Le transfuge politique au sein des partis politiques implantés à Kisangani.par Marien Mwamba Ngwabi Université de Kisangani - Licence en sciences politiques et administratives 2004 |
INTRODUCTION GENERALELe transfuge politique au sein des partis politiques est la substance constituant l'objet de ce travail. D'orès et déjà de nombreux chercheurs s'étaient, chacun dans sa particularité, penché directement ou indirectement sur les partis politiques et les phénomènes partisans. La lecture de leurs travaux nous a permis de « pénétrer leur pensée, d'apprécier les difficultés qu'ils ont rencontrées et les moyens qu'ils ont utilisés pour les surmonter, de saisir l'originalité de leur contribution et les lacunes qu'une autre recherche devra combler »1(*). Nous présentons dans cette étude ceux auxquels nous avons eu accès et qui cadrent avec son objet. AWAZI Imili Shabani part du constat qu'aucun mouvement politique, qu'aucune organisation politique ou parti politique, à part l'AFDL, n'a réussi à conquérir le pouvoir et à le conserver. Les raisons de ces échecs seraient les dissensions internes tant dans les partis politiques que dans les mouvements de libérations internes. Les causes de ces dissensions étaient, le combat pour le leadership, les intérêts personnels, le conflit d'ordre idéologique et philosophique, le manque de culture démocratique de la classe politique, la manipulation extérieure et celle de l'adversaire politique, l'impossibilité d'atteindre les objectifs initiaux, les discrédits des leaders politiques, le manque de soutien, le renforcement du pouvoir de l'adversaire politique, le développement de la culture de la guerre, la persistance de la crise et la paupérisation excessive de la population.2(*) Abordant le sujet de la rébellion-révolution au Congo, cas du maquis de KABILA et le P.R.P., WILUNGULWA BALONGELWA a démontré l'organisation et le fonctionnement de cette formation politique dans la zone de FIZI, il confirme que ce maquis est né du divorce entre KABILA et les Lumumbistes (SOUMIALOT - GBENYE) ; KABILA voulait mener une lutte révolutionnaire avec une nouvelle philosophie politique à travers le P.R.P. un parti d'inspiration marxiste-léniniste pour l'élimination du capitalisme et la création d'une société socialiste. Il montre encore parmi les raisons d'affaiblissement du maquis, l'égoïsme et l'injustice de son leader, le conflit inter-ethnique et l'isolement politique.3(*) Dans son ouvrage-maître sur les partis politiques, Maurice DUVERGER4(*), en appliquant la typologie binaire des groupements sociaux de TONNIES aux partis politiques tout en la complétant par la notion d'ordre de SMALENBACH, fait remarquer que les partis politiques ont connu une évolution intéressante : créés sur base d'intérêt, les partis politiques sont confondus d'abord aux sociétés, puis se muent peu à peu en communautés fondées sur l'idée de proximité, de consanguinité ou de communion d'esprit. Ils prennent enfin le caractère d'ordre pour lutter contre la dégradation d'énergie qui s'y manifeste. Les mécanismes des épurations, des purges, des excommunications et des schismes sont appliqués pour maintenir les partis politiques face aux risques des adhérents peu fidèles. La confrontation de ces travaux consacrés aux partis politiques et aux phénomènes partisans permet de réaliser deux paliers de recherche sur les partis. Le premier s'axe sur l'agencement partisan : la doctrine, la structure et la composition sociale en constituent la toile de fond. La seconde porte sur la dynamique partisane, celle-ci inclut les travaux sur les dissensions, les désertions, les défections, schismes, les épurations et les excommunications au sein des partis politiques. Ces derniers travaux se rapprochent de notre objet d'étude. Cependant, ils s'en distendent du fait de leur massivité et de leur origine. Notre étude porte sur les causes du transfuge politique au sein des partis politiques. Au fait, dans tout Etat-même celui créé par la décolonisation, il appartient à son pouvoir de définir l'ordre social désirable ainsi que l'idée de droit obligatoire. Sur le plan social (pension de retraite, allocations familiales, politiques d'emploi), sur le plan économique (liberté d'entreprise, fisc) et politique (droit au suffrage ou d'éligibilité), la stratégie étatique est telle que définie par le pouvoir étatique - fort -, mais elle est la résultante des corrections et compléments collectifs des représentations des citoyens. Cependant, il convient de noter que le pouvoir étatique n'est pas le seul et l'unique au sein de l'Etat, « il n'est qu'une force parmi (tant d'autres »5(*). En effet, le pouvoir étatique traduit certes l'idée de droit et l'ordre social dominants car il trouve son fondement et son maintien dans la volonté socialement la plus forte. Néanmoins, il ne cesse d'être à la fois combattu et contesté par d'autres forces avec lesquelles il est en rapport. Parmi ces forces figurent, dans les collectivités étatiques contemporaines, les partis politiques tenus, à juste titre, pour « les instruments ou les interprètes de la volonté populaire ».6(*) C'est pourquoi des nombreuses constitutions étatiques reconnaissent aux partis un rôle déterminant. La constitution espagnole du 29 décembre 1978 stipule dans son article 6 : « Les partis politiques expriment le pluralisme politique, concourent à la formation et à la manifestation de la volonté populaire et sont un instrument fondamental pour la participation politique ».7(*) Et, depuis l'ébranlement de l'empire soviétique, citadelle du monopartisme, nombreux - presque tous - sont les Etats qui se sont ouverts au multipartisme. Dès lors, se consacre l'Etat des partis. La République Démocratique du Congo, après un long parcours politiquement dissymétrique se modulant entre multipartisme et monopartisme, s'est, elle aussi, résolue à travers la résolution N° DIC/CPJ/O4 du 18 Avril 2004 relative à la libéralisation effective et totale de la vie politique et associative, de restaurer le multipartisme. Ainsi, l'article 11 de la constitution de la transition d'avril 2004 stipule : « le pluralisme politique est reconnu en RDC. Tout congolais a le droit de créer un parti politique ou de s'affilier à un parti de son choix. Les partis politiques concourent à l'expression du suffrage, à la formation de la conscience nationale et à l'éducation civique. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans le respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs. Les partis politiques sont tenus au respect des principes de démocratie pluraliste, d'unité et de souveraineté nationale. Nul ne peut instituer, sous quelque forme que ce soit, de parti unique sur tout ou partie du territoire national. L'institution d'un parti unique constitue un crime de haute trahison puni par la loi »8(*). La loi n° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques, en RDC, par principe de constitutionnalité, conforte ces acquis constitutionnels en les réglementant. Dans ce contexte, des nombreux partis politiques ont repris leurs activités et d'autres nouveaux partis ont pratiquement vu le jour, s'implantant et se structurant avec des tentacules dans les différents coins de la République. Tout citoyen, majeur, a le droit d'adhérer au parti politique de son choix selon les critères établis par lui-même. La société présente alors une configuration de fragmentation partisane entre les activistes des différents partis d'un côté et, entre ces derniers et les autres citoyens non partisans, de l'autre. Le pays semble livré à la catégorie d'endoctrinés, des activistes des partis politiques : « ils font plus de bruit que les citoyens ordinaires. Ils donnent volontiers le ton. Ils battent le tambour. Ce sont eux qui fournissent les distributeurs de tracts, des colleurs d'affiches, les signataires de motions, les virtuoses de la pétition, les experts ès démarchage politique à domicile, les porteurs de pancartes et des calicots, les premiers rangs des manifestations et bonheur suprême, l'honneur merveilleux, les délégués aux congrès politiques »9(*) Pourtant, alors que certains activistes des partis politiques s'obstinent à s'identifier à une couleur politique, à succomber au charisme d'un leader, au charme d'une idéologie en leur jurant - manifestement ou tacitement - loyauté et fidélité, d'autres quittent les partis auxquels ils ont été délibérément embrigadés pour adhérer à d'autres, estimés plus hospitaliers. C'est le transfuge politique au sein des partis politiques dont l'étude des causes constitue l'objet de ce travail. Ainsi, certaines questions sont les nôtres face à ce phénomène : - Pourquoi les adhérents quittent-ils les partis qu'ils ont délibérément choisis ? - Pourquoi adhèrent-ils à d'autres partis politiques ? - Pourquoi les partis, qui perdent de leurs adhérents ne se dissolvent-ils pas ? Aux fins de répondre provisoirement aux questions posées ci-haut, nous pensons que les désertions ou les défections aux partis politiques seraient dues notamment au désaccord idéologique, au déficit d'intérêt et à la déloyauté du leader du parti ; que l'adhésion à un nouveau parti politique serait due à la quête d'argent, l'ambition de briguer un mandat à l'avenir, à la proximité géographique adhérent-leader, à l'attrait de l'idéologie du parti, au charme du leader du parti désenchantés au premier parti. Par ailleurs, les partis survivraient malgré le transfuge, grâce au recrutement progressif d'autres adhérents. Tels sont les fils conducteurs qui serviront à l'appréhension du phénomène de transfuge au sein des partis politiques. Toutefois, pour rendre compte du pourquoi du transfuge au sein des partis, nous avons dû recourir à un arsenal méthodologique conséquent. Le souci d'atteindre l'explication dépassant ainsi la simple description, nous a suggéré l'utilisation de la méthode dynamique. A la suite de BALANDIER, « la méthode dynamique part de la constatation très simple des tensions que recèle tout groupement social »10(*) La dynamique correspond aux exigences fondamentales de la notion de méthode. Elle est d'abord une attitude vis-à-vis de l'objet : empirique et déductive, elle commande une certaine façon de recueillir des données concrètes. Elle représente ensuite une tentative d'explication des faits sociaux. Plutôt que de s'étendre sur le développement théorique des lois de la dynamique, il est intéressant de mentionner ici globalement et de façon pratique, la perspective dans laquelle des phénomènes ont été appréhendés dans la présente étude. En effet, le parti politique en tant qu'entité sociale n'est ni statique ni clos, l'adhésion qui le fonde est creusée par la défection, suggérant ainsi l'idée de fluctuation notamment au niveau de l'effectif : l'adhésion, revêt un caractère continuateur alors que la défection, le caractère discontinuateur. Par ailleurs le parti assure sa continuité par le mécanisme de recrutement progressif. Voilà quelque peu démontrée notre vision de la dynamique dans ce cas précis. Mais pour mieux nous y prendre, nous avons dû recourir aux techniques entendues comme « outil instrument qui permet de découvrir les différentes données sur un fait »11(*). Elles nous ont été imposées par l'objet de notre étude. Nous avons par conséquent fait usage de deux séries de technique, à savoir les techniques de collecte des données et les techniques d'analyse des résultats. En ce qui concerne la collecte des données, les outils suivants ont été tour à tour utilisés : - L'observation directe désengagée pour autant que, nous nous retrouvons nous même à Kisangani, chef-lieu de la Province Orientale et siège provincial de nombreux partis politiques où nous avons pu observer le phénomène de transfuge ; - L'entretien structuré qui nous a permis, grâce aux questions préparées à l'avance, de recueillir les opinions de nos enquêtés sur les causes présidant au transfuge au sein des partis politiques et la survie des partis politiques ; - L'analyse documentaire nous a permis de fouiller la littérature existante afin de pose le problème du transfuge à la lumière et différemment des recherches antérieures. Quant à l'analyse et au traitement des résultats, nous nous sommes servi principalement de l'approche statistique, qui nous a permis de quantifier les opinions de nos enquêtés et d'en déterminer les fréquences à l'aide desquelles nous avons pu interpréter les résultats du présent travail qui poursuit un objectif et un triple intérêt. Quant à l'objectif, ce travail entend démontrer que les partis politiques ne sont pas que des agencements harmonieux mais ils sont plus que cela dans la mesure où ils sont ouverts à des forces internes qui les font et les défont mais auxquelles ils survivent. Pour ce qui est de l'intérêt, ce travail est : - Une contribution scientifique à la sociologie politique sur la question des partis politiques. Il s'inscrit alors dans la spécificité d'étude de la dynamique des partis et peut ainsi servir de source d'inspiration aux études postérieures. D'où son intérêt scientifique ; - Une contribution pratique en ce sens qu'il se propose comme un instrument de gestion pour les dirigeants des Etats-majors des partis politiques en leur suggérant des indicateurs de contrôle d'effectifs. D'où son intérêt pratique ; - Une utilité personnelle car il se veut un reflet de nos capacités intellectuelles à concrétiser les notions acquises pour la réalisation d'un travail scientifique. A juste titre, L. NAUDAUD précise que la recherche ne remplirait pas convenablement son rôle si les connaissances acquises n'étaient pas utilisées partout où elles se révèlent nécessaires12(*). D'où son intérêt personnel. La réalisation d'une telle oeuvre ne pourrait certainement être possible qu'au prix d'évidents frais. Dans le cas d'espèce, nous pouvons citer, entre autres, ceux relatifs au déficit de nos possibilités financières pour couvrir les dépenses y inhérentes d'une part, et ceux relatifs à l'accessibilité à l'information. Enfin, en fait de subdivision, signalons que ce travail est bipartie. Sa première partie, faite de deux chapitres, l'un portant sur les généralités et l'autre sur la critériologie d'adhésion partisane à Kisangani, traite des généralités. La deuxième partie traite du transfuge politique et survie des partis politiques. Elle comporte deux chapitres : l'un porte sur la quiddité du transfuge politique au sein des partis politiques à Kisangani. L'autre se penche sur le recrutement au sein des partis politiques. * 1 BOULANGER-BALLEYGUIER, la recherche en sciences humaines, Ed. Universitaire, Paris 1970, p.22 * 2 AWAZI imili Shabani, Des dissensions au sein des organisations politiques congolaises, analyse des causes et conséquences à étude menée à Kisangani de 1958 à 2001, Mémoire inédit, SPA, FSSAP, UNIKIS, 2000-2001 * 3 Wilungulwa Balongelwa, Rébellions-révolutions dans l'Est du Zaïre, cas du maquis de Kabila et le parti de la révolution populaire dans la zone de Fizi, Mémoire Inédit, S.·P.A, FSSAP, UNIKIS, 1988 * 4 Maurice Duverger, les Partis Politique, Armand Collin, Paris, 1976 * 5 Georges BURDEAU, l'Etat, Edition du seuil, Paris, 1970, p. 81 * 6 idem * 7 Pierre LETAMENDIA, Les partis politiques en Espagne, P.U.F. que sais-je, Paris 1983, p.8 * 8 Constitution de la Transition, Edition LINELIT, Avril 2003 * 9 Alain DUHAMEL, le complexe d'Astérix, le monde Gallimard, Paris, 1985, p.20 * 10 Georges BALANDIER, Sens et puissance, Paris, P.U.F., 1971, p.28 * 11 Jacques CHEVALLIER et Yves LOSHAK, Introduction à la science administrative, Dalloz, Paris, 1964, p.49 * 12 Louis NADAUD, « les ressources alimentaires », in LA GAZETTE du service français de R.S.A., n° 10, Janvier-février, 1988, pp. 29-30 |
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