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Défis de la gratuité de l'enseignement primaire en RDC.


par Jures NDJETE IMBILE
Université Pédagogique Nationale (UPN) - Licence en Gestion et Administration des Institutions Scolaires et de Formation 2019
  

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5. Choix et intérêt du sujet

Au-delà de sa pertinence, le choix porté à ce sujet n'est pas un simple voeu, c'est plutôt la prise en compte de certains préalables. Notamment, la faisabilité, l'accessibilité aux informations relatives à la thématique sur le terrain et de la disponibilité des données.

Pour situer l'intérêt de notre recherche, nous disons qu'elle s'inscrit dans la logique des réflexions analytiques en matière de l'éducation pouvant servir d'interpellation aux décideurs des politiques éducatives voir tous les acteurs concernés à se rendre compte que l'élargissement de l'accès ne suffirait pas en soi si aucune éducation réelle n'y ait dispensée. C'est-à-dire après avoir remporté la bataille de la quantité en ouvrant ses portes à tous les enfants congolais, l'école congolaise doit encore relever le défi de la qualité de son enseignement dont les performances sont jugées faibles.

La présente recherche met en lumière que si l'on veut rendre l'école plus efficace, il faut s'attaquer aux problèmes avec continuité et patience, renoncer aux effets d'annonce et à la pensée magique, comprendre que la réforme de l'école n'est pas une guerre-éclair, mais une longue marche.

Enfin, cette recherche apporte unedimension didactique du système éducatif et elle nous fournit les outils analytiques permettant à la fois d'identifier et de projeter que toutes les réformes scolaires à venir devraient être véritablement envisagées dans une perspective pédagogique.

6. Délimitation du sujet

La délimitation spatio-temporelle de cette étude se situe à ce niveau, à savoir :

- Dans le temps, nous allons nous référer aux indicateurs des années scolaires 2018-2019 et 2019-2020 ;

- Dans l'espace, notre champ d'investigations se limite aux écoles primaires publiques de la Sous-province éducationnelle de Matete.

7. Etudes antérieures

Nous ne prétendons nullement être pionniers à se lancer dans cette aventure passionnante. Bien que chaque auteur ait sa touche personnelle, sa dimension principale, son champ d'investigation et sa méthodologie propre pour aborder une problématique, l'honnêteté scientifique nous oblige des retracer la part des prédécesseurs. Sans être exhaustif, des chercheurs ont eu à traiter des sujets apparentés à notre recherche, notamment :

1. Arlette MaluMasiala (2009-2010)

L'auteure présenta un mémoire sur la gratuité de l'enseignement primaire dans les écoles publiques de la commune de Ngaba/Kinshasa. Elle était préoccupée du fait la gratuité et l'obligation scolaires au primaire soient reconnues par la loi fondamentale du pays dans son article 43 depuis 2006, mais en réalité des faits les parents continuent à prendre en charge le système éducatif.

Partant, deux questions-problèmes l'ont servi de jalon :

- Pourquoi quatre ans après la promulgation de la constitution de la troisième république, la gratuité de l'enseignement n'est pas d'application jusqu'à ce jour pourtant garantie dans laconstitution?

- Qu'est ce qui expliquerait le laxisme du pouvoir public en ce qui concerne l'application de la loi qui consacre la gratuité et l'obligation de l'enseignement dans les établissements publics?

Elle formula l'hypothèse selon laquelle la situation s'expliquerait par :

- Le manque de volonté politique du pouvoir public ;

- Le non prise en compte de la réalité sociale du pays par le législateur ;

- La complaisance du législateur ;

- Le manque d'une politique de planification de la part du gouvernement.

Se servant des méthodes systémiques et différentes techniques dont l'interview et le questionnaire, elle a abouti aux résultats qui ne se sont pas écartés de ses hypothèses.

2. Tom De Herdt et Emmanuel Kasongo(2013)

Les deux auteurs avaient publié un article sur « La Gratuité de L'enseignement Primaire en République Démocratique du Congo : Attentes et Revers de Médaille.

L'objectif poursuivi par leur recherche consistait à déceler les écarts entre la nouvelle politique de la gratuité et les réalités sur le terrain. Les enquêtes ont été menés dans trois localités : Kikwit, chef-lieu de la province éducationnelle Bandundu II (province de Bandundu), Kisantu et Mbanza-Ngungu (province du Kongo Central).

Pour les auteurs : « vers le début du XXIe siècle, le secteur éducatif congolais était caractérisé par des pratiques et arrangements informels générateurs d'incertitudes, des compromis et compromissions qui participent à sa survie, et que le Gouvernement ne saurait facilement supprimer au moyen d'une législation et d'un juridisme déconnecté de ces réalités quotidiennes ».

Cependant, sans tenir compte des préalables majeurs, le 30 août 2010, sept jours avant la rentrée scolaire, le président de la République a chargé le Gouvernement de rendre la gratuité effective dès la rentrée 2010-2011. Cette communication présidentielle a été suivie de près par le communiqué du ministre de l'EPSP, Maker Mwango, donnant une définition pratique de la gratuité : « Par gratuité, il faut entendre la prise en charge par l'État des frais de scolarité.»Bon gré mal gré, la gratuité a été lancée à la suite du discours du président de la République dès septembre 2010 ; d'abord pour les classes de 1 ère, 2e et 3e primaires, dans toutes les provinces du pays, à l'exception des villes de Kinshasa et de Lubumbashi, et cela pour l'année scolaire 2010-2011 ; il était prévu que la 4e serait gratuite en 2011 -2012.

Les auteurs estimaient que la déclaration politique du chef de l'Etat sur la gratuité exprimait la tension classique entre une dynamique politique dont le rythme était fondamentalement déterminé par le calendrier des élections et le souci de montrer des résultats palpables à l'électorat en 2011. Le lancement de cette politique publique traduisait ainsi l'impréparation et l'improvisation. La gratuité n'a pas fait partie d'une stratégie éducationnelle, mais plutôt d'une stratégie politique pré-électorale, ont-ils indiqué.Ils ont fait remarqué, en considérant que le système éducatif était jusque-là en grande partie financé par les parents, la gratuité, qui n'est qu'un aspect du processus global de réforme engagé au Congo, rencontre les mêmes contraintes que les autres réformes : dépendance extérieure, faiblesse de l'apport budgétaire, difficultés de pilotage et de coordination, etc.

D'après leurs enquêtes par questionnaire et interview, la gratuité de l'enseignement a reçu un écho très favorable dans le chef des parents d'élèves. Selon l'enquête sur le suivi de son application, « 61 % des parents, des enseignants, des directeurs et des gestionnaires (étaient) enthousiasmés par la mesure contre 19 % sans enthousiasme et 20 % de sceptiques » (MINEPSP 2011 : 4). L'enquête fait également état d'un accroissement global d'élèves de l'ordre de 25 % dans les classes ciblées (1ere, 2e et 3e).

· Résultats pour la province de Bandundu

La gratuité en vigueur en RDC était qualifiée et accueillie de diverses manières par les acteurs interviewés à Kikwit : une politique sans grand impact car les enseignants non mécanisés et ceux des classes gratuites continuaient à être supportés par les parents d'élèves. La suppression de ces primes dans les classes concernées par la gratuité risquait bien de supprimer les enseignants eux-mêmes et ceci dans le contexte d'un afflux de plus en plus grand d'élèves attirés par la même gratuité.

L'étude indique qu'après avoir constaté et vécu l'échec de la réforme, les parents d'élèves réunis au sein des Comités des Parents (COPA) et les directions des écoles se sont entendus pour des cotisations ponctuelles destinées à soutenir les enseignants « NP » (non payés). Ces cotisations étaient dénommées « savon des enseignants ».

Selon les enquêtes, le chef de division provinciale (PROVED) de Bandundu-Centre et Sud ne désapprouvait pas le jugement suivant : « Les milieux scolaires, les enseignants, ayant perdu les avantages auxquels ils étaient habitués et, au regard de l'amenuisement de leurs enveloppes salariales et de la dégradation de leurs conditions de vie, n'apprécient pas tellement la gratuité.

· Résultats pour la province du Bas-congo :

La gratuité dans ce coin du pays s'était soldée par le déclenchement d'une grève générale.Considérant que les enseignants avaient des conditions de déplacement relativement semblables à celles de leurs collègues de Kinshasa, où la gratuité n'était pas d'application, l'autorité provinciale avait probablement jugé nécessaire la poursuite de la prise en charge des frais de transport afin de débloquer une situation de grève générale et de rouvrir les écoles à la fin septembre 2011. Un arrêté du Gouverneur fixa ces frais à 3000FC(trois mille francs congolais).

En outre, la note circulaire ministérielle du 25 septembre 2010 annonçant la gratuité rendait aussi obligatoire l'acquisition par chaque élève d'un minimum de trois manuels scolaires qualifiés d'« essentiels ». Cela impliquait l'imposition et la ponction par les dirigeants d'école des frais d'achat desdits manuels. Mais les écoles ne disposent pas de ces manuels, dévoile l'enquête. L'étude confirme que les responsables de la sous-division de Mbanza-Ngungu avaient bien avoué que de ce fait, la question des manuels obligatoires n'a servi que de prétexte pour continuer la pratique des frais scolaires sous un autre nom. Les parents n'auront ni le pouvoir ni le courage de réclamer des remboursements.

De tout ce qui précède, ils conclurent que le rêve de la gratiténe pouvait pas produire des effets positifs étant donné que les enseignants étaient majoritairement démotivés.

3. Gratien MokonziBambanota (2012)

Gratien MokonziBambanota Professeur à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Éducation, Université de Kisangani, RD. Congo rédigea un article sur la « Gratuité et qualité de l'enseignement primaire en République Démocratique du Congo. »

Pour l'auteur, il ne suffisait pas de constater que les stipulations constitutionnelles et légales font de la gratuité de l'enseignement primaire un principe tiré des instruments juridiques internationaux et régionaux, il faut dégager l'état des lieux et le rapport entre ces stipulations et l'effectivité de cette gratuité, issue elle-même du droit à l'éducation. Il analysa ainsi l'impact de la gratuité sur l'environnement de l'apprentissage et proposa ce qui pourrait être fait pour que la qualité de l'enseignement primaire soit sauvegardée.

Il s'exclama qu'au-delà de la loi portant organisation et fonctionnement de l'enseignement, le Président de la République a chargé, lundi 30 août 2010, le Gouvernement de prendre toutes les dispositions nécessaires pour rendre effective, dès la rentrée scolaire 2010-2011, la gratuité de l'enseignement primaire dans les établissements publics. On était à peine à une semaine de la rentrée scolaire, la gratuité de l'enseignement primaire a donc été instaurée en RDC dans la précipitation, a-t-il indiqué.

Les écoles ont ainsi ouvert les portes le 6 septembre 2010 sans en avoir le même entendement et sans savoir exactement quoi faire pour sa mise en oeuvre. C'est le 20 septembre que le Ministre adressera une lettre aux Gouverneurs des provinces dans laquelle il a indiqué des dispositions relatives aux frais de scolarité et aux manuels scolaires.

Contrairement au plan initialement conçu par le Ministère de l'Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel (EPSP) la gratuité de l'enseignement n'a pas été étendue à toutes les classes du primaire au cours de l'année scolaire 2011-2012, elle s'est plutôt bornée en 4ème année.Selon l'étude, la gratuité n'a pas montré sa force et la qualité d'enseignement risquerait être la principale victime de la gratuité improvisée. Le professeur accentue en ces termes : «  malgré les efforts entrepris ces dernières années pour améliorer les arbitrages intersectoriels en faveur de l'éducation, la situation est restée inchangée et s'est même aggravée, notamment à cause de la crise financière internationale de 2008, le financement ne représentant plus que 4 % des dépenses publiques en 2009. » D'où l'importance du réajustement de l'offre éducative.

Pour l'auteur, en amont du réajustement de l'offre de l'éducation, il convient, au-delà de la loi portant organisation et fonctionnement de l'enseignement, d'éditer une loi spécifique devant organiser la gratuité et en fixer les contours, d'une part, et de mettre en place des institutions chargées du suivi de son application, d'autre part. Il s'agit là des mesures juridique et
pratique indispensables pour rendre effective la gratuité de l'enseignement primaire en République Démocratique du Congo.

Il renchérit, si les dispositions indiquées ci-dessus ne sont pas prises en compte au niveau de l'offre de l'éducation, du cadre légal et des structures d'exécution, la gratuité sera un voeu pieu et créera, inexorablement, un environnement d'apprentissage hostile à la qualité de l'enseignement. Il ne sera pas ainsi rare de rencontrer des classes plus surpeuplées qu'aujourd'hui, dépourvues d'enseignants et du minimum indispensable pour un enseignement de qualité. Alors que le niveau des élèves laisse déjà fortement à désirer, il se détériorera davantage encore dans un tel environnement. De tels effets peuvent être évités si la gratuité est appliquée de manière progressive et se réalise non à court terme (2 ans) mais à moyen terme (5 à 6 ans) et à long terme.

Le chercheur conclu que l'application précipitée et non planifiée de la gratuité sera, ni plus ni moins, un ennemi redoutable de la qualité de l'enseignement. Pour lui, la gratuité amorcée en 2011 avait un impact positif aux effets négatifs.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo