IV. Etre « artiste à temps plein »
« J'essaie, globalement, d'être le plus
possible artiste à temps plein, [...]. »107 Ces
mots de Marion Richomme peuvent laisser penser la complexité de cette
tâche; encore faut-il préciser ce qu'inclut « être
artiste à temps plein » mais cela sera évoqué plus
tard dans ce chapitre. Si la moitié des plasticiens rencontrés ne
perçoivent que des revenus liés à leur activité
activité, l'autre moitié des plasticiens du Parcours d'Art
Contemporain ont une autre activité qui est souvent leur première
source de revenus.
J'ai ainsi rencontré 2 artistes qui sont aussi
professeurs; Aude Berton et Rémi Fouquet. Aude Berton, après une
formation d'un an auprès du professeur de céramique du Safran, un
complexe culturel situé à Amiens, a obtenu ce même poste en
2010. Cette dernière travaille ainsi 16 heures par semaine en tant que
professeure de céramique mais intervient aussi actuellement à la
maison d'arrêt d'Amiens, à l'occasion de 2 séances par
semaine et de 30 séances au total, pour proposer des cours de
céramique. Ces temps de travail lui permettent alors d'avoir une
rémunération stable et, à
105 Entretien avec Nicolas Tourte
106 Entretien avec Louis Clais
107 Entretien avec Marion Richomme
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côté, de travailler sa pratique artistique
(« En fait, ça me permet pas d'en vivre, c'est ponctuel mes
revenus d'artiste. C'est mon statut de prof qui me permet de maintenir ...
C'est le revenu principal et fixe. »108). Quant à
Rémi Fouquet, ce dernier est devenu professeur d'arts plastiques suite
à une proposition à sa sortie d'école d'art. Encore une
fois, la recherche d'un équilibre entre une source de revenus et le
travail artistique est évoqué (« Quand je suis sorti de
l'école d'art on m'a proposé d'enseigner dans le privé et
puis ça m'a plu; et ça me permettait de dégager à
la fois du temps sur des projets et en même temps d'avoir une source de
revenus qu'on qualifie souvent d'« alimentaire ». [...] La
création c'est pas ma ... On va dire que là, si je prends les
revenus que je vais toucher cette année, ça va faire un
cinquième de mes revenus. Le reste c'est mon activité
d'enseignement. »109).
L'enseignement est une manière, pour le plasticien, de
rester dans le monde de l'art; mais cette manière n'est pas la seule,
Gabriel Folli me confiait ainsi avoir cherché à rester dans le
monde de la culture pour ne pas perdre sa créativité, rester dans
un milieu propice à la création (« Au début de
carrière, si tu veux, j'avais des jobs un peu plus alimentaires. Puis
après j'ai commencé à faire pas mal d'ateliers, ou accueil
des publics, avec plusieurs structures; ou aussi dans des lycées, tu
vois, j'ai donné des ateliers aussi dans des lycées, etc. J'ai
quand même vite commencé avec ça quoi, parce que je me suis
dit « Quitte à avoir un job, ou plusieurs jobs, autant que
ça soit dans la culture quand même. ». Parce qu'avec un
boulot alimentaire c'est quand même très compliqué, tu
vois, de garder l'énergie, tu vois, pour tes projets artistiques; alors
que, quand t'es dans la culture, ... »110). Si, au total,
ses revenus artistiques constituent tout de même la moitié de ses
revenus, Gabriel Folli est aussi, 6 mois par an depuis 3 ans, médiateur
culturel au sein de l'association Art & Jardins à l'occasion du
Festival International de Jardins qui a lieu tout les ans, depuis 2010, aux
Hortillonnages d'Amiens. Son activité artistique apporte alors un autre
sens à ses propos en tant que médiateur culturel (« En
tant qu'artiste, tu peux aborder les oeuvres, parler des oeuvres, avec
peut-être plus de facilité que d'autres parce que tu connais un
peu, même le parcours des artistes si tu les connais un peu
personnellement, ou tu connais les matériaux utilisés, comment
ça a été fait, etc. Donc le boulot comme ça, que je
peux avoir à côté, rejoint quand même et peut
m'apporter en tant qu'artiste. »111). De la même
manière, Franck Kemkeng Noah, au cours de sa dernière
année de master, a réalisé un stage de médiation
culturelle à la Maison de la Culture d'Amiens; avant de partir à
Lille pour trouver un emploi, en lien avec la culture ou pas, comme il me le
confiait en entretien.
108 Entretien avec Aude Berton
109 Entretien avec Rémi Fouquet
110 Entretien avec Gabriel Folli
111 Ibid.
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Les artistes rencontrés représentent toute une
étendue de possibilités professionnelles; de l'artiste qui ne vit
que de son activité artistique, et non uniquement de la création
comme nous le verrons dans les parties suivantes, tel que Violette Mortier
(« C'est ma principale source de revenus oui, mais elle est vraiment
très très instable. Quand j'arrive à bosser un petit peu,
je suis pas très dépensière on va dire. Je pense que c'est
aussi des choix de vie. Je m'en plains absolument pas parce que j'ai
décidé que j'allais vraiment essayer de me concentrer que sur ma
pratique artistique et mon médium, en tout cas, et donc de vivre que
grâce à ça; et, du coup, c'est beaucoup de
débrouille on va dire, vraiment, principalement.
»112), à l'artiste qui est principalement
rémunéré pour son travail en dehors du monde de l'art, tel
que Louis Clais (« Disons que c'est pas mon activité artistique
qui me permet de vivre, c'est des activités que je fais en
parallèle; qui sont pas forcément très
intéressantes, autrement que financières. Mais, pour le moment,
ça me permet pas de gagner ma vie. »113). Si les
plasticiens du Parcours d'Art Contemporain ne sont pas tous des « artistes
à temps plein », cette notion peut nous permettre de nous
questionner sur leurs revenus artistiques.
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