Section II : La garantie de la paix et de la
stabilité politique entre le Tchad et le Cameroun
La proximité frontalière entre les États
de manière générique en Afrique, a été
à l'origine de nombreux conflits frontaliers autant que des conflits
d'intérêts économiques154. En effet, les
découvertes des richesses naturelles du sous-sol africain et des fonds
marins devaient favoriser la remise en question du tracé
frontalier155. L'ancien secrétaire des Nations
151 B. M. METOU, « La détermination des
frontières internationales des nouveaux Etats africains », in
Regards sur le droit public en Afrique, Mélanges en l'honneur du
Doyen Joseph-Marie BIPOUN WOUM, p. 401.
152 E. GNIPIEMBA TONNANG, Droit matériel et
intégration sous-régionale...., op cit, p. 145.
153 M. DONY, Droit de la Communauté et de l'Union
Européenne, Ed. Presses de l'Université de Bruxelles,
Institut d'Etudes Européennes, septembre 2001.
154 L. KASSABO, Le système africain de
sécurité collective régionale à l'ère de
l'Union Africaine, thèse de doctorat, Université de PADOVE,
p. 17.
155 Ibid.
Rédigé et soutenu par Abdelhamid Barkai Maide Page
78
La coopération diplomatico-économique entre la
République du Cameroun et la République du Tchad de
2003-2019
Unies affirmait alors que « depuis 1970, il y
a eu sur le continent africain plus de 30 guerres,qui dans leur grande
majorité ont eu pour origine des conflits
frontaliers156». Les conséquences de ces
conflits ont très gravement compromis les efforts déployés
par l'Afrique pour garantir à long terme la stabilité, la
prospérité et la paix.157
Plus spécifiquement, entre les Républiques du
Cameroun et du Tchad, elle n'engendre pas toujours des rapports pacifiques,
à contrario, ladite proximité peut être source de conflits
entre ces États. Mais dans la logique prônée non seulement
par les actes juridiques de l'Union Africaine, mais également ceux de la
CEMAC, ces deux États ont fait du maintien de la paix et de la
stabilité politique dans leurs relations, le socle ou la base de
celle-ci. C'est donc sans douter un instant que l'on peut affirmer que dans le
cadre de cette coopération, « la force de la diplomatie
prône sur la diplomatie de la force ».
La garantie de la paix et de la stabilité politique
entre le Tchad et le Cameroun se matérialise d'une part, par l'existence
des représentations réciproques entre ces États
(paragraphe I) ; et d'autre part, par l'exigence de résolution des
éventuels conflits entre ces États, par la voie purement et
strictement diplomatique (paragraphe II).
Paragraphe I : L'existence des représentations
réciproques entre le Tchad et le Cameroun
Les relations diplomatiques de manière triviales
désignent l'opération politique qui consiste pour deux
gouvernements à établir un type particulier de rapport ; elles
procèdent d'une évaluation comme ou réciproque, et par
chaque gouvernement, des intérêts que représenteraient pour
lui l'existence des rapports normaux avec l'autre État158. Le
critère le plus sûr de la souveraineté d'un État
reste l'établissement des relations diplomatiques avec
156 Le rapport du Président de la Commission de l'UA
lors de la session spéciale de la Conférence de l'UA sur l'examen
et le règlement des conflits en Afrique, tenue à Tripoli les 30
et 31 Août 2009, est très alarmant. En effet, dans son rapport, le
Président de la Commission, le Dr. Jean Ping, fait ressortir que selon
les chiffres de l'année 2009 disponible, l'Afrique a le plus grand
nombre de déplacement forcé dans le monde, avec près de 3
millions de réfugiés, représentant 20% des 10,5 millions
de refugiés dans le monde. Avec près de 11,6 millions de
personnes déplacées dans 19 pays sur les 26 millions de personnes
déplacées dans le monde, le continent africain est le plus
touché par la tragique réalité de personnes
déplacées interne. Cf. doc. SP/ ASSEMBLY/PS/RPT (I) du 30-31
Août 2009.
157 Rapport du Secrétaire général au
Conseil de sécurité des Nations Unies intitulé « Les
causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement
durable en Afrique », avril 1998.
158 J-C TCHEUWA, Cours de droit international public 2,
Université de Yaoundé II, 2020, p. 5, inédit.
Rédigé et soutenu par Abdelhamid Barkai Maide Page
79
La coopération diplomatico-économique entre la
République du Cameroun et la République du Tchad de
2003-2019
d'autres sujets de droit international 159 . Il
s'agit donc pour les États de concilier leur souveraineté avec
les exigences des relations diplomatiques160.
Dans le cadre de la coopération bilatérale entre
le Tchad et le Cameroun, les représentations sont de nature ambivalente
; en effet, au-delà des représentations diplomatiques (A), on
note également l'existence des représentations ou mieux encore
des postes consulaires de chacun de ces États sur le territoire de
l'autre (B).
A. L'existence des représentations
diplomatiques
Les représentations diplomatiques sont des missions
diplomatiques permanentes ; il s'agit précisément de la forme
organisée de missions diplomatiques. Elle commence au niveau de chaque
État par l'existence des services publics nationaux chargés des
affaires diplomatiques. En réalité, les représentations
diplomatiques matérialisent les compétences extraterritoriales
des États ; elles sont généralement qualifiées
d'ambassade161.
Conformément à la convention internationale qui
encadre les relations diplomatiques, la coopération entre le Tchad et le
Cameroun dans le cadre diplomatique consiste en la représentation de
chacun des États auprès de l'autre162 ; la protection
dans chacun des États, de leurs intérêts respectifs et de
leurs ressortissants respectifs, dans les limites admises par le droit
international ; l'information de tous les moyens licites des conditions et de
l'évolution des évènements dans chacun des États et
faire rapport à ce sujet aux Gouvernements de chacun des États ;
la promotion des relations amicales et le développement des relations
économiques, culturelles et scientifiques entre les
États163.
Les représentations diplomatiques de chacun de ces
États bénéficie d'une protection particulière telle
que consacrée par la convention internationale ; il s'agit de la
protection reconnue à la mission d'une part et d'autre part, de celle
octroyée aux agents diplomatiques. S'agissant de la protection de la
mission diplomatique, elle porte d'abord sur la liberté de
159 Ibid.
160 Voir dans ce sens S-V NTONGA BOMBA, « La
communauté internationale et la problématique de la
souveraineté des Etats et le droit ou le devoir d'ingérence
humanitaire », in Regards sur le droit public en Afrique,
Mélanges en l'honneur du Doyen Joseph-Marie BIPOUN WOUM, pp.
420-439.
161 Sur la question lire utilement la convention de Vienne du 18
avril 1961 sur les relations diplomatiques.
162 Dans la terminologie du droit international, on parle d'Etat
accréditaire et d'Etat accréditant.
163 Voir article 3 de la convention de Vienne sur les relations
diplomatiques, op cit.
Rédigé et soutenu par Abdelhamid Barkai Maide Page
80
La coopération diplomatico-économique entre la
République du Cameroun et la République du Tchad de
2003-2019
communication officielle qui permet à la mission de
pouvoir échanger avec son état d'envoi à l'abri de toute
interférence164, et ensuite sur l'inviolabilité de la
mission165 ; s'agissant des agents, leur protection porte sur
l'inviolabilité personnelle qui met l'agent diplomatique à l'abri
de toute action à la fois civile et pénale166, et sur
l'immunité juridictionnelle aussi bien pénale, qu'administrative
et civile167, les exemptions fiscales et les franchises
douanières168.
Dans le cadre des relations interétatiques, l'existence
des représentations diplomatiques d'un État sur le territoire
d'un autre constitue la modalité la plus complète, la preuve la
plus parfaite de l'existence des relations pacifiques entre deux États.
Dans le cadre bilatéral Camerouno-Tchadien, cette réalité
conserve toute sa portée, c'est-à-dire l'existence d'une
ambassade tchadienne sur le territoire camerounais, et la présence d'une
ambassade camerounaise sur le territoire tchadien, révèlent
à suffire de la qualité des relations diplomatiques entre ces
gladiateurs de la sous-région Afrique Centrale. En outre, dans l'optique
de rapporter la constance du caractère paisible de cette
coopération, des postes consulaires respectifs de ces États sur
le sol de l'autre, peuvent voir le jour.
|