement public ou une association. C'est
pour cette raison que le code des collectivités locales a
prévu la coopération dans tous les domaines à
travers les conventions locales. En effet, la demande sociale, le
coût des interventions, la complexité des procédures,
les difficultés de coordination des actions, interdisent de plus
en plus à une collectivité locale d'agir seule. L'article
14 du CCL dispose à cet effet, que les collectivités
locales peuvent entreprendre des actions de coopération entre elles.
Au plan institutionnel des conventions locales sont
prévues dans la perspective d'une collaboration entre l'Etat et
les collectivités locales (article
15 du CCL) qui précise que les collectivités
locales peuvent entreprendre avec l'Etat la réalisation d'un
programme d'intérêt commun. Cette disposition ne
procède qu'au rappel d'une évidence dans le sens
où, cette collaboration fait partie intégrante de la
philosophie même du processus de décentralisation. En
conséquence ; la région, la commune et la
communauté rurale peuvent passer des conventions avec l'Etat pour
mener des actions de développement dans le respect de leurs
attributions. Entre les collectivités locales,
l'opportunité leur est offerte de créer une entente qui
peut être soit interrégionale, intercommunale ou
intercommunautaire (article 71 et 239 du CCL). Dans cette
perspective, plusieurs communautés rurales peuvent décider de
constituer entre elles ou avec une ou plusieurs communes, un
groupement d'intérêt communautaire ayant pour objet la gestion
ou l'exploitation des ressources naturelles intéressant
plusieurs collectivités locales (article 239 CCL). Ce groupement
est créé par décret sur les voeux des conseils
municipaux et ruraux après avis du conseil
régional. Des groupements mixtes peuvent être constituées
par accord entre des régions et l'Etat, ou des établissements
publics ou avec des communes ou communautés rurales en vue
d'oeuvre ou service présentant une utilité pour chacune
des parties (article 74 CCL). Et enfin des conventions locales sont
prévues entre les collectivités et des associations ou
organismes de
10
développement (article 3 du CCL). Ceci se
justifie à travers la préoccupation d'une démocratie
locale seule voie pour vaincre le sous développement par une
participation des acteurs à la base dans la gestion de leurs
ressources et
de la sauvegarde de leur environnement.
Au regard des textes sur la décentralisation, trois
critères peuvent donc être dégagés pour
l'identification d'une convention locale : il s'agit d'un
critère organique (collectivité
locale), d'un critère matériel
(compétence générale ou
transférée par le code des collectivités
locales) et enfin un critère formel selon
la procédure suivie lors de son élaboration.
Dans un autre registre, le régime juridique
des conventions locales notamment de gestion des ressources
naturelles est régi aussi bien par des conventions
internationales que des textes nationaux. Au plan international,
l'article 12 du décret 96-1134 du 27 décembre 1996
portant application de la
loi de transfert des compétences aux régions
aux communes et aux communautés rurales en matière
d'environnement et de gestion des ressources naturelles énonce que
l'exercice de ces compétences transférées
s'exerçait dans le respect des conventions et accords
internationaux ratifiés par l'Etat Sénégalais. A
partir de ces éléments, nous pouvons rappeler quelques
conventions internationales qui fondent les conventions locales
notamment en matière de gestion des ressources naturelles et de
l'environnement. Nous retiendrons parmi tant d'autres l'Agenda 21
de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement (Rio,
1992) ; la déclaration de Rio sur l'environnement
et le développement (juin
1992) ; la Convention sur la diversité biologique,
Rio de Janeiro, 3-14 juin
1992 ; la stratégie mondiale de la
biodiversité (WRI/UICN/PNUE, 1994) ; la
Résolution 28 C/2.4 de la Conférence
générale de l'UNESCO (novembre
1995) approuvant la stratégie de Séville et
adoptant un cadre statutaire du
Réseau mondial de réserves de biosphère
MAB ; tous ratifiées par le Sénégal
et ayant ainsi une force supérieure à la
loi. Cette obligation est rappelée l'art.12 du décret
n°96-1134 du 27 décembre 1996. Relevons dans ces
conventions certaines déclarations, principes et engagements
posés par la communauté internationale et qui ouvrent
une brèche à la légalité des
11
conventions locales. Je cite : « Que
l'expansion des besoins...; Que pour pouvoir
satisfaire ces besoins... progresser vers une exploitation plus
efficace
et plus rationnelle de la terre et de ses
ressources naturelles... Que l'objectif général est de
faciliter l'affectation des terres à des utilisations offrant
les plus grands avantages durables et le passage à une
gestion intégrée et durable des terres ; ... Qu'il
faudrait également tenir compte, entre autres, des zones
protégées,... des droits des populations et
collectivités autochtones
et autres collectivités locales4
»
En outre, le Principe 22 de la Déclaration de Rio
sur l'environnement et
le développement de juin 1992 estime que :
« Que les populations et communautés autochtones et
les autres collectivités locales ont un rôle à jouer
dans la gestion de l'environnement et le développement du fait de leurs
connaissances du milieu et de leurs pratiques traditionnelles ; que
les Etats devraient reconnaître leur identité, leur culture et
leurs intérêts, leur accorder tout l'appui nécessaire
et leur permettre de participer efficacement à la
réalisation d'un développement durable. » Enfin,
la Stratégie de Séville et Cadre statutaire du
réseau mondial des réserves de biosphère MAB de
1995 dispose « Que les réserves de biosphère sont
établies pour promouvoir une relation équilibrée
entre les êtres humains et la biosphère et doivent
permettre d'associer pleinement les communautés locales à
la conservation
et à l'utilisation durable des ressources.
» Ces quelques conventions ratifiées par notre pays
ouvrent la possibilité pour les populations locales de
participer
à la GRNE à travers les conventions locales.
Au plan communautaire nous pouvons rappeler à
l'image du Docteur Diallo5 la convention africaine sur
la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles,
ratifiée par le Sénégal le 6 mars 1972 et
constituant
de ce fait le premier texte panafricain visant la
mise en place de mesures adéquates pour assurer la conservation,
l'utilisation et le développement des sols, eaux, flore et
ressources en faune. Les conventions locales constituent des instruments
d'application de cette convention internationale au plan local dans la
mesure où, elles prennent en considération les besoins
spécifiques
4 Agenda 21, chapitre 10 relatif à la
conception intégrée de la planification et de la gestion des
terres.
5 Op.cit.
12
des populations selon une approche conciliant les logiques
juridiques locales
et nationales en matière de gestion des
ressources naturelles. Dans cette même mouvance, soucieux de
définir un statut clair pour le foncier et de la gestion des
ressources naturelles, la Déclaration de Praia souhaite
une implication des populations locales et préconise des modes
d'application qui prennent compte des réalités
sociétales et culturelles. C'est ainsi qu'elle précise
l'indispensabilité de définir des cadres contractuels
clairs et durables pour améliorer les conditions d'accès et de
gestion des ressources naturelles.
Au Sénégal, les conventions locales constituent
des instruments juridiques et économiques qui trouvent leur
fondement dans le principe de libre administration des
collectivités posé par l'article 102 de la constitution
de janvier 2001. Le cadre législatif et
réglementaire de la gestion des ressources naturelles et de
l'environnement accorde une grande importance aux conventions locales
comme outil et cadre qui permettent de réaliser une
cohérence et adhésion des populations locales. Au terme
des dispositions du CCL ; pour accomplir leurs missions, les
collectivités locales peuvent s'associer en partenariat avec les
mouvements associatifs pour la réaliser des projets de
développement local. De même, l'article 14 dispose
que les collectivités locales peuvent créer des
groupements de promotion et de coordination des actions de
développement. Il résulte de ces dispositions que les
conventions locales constituent des instruments privilégiés
de gestion des affaires locales dans la perspective d'un
développement durable. L'article 4
du code de l'environnement6 dispose que tout
projet de développement mis
en place dans le pays doit tenir compte de la
coopération entre l'Etat, les collectivités locales, les
associations, et les citoyens. Le législateur reconnaît
ainsi aux conventions locales une importance capitale en imposant
comme condition d'implantation de tout projet la prise en compte des
conventions locales. Les conventions locales sont principalement
prévues par le législateur dans les compétences
transférées. Parmi celles-ci, nous pouvons citer en
matière de gestion des ressources naturelles :
Les plans d'aménagement des forêts ;
6 Loi 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de
l'environnement.
13
Plan d'action pour l'environnement
Plans locaux de développement
Le plan général d'occupation des sols, les
projets d'aménagement de lotissement, d'équipement des
périmètres affectés à l'habitation
L'aménagement de l'exploitation de tous les produits
végétaux de cueillette et des coupes de bois
Ces conventions locales doivent au risque d'être
illégales faire l'objet d'une délibération devant le
conseil délibérant compétent (conseil régional,
municipal et rural) en plus d'une approbation du
représentant de l'Etat
(Gouverneur, Préfet, sous-préfet) dans le
cadre des compétences transférées
ou générales des collectivités
locales. Au regard de ce qui précède, les
conventions locales dans le cadre de la décentralisation sont
constituées par celles qui impliquent la participation d'au moins
une collectivité locale. Cette conception diverge avec
l'approche que les populations et les projets de
développement local intervenant sur le terrain en font.
La notion de convention locale est
différemment considérée par les acteurs
effectivement impliqués dans l'élaboration et l'exécution
des conventions. En effet, la fragilisation des conditions
écologiques, la dérégulation des systèmes
sociaux combinée à un environnement socio-
économique de plus en plus vulnérable, ont contribué
à la redynamisation des stratégies communautaires de gestion
des ressources naturelles, telles que les conventions locales. Ces
institutions traditionnelles sont souvent initiatrices de conventions
locales, parfois en relation ou non avec les collectivités
locales qui exercent désormais des compétences
transférées en matière de GRN. Les fonctions
des conventions locales sont multiples et renvoient aux aspects
suivants :
un cadre méthodologique basé sur un processus
d'apprentissage participatif et concerté entre des acteurs aux logiques
diverses,
un instrument réglementaire et institutionnel
définissant des règles, des procédures et des
organisations pour veiller à leur application,
des outils de planification, de gestion et d'aménagement
des ressources naturelles en vue d'assurer leur durabilité.
14
Selon le PAGERNA7 la convention locale
peut être définie comme un « ensemble de
dispositions prises de manière consensuelle par les population d'une
zone éco-géographique ou d'une unité
d'aménagement donnée en vue de gérer durablement
les ressources naturelles de leurs terroirs villageois et supra
villageois8.» La convention est comme son nom
l'indique consensuelle et obéit à des
procédures d'élaboration (l'initiative provient des
populations locales ou des projets de développement) et
d'exécution (mise en place de Cellules d'Animation et de
Concertation). Elle est élaborée selon des
échelles différentes : villageoise, inter-villageoise,
communautaire, inter-communautaire, zones géographiques
transfrontalières contiguës. Leur champ d'application varie d'une
convention locale à une autre
et peuvent porter sur toutes les ressources
foncières, ou sur des ressources communes ou individuelles.
Par ailleurs, les dénominations pour
désigner ces règles diffèrent selon l'aspect que l'on
voudrait mettre en exergue. Une vingtaine a été recensé
par les chercheurs de L'IIED9 parmi lesquelles nous pouvons
citer : conventions locales, codes locaux, codes de conduite,
règles de gestion, charte de territoire, plan
d'aménagement et d'occupation des sols, co-gestion des
ressources naturelles etc. Elle sont avalisées après leur
élaboration par les autorités décentralisées
(conseil rural) et déconcentrées (sous préfet). Les
conventions locales peuvent donc être considérées
comme des règles et principes de gestion des ressources
naturelles au niveau local, élaborés et acceptés
par les acteurs concernés de manière consensuelle. Il
existe un élément déclencheur de
l'établissement des conventions locales, à savoir
l'éveil de la conscience des populations.
Il ressort des développements
précédents que les conventions locales reposent en de
termes nouveaux le débat permanent du décalage entre les
pratiques coutumières et le droit positif. Dans presque
tous les textes juridiques sur la gestion des collectivités
locales, toutes les prérogatives sont détenues par l'Etat
malgré la décentralisation. Des années d'application
ont cependant suffi de montrer les faiblesses de cette option et la
dégradation
7 Projet d'Auto promotion et de gestion des
Ressources naturelles au Sine Saloum
8 Expériences du PAGERNA sur les
conventions locales à l'atelier national sur les conventions locales
à Kaolack en juin 2003
9 International Institut pour l'environnement et
le développement.
15
des ressources naturelles en est une preuve
irréfutable. Parmi les causes, on peut noter l'inappropriation des
règles par les populations considérées comme
inadaptées et étrangères. L'inexistence d'une gestion
officielle et efficace de ces ressources par l'Etat et les
collectivités locales a fait que les populations ont toujours
adopté des pratiques locales de gestion de ces dernières.
Les conventions locales s'inscrivent dans cette mouvance
de pratiques locales et se singularisent par la forte implication des
populations à la base. C'est pour tenir compte de ces
pratiques locales de gestion qui ont fait leur preuve
d'efficacité que les lois de la décentralisation ont
prévu des conventions locales mais dans le cadre des
compétences transférées. Cependant la pratique
dénote une différence aussi bien dans la conception, la mise en
oeuvre et le contrôle de ces conventions locales par rapport
à celles déterminées par les lois de la
décentralisation. D'où cette situation d'un risque de
vide juridique où se retrouvent ces conventions locales.
Différentes structures d'appui tels que la SAED10,
l'UICN11, l'IIED, le PAGERNA participent
à la promotion et à l'élaboration
de ces conventions locales. Récemment la conférence de
Bamako organisée par l'IIED en décembre 2003 avait pour
thème les conventions locales.
L'étude de cette problématique est
fondamentale dans le sens où, une gestion efficace des
collectivités aura des impacts sur le plan politico
organisationnel car les conventions locales amorcent un dialogue entre
un éventail de parties prenantes, y compris les pouvoirs
publics, les élus locaux, les OBC et les ONG afin de promouvoir la
gouvernance collective. L'impact est aussi économique dans la mesure
où : une meilleure GRN peut se traduire par une
diversification des revenus (par exemple cueillette des produits de la
forêt, artisanat, écotourisme, petite entreprise) et
peut engendrer des avantages économiques notables. Sur le
plan social, le renforcement des mécanismes de GRN existants et
traditionnels dans le cadre de l'établissement d'une Convention
locale consolide les connaissances locales et renforce les liens sociaux.
Ceci peut mettre en valeur la cohésion sociale et engendrer
des moyens de résoudre les conflits futurs. Enfin sur le plan
de la conservation de la biodiversité les conventions locales
protègent la
10 SAED Société
d'aménagement et d'exploitation du Delta
11 Mission de l'Union Mondiale pour la Nature au
Sénégal
16
biodiversité par l'entremise de la GRN. L'impact
le plus manifeste jusqu'ici a été la
régénération du couvert d'arbres et d'arbustes et
la restauration du sol érodé par le vent. En
résumé, l'intérêt d'un questionnement sur les
conventions locales intéresse le développement à la
base et le développement durable par ricochet.
S'intéresser sur les conventions locales comme outil
novateur revient donc à appréhender l'efficacité, la
pertinence, les impacts, les limites et défis
de ces conventions particulièrement la
problématique de leur assise juridique. Dans cette étude, nous
n'entendons pas identifier les critères d'une convention
locale12 mais plutôt apprécier la
pertinence des conventions locales à travers des cas pratiques et
leurs implications dans le développement local en mettant en exergue
les difficultés aussi bien méthodologiques, pratiques que
juridiques soulevées par ce outil novateur.
Si certaines études quantitativement faibles
ont documenté divers aspects des conventions locales au
Sénégal, il reste certain qu'une approche juridique
combinée à la recherche d'efficacité de ces
conventions dans la gestion des collectivités locales n'a pas
été aussi riche et laisse encore par conséquent un
champ libre aux divers spécialistes du droit de la
décentralisation et de la gestion des ressources naturelles que
nous sommes. Néanmoins, tous les acteurs s'accordent sur
l'intérêt d'une recherche sur les aspects juridiques des
conventions locales et principalement sur leur efficacité dans la
gestion des collectivités locales comme en témoigne leur
prise en compte lors de l'atelier national organisé par le
PAGERNA à Kaolack avec la communication du Docteur Ibrahima
Diallo de l'Université Gaston Berger de Saint louis.
Au-delà de son aspect novateur comme outil de gestion des ressources
naturelles et partant des collectivités de base, le
défi de l'heure est de trouver une articulation des conventions
locales (posant des difficultés d'ordre juridique surtout) avec
le cadre juridique de la gestion des collectivités locales. Notre
problématique peut être posée en ces termes :
12 Cissé Gorgui a procédé
à l'identification des critères d'une convention locale
(critère organique, matériel et formel).
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