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L'artiste et la ville en Hauts-de-France. Le cas du parcours d'art contemporain d'Amiens métropole.


par Julien Cossart
Université de Picardie Jules Verne - Master 2 Culture, Patrimoine et Innovations Numériques 2020
  

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VI. La galerie, un intermédiaire peu présent et contesté

Mon enquête de terrain m'aura permis de franchir les portes d'une galerie pour la première fois. La ville d'Amiens a bien, en son sein, quelques espaces où des oeuvres peuvent se vendre, des espaces comme l'Imprimerie, une « librairie-galerie » qui achète et vend des tableaux et autre dessins, qui expose même des artistes contemporains tels que Gabriel Folli durant le Parcours d'Art Contemporain. J'ai aussi appris l'existence d'un espace mis à disposition par l'Amiens Athletic Club, un club de tennis, pour les artistes et l'exposition de leurs oeuvres. Si ces espaces sont utilisés par les plasticiens et, en tant que lieu de monstration des oeuvres, peuvent leur permettre leurs premières ventes, comme cela a été le cas avec la galerie de l'Amiens Athletic Club pour Franck Kemkeng Noah (« Il y a un monsieur qui est arrivé, il a dit « J'achète ça, ça, ça. ». Il en a acheté 3, à raison de 1.500 euros l'oeuvre. Je ne m'attendais même pas à ... »133), ils ne représentent pas les artistes autrement qu'en leur accordant un espace d'exposition; c'est ce que m'expliquait Gabriel Folli, avec le sens qu'il donne à la galerie (« Un artiste est représenté par une galerie, c'est-à-dire qu'il fait partie d'une liste de 15 artistes en moyenne. L'intérêt pour la galerie c'est de défendre les artistes, c'est-à-dire de faire une expo solo tout les 2 ans, une expo collective tout les ans, mettre les artistes sur des stands dans des foires, mettre en relation avec des collectionneurs, faire de la visibilité via

131 Site Internet du Ministère de la Culture.

132 Entretien avec Marion Richomme

133 Entretien avec Franck Kemkeng Noah

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les réseaux sociaux. »134). Pour découvrir ce que pouvait être une galerie, j'ai alors dû me rendre à Lille; où se situent 24 des 51 galeries recensées par l'état des lieux des arts plastiques en Hauts-de-France135. J'ai d'ailleurs commencé par une des galeries qui représentent Gabriel Folli (« J'en ai 2. J'en ai une à Lille, la galerie Provost-Hacker, et la galerie Artitude à Bruxelles. »136). Des toiles, uniquement des toiles, pas de prix visibles. J'ai continué ma visite avec d'autres galeries; comme la galerie Jean-Luc Moreau, avec des peintures et sculptures qui se comptaient en milliers d'euros. Aucune installation, aucune oeuvre vidéo, l'art contemporain et sa diversité de disciplines n'est pas ce qui est ressorti de ma visite.

Pour en revenir aux artistes rencontrés, peu sont représentés par une galerie. « Une part importante de l'économie artistique locale s'effectue en dehors du « système galerie », comme par exemple dans le département de la Loire-Atlantique où les trois quarts des artistes recensés par le conseil général ne sont représentés par aucune galerie. »137 Sur notre échelle d'étude, c'est-à-dire les 10 plasticiens du Parcours d'Art Contemporain, 2 sont représentés par des galeries, mais la vente d'oeuvres ne constitue pas leur principale source de revenus pour autant (« Au niveau des revenus, il y a un très faible quotient qui est affilié à la vente d'oeuvres. »138).

Plusieurs raisons ont été citées concernant leur rapport à cette intermédiaire qu'est la galerie; un intermédiaire dans la transaction marchande, entre un artiste et un collectionneur, mais aussi dans la monstration d'une oeuvre. La première, non par ordre d'importance, est la démarche à réaliser pour cela. Rémi Fouquet et Daniela Lorini m'ont ainsi confié, outre le peu d'intermédiaires en Hauts-de-France, n'avoir aucun contact avec le « domaine privé »139, ou encore, qu'il était compliqué d'aller voir une galerie (« Non. Je sais pas comment faire ce pas. Je me demande si ça serait intéressant de contacter ou avoir une galerie, mais ... Peut-être ça fonctionnerait mieux mais ... Je sais pas comment vraiment faire ce pas, ou contacter la galerie, ou contacter un critique d'art, non. Peut-être ça fonctionne, peutêtre il y a des artistes qui ont fait ce pas et ils réussissent à ... Oui, je pense que tu peux réussir à mieux te montrer, te vendre. Mais moi, je l'ai pas fait; et je sais pas si je vais le faire, peut-être, un jour. »140). Pour prendre le cas de Gabriel Folli, qui est représenté par 2 galeries, ce dernier m'expliquait que, à sa sortie d'études, une exposition à Amiens lui a permis d'avoir des contacts à Bruxelles et que c'est par l'envoi de mails qu'il a pu être représenté par la galerie Artitude par la suite; en allant lui-même vers les galeries.

134 Entretien avec Gabriel Folli

135 Carton, A., Dubruel, V., & Sourisseau, R. (2020). Etat des lieux des arts plastiques en Hauts-de-France. Arts Visuels Hauts-de-France, p. 136.

136 Entretien avec Gabriel Folli

137 De Vrièse, M., Martin, B., Melin, C., Moureau, N., & Sagot-Duvauroux, D. (2011). « Diffusion et valorisation de l'art actuel en région. Une étude des agglomérations du Havre, de Lyon, de Montpellier, Nantes et Rouen ». Culture études, 1(1), 1-16, p. 3.

138 Entretien avec Nicolas Tourte

139 Entretien avec Rémi Fouquet

140 Entretien avec Daniela Lorini

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L'art contemporain, comme nous l'avons vu, est aussi composé d'une diversité de démarches et de pratiques artistiques. Certaines de ces démarches et pratiques se prêtent ainsi moins à la vente que d'autres; à la vente d'une oeuvre dans une galerie du moins. Par exemple, Katerini Antonakaki, avant d'être une artiste plasticienne, est artiste scénographe, la création plastique n'est qu'une partie de son activité artistique et ne prend sens que sur scène, à l'occasion de ses spectacles. De même, la démarche de Rémi Fouquet, qui sera détaillée plus tard dans ce mémoire, s'inscrit sur des territoires donnés; ce dernier me confiait alors que, si la question de la vente venait à se poser, cela aurait davantage de sens de vendre ses oeuvres à un FRAC, pour que les visiteurs puissent voir une oeuvre réalisée à propos d'un territoire sur ce même territoire. Un autre artiste, Nicolas Tourte, est représenté par 2 galeries; la galerie Laure Roynette, à Paris, et la galerie L'Oeil Histrion, à Caen. Sa pratique artistique inclut la vidéo et, selon lui, la dématérialisation de l'oeuvre, contrairement à l'art classique dans lequel peintures et sculptures sont faites de matière, la rend moins vendable (« J'ai une galerie à Paris, j'ai une galerie à Caen et je travaille avec plusieurs galeries, notamment à Bruxelles, ça dépend vraiment des projets. Disons que la galerie parisienne ... Je me pose un peu la question de la réelle nécessité d'avoir une galerie attitrée. J'ai une pratique qui est pas très facilement vendable, parce que les médias impalpables comme ça, c'est pas comme une peinture, c'est pas comme un dessin. Quand c'est dématérialisé c'est pas forcément très facile de vendre. »141).

Car, à travers la galerie, c'est bien la vente d'oeuvres que j'aborde. Si quelques artistes ont vendu, de manière occasionnelle, certaines de leurs oeuvres, la galerie n'est que rarement utilisée comme intermédiaire. A l'opposé, des plasticiens rencontrés, le seul à avoir la vente d'oeuvres comme principale source de revenus artistiques n'utilise pas la galerie comme intermédiaire; ou alors comme lieu de monstration durant des expositions, mais la galerie ne le représente pas (« Oui, c'est ma principale source de revenus; ça vient des ventes, en ligne ou suite à des expositions, et, aussi, il y a beaucoup d'appels à candidatures. »142). Cette réticence envers la galerie s'explique en partie par le fait que, en tant qu'intermédiaire, cette dernière perçoit, de manière générale, la moitié des revenus provenant de la vente d'une oeuvre (« Les oeuvres se vendent bien; même si la galerie prend 50%, c'est un peu beaucoup. »143). Hormis cette répartition de la vente entre l'artiste et la galerie, nous avons aussi pu ressentir une crainte d'être enfermé dans des choix artistiques et/ou dans un espace d'exposition où l'artiste n'aurait pas le droit de sortir, de montrer son travail ailleurs (« Jusque là je voulais pas une galerie parce que c'est assez contraignant et ça veut dire que tu fais pas de projets ailleurs aussi. A la fois c'est bien parce qu'ils peuvent faire la promotion de ton travail aussi, d'un autre côté ils prennent énormément sur la vente des pièces. Trouver la bonne

141 Entretien avec Nicolas Tourte

142 Entretien avec Franck Kemkeng Noah

143 Ibid.

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galerie, avec qui ça se passe bien, qui ne dirige pas ton travail non plus, où t'es libre d'aller faire tes projets aussi. Moi j'aime bien cette liberté d'aller faire un truc, un autre, et de pas être dépendante d'un truc. »144).

Pour terminer, l'idée de vendre une oeuvre est difficilement acceptable pour quelques uns des plasticiens rencontrés. La critique porte alors sur le fait qu'une oeuvre devient un produit et, comme tout produit, elle vise à être vendue sur un marché, le marché de l'art (« Idéalement, si il y avait pas ces questions d'argent, j'aimerais que ça puisse marcher autrement et pas avoir besoin d'une galerie. La galerie elle va être limitée à montrer des travaux qui sont des choses qui doivent pouvoir se vendre ou alors faire publicité. »145). Un certain tiraillement est donc présent pour les artistes, comme Louis Clais, qui aimeraient pouvoir se rémunérer avec leur activité artistique sans avoir besoin de vendre leurs oeuvres. Cela est aussi le cas de Daniela Lorini qui, elle, ne vit que de son activité artistique mais avec des ressources limitées, ne dépendant que des aides à la création et autres appels à candidatures (« Honnêtement, j'aime pas le marché de l'art; chose que j'ai constaté et j'ai pu voir ici, en France. C'est un marché qui me plaît pas. C'est produire, produire, produire; et comment l'art se vend, je n'aime pas. Des fois, je me dis que ça peut être intéressant mais, des fois, de l'autre côté, j'aime pas, mais de l'autre côté, il faut vivre aussi. Donc, moi, en ce moment, je vis des appels à candidatures, des bourses, des aides à la création, mais ils sont pas infinis non plus; donc, peut-être, justement, je devrais faire ces démarches, mais j'hésite. »146).

Pourtant, au vu des plasticiens et des situations rencontrées au cours de mon enquête de terrain, nous ne pouvons que constater la prépondérance d'une économie de projets sur une économie d'oeuvres. C'est ce que nous allons voir dans la partie suivante.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein