1.4. Discussion
Les données collectées ont permis de mettre en
relief les avantages de la culture en bande par rapport aux pratiques
habituelles des producteurs.
Cette pratique, par rapport aux cultures pures a permis une
augmentation de la production du mil de 178% et celle du niébé de
155%. Ces résultats obtenus dans le Département de Mayahi sont
contraires à ceux notés par d'autres auteurs. En effet Barro
et al. (2016) n'ont pas rapporté de différence
significative entre la pratique de la culture intercalaire et la pratique
traditionnelle de l'association maïs/niébé dans des essais
installés en station au Burkina Faso. Cui et al. (2017) ont
plutôt démontré les avantages de la culture intercalaire
par rapport à celle en bande alternée dans l'association
maïs/soja aux USA.
Le rendement en association avec chacune des
spéculations est supérieur à la culture en pure de mil et
niébé. Un LER de 1,71 montre qu'il faut augmenter la surface des
monocultures de 71% pour avoir le même rendement qu'en association. Une
des raisons affirmées par Bedoussac et Juste, (2010b) et Juste et
al. (2014) est que la quantité d'azote fixée par
unité de surface est plus faible en association qu'en culture pure en
raison d'un nombre de plante de légumineuse faible par rapport à
la monoculture. Il s'agit pour Bedoussac et al. (2014) d'une
augmentation de LER grains quand la compétition entre les deux (2)
espèces pour l'azote minéral du sol augmente dans des conditions
limitantes en azote. Il faut aussi admettre que dans le contexte de la culture
en bande, les compétitions entre les espèces pour l'eau, le CO2,
la lumière et l'azote et les nutriments sont aussi réduites et il
résulte aussi une meilleure efficience dans leur valorisation par les
plantes (Bedoussac et Juste, 2010b). Ces résultats auxquels
l'étude a abouti confirment la première l'hypothèse selon
laquelle « La technique de culture en bande alternée est une voie
d'amélioration de la productivité agricole ». Le LER moyen
de 1,46 obtenu par l'étude corrobore à ceux obtenus par
Morales-Rosales et Omar (2009), Lawane et al. (2010) qui est de 1,5 en
culture sorgho (S-35) et niébé au Cameroun (Garoua) ; Metwally
et al. (2015) avec un LER de 1,69 avec l'association maïs et
coton en Egypte. Cependant, Atabo et Umaru (2015), il a été aussi
rapporté un LER plus faible de 1,19 pour l'association sorgho/soja au
Nigeria (Kogi state).
Un autre aspect positif des cultures en bande concerne la
réduction de la pression des ravageurs des cultures, même si cette
question n'a pas fait l'objet de collecte de données dans la
présente évaluation. Une étude menée au Nigeria
dans la zone de Minjibir a fait ressortir que l'association culturale
réduit le nombre de thrips des fleurs de même que celui des
punaises suceuses de
23
gousses sur le niébé (Alghali, 1993). Une autre
étude a aussi démontré que l'association
sorgho/niébé réduit les infestations du foreur de tiges
sur la céréale et des thrips sur la légumineuse
(Ampong-Nyarko et al., 1994). Trenbath, (1993) a expliqué que
la culture associée rend les plantes moins attrayantes pour les insectes
ravageurs et aussi la diversification du milieu favorise la présence des
ennemis naturels.
Les résultats de cette étude démontrent
aussi que le respect des consignes sur la densité de semis et la fumure
organique permettent d'améliorer la production avec la culture en bande.
Il est noté une augmentation du rendement de 85 à 113 % pour le
niébé et 44 à 150% pour le mil avec les producteurs qui
ont respecté les deux (2) consignes à la fois dans leurs champs
de démonstrations. Ceci démontre que la technologie est plus
productive quand toutes consignes relatives à sa mise en oeuvre sont
respectées. Le respect de la densité de semis permet de disposer
d'un nombre optimum de poquets dans les parcelles. L'apport de la fumure
organique permet aussi d'améliorer la structure du sol, d'augmenter la
proportion de nutriments mobilisables par les plantes et d'augmenter la
production comme démontré par Ahmed et al. (2012) sur le
niébé au Soudan et Khamooshi et al. (2012), Derogar et
Mojjadam, (2014) sur Visua faba. Selon ces auteurs, quand la
densité des plants par m2 augmente, les rendements par plants
diminuent, tandis que ceux par unité de surface augmentent dans les
conditions de bonne fertilisation.
Selon Bationo et Ntare (2000), l'effet de la culture en bande
pourrait être mieux apprécié la campagne suivante car dans
l'association traditionnelle, les densités de légumineuses
utilisées en association avec le mil sont faibles et leur contribution
à la fixation de l'azote pourrait être négligeable par
rapport à une rotation où la culture suivante pourrait
bénéficier de l'effet résiduel de l'azote fixé par
la légumineuse.
Le ratio de compétition entre les espèces de
0,88 à 1,83 pour le mil et de 0,55 à 1,14 pour le
niébé montre que le mil est plus compétitif que le
niébé dans l'ensemble des communes d'intervention sauf à
Mayahi et Sherkin Haussa ou le niébé est faiblement
compétitif face au mil. Le constat qui se dégage est que le CR
converge vers le LER, car partout ou le LER est élevé, il en est
de même pour le CR. Les valeurs des CRs moyen de 1,04 pour le mil et 0,96
pour le niébé montre que ces deux (2) espèces peuvent
être cultivées en association car ils ne sont pas
compétitives par rapport aux éléments minéraux du
sol l'une face à l'autre. Ceci confirme notre deuxième
hypothèse selon laquelle « la compétition du mil face au
niébé ou vice versa est très négligeable en culture
en bande alternée ». Cui et al. (2017) ont aussi
prouvé que
24
la céréale est plus compétitive que la
légumineuse en culture intercalaire (2 lignes maïs et 2 lignes
soja) mais contrairement à nos résultats, Cui et al.
(2017) ont noté des CRs plus élevés en faveur de la
céréale. Quant à Jamshidi (2010), il a obtenu des CRs
élevé, variant de 1,13 à 3,49 en faveur de
céréale (blé). Par contre Bantie et al. (2014)
ont eu un CR élevé pour la légumineuse (lupin) montrant
qu'elle est plus compétitive que le petit mil.
La marge bénéficiaire de 148% obtenue par les
producteurs par rapport à la pratique d'association en vrac
appelé communément « Kan Maitsotsaï » est
très satisfaisante, montrant l'intérêt de la pratique de la
culture en bande alternée. Cette marge bénéficiaire va
dans le même sens que la production brute par rapport au système
d'association en vrac. Ces résultats confirment notre troisième
hypothèse selon laquelle « la marge bénéficiaire
induite par la culture en bande alternée est doublement
supérieure à celle de la pratique habituelle des producteurs avec
un MAI élevé ». Nos résultats sont inférieurs
à ceux de Mahamane (2012) qui a étudié plusieurs
systèmes de culture dans le Département d'Aguié (Maradi).
Il a étudié huit (8) système de culture, parmi ceux, le
système d'association en vrac (système de culture n°5) et le
système de culture n°3 qui associe le mil et l'arachide en raison
de 5 lignes arachide + 1 ligne mil. Ce dernier système est celui qui
s'approche des bandes alternées. Il a obtenu à ce niveau la marge
bénéficiaire la plus élevée de 300 000F CFA tandis
que la marge bénéficiaire obtenu en système d'association
en vrac est seulement de 30 000F CFA soit une différence de 900%.
La valeur positive de MAI de 147 023 #177; 62 434F CFA
estimée dans le cas de la culture en bande alternée
démontre que ce système de culture est assez rentable. La valeur
de MAI parait élevée par rapport au contexte des revenus, donc la
culture en bande alternée est plus rentable par rapport à la
monoculture ou la culture pure. Cette valeur obtenue parait normale d'autant
plus que le LER moyen obtenu pour toutes les communes est de 1,46. Ces
résultats corroborent aux résultats de Muhammad et al.
(2008) au Nigeria qui a obtenu un MAI de 319 USD soit 170 074F CFA en culture
intercalaire Coton et niébé. Il est aussi supérieur
à celui obtenu par Dhima et al. (2007) de 60 euros soit 39 371
F CFA en culture associée blé et vesces (Vicia sp) en
Turquie et de ceux obtenus par Esmaeili et al. (2011) en Iran avec la
culture en bande alternée (4 lignes de céréale et 4 lignes
de légumineuse) qui est de 134 USD soit 71 442 F CFA.
En comparant les communes, des variations ont été
notées et les rendements les plus élevés ont
été notés dans les communes de Mayahi et Sherkin Hausa.
Cette différence entre les communes pourrait être liée
à trois (3) raisons qui sont : i) la commune de Mayahi et Sherkin
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haussa ont eu l'intervention des beaucoup des projets de
développement et des instituts de recherche comme INRAN et ICRISAT
qu'ont beaucoup travaillé en étroite collaboration avec les
producteurs dans l'amélioration de la productivité agricole ; ii)
Ces communes ont des organisations des paysans bien structurées et
fonctionnelles ; iii) les producteurs sont aussi habitués à
pratiquer les nouvelles technologies visant à rehausser la
productivité.
Les productions ont aussi été comparables entre
les hommes et les femmes ayant pratiqué la technologie. Cela
démontre que la technologie est assez facile à maîtriser
par les producteurs des deux sexes. Les mêmes constats sont
rapportés par Rabé et al. (2017). Cette assertion est
justifiée par plusieurs auteurs, entre autres le RNFR (2003) ; FAO
(2011) et AVSF (2013) qui ont avancé que les femmes rurales jouent un
rôle important dans l'agriculture. Elles assurent la moitié de la
production alimentaire mondiale et dans beaucoup de pays en
développement, leur contribution varie de 60 à 80 pour cent de la
production.
S'agissant des revenus après-vente les hommes ont eu
plus de bénéfice que les femmes. Cela peut se justifier par le
fait que les hommes ont plus d'information sur les fluctuations du
marché que les femmes et dans la plupart des cas les femmes sont
dépossédées des champs même en cas
d'héritage. Ce sont les maris qui leurs donnent des lopins de terre pour
la production et très souvent une partie de la récolte revient
à l'usage de la famille. Ces résultats sont confirmés par
Dasre et Hertrich (2014).
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