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Défis de la gratuité de l'enseignement primaire en RDC.


par Jures NDJETE IMBILE
Université Pédagogique Nationale (UPN) - Licence en Gestion et Administration des Institutions Scolaires et de Formation 2019
  

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Introduction

1. Problématique

L'application par la République Démocratique du Congo des dispositions légales portant gratuité de l'éducation de base restée lettre désuète depuis des années,constitue un important progrès dans l'optique de la réalisation de l'Education Pour Tous. En effet, la scolarité ne peut être obligatoire, ni universelle si elle n'est pas en même temps gratuite. Il y a plus de dix ans, l'UNICEF a souligné ce fait en retenant l'instauration des frais scolaires comme le principal obstacle à la scolarisation.

Le Ministère de l'Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel a reconnu, à son tour, que « le recours institutionnalisé aux contributions des ménages pour faire face au financement du système éducatif représente une barrière importante à la scolarisation universelle ». La gratuité de l'enseignement s'avère ainsi l'un des facteurs d'accès des enfants et des jeunes à l'éducation scolaire, un des éléments propres à assurer l'égalité des chances, une des composantes du droit à l'éducation. Elle est donc un moteur de progrès et constitue, pour le pays, un enjeu social et politique.

Un détour par l'histoire est fort éclairant et montre que suite aux multiples défis apportés par l'indépendance, la réforme du système éducatif s'imposait impérieusement. Cette nécessité a été une fois de plus rappelée, pour le Congo, et pour tous les pays Africains réunis à la Conférence d'Addis-Abeba en 1961. Pour cette conférence, les nations africaines devaient planifier leurs systèmes éducatifs dans le but de les rattacher aux objectifs du développement économique et social. Le plan à long terme, élaboré à l'issue de la conférence d'Addis-Abeba, insistait particulièrement sur l'impératif d'un enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous. C'était là le prix à payer pour assurer le développement de l'Afrique.

Ayant pris part à la conférence d'Addis-Abeba, la RDC a retenu, dans sa première Constitution, adoptée en 1964, connue sous le nom de la Constitution de Luluabourg, la gratuité et l'obligation scolaire comme principes fondamentaux devant régir le fonctionnement de son système éducatif. La Constitution de Luluabourg n'a été que de courte durée. Son application a été suspendue par le coup d'État du 24 novembre 1965, conduit par le Colonel Mobutu. Seulement, ni le Manifeste de la N'Sele, ce catéchisme du Mouvement Populaire de la Révolution, ni la Constitution du 24 juin 1967 et différentes révisions constitutionnelles n'ont repris la gratuité et l'obligation comme principes de base de l'enseignement primaire.

Il a fallu attendre l'organisation de la Conférence Nationale Souveraine (CNS), en 1992, pour voir le peuple congolais, en quête de libertés et de droits fondamentaux, inclure dans le projet de Constitution et dans la charte de l'éducation élaborés au cours de ce forum, l'obligation et la gratuité de l'enseignement primaire.

Malheureusement, à l'instar des autres recommandations et actes de la Conférence Nationale Souveraine, la Constitution et la charte de l'éducation ont été des véritables mort-nés et n'ont guère vu le début de leur application. Pour ainsi dire, la longue période de guerres traversée par la RDC de 1996 à 2003 a, tout naturellement, porté un coup dur à son système éducatif, de sorte qu'il n'a pas été possible d'imaginer la réalisation de la gratuité de l'enseignement, ni celle de l'obligation scolaire.

De même, le Gouvernement de Laurent Désiré Kabila dans son programme triennal, n'a fait que des déclarations générales vagues sur la nécessité d'une éducation pour tous. Au même sillage, la Constitution de la transition politique, appliquée de 2003 à 2006, ne s'est pas non plus préoccupée de la gratuité de l'enseignement.

Cependant, le 18/02/2006, le législateur Congolais a reconnu la nécessité de s'approprier d'un texte juridique portant gratuité de l'enseignement primaire (Article 43 de la constitution). Disposition révisée par la loi-cadre de l'enseignement national n°14/004 du 11 février 2014 en assurant son extension jusqu'au secondaire général sous le vocable de l'éducation de base. Ila été difficile de concilier ce catalogue d'intentions à la réalité, dans la mesure où cette disposition est restée souffrante quant à sa matérialisation.

En effet, plusieurs griefs ont été évoqués pour justifier l'inaction de toutes ces différentes stipulations légales, notamment la baisse dramatique des dépenses publiques réelles, du fait que la RDC sort d'une longue crise économique et politique qui a eu de graves conséquences sur le système éducatif. Plus de trois décennies de déclin économique, de chaos politique et de guerre ont créé des conditions extrêmement difficiles pour l'éducation au Congo.

En plus des effets généraux de l'instabilité politique, du chaos économique et de la guerre, le système éducatif a subi des atteintes directes, comme l'absence presque totale des établissements scolaires à la taille de la population d'élèvesen croissance continue; le manque généralisé des outils de formationà tous les niveaux d'études etune partie importante des infrastructures dégradées... Et, le problème des salaires des enseignants parait l'un des plus prégnants dans l'optique de la réforme du système éducatif de la RDC (Rapport Banque mondiale, 2005, PP 26-45).Toutes ces barrières d'ordres politique et managérial dont la liste n'est même pas exhaustive constituent des véritables obstacles pour la matérialisation de la scolarisation primaire.

Tout récemment (un certain samedi, le 02 mars 2019) à travers une déclaration politique, le Chef de l'Etat congolais, en formulant les voeux de son programme mandat (programme d'urgence ou de cent jours le nomme-t-il), annonce ses priorités dans dix secteurs, inclure aussi la gratuité de l'enseignement de base. Au cours de ce même meeting, il a chargé au gouvernement de tout mettre en oeuvre pour appliquer les dispositions légales y relatives dès la rentrée scolaire 2019-2020.

De leurs côtés, les enseignants réclamaient avant tout la ténue d'un dialogue consensuel pour une étude de faisabilité pouvant inventorier les préalables devant concourir à la réussite de la passionnante vision. A en croire, les acteurs éducatifs (praticiens) estimaient qu'il fallait d'abord s'attaquer aux causes qui entravaient l'effectivité de la gratuité depuis des années alors que garantie par la constitution ; faire ensuite un plan opératoire. Ils devaient aussi s'assurer de l'incidence de la gratuité dans leurs conditions de vie.

Sans prendre en compte les suggestions des enseignants, la gratuité a été appliquée. Subséquemment, à Kinshasa la capitale du pays, les enseignants ont affiché leur mécontentement par le déclenchement d'une  grève pour certaines écoles, manifestations publiques et communications diverses dans les médias pour d'autres. Ce qui poussera le Chef de l'Etat à la convocation d'une table ronde du 22 au 24 Août 2019 dont les résolutions n'ont pas été prises en compte.Mais pour apaiser les enseignants,il a promis l'amélioration de l'enveloppe salariale.

Actuellement, la gratuité de l'enseignement est une réalité. Mais, en focalisant notre attention dans la sous-province éducationnelle de Matete, nous avons observé que ladite gratuité de l'enseignement fait face aux multiples défis ; pendant que les enseignants déplorent la modicité de l'enveloppe salariale, il naît la problématique des effectifs pléthoriques. Compte tenu du dépassement de taux d'encadrement les enseignants n'arrivent plus à produire le meilleur d'eux-mêmes. Les conditions d'apprentissage se détériorent de plus en plus, il se vit la carence des bancs et pupitres, les élèves s'assoient à même le sol, etc. Et, la situation préoccupe le chercheur en sciences de l'éducation que nous sommes.

Partant, nous avons dégagétrois faits majeurs dont la démotivation des enseignants, le « non-respect de la législation scolaire en matière des effectifs et l'atteinte aux conditions d'apprentissage qui mettraient en cause la qualité de l'enseignement dispensé,  fruit de l'improvisation».En appui à la thèse, des étudesrévèlent que les effectifs pléthoriques et les mauvaises conditions d'apprentissage impactent négativement sur le rendement scolaire.En mettant l'accent sur l'accès universel, les hommes politiques congolais se sont essentiellement focalisés sur les aspects quantitatifs dans leur politique d'éducation. Pourtant, il semble très probable que la réalisation de la participation universelle à l'éducation dépendra fondamentalement de la qualité de l'éducation disponible.

En 1990, la déclaration mondiale sur l'éducation pour tous a noté que la qualité de l'éducation, dans l'ensemble insuffisante, avait besoin d'être améliorée et a recommandé de rendre universel l'accès à l'éducation et d'en parfaire la pertinence. La Déclaration a aussi considéré la qualité comme une condition préalable de la réalisation de l'objectif fondamental de l'équité. Il a été reconnu que l'élargissement de l'accès ne suffirait pas en soi pour que l'éducation puisse contribuer pleinement au développement des individus et de la société.

Plus fondamentalement, l'éducation est un ensemble de processus et de résultats qui sont définisqualitativement. La quantitéd'enfants qui apprennent est par définition une considération secondaire: se borner à remplir d'enfants des espaces appelés «écoles» ne répondrait même pas aux objectifs quantitatifs si aucune éducation réelle n'y était dispensée.En ce sens, on pourrait juger regrettable que les aspects quantitatifs de l'éducation aient mobilisé ces dernières années l'essentiel de l'attention des responsables de la formulation des politiques. En conséquence, il devrait aussi être difficileaux analystes comme aux responsables de la formulation des politiques de ne pas prendre en compte sa qualité.

Nous nous gardons de dire que dans le contexte de la RDC, la gratuité de l'enseignement est encore prématurée. Car, l'école et plus généralement le champ scolaire congolais ont survécu au coeur d'une société ou d'un État souvent décrit comme «failli », la gestion des écoles a été solidement prise en charge par les parents.

A Kinshasa la capitale du pays par exemple, il y a des années, l'Etat n'a pas poursuivi l'investissement public pour répondre à la constance de la demande de scolarisation, faisant des écoles privées un sauf-conduit pour se désengager subtilement de ses responsabilités du premier financeur de l'éducation. Les effectifs de l'éducation primaire ne se sont pas effondrés; les chiffres absolus en primaire ont au contraire doublé, alors que conditions matérielles et pédagogiques sont très dégradées et corrompues. La performance éducative est hautement mise en question. Donc, il fallait beaucoup d'ajustements avant d'engager une quelconque réforme.

Logiquement, le système éducatif est une lourde machine, dotée d'une grande force d'inertie. Pour réorienter sa trajectoire, il faut du temps, comme pour changer le cap d'un paquebot. L'impatience est mauvaise conseillère. Les politiques éducatives ont besoin de temps (Perrenoud, 2002, p.3). Outre, Les politiques de l'éducation ne seront fortes que si, décidées légalement, elles sont aussi négociées avec les professionnels et les usagers, bref avec les partenaires ou les acteurs principaux de l'éducation. Les décisions se prendront alors un peu moins vite, mais les acteurs impliqués dans la négociation soutiendront en général les compromis qui en résulteront (GatherThurler cité par Perrenoud, 2002, p.5).

Nous devons clarifier que le but de cette recherche n'est pas de remettre en cause les critiques formulées à l'encontre de la gratuité de l'enseignement,mais son importance réside dans le fait qu'elle attire notre attention sur la dimension pédagogique du système éducatif et qu'elle nous fournit les outils analytiques permettant à la fois d'identifier et de projeter dans le temps et dans l'espace les éléments matériels du système éducatif qui concourent à un effort de planification éducative générale.La présente étude s'efforce de répondre aux jérémiades de NGONGO DISASHI qui geignait que la pédagogie moderne est enseignée à l'université congolaise depuis plus de 50 ans, mais il n'existe pas encore une tradition scientifique que pédagogique que l'on pourrait qualifier de Congolaise (IBEKI, G., 2007).

Cette problématique est d'autant plus épineuse en RDC car la gratuité est instituée au moment où la nation fait face à une multitude de défis et où tout semble prioritaire pour son développement. Dans ce contexte, marqué par le conflit des priorités, des questions fondamentales méritent d'être posées :

1. Quels seraient les principaux défis lancés à la gratuité de l'enseignement primaire dans notre pays ?

2. La gratuité de l'enseignement de base inscrite dans la Constitution de la RDC et proclamée par le Président de la République ne peut-elle pas avoir, dans des conditions actuelles, un impact négatif sur la qualité de l'enseignement ?

3. Si elle est, certes, indispensable pour assurer l'éducation pour tous, la gratuité,sans une planification rationnelle au préalable, est-elle possible dans l'immédiat?

4. Le pari de la gratuité étant déclaré irréversible par le pouvoir organisateur, que faut-il faire pour stabiliser sa mise en oeuvre afin d'y parvenir à l'adéquation gratuité-qualité ?

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984