La saisie d'un compte bancaire se trouvant à l'étranger.par Paul Taglo Barré Université de Ngaounderé ( Cameroun ) - Master recherche en Droit Privé Fondamental 2020 |
SOMMAIREAVERTISSEMENT i DEDICACES ii REMERCIEMENTS iii LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS iv SOMMAIRE vi Résumé vii Abstract viii INTRODUCTION GENERALE 1 PREMIERE PARTIE : LES PREALABLES A LA SAISIE. 12 CHAPITRE I : L'IDENTIFICATION DES PARTIES A LA SAISIE. 14 SECTION I : LE CREANCIER SAISISSANT. 14 SECTION II : LE SAISI. 21 CHAPITRE II : QUELQUES PRECISIONS SUR LE COMPTE BANCAIRE ET LA CREANCE AFFECTES PAR LA SAISIE. 29 SECTION I : LES COMPTES BANCAIRES OBJET DE SAISIE. 29 SECTION II : LES CONDITIONS RELATIVES A LA CREANCE. 35 DEUXIEME PARTIE : LA MISE EN OEUVRE DE LA SAISIE. 45 CHAPITRE I : LE RESPECT DES CONDITIONS D'EXEQUATUR PAR LA DECISION ETRANGERE PRONONCANT LA SAISIE. 48 SECTION I : LES CONDITIONS D'EXQUATUR DES DECISIONS JUDICIAIRES. 49 SECTION II : LES CONDITIONS D'EXEQUATUR DES SENTENCES ARBITRALES. . 57 CHAPITRE II : LE DENOUEMENT ET LES SUITES DE L'EXEQUATUR. 66 SECTION I : L'INSTANCE EN EXEQUATUR ET SES EFFETS. 67 SECTION II : LES OBSTACLES A L'EXEQUATUR. 79 CONCUSION GENERALE. 94 BIBLIOGRAPHIE 96 TABLE DES MATIERES 104 RésuméSi une personne obtient un titre prononçant ou constatant la saisie conservatoire ou à des fins d'attribution d'un compte bancaire situé à l'étranger dans l'espace OHADA, cela suppose que les conditions préalables aussi bien objectives que subjectives relatives aux saisies des comptes bancaires fixées par l'A.U.P.S.R.V.E ont été respectées. Cependant pour mettre en oeuvre cette saisie, il faut encore respecter un certain nombre de conditions propres à l'exécution des jugements, actes publics et sentences arbitrales étrangers. Puisque le déroulement de la saisie se fera dans un ordre juridique étranger, il faudra que les autorités judiciaire de ce ordre juridique accordent la force exécutoire dénommée exequatur à ce titre pour qu'il puisse produire ses effets de saisie après vérification des dites conditions. En outre, cette décision même revêtue de la force exécutoire n'est pas toujours susceptible d'exécution car confrontée à divers obstacles allant du silence de l'A.U.P.S.R.V.E sur la question à d'autres diverses raisons particulières. C'est pourquoi des solutions méritent d'être proposées pour une mise en oeuvre aisée d'une telle saisie. vii Mots clés : saisie , AbstractIf a person obtains a title pronouncing or nothing the precautionary seizure or for the purpose of attribution of a bank account located abroad in the OHADA area, this assumes that the prerequisites,both objective and subjective, have been met. However,to implement this seizure,a certain number of conditions specific to the execution of foreign judgments,public documents and arbitral awards must still be respected. Since the course of the seizure will be in a foreign legal order,i twill be necessary that the judicial authorities of this legal order grant the enforceable force called exequatur in this respect so that it can produce its effects of seizure after verification of the said conditions. In addition, this decision, even when it is enforceable,is not always subject to execution because it faces various obstacles ranging from the silence of the A.U.P.S.R.V.E on the issue to various specific reasons. This is why solutions deserve to be proposed for and easy implimentation of such a key. VIII Word entry : entry ; Bank account ; foreign ; exequatur.
2 Depuis la nuit des temps et jusqu'aux temps modernes, le non-paiement des créances a été et demeure une «peste», aucun continent n'en est épargné1.Cela étant dû au fait que dans la majeure partie du temps, la réalisation d'un droit subjectif ne peut se faire de façon volontaire ou spontanée. Parfois le débiteur de ce droit ne procède pas à une réalisation spontanée et amène la société à procéder à une exécution forcée, cette dernière est un remède nécessaire pour permettre aux protagonistes du droit d'atteindre leurs objectifs : celui de recouvrer leurs créances ; les mesures déployées dans ces circonstances relèvent des voies d'exécution2. Soucieuses de l'effectivité de la règle de droit et conscientes de ce que les individus répugnent généralement à s'exécuter spontanément (et surtout volontairement), les sociétés humaines ont toujours veillé à l'exécution forcée des engagements contractés lorsque le débiteur venait à faillir. C'est dans ce souci que sont nées les voies d'exécution, ensemble des procédures permettant aux créanciers non amiablement payés d'obtenir l'exécution forcée des actes et jugements qui leurs consacrent leurs droits3. Le traitement du défaut de paiement a évolué à travers le temps et les civilisations. Dans les systèmes juridiques primitifs, le créancier impayé pouvait au nom des «legis actiones», enchainer son débiteur dans sa prison privée, jusqu'au complet paiement de sa dette4.Dans des cas extrêmes (d'insolvabilité), le créancier pouvait vendre au marché d'esclaves ce dernier, ainsi que sa famille afin de se faire payer sur le prix de la vente5 . L'évolution des moeurs s'est accompagnée d'une humanisation graduelle de voies d'exécution et d'une restriction corrélative du domaine d'exécution sur la personne. Ce procédé ne survit plus de nos jours que sous une forme assez édulcorée, en l'occurrence la contrainte par corps qui consiste en l'incarcération de débiteur récalcitrant dans une prison officielle pendant une période déterminée par la loi, en vue de le contraindre à s'exécuter. Vestige de l'exécution sur la personne, la contrainte par corps est limité au recouvrement des 1 AMEVI DE SABA, la protection du créancier dans le droit uniforme de recouvrement des créances de l'OHADA ; thèse de doctorat de droit privé, université de paris 1 2016, p4. 2 TOUMBAYA ALAIN, « la saisie des créances à exécution successives », mémoire de master université de NGaoundéré, 2017, p2. 3 NDZUENKEU ALEXIS, le contentieux des saisies mobilières au Cameroun depuis la réforme des voies d'exécution de l'OHADA, mémoire de master université de Yaoundé 2, 2001, p1. 4 FOMETEU (J.) «théorie générale des voies d'exécution ohada», in P-G .POUGOUE,(dir)encyclopédie du droit ohada Ed Lamy, paris 2011 ,pp 2057 ;H .ASSI-ESSO(A.M),DIOUF(N),OHADA-recouvrement des créances, éd .Bruyant ,Bruxelles 2002,P1 et s. 5 TOUMBAYA ALAIN, « la saisie des créances à exécution successives », mémoire de master université de NGaoundéré, 2017, p 3. 3 seules condamnations ayant leur cause dans une infraction reconnue par la juridiction répressive6. Cette pratique qui portait atteinte à la liberté de débiteur et dont l'efficacité économique n'était pas démontrée, a été supprimée en France par une loi du 22 juillet 18677 ; cette abolition s'est étendue par la suite à d'autre pays d'Europe. Dans les colonies d'Afrique noire, en revanche, deux régimes distincts étaient appliqués. Si la contrainte par corps n'existait plus pour les dettes des citoyens français, elle continuait d'être appliquée aux indigènes par une loi du 10 aout 19158.Cette différence de régime fut l'objet de vives critiques et fut abandonnée pour un régime limité en matières pénales et fiscales9.l'exécution sur la personne du débiteur a perdu du terrain au profit de l'exécution sur les biens. Cependant même après leur indépendance qui a eu lieu dans les années 1960, certains Etats africains ont maintenu la situation en l'état tandis que d'autres ont maintenu la possibilité de la contrainte par corps pour les dettes, par exemple le Niger, par une loi du 30 septembre 1969 a institué la contrainte par corps pour le recouvrement de certaines dettes civiles et commerciales10.Le Mali a adopté des dispositions similaires11. Aujourd'hui, l'exécution sur la personne en matière civile n'est plus qu'un lointain souvenir, seule la matière pénale a gardé sa trace notamment par le biais de la contrainte par corps. L'exécution sur la personne a donc été remplacée par l'exécution sur les biens en matière civile et commerciale. Au mieux l'on dirait que l'exécution ne doit concerner que le patrimoine de l`individu. Ce dernier est entendu comme «un ensemble de rapports de droit 6 NDZUENKEU ALEXIS, le contentieux des saisies mobilières au Cameroun depuis la réforme des voies d'exécution ; op cit. 7 A propos de cette abolition, lire TERRE (F.), SIMLER (PH.) et LEQUETTE (Y.) ; droit civil : les obligations ; 11eme Edition, paris Dalloz 2013, n°1093. 8 NGANDO (B.A), « l'exécution forcée des obligations entre indigènes et européens au Cameroun sous mandat français (1922-1946)»in F.ANOUKAHA ; A.D.OLINGA(Dir), l'obligation, étude offerte à POUGOUE (P.G.) ; Edition l'harmattan Cameroun 2016, P 255 et s. 9 ASSI-ESSO (A.M-H), et NDIAW (D.), «recouvrement des créances» coll droit uniforme africain, Bruyant Bruxelles 2002 n°62 ; P2 et s. 10 Art 1er du décret n°70-194/PRN du 10 Aout 1970 fixant les conditions d'application de la loi n°69-40 du 30 septembre 1969 instituant la contrainte par corps pour le recouvrement de certaines dettes civiles et commerciales ; J.O. n° 16 du 15 Aout 1970. 11 Art 725 du code de procédure civile et commerciale du Mali de l'époque. 4 appréciables en argent qui ont pour sujet actif et passif la même personne, et qui sont envisagés comme formant une universalité juridique12». Cependant, il fut un temps, surtout avant l'avènement de l'acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution, la situation dans les Etats d'Afrique noire francophone n'était pas homogène. Elle était complexe et floue dans la mesure où même dans les Etats qui ont opté pour l'abolition (de la contrainte par corps dans les affaires civiles et commerciales), les créanciers n'hésitaient pas à conduire les débiteurs à la gendarmerie ou à la police, pour obtenir le paiement ou une promesse sérieuse de payer, et à défaut(les débiteurs) étaient incarcérés13. Selon la doctrine, «Cette pratique illégale s'explique, voire se justifie par l'état des mentalités qui l'admettent et par la mauvaise foi ou la mauvaise volonté des débiteurs...14». Ce recourt à la police et à la gendarmerie pour le recouvrement des créances civiles et commerciales pouvait s'expliquer de plusieurs façons. D'abord le coût excessif de la procédure judiciaire, ainsi que l'inaccessibilité de la justice et surtout les lenteurs judiciaires tant décriées par les justiciables. Le temps ainsi mis par les tribunaux africains pour rendre leur décision, devient tout aussi nuisible aux entreprises que le retard et les défauts de paiement observés dans le commerce15. C'est pour mettre fin à ce contexte défavorable à la sécurité des paiements et au développement des activités économiques que seize(16) Etats de l'Afrique de l'ouest et d'Afrique centrale regroupés au sein de l'OHADA16et rejoints depuis peu par la république démocratique du Congo17ont adopté le 10 Avril 1998 l'acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution. Cet acte entré en vigueur dans tous les Etas membres de l'ohada depuis le 10 juillet 1998 est une réponse à la promesse des Etats 12. TERRE (F.), SIMLER (PH.) ; LEQUETTE (Y.), droit civil, les obligations, précis Dalloz, 6eme Edition, p1. 13 SAWADOGO (F.M.) ; OHADA-Droit des entreprises en difficulté, Ed Bruylant, Bruxelles 2002, p161. 14 AMEVI DE SABA, la protection du créancier, op.cit. p7. 15 Banque mondiale, IFC, doing business dans les Etats membres de l'ohada, 2012, P70 et s. 16 Les pays membres de l'OHADA SONT : le Benin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, la cote d'ivoire, le Congo, les Comores, le Gabon, la Guinée, la Guinée Bissau, la Guinnée-equatoriale, le mali, le Niger, la république démocratique du Congo, le Sénégal, le Tchad et le Togo. 17 La République démocratique du Congo est le dernier pays à avoir adhéré à l'organisation. Le 13 juillet 2012, elle a finalisé son adhésion au traité de l'ohada par le dépôt des instruments auprès du Sénégal, Etat dépositaire du traité de port louis. 5 d'adopter des actes uniformes «(...) simples, modernes et adaptés afin de faciliter l`activité des entreprises(...)18». A cet égard, l'intitulé de l'acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution, ne laisse aucune ambiguïté sur l'accélération qu'il doit apporter au recouvrement des créances dans les Etats de l'ohada. Pour accroitre son efficacité, le législateur ohada n'a pas laissé aux Etats membres le temps de transposer dans leurs systèmes juridiques internes, les actes uniformes qu'il secrète. Aussi pour rendre rapidement applicables et effectifs les actes uniformes dans les Etas membres19, le traité de l'OHADA a rendu les actes uniformes «directement applicables et obligatoires dans tous les Etats partie, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure20». A la lecture de cet article, nous pouvons donc comprendre que l'A.U.P.S.R.V.E21 abroge ainsi dans tous les Etats membres, toutes les dispositions des législations internes portant sur son champ d'action matériel(les matières qu'il concerne) et est appliqué aux mesures conservatoires, d'exécution forcée, aux procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur22. Après avoir ainsi présenté l'historique des saisies, l'on peut procéder à leur définition. Selon le lexique des termes juridiques, la saisie est définie comme une voie d'exécution forcée par laquelle un créancier fait mettre sous-main de justice les biens de son débiteur alors même qu'ils seraient détenus par des tiers, ainsi que les créances conditionnelles, à terme ou à exécution successives, en vue de les faire vendre aux enchères publiques et de se faire payer sur le prix23. La doctrine les présente comme étant « l'ensemble des moyens de droit permettant aux créanciers non payés amiablement par leurs débiteurs, de contraindre ceux-ci à s'exécuter, au besoin, en ayant recourt à la force publique, et de repartir entre eux les sommes ainsi obtenues24».En effet, ce sont des procédures par lesquelles un créancier impayé, saisit les biens de son débiteur afin de les vendre et de se faire payer sur la vente ou de se faire attribuer 18 Paragraphe 5 du préambule de l'ohada. 19 AMEVI DE SABA, thèse op.CIT.p9. 20 Art 10 du traité ohada. 21 Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution. 22 Art 336 et 337 de l'A.U.P.S.R.V.E. 23 Lexique des termes juridiques, Dalloz 22eme Edition. 24 ASSI-ESSO (A.M-H), et NDIAW (D.), «recouvrement des créances» coll droit uniforme africain, Bruyant Bruxelles 2002 n°62 ; P2. 6 les dits biens .Ainsi, elles consistent avec le concours de l'autorité publique, à obtenir l'exécution forcée des engagements pris envers le créancier ,spécialement ,afin de contraindre celui qui a été condamné ou s'est engagé dans certaines formes à satisfaire ses obligations . Dès lors, une fois que le débiteur est signifié, le bien qui fait l'objet de la saisie est désormais sous-main de la justice, et par conséquent il devient indisponible, c'est-à-dire qu'il est inaliénable, intransmissible, incessible, à moins que le juge n'en décide autrement25. Pour DONNIER(M.) et DONNIER (J-B.), le recourt aux voies d'exécution ne se fait que lorsqu'il existe une obligation civile, et du moment où le débiteur refuse de s'exécuter volontairement26. Evidement que c'est l'une des conditionnalités avant d'avoir recourt aux voies d'exécution, sinon le créancier risque d'être poursuivi pour saisie abusive, auquel cas, il se verrait condamné par le juge à verser des dommages intérêts à son débiteur. L'obligation civile dont il est question, mérite aussi d'être bien comprise, puisque c'est elle qui sert de base, de fondement à la créance cause de la saisie. Rappelons que «l'obligation est un lien de droit unissant le créancier au débiteur27».Cette définition ne rend pas entièrement compte des contours de la notion d'obligation. C'est pourquoi à la suite de TERRE (F.), SIMLER (PH.) et LEQUETTE (Y.), nous entendons l'obligation comme «un lien de droit non pas entre une personne et une chose, mais entre deux personnes, en vertu duquel l'une d'entre elles, le créancier, peut exiger de l'autre, le débiteur, une prestation ou une abstention28». C'est cette obligation qu'évoque l'article 28 alinéa 1 de L'A.U.P.S.R.V.E lorsqu'il dispose en ces termes : « A défaut d'exécution volontaire, tout créancier peut quelle que soit la nature de sa créance et dans les conditions prévues par le présent acte uniforme, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard, ou(...)». Ainsi précisé, la saisie peut porter sur divers objets. Elle peut concerner les biens meubles et immeubles, corporels et incorporels. Certaines saisies ont simplement pour but la conservation des biens du débiteur dans l'intérêt de son créancier, elles consistent à soustraire 25 BOUBAKARI, les voies d'exécution et le temps, mémoire de master, université de N'Gaoundéré 2017, p5. 26 DONNIER (M.) et DONNIER (J.B.), voies d'exécution et procédures de distribution, 7eme édition litec 2003, p1. 27 MALAURIE (PH.) ; AYNES (L.) ; droit civil, les obligations, édition CUJAS 1994/1995, p11. 28 TERRE (F.), SIMLER (PH.) ; LEQUETTE (Y.), droit civil, les obligations op.cit. 7 le gage à la libre disposition du débiteur : ce sont les saisies conservatoires ; d'autres par contre ont pour but la vente des biens du débiteur, c'est la saisie-exécution29. La saisie peut également porter sur les créances de sommes d'argent même détenues par un tiers, dans ce cas elle prend la dénomination de saisie-attribution. Cette dernière «est une saisie de créance des sommes d'argent que détient un tiers pour le compte du débiteur poursuivi par ses créanciers »30.Cependant, ainsi qu'il sera vu plus loin31, une saisie attribution sur soi-même n'est pas totalement exclue. Cependant, Puisque le compte bancaire est un bien meuble incorporel et faisant partie du patrimoine de son titulaire, le créancier poursuivant pourra pratiquer aussi bien une saisie-attribution qu'une saisie-conservatoire des créances contenues dans le dit compte32.Cela nous amène à définir le compte bancaire, objet de saisie de notre présente étude. Le compte bancaire est l'instrument qui permet au banquier d'entrer pour la première fois en relation avec le client. Avec la convention de compte, le client entre dans une relation contractuelle avec le banquier et ses opérations bancaires futures y seront inscrites33.Au vu de la définition donnée, le compte bancaire peut être perçu sous deux angles : juridique et comptable. Du point de vue juridique, il s'agit d'abord d'un contrat, d'une convention de compte, un contrat. Du point de vue comptable, le compte y est perçu comme un tableau qui retrace de façon péremptoire et chronologique, les opérations bancaires intervenues entre le banquier et son client.il s'agit dans le cadre de notre réflexion d'un compte détenu par toute banque au sens large dont l'établissement de crédit. Quant à la banque, le droit communautaire de la (C.E.M.A.C34) ne la définit pas. La loi française n°41-2532 du 13 juin 1941 relative à la règlementation et à l'organisation de la profession bancaire modifiée par la loi n°84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit dispose : «Sont considérées comme banque, les entreprises ou établissements qui font profession habituelle de recevoir du public sous forme de dépôt ou autre, des fonds qu'ils emploient pour leur propre compte en opération de crédit ou en opération financière». 29 VINCENT (J.), PREVAULT (J.) ; voies d'exécution ; Dalloz 8eme Ed, p8. 30 VINCENT (J.), PREVAULT (J.) ; voies d'exécution ; op.cit., p22. 31 Voir supra. 32 TCHEUMALIEU FANSI (M.R.), droit et pratique bancaire dans l'espace ohada, L'harmattan, p226. 33 TCHEUMALIEU FANSI (M.R.), op.cit., p171. 34 COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET MONETAIRE D'AFRIQUE CENTRALE. 8 L'article 4 de la convention portant harmonisation de la réglementation bancaire dans les Etats de l'Afrique centrale du 17 janvier 1972 :«Les établissements de crédit sont les organismes qui effectuent à titre habituel des opérations de banque. Celles-ci comprennent la réception des fonds du public, l'octroi de crédits, la délivrance de garanties en faveur d'autres établissements de crédit, la mise à la disposition de la clientèle et la gestion des moyens de paiement». Les banques sont des intermédiaires dans le circuit de l'argent, elles collectent les dépôts et prestent les sommes reçues aux entreprises, aux consommateurs, et aux collectivités publiques. Le lien existant entre l'activité bancaire et la monnaie a conduit certains auteurs à défendre l'idée que les banques participent à un véritable service public ; l'idée est certainement contestable si l'on prend l`expression dans son sens technique, parce que le contrôle de l'activité bancaire est un service public ; pas l'activité des banques35. Il demeure que les services bancaires sont devenus dans l'économie contemporaine, du fait du développement de la monnaie scripturale et le crédit des services de base, dont ne sauraient s'en passer ni les consommateurs, ni les professionnels. C'est ainsi que la législation française36 et camerounaise37 ont consacré le principe d'un service bancaire de base .Parmi ces services bancaires de base, l'on retrouve le droit au compte bancaire, cette formule permet à toute personne d'être titulaire d'un ou de plusieurs comptes bancaires38. Il faut dire que ces derniers sont la cible privilégiée des créanciers des titulaires de compte qui, y pratiquent très souvent des procédures civiles d'exécution en cas de réticence du débiteur à payer ses dettes, et ce d'autant plus qu'une majorité écrasante de paiement se fait aujourd'hui à partir des comptes bancaires ou assimilés. La banque est devenue le moyen le plus sécurisant des transactions d'affaires39. Les comptes bancaires reçoivent l'argent destiné au paiement. C'est ainsi qu'il est distribué soit au travers des chèques, soit par le biais des cartes de crédit ou de paiement. Les comptes sont également réceptacles fréquents de la seconde fonction de la monnaie à savoir 35 GALVADA(C.)Et STOUFFLET (J.), droit bancaire (institution-compte-opération-service), litec 6eme Ed, lexis nexis ; 2005, p.5. 36 Art L312-1 du code monétaire et financier français. 37 Arrêté n°00005/MINFI du 13 janvier 2012 portant institution du service bancaire minimum garanti. 38 NASSER ABDELGANI SALEH, le compte bancaire et les procédures civiles d'exécution, mémoire de master, université de NGaoundéré 2011, p2. 39 POUGOUE (P.G.) et KOLLOKO (F.T.), la saisie attribution des créances ohada, coll VADE-MECUM ; PUA 2005, p48. 9 l'épargne. On peut dès lors comprendre que ce soit «entre les mains des banques qu'il faut aller chercher l'argent des débiteurs rétifs40». La saisie des comptes bancaires se décline en plusieurs variantes, dont l'une est conservatoire, et l`autre attributive. Ainsi il faut entendre par saisie des comptes bancaires, soit l'opération de saisie qui permet au créancier non encore titulaire d'un titre exécutoire, s'il justifie des circonstances de nature à en menacer le recouvrement, de faire mettre sous mains de justice les avoirs bancaires de son débiteur, afin de se les faire attribuer ultérieurement une fois muni d'un titre exécutoire : Il s'agit de la saisie conservatoire des comptes bancaires ; soit la saisie qui permet au titulaire d'un titre exécutoire de saisir et se faire attribuer à concurrence de sa créance, le solde du compte bancaire de son débiteur directement et se le faire attribuer : C'est la saisie attribution de compte bancaire. De cette distinction, l'on perçoit que le législateur a voulu rendre cette procédure de la saisie des comptes simple, rapide, dépouillée de tout formalisme excessif41. Beaucoup d'études ont été menées sur la saisie des comptes bancaires42dont tant d'ouvrages généraux, ainsi que des mémoires, thèses et divers articles ; cependant nous ne saurions être exhaustifs, ces différents travaux apparaitront au gré des avancées de notre réflexion. Il ressort de ces dernières que la saisie des comptes bancaires suscite tant de questions, aussi bien de la part des juristes que des professionnels de la vie économique. Pour POUGOUE (P.G.) et KOLLOKO (F.T.), cette nouvelle saisie conjugue les spécificités de la pratique et les règles du droit bancaire avec les voies d'exécution43 ; cet état des choses donne le sentiment d'un flou qui entoure cette procédure44. 40 MOULY(C.), les saisies des comptes bancaires, les petites affiches, 26 Mai 1993, p7. 41 BEBOHI (E.S.), la saisie attribution dans la jurisprudence de l'espace ohada, mémoire de master droit privé, université de Yaoundé 2,2001/2002, p18. 42 NASSER ABDELGANI SALEH, le compte bancaire et les procédures civiles d'exécution, mémoire de master, université de NGaoundéré 2011 ; AMEVI DE SABA, la protection du créancier dans le droit uniforme de recouvrement des créances de l'OHADA ; thèse de doctorat de droit privé, université de paris 1 2016 ; BEBOHI (E.S.), la saisie attribution dans la jurisprudence de l'espace ohada, mémoire de master droit privé, université de Yaoundé 2,2001/2002 ; ZOUATCHAM (H.P.), la saisie des sommes d'argent entre les mains des banques, mémoire de master, université de Yaoundé 2,2004/2005, Etc. 43 POUGOUE (P.G.) et KOLLOKO (F.T.) op.cit.p49. 44 ZOUATCHAM (H.P.), la saisie des sommes d'argent entre les mains des banques, mémoire de master, université de Yaoundé 2,2004/2005 ; p7. 10 Cependant, si cette procédure effectuée sur le territoire d'un Etat donne le sentiment de flou, l'on imagine quel sera son degré de complexité au niveau international. Puisque notre thème porte sur la saisie d'un compte bancaire se trouvant à l'étranger, l'on est en droit d'élucider tout le flou qui entoure cette saisie d'un tel compte. L'on est d'accord que le droit d'ordonner l'exécution avec le soutien de la force publique est un attribut de la souveraineté45.Autrement dit, le pouvoir de commander aux organes de contrainte d'un Etat de prêter main forte à l'exécution d'une décision appartient aux organes de cet Etat. Mais lorsque ce pouvoir émane d'une autorité étrangère, il peut se poser quelques difficultés. Tout d'abord les organes de contrainte d'un Etat ne peuvent obéir à un ordre émanant d'une souveraineté étrangère. Ensuite les décisions élaborées dans des pays étrangers dont le juge ignore les règles procédurales et surtout les moeurs judiciaires pourraient receler des graves dangers d'injustice46.Pour ces raisons, l'exécution des décisions étrangères relèvent d'un régime particulier, elles ne peuvent être exécutées qu'après une procédure d'exequatur. Nous arrivons ainsi à la limite de la problématique de notre étude ; Comment s'effectue la saisie d'un compte bancaire se trouvant à l'étranger et quels en sont les préalables ? C'est dans le cadre de cette réflexion que veut s'inscrire ce travail. Pour mieux aborder cette problématique, il faut partir de l`idée selon laquelle dans l'espace OHADA, une diversité des textes aussi bien nationaux que sous régionaux existent permettant l'exécution d'une saisie sur un compte bancaire se trouvant à l'étranger ; cependant plusieurs obstacles de toute sorte peuvent empêcher une mise en oeuvre effective, aisée et cohérente d'une telle saisie. Ce sujet ainsi choisi regorge d'intérêt aussi bien d'ordre juridique qu'économique. Sur le plan juridique, il est d'un intérêt actuel car les créanciers privilégient cette voie d'exécution qui aboutit à un paiement des sommes en espèces, d'autant plus que cette procédure est simple, rapide, dépouillée de tout formalisme excessif ; bien plus, du moment où elle peut être aussi bien conservatoire qu'attributive, elle élargit le champ de garantie de solvabilité du débiteur ,ce qui donne au créancier l'assurance d'être payé, ce que cherche à réaliser la sécurité juridique, et l'harmonisation des affaires de l'esprit de l'OHADA. 45 AMADOU (B.K.), «le droit à la justice au Cameroun...», chaire Unesco des droits de la personne et de la démocratie, mémoire on line. 46 MAYER(P.), HEUZE(V.) ; droit international privé, 8eme Edition, Montchrestien, p162. 11 Du point de vue économique, une étude a démontré qu'au cours des années 19801990, le non recouvrement des créances bancaires a désorganisé le système financier de L'union économique et monétaire ouest africaine(U.E.M.O.A)47.Une autre étude conduite par les institutions de l'OHADA, notamment le centre de recherche et de documentation de l'école régionale supérieure de la magistrature(E.R.S.U.M.A) révèle aussi les difficultés de plus en plus accrues des entreprises et des institutions financières à recouvrer leurs créances sans estimer le coût financier des défauts de paiement dans l'espace OHADA48 ;c'est pour cela que la possibilité de saisie des comptes bancaires, même logés à l'étranger pourra notamment mettre fin à ce contexte défavorable à la sécurité des paiements et favoriser ainsi le développement des activités économiques dans l'espace OHADA. La réflexion dont il s'agit sera notamment articulée au sein de l'espace OHADA, et cela depuis l'avènement de l'acte uniforme portant voies d'exécution et procédures de distribution, C'est-à-dire depuis le 10 avril 1998 date d'adoption dudit acte jusqu'à nos jours. Nous utiliserons bien évidement la méthode de l'exégèse qui se base sur l'étude des textes de loi notamment à travers leur interprétation et leur explication ; mais nous n'oublierons pas la casuistique qui se base sur l'étude des décisions de justice. La mise en oeuvre de la saisie (DEUXIEME PARTIE) d'un compte bancaire même logé à l'étranger dans l'espace OHADA, ne peut s'effectuer sans un minimum de respect des conditions préalables (PREMIERE PARTIE). 47 SOW(O), la sécurisation des engagements bancaires dans les Etats-parties au traité d l'OHADA, Ed NENA, DAKAR 2010, p14 et s. 48 M(SAMB) (Dir) ; étude sur les difficultés de recouvrement des créances dans l'espace U.M.E.O.A : cas du Burkina Faso, Benin, Mali, Sénégal, rapport final, Edit ohada, &trustafrica, Porto-Novo 2012, p32 et s.
La saisie est une voie d'exécution forcée par laquelle un créancier fait mettre sous-main de justice les biens de son débiteur alors même qu'ils seraient détenus par des tiers, ainsi que les créances conditionnelles à terme ou à exécution successives en vue de les faire vendre aux enchères publiques et de se payer sur le prix49. Selon la loi, la saisie peut porter sur tout type de bien appartenant au débiteur50, meuble ou immeuble, corporel ou incorporel. La saisie peut avoir pour objet une somme d'argent ; dans ce cas elle prend la dénomination de saisie-attribution. Ainsi donc la créance contenue dans un compte bancaire n'échappe pas aux saisies. Le créancier pratiquera selon les cas la saisie-attribution pour se faire payer sur la provision du compte saisi, ou alors une saisie conservatoire ayant une finalité préventive afin d'empêcher le débiteur d'organiser son insolvabilité avant l'échéance de la créance cause de la saisie. Quel qu'en soit le mode de saisie opéré par le créancier, l'opération de saisie pratiquée sur un compte bancaire pose un certain nombre de conditions ayant trait aussi bien aux parties à la saisie (CHAPITRE 1) ; qu'à la créance objet de la saisie (CHAPITRE 2). 13 49 Lexique des termes juridiques Dalloz 22eme Ed op.cit. 50 Art 50 de l'A.U.P.S.R.V.E. 14 |
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