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Internet sous l'oeil des services de renseignement

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par Isabelle Laumonier
Université Paris I Sorbonne - DEA Communication, Technologie et Pouvoir 2003
  

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B. La perte de crédibilité des services

Si les services de renseignement ont connu de très fortes remises en cause en interne durant ces dernières années, ils ont également été fragilisés par des actions menées par de puissants lobbies publics, ainsi que par de violents scandales les ayant « éclaboussés ».

a. Le rôle des lobbies pro-libertés publiques.

Suite aux révélations concernant le système Echelon et au renforcement de la sécurité post-11 septembre, de très nombreuses voix se sont élevées contre ce qu`elles considéraient comme un abus du « monopole de la violence légitime ». Les services de renseignement, en particulier, ont été très fortement remis en cause. Ces nouveaux lobbies ont un discours très proche de celui des cypherpunks. Cependant leur particularité est de mener des actions visant à mettre sur la place publique toute atteinte aux libertés civiles. Si en France, les services n`ont pas été confrontés à une telle levée de boucliers, on peut penser que c`est en partie dû à leur grande discrétion dans la vie publique et dans les discours des gouvernants. A l`inverse, nous notions plus haut, que les agences américaines communiquent énormément et qu`en outre, les hommes politiques se référent souvent à l`Intelligence. Les lobbies américains auxquels nous faisons référence sont la plupart du temps constitués par des associations prônant la liberté sur la Toile. Celles-ci se sont exprimées via leur site internet contre l`utilisation faite du réseau par les services de renseignement, notamment après le vote du Patriot Act. Parmi ces sites on peut citer :

-www.eff.org : site de l`Electronic Frontier Foundation

-www.epic.org : site de l`Electronic Privacy Information Center

-www.cdt.org : site du Center for Democracy and Technology

Il est fréquent que ces sites poursuivent la NSA en justice, comme en témoigne le document concernant un procès fait par Epic à la NSA178. Le rôle de ces groupes est loin d`être insignifiant ; ils constituent des lobbies suffisamment puissants pour soutenir des particuliers, dont ils considèrent qu`ils ont été surveillés injustement par le gouvernement. On pourrait

178 EPIC sues for NSA surveillance memo : http://www.epic.org/open_gov/foia/nsa_suit_12_99.html

s`interroger sur la source de leur pouvoir, de telles associations ne semblant pas être en mesure de peser lourd face à une organisation aussi puissante que la NSA. Il apparaît que les fondateurs de ces associations sont souvent des informaticiens de génie, qui grâce à leur talent ont accumulé rapidement une véritable fortune. C`est le cas des deux fondateurs de l`EFF. Mitchell Kapor est le créateur du désormais célèbre Lotus dont la vente l`a rendu millionnaire. Son compars John Perry Barlow est lui aussi millionnaire et mordu d`Internet. Leur site nous apprend que l`association est engagée dans de nombreuses actions légales concernant des particuliers mis en cause par l`USAPA. L`association cherche également à influencer la rédaction du Patriot Act II, dont on sait qu`il risque de détériorer un peu plus les libertés civiles (« We're working hard to influence the directions of PATRIOT II, the follow-up legislation now being drafted »179). De telles actions seraient bien sûr impensables si l`association ne reposait pas sur de très solides assises financières.

L`EFF, par exemple, travaille avec d`autres groupes à la mise en place de "best practices" afin d`améliorer l`anonymat et l`encryptage de données sur Internet, de telle sorte que les ISP aient moins d`informations susceptibles d`être transmises aux agences gouvernementales. Cette même association justifie son action par la conviction que « les services de renseignement doivent user de leurs nouveaux pouvoirs [nda : issus du Patriot Act] avec une grande attention et limiter leur usage à des investigations concernant des actes de terrorisme certifiés »180. Pour Loup Francart, « le net devient ainsi un réseau technique de réseaux d`influence qui dépassent largement les clivages de la société traditionnelle : Etats-Nations, culture commune, religion, etc. »181.

La France connaît une situation assez différente, les associations visant à la défense des Internautes étant d`une ampleur bien moindre. Certaines sont cependant très actives : parmi elles, Reporters Sans Frontières (RSF), l`IRIS (Imaginons un Réseau Internet Solidaire). Cette dernière a lancé en février 2003 une pétition « Pour qu`Internet ne devienne pas une zone de non droit », suite à la promulgation de la loi sur la sécurité intérieure, mentionnée plus haut, et à la présentation de la loi sur l`économie numérique (LEN). Bien que la pétition n`ait pas recueilli un

179 « Nous travaillons dur sur les moyens d`influencer les orientations de Patriot II, la seconde version de la loi étant actuellement en cours de préparation » Site internet de l`EFF, www.eff.org 180 Site internet de l`EFF, www.eff.org 181 Agir, 1999, n° 2, art. de Loup Francart, La maîtrise de l`information, p.115

grand nombre de signatures chez les particuliers (seulement 2931), elle a cependant obtenu le soutien de très nombreux collectifs, et notamment de partis politiques, placés à gauche sur l`échiquier politique 182. De son côté, Reporters Sans Frontières (RSF) ne cesse de dénoncer la main-mise grandissante des Etats, y compris démocratiques, sur le Réseau. Dans un rapport intitulé 11 septembre 2001-11 septembre 2002, Internet en liberté surveillée, RSF fait le constat suivant : « Un an après les tragiques événements de New York et de Washington, le Réseau peut être couché sur la liste des « dommages collatéraux » de la dérive sécuritaire généralisée [...] Internet doit désormais faire face à une nouvelle menace en provenance des démocraties occidentales. Ainsi, de nombreux pays ont adopté des lois, des mesures et des pratiques qui sont en passe de mettre Internet sous la tutelle des services de sécurité. Ces Etats organisent la conservation généralisée des informations relatives aux e-mails reçus ou envoyés et aux sites consultés sur la Toile »183.

Néanmoins, malgré les soutiens dont elles bénéficient, l`IRIS ou RSF ne peuvent prétendre au rôle d`un lobby aussi puissant que l`EFF. En outre, ces associations, contrairement aux lobbies américains, ne prennent que rarement parti contre les services de renseignement français, dont les activités liées à Internet semblent trop méconnues pour être attaquées.

Si les protestations émises par ces nouveaux lobbies font légèrement vaciller les services de renseignement sur leur socle, elles ne sont rien comparées aux récents scandales médiatiques qui ont profondément terni l`image des services, notamment anglo-saxons.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote