b. Les scandales récents
Les services américains font actuellement face à
une des plus graves crises de leur histoire. Certes, le post-11 septembre leur
a donné de nouvelles prérogatives, avec des possibilités
d`intervention démultipliées, et des moyens financiers toujours
plus importants. Cependant,
182 Pétition et signature des collectifs :
http://www.iris.sgdg.org/actions/len/petition.html 183 11
septembre 2001 oe 11 septembre 2002, Internet en liberté
surveillée, Rapport RSF, p.2
l`année 2003 s`est révélée une
véritable année noire pour leur réputation. Un
édifiant rapport d`enquête de la Commission spéciale du
Sénat et de la Chambre des représentants, sur les attentats du
11/09, rendu public fin juillet 2003, a tout d`abord accusé les services
d`incompétence. Les 850 pages du rapport mettent en lumière la
profonde rivalité entre FBI et CIA, qui aurait conduit à une
très médiocre circulation des informations rendant tout
recoupement impossible. D`autre part, ce rapport attaque directement les
capacités d`analyse et de traitement de l`information de la CIA et de la
NSA. La CIA a en particulier « été incapable
d`évaluer et d`utiliser les informations accumulées sur les
pirates de l`air », de plus, « des interceptions de communications
cruciales faites par la NSA n`ont jamais été transmises ou
exploitées »184. Lucien Sfez, dans son ouvrage Technique
et Idéologie souligne l`ambivalence propre à Internet :
« Le réseau est comme un filet qui attrape sa proie
(l`information), permet de la stocker, de l`échanger. Mais si
l`information peut entrer à tout endroit du maillage, il s`en faut de
beaucoup pour qu`elle soit triée, traitée,
sélectionnée, triée vers une décision
»185. Bien que les principaux responsables des services
américains se défendent, en expliquant que le fonctionnement des
services a beaucoup évolué après les attaques, ce rapport
a considérablement terni l`image des services de renseignement,
auprès d`un public qui ignorait en très grande majorité
les faiblesses relevées ci-dessus. James Wolsey, ancien directeur de la
CIA, avouait déjà en 2000 que les services étaient
confrontés à un problème assez sérieux de
traitement de l`information : « Given the fact that the problem for the
U.S. intelligence is that there`s a great deal of data that goes unanalyzed oe
the problem is sorting through all this material »186
Quelle que soit la capacité certes étendue
d`interception et de surveillance d`Internet des services de renseignement, il
semble donc que l`association qui les lie au Réseau des réseaux
n`ait pas nécessairement la capacité de renforcer le pouvoir de
l`Etat, puisque il paraît impossible de capter toutes les informations et
surtout d`en tirer des conclusions fiables. Dans une interview au Monde, en
date du 26 juillet 2003, Pierre de Bousquet de Florian, directeur de la DST,
affirme ainsi que « le fonctionnement traditionnel des services
américains les amène à brasser des
184 Le Monde, 26 juillet 2003, Les services
américains sous les feux de la critique.185 Lucien Sfez,
Technique et Idéologie, p. 72186 --Le problème pour
les services de renseignement US est qu`un grand nombre de données ne
sont pas analysées oele problème est de trier toutes ces
informations«. James Woolsey, Briefing at the Foreign Press, 7 mars
2000.
http://www.cabinetblanc.com/anglais/JamesWOOLSEY.pdf
quantités absolument considérables
d`informations. Et ce n`est pas un secret de dire qu`ils peuvent avoir des
problèmes de tri ».
Malgré le développement de nouveaux outils tels
les logiciels renifleurs, comment être sûr de la
véracité de l`information ? Comment vérifier les sources ?
Les critères d`un bon renseignement sont : « la qualité de
l`information, qui est la source [...], la rapidité de la transmission
»187. Or si la rapidité est sans aucun doute
assurée grâce au Réseau des Réseaux, la
qualité, quant à elle, reste incertaine. Toute information en
provenance d`Internet doit être prise avec des pincettes. De plus, la
fiabilité des nouveaux outils, type « programme renifleur »
n'est pas entièrement garantie, comme en témoigne le
procès fait au FBI par l'association EPIC (www.epic.org) en 2000. EPIC
avait en effet découvert que le logiciel Carnivore du FBI avait connu
quelques "errements" lors d'une traque sur Internet contre le réseau
Al-Qaïda. Carnivore avait intercepté des messages
électroniques de personnes totalement étrangères au groupe
terroriste.
L`activité des services de renseignement n`a
cessé de se renforcer depuis le 11 septembre. Or, jusqu`à
présent, ce renforcement a entraîné ce qu`il est convenu
d`appeler des bévues, ayant fortement nui à l`image des services.
Nous citions plus haut l`affaire des interceptions de mails concernant des
membres de l`ONU. Mais cette polémique n`eut cependant pas le
retentissement des scandales révélés après la fin
de la deuxième Guerre du Golfe. On peut se demander si les services de
renseignement constituent toujours de véritables leviers de pouvoir
comme leur rôle dans l`application du Patriot Act pouvait le faire
croire.
Ce qu`on est tenu d`appeler aujourd`hui l`« affaire
» des armes de destruction massive a contribué à une remise
en cause inédite des services de renseignement anglo-saxons. Les
gouvernements américains et anglais se sont en effet appuyés sur
l`existence, qu`ils prétendaient 100% sûre, d`armes de destruction
massive pour déclencher la guerre contre l`Irak en mars 2003. Cette
certitude provenait de rapports d`experts remis par les services de
renseignement. Or près de six mois après la fin du conflit,
aucune de ces armes n`a encore été débusquée.
187 Défense et Renseignement, sous la direction
de Pierre Pascallon, L`Harmattan, Paris, 1995, p.44
C`est ce qui a peu à peu déclenché des
interrogations à la fois dans le public et chez les médias. Les
Etats-Unis, accompagnés de leur allié britannique auraient-ils
menti, afin de pouvoir lancer l`assaut contre le régime de Saddam
Hussein ? Plusieurs hypothèses ont alors été
évoquées concernant les rapports des services de renseignement.
Les Etats américains et britanniques se sont-ils « affranchis
» des services en faisant appel à des preuves imaginaires, que les
services n`avaient pu leur fournir ? Ou bien ont-ils profité de la
complaisance des responsables du renseignement qui ont accepté les
interprétations abusives de leurs rapports ? Dernière
hypothèse possible: les agences se seraient-elles plier aux exigences de
l`administration centrale, en orientant leurs conclusions en fonction de ses
attentes ?
Bien que George Tenet ait formellement nié cette
dernière accusation émise par de nombreux
analystes188, elle pourrait bien être pertinente. Il est de
toutes façons évident que, pour les services de renseignement,
cette « affaire » sent le souffre...Le renseignement ne risque-t-il
pas ainsi de devenir une sorte d`activité de polichinelle, sans effet
véritable ?
Compte tenu des sommes engagées dans l`Intelligence par
le gouvernement américain , la question peut paraître provocante.
Pourtant les libertés prises avec les renseignements transmis par les
services prouvent que le pouvoir décisionnel de l`Etat ne peut toujours
s`accommoder des conclusions de ces derniers. Dans l` « affaire irakienne
», il semble évident que le déclenchement de la guerre ait
été une pure décision politique ; il s`agissait pour
George W. Bush d`appuyer sa décision sur les rapports des services de
renseignement. Il est aujourd`hui certain que les services ne détenaient
aucune preuve irréfutable, et que leurs rapports ne contenaient que des
intuitions et des suppositions concernant l`arsenal irakien.
Dans la continuité de cette première «
affaire », les agences américaines ont de nouveau été
montrées du doigt en juillet 2003. Elles ont dû faire face
à de très violentes critiques émanant simultanément
des médias traditionnels et des experts en renseignement. Au centre de
cette nouvelle polémique, les déclarations de George W. Bush en
janvier dans son discours sur l`Etat
188 New York Times, 4 juin 2003, art. « After
the war : Intelligence ; Iraq Arms report now the subject of a CIA review
», James Risen.
de l`Union. Il reprenait une information transmise par le
MI6189 britannique, selon lequel l`Irak avait cherché
à obtenir de l`uranium en Afrique. D`autres affirmations du
président américain, également empruntées au MI6,
prétendant que le régime de Saddam Hussein était en mesure
de déployer des armes de destruction massive en 45 minutes, ont
également alimenté la polémique. Un article du Monde nous
apprend que « selon des responsables de l'administration [...], la Maison
Blanche n'a pas cherché à obtenir l'approbation de la CIA avant
de lancer cette accusation »190. Ici encore, l`affranchissement
de l`Etat américain vis-à-vis des services semble bien en marche.
Ce que révèle cette polémique d`envergure,
c`est essentiellement la difficulté des services de renseignement
à obtenir des informations à 100% fiables. Le renseignement
technique est une nouvelle fois violemment mis en cause. Selon Jacques Isnard,
journaliste au Monde, le pouvoir politique dans le régime de Saddam
Hussein s`apparentait à une véritable forteresse. Pour tenter de
trouver une brèche, les services américains se sont
concentrés sur le renseignement technique : « des moyens techniques
ultrasophistiqués - écoutes tous azimuts, surveillance
aérienne et spatiale optique, infrarouge et
électromagnétique, et recueil informatique oe ont[...]
été mobilisés, notamment par les Etats-Unis. Or, ils ne
sont pas la panacée. En particulier, ils donnent peu de renseignements
précis et crédibles sur la suite des événements et,
surtout, sur ce qui se trame et s'élabore dans la tête même
des dirigeants du pays ou des responsables d'activités
«sensibles»191. Les limites de l`association
Internet-Services de renseignement sont ainsi mises en lumière.
Si les services se sont longtemps concentrés sur un
univers technologique en perpétuelle évolution, ils semblent
aujourd`hui forcés de réviser leur stratégie. Certes leur
présence sur Internet est indispensable, mais ils doivent admettre
qu`ils sont en grande partie impuissants face au monstre tentaculaire qu`est
devenu le Réseau. Pierre de Bousquet de Florian oppose les services
français aux services américains en expliquant que « nous
[les services français] fonctionnons d`une façon
différente [des services américains], en travaillant davantage
sur des sources humaines qu'en nous reposant principalement sur des sources
techniques. Les
189 Services secrets britanniques 190 Le
Monde, 21 juillet 2003, art. « George Bush est attaqué sur deux
dossiers »191 Le Monde, 17 juillet 2003, art. « Les
limites et fragilités des services de renseignement », Jacques
Isnard.
sources humaines sont à la fois plus précises et
plus faciles à exploiter »192. Bien sûr, il faut
savoir relativiser ce jugement. Il est probable que si les services
français avaient un budget plus conséquent, leur arsenal
technique serait sans doute plus important. Néanmoins, le retour aux
renseignement humain est aujourd`hui une constante. Winn Schwartau confirme
cette théorie : « At the end of the day, though, Elint and Sigint
have to give way to Humint as the best [...]9/11 modified a lot, and it showed
that people are really the best intelligence »193.
La partie humaine du renseignement (HUMINT) connaît
ainsi une sorte de renouveau, lié à ce que l`on pourrait appeler
« la crise du renseignement technique ». Le Pentagone, par la bouche
de son chef, Donald Rumsfeld, a annoncé en mars 2003 que le
département de la Défense souhaitait renforcer son réseau
d`agents. Si l`on peut y voir une forme de querelle avec la CIA
(rattachée directement au Président) qui dispose de plus nombreux
agents, il faut également considérer cette évolution comme
la preuve que la place du renseignement humain est toujours vue comme
fondamentale. Internet ne permet pas de tout intercepter. Pour le
général Bruno Elie, directeur de la DRM, «
l`amélioration des performances techniques, l`informatisation
généralisée des systèmes d`exploitation accroissent
certainement la qualité et le rendement, mais toutes les formes de
renseignement demeurent nécessaires aujourd`hui comme hier
»194. Autrement dit, il est impossible de mettre de
côté le renseignement humain. Seul l`agent humain peut avoir
accès aux canaux les plus discrets de communication, c`est-à-dire
essentiellement les conversations orales, qui ne laissent aucune trace
exploitable par un service d`interception. D`autre part, si la puissance de
calcul de la machine est devenue indispensable pour le tri des informations
provenant d`Internet, une barrière demeure cependant : celle de la
langue. Tous les services de renseignement se concentrent aujourd`hui sur le
recrutement de personnel maîtrisant des langues rares. Comme le
précise le rapport Paecht : « L'utilisation d'une langue rare ou
disparue renforce la protection du message ».
192 Le Monde, 26 juillet 2003 193 Interview
par mail avec Winn Schwartau. 194 Bruno Elie, Défense
Nationale, art. « La direction du renseignement militaire », 1998,
p.12
Les services de renseignement sont aujourd`hui sur la sellette,
notamment en ce qui concerne le renseignement dit technique. Cette situation
prouve que l`association Internet/ Services de renseignement n`est pas toujours
aussi fructueuse qu`on pourrait le penser. La fragilisation des services de
renseignement est d`autant plus patente qu`on assiste à un
phénomène profond et semble-t-il irréversible de
privatisation de la fonction « renseignement ».
C. La progressive privatisation du renseignement.
Dès 1995, quand Internet devient un «
phénomène » technologique de plus en plus prégnant,
de nombreuses voix s`élèvent pour acclamer la révolution
que va provoquer le réseau. Les gouvernants eux-mêmes
présentent Internet comme une technologie structurante d`une nouvelle
société. Internet permettrait en particulier un
redéploiement des pouvoirs. Ce que les gouvernants n`avaient
peut-être pas prévu, c`est que ce redéploiement atteindrait
des fonctions traditionnellement dévolues à des services
rattachés à l`Etat, et en particulier la fonction de «
renseignement ». Le terme de « révolution » est bien
souvent galvaudé, presque toute innovation technique en étant
affublée. Internet révolutionnerait notre vie, aussi bien que le
nouveau mixer à légumes présenté dans le
télé-achat ! Il faut donc être prudent face à
l`emploi de cette notion. C`est pourquoi, nous avons tenté de
démontrer que l`Internet, comme objet technique, n`avait pas
constitué à proprement parler une révolution, mais
s`apparentait plutôt à une évolution logique.
Néanmoins, il est assez judicieux de présenter l`OSINT (Open
Source Intelligence) comme une révolution, car ses effets dans l`univers
du renseignement sont considérables. L`OSINT a non seulement
modifié certaines des missions des services, mais elle a aussi conduit
à de fortes évolutions dans l`univers du renseignement, avec
l`émergence progressive de cabinets privés concurrençant
les services, dans un domaine particulier, l`intelligence économique.
L`enjeu est considérable : est-il possible d`imaginer
que la fonction de « renseignement » soit un jour totalement
privatisée ? Pour l`heure, le secteur privé s`est contenté
d`investir le renseignement économique, mais cette étape n`est
peut-être qu`un premier pas avant une privatisation
généralisée.
a. Intelligence économique et développement des
cabinets privés.
Le monde du renseignement devient un monde de concurrence. Les
services de renseignement n`ont plus le monopole, car la guerre du
renseignement se fait aujourd`hui essentiellement via l`OSINT, l`Open Source
Intelligence. « Le développement de ces nouvelles technologies
transforme la société en donnant au plus grand nombre,
l`accès à toutes sortes d`informations auparavant
réservées à des spécialistes »195.
Si les nouveaux adversaires polymorphes l`ont bien compris, les marchés
économiques aussi. Un quelconque individu peut désormais mener
des investigations sur Internet, afin d`obtenir les renseignements les plus
précieux. Cette évolution a conduit au développement
massif de cabinets de renseignement. Ainsi la problématique née
de l`utilisation d`Internet par les services de renseignement amène
à s`interroger sur une possible « privatisation de la fonction de
renseignement »196. Ce que nous souhaitons souligner, c`est le
rôle essentiel qu`a joué Internet dans cette tendance lourde
à la privatisation : « Ce mouvement de décloisonnement des
activités de renseignement est fortement accentué par la
révolution technologique de la communication numérique et de la
« nouvelle économie » de l`information. Ce nouveau contexte
technologique fournit, en effet, à tous les acteurs des moyens efficaces
et de plus en plus performants pour acquérir et traiter l`information.
En ce sens, la révolution numérique favorise les activités
de renseignement et accroît la concurrence sur le marché entre
tous les prestataires publics ou privés »197.
Avec Internet, tout le monde peut en principe avoir
accès à l`information ; la veille économique et
concurrentielle joue un rôle de plus en plus important ; l`utilisation
des forums de discussion et des chats pour diffuser des messages de tout ordre
(publicité, désinformation, manipulation...) est de plus en plus
fréquente. Les sites Internet des entreprises deviennent de
véritables vitrines. On trouve désormais de très nombreux
sites internet spécialisés dans l`information économique.
A n`en pas douter, le Web constitue une véritable poule aux OEufs d`or
pour qui cherche à obtenir des informations sur telle ou telle
entreprise.
195 Général Loup Francart,
Communiqué de presse IHEDN, www.terrorisme.net 196
Regards sur l`actualité, janvier 1994, De la guerre
économique à l`intelligence économique, Brigitte Henri
197 La Lettre de la Rue Saint Guillaume, art. « L`ardente
obligation du renseignement », Bertrand Warusfel.
Le terme même d`« intelligence économique
», en plein essor actuellement, traduit le rapprochement du civil et du
militaire, du privé et du public. Pour Jacques Baud, ce concept apparu
à la fin des années 80 exprime à la fois « le
glissement des enjeux politico-militaires vers les enjeux
économiques-industriels, la participation des agences de renseignement
officielles à la recherche de renseignement de caractère
industriel, et l`arrivée sur « le marché du renseignement
» de firmes privées. Dans les faits, on constate que de très
nombreux employés des services secrets vont désormais «
pantoufler » dans le secteur privé. C`est ainsi qu`aux Etats-Unis,
de nombreuses sociétés privées de veille économique
ont recours à des anciens de la CIA.198
Les technologies développées par les services
secrets sont elles aussi utilisées dans le privé : c`est le cas
des logiciels TOPIC ou encore TAIGA (cf. supra). TOPIC est aujourd`hui
utilisé par plus de 10 000 entreprises dans le monde ; un de ces
dérivés récents le Topic websearcher cherche
automatiquement, à partir de mots-clés, des informations sur le
web, les traite puis les distribue aux personnes concernées. De plus en
plus de firmes privées se spécialisent dans la mise au point de
ces logiciels « chercheurs d`informations ». C`est le cas de Datops,
basée à Aix. Ces logiciels peuvent parcourir en un temps
limité un nombre de pages énorme ; ils sont programmés
pour y trouver des mots-clés, rentrés par l`utilisateur. Au terme
de cette recherche, ils peuvent présenter des données
intelligibles. Le groupe Thales a également développé une
société baptisée Kalima qui produit des logiciels
multilingues d`analyse et de gestion de l`information. Le logiciel Kalima peut
traiter des données issues de forums, de listes de diffusion, d`articles
de presse,... et en tirent des informations ordonnées et
cohérentes. Le monopole que détenaient les services de
renseignement sur certaines technologies ne cesse donc de s`effriter.
D`autre part, les méthodes utilisées dans le
secteur privé sont parfaitement symétriques de celles
utilisées dans le secteur militaire. Il suffit ainsi de consulter le
site www.intelleco.com, (Cabinet de conseil en intelligence
économique) pour constater que les méthodologies sont
similaires.
198 Jean Guisnel, Politique Internationale, n°74
On retrouve toutes les grandes étapes du cycle du
renseignement :
- Expression des besoins
- Collecte
-Traitement
- Diffusion
Dans ce contexte de développement d`Internet et de
l`intelligence économique sont apparues de très nombreux cabinets
privés dédiées au renseignement économique.
Certaines entreprises qui prospéraient déjà sur ce terrain
ont acquis une renommée croissante avec le développement de
l`OSINT via Internet. C`est le cas de l`agence Burns, créée
dès la fin des années 1950 aux Etats-Unis. L`agence Kroll
Associates a également profité de ce nouvel engouement pour le
renseignement économique. Ces agences recrutent des «
professionnels de haut niveau oeanciens avocats, cadres, ex-agents secrets
reconvertis en consultants économiques- connaissant les milieux
industriels et politiques »199. Elles sont capables de fournir
des informations denses sur les stratégies de communication à
adopter, l`état de la concurrence, etc...
On constate que cette révolution de l`information
ouverte « contribue à banaliser les pratiques, puisque les services
d`Etat ne peuvent plus revendiquer en cette matière le monopole
juridique et opérationnel qu`ils détiennent encore sur les
pratiques de recherche secrète »200.
199 Regards sur l`actualité, janvier 1994, p.15
200 La Lettre de la Rue Saint Guillaume, art. « L`ardente
obligation du renseignement », Bertrand Warusfel. Bertrand Warusfel, id.
p. 42
Extraits du site du Cabinet Kroll,
http://www.krollworldwide.com
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Whether your company is involved in a merger, acquisition, joint
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iscompleted.
To arrive at its conclusions, Kroll reviews incorporation
documents and other public records,minutes of meetings, and statuory filings;
annual financial statements and tax returns; majorcontracts; financial
performance projections, and other data. [...]Basing business decisions on
flawed intelligence can compromise your company`s strategic direction and
utlimately its survival. Incomplete intelligence also may fail to identify
fraud and other high-risk activities by employees, vendors and customers.
Certains spécialistes du renseignement ont cependant un
avis mitigé sur l`OSINT. Il nous semble important de citer ces autres
voix, pour qui les cabinets privés ne sauront jamais prendre la place
des services de renseignement, leurs compétences en matière de
renseignement humain et électronique étant trop limitées,
voire inexistantes. C`est notamment l`avis du Professeur Cees Wiebes : «
Private firms simply do not have certain capabilities in the field of Humint,
Sigint and Elint [...] Osint has become more important but not a way some like
to portray »201.
Le principal secteur concerné par cette privatisation
est jusqu`à présent le secteur économique. Les domaines
militaire, diplomatique ou politique restent encore l`apanage des services
officiels, bien que certains exemples témoignent d`une évolution.
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