INTRODUCTION GENERALE
LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
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La philosophie politique qui a irrigué le
XVIIIe siècle dit « siècle des lumières
», sur le plan politico-juridique fut celle de la séparation des
pouvoirs1, dont le but était d'opérer la limitation du
pouvoir. Sous l'ancien régime2, l'absolutisme
caractérisait l'exercice du pouvoir dans la mesure où le
souverain3 détenait la plénitude et
l'exclusivité des prérogatives étatiques à savoir :
légiférer, faire appliquer les lois et juger. En fait, c'est lui
qui définissait la raison d'Etat devant laquelle tout doit
céder4.
Pour les philosophes des lumières, il a donc
été question de limiter le libre exercice du pouvoir de
manière progressive. C'est donc ainsi que le principe de
séparation des pouvoirs a trouvé ses racines au XVIIIe
siècle dans l'oeuvre de John LOCKE Essai sur le gouvernement civil
(1690). Mais c'est MONTESQUIEU qui va le mieux reprendre,
développer et systématiser la théorie de la
séparation des pouvoirs dans son ouvrage intitulé De l'Esprit
des lois (1748). Pour ce dernier, il doit exister au sein de l'Etat trois
organes distincts5 qui assurent les trois principales fonctions tout
en ayant la faculté d'empêcher6 les abus des autres
organes. Cette théorie de la séparation des pouvoirs sera
élevée en principe général d'organisation du
pouvoir politique, en un dogme politique qui a conduit à plusieurs
révolutions, dont la plus importante, qui marqua la rupture avec
l'absolutisme royal est la Révolution française de 1789. Cette
Révolution s'est soldée par l'adoption, le 26 août 1789, de
la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, dont l'article 16
constitue la matrice de la séparation des pouvoirs au sein de tout ordre
juridique moderne. En effet, cet article dispose que : « toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée,
n'a point de constitution ».
1 La séparation des pouvoirs est un principe
d'organisation politique selon lequel la même autorité ne doit pas
exercer toutes les fonctions étatiques. Cf. AVRIL (P.) et GICQUEL (J.),
Lexique de droit constitutionnel, PUF, 2014, p .113
2 Période marquée par la monarchie
absolue et ayant pris fin suite à la Révolution française
du 26 aout 1789
3 L'expression « souverain » ne doit pas
être prise de façon stricte et ne saurait être
étendue au souverain en démocratie qui est le peuple. Elle est
utilisée ici pour désigner le détenteur du pouvoir
autocratique dont l'appellation peut être différente suivant les
cas. Dans la Grèce antique, on parle de tyran parce qu'un seul (...)
domine par le truchement de la terreur qu'il instaure. A côté de
ce modèle subsiste (...) à la monarchie absolue. Cf. LEGOHEREL
(H.), Histoire du droit public français, PUF, Paris, 1986, p.
66. Cité par le Professeur ABANE ENGOLO (P.E.), L'application de la
légalité par l'administration au Cameroun, thèse de
doctorat/PHD en droit public, Université de Yaoundé II, 2009, p.
2.
4 ABANE ENGOLO (P.E), op. cit., p. 2
5 « Tout serait perdu si le même homme, ou le
même corps de magistrature ou de notables, ou du peuple,
exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire les lois, celui
d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les
crimes ou les différends des particuliers ». Cf. MONTESQUIEU, DE
L'Esprit des lois, Livre XI, chap. VI, 1748, p. 113
6 « J'appelle faculté de statuer, le droit
d'ordonner par soi-même (...). J'appelle faculté d'empêcher,
le droit de rendre nulle une résolution prise par quelqu'un d'autre
(...) ». Cf. MONTESQUIEU, op. cit., p. 114
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Il ressort clairement de cette disposition que la
séparation des pouvoirs est l'une des conditions d'existence de la
Constitution dans un Etat. On assiste dès lors à une
répartition des fonctions au sein des Etats dans la mesure où, le
parlement légifère, l'exécutif applique les lois et le
judiciaire juge.
Le parlement est donc chargé, comme c'est le cas au
Cameroun, de poser des normes à caractère général.
Cependant, il ne détient pas le monopole en la matière, car
l'exécutif intervient aussi dans le processus législatif de par
son droit d'initiative reconnu aux membres du gouvernement. L'exécutif
est aussi charger de porter les lois à la connaissance de tous à
travers la promulgation qui est de la compétence du Président de
le République en principe. Toutefois, avant cette promulgation, il
existe une faculté pour le Président de la République de
renvoyer la loi au parlement pour réexamen : c'est la seconde lecture de
la loi.
La confection de la loi est donc considérée
comme l'une des principales fonctions du parlement, mais elle n'épuise
pas le processus législatif dans lequel l'exécutif détient
certaines prérogatives7 importantes, intervenant dans le
cadre de la faculté d'empêcher.
Au Cameroun, l'aménagement de la séparation et
l'équilibre entre les pouvoirs a entrainé dans le domaine
législatif, une interconnexion entre le parlement et l'exécutif
dans la mesure où, le premier adopte les lois et le second les
promulgue, sous réserve de la demande de seconde lecture. Cette «
seconde lecture » qui souffre d'un défaut de définition ou
clarification conceptuelle, constitue l'objet de cette étude (II) qui
est menée par l'entremise des méthodes du droit (III). Mais avant
d'y parvenir, il conviendra d'analyser le cadre de l'étude (I).
I- LE CADRE DE L'ETUDE
La détermination du cadre de l'étude est d'une
grande importance pour toute aventure scientifique. Elle permet au chercheur,
tel un navigateur muni de sa carte de bord, d'éviter de se retrouver en
eau trouble. C'est un élément essentiel pour la recherche en ceci
qu'elle permet de circonscrire ou de borner le champ du sujet. Elle permet au
chercheur de bien localiser le domaine dans lequel il va mener son
investigation et le met à l'abri de nombreux égarements durant sa
recherche. Le cadre de la présente étude est à la fois
spatio-temporel (A) et scientifique (B).
7 HAURIOU (M), Précis de droit
constitutionnel, 2e édition, Dalloz, 2015, p. 380
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A- Le cadre spatio-temporel
La seconde lecture n'est pas une invention du droit
parlementaire camerounais. En effet, elle fut introduite en
France sous la IIe République, dans l'article 58 de la
Constitution sous l'initiative d'Alexis DE TOCQUEVILLE8. Cet article
se présente comme la source formelle originelle de cette faculté
du Président de la République. Il a été repris dans
les constitutions subséquentes de 1875, 19469 et
195810. Seulement, dans le contexte français, il ne s'agit
pas d'une seconde lecture, mais le terme employé c'est nouvelle
délibération. A la lecture des différentes
dispositions relatives à cette nouvelle délibération, il
ressort clairement que cette intervention du Président de la
République dans le processus législatif constitue un
contrepoids.
Sur le plan jurisprudentiel, le Conseil Constitutionnel
français a qualifié cette nouvelle délibération de
phase complémentaire de la procédure
législative.11
Au regard de ce qui précède, si sur les plans
textuel et jurisprudentiel la France a posé les jalons des
éléments constitutifs de la nouvelle délibération,
il en va autrement en droit camerounais où les textes y relatifs font
plutôt allusion à la seconde lecture. Le Cameroun constitue donc
le cadre spatial de notre étude. Ainsi, loin de mobiliser le droit
positif français, l'étude s'adossera, en l'absence de
jurisprudence constitutionnelle, à titre principal sur la
législation camerounaise. Le droit Français ne sera
interpellé qu'à titre subsidiaire afin de faire ressortir
l'identité de la seconde lecture en droit camerounais.
Dès son accession à la souveraineté
internationale le 1er janvier 1960, le Cameroun va hériter
d'un système juridique dual, fruit de la domination franco-britannique.
Toutefois, le droit parlementaire camerounais, depuis la Constitution du 4 mars
1960 jusqu'à la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 a une filiation
manifeste avec le système romano-germanique. Dès lors, sur le
plan temporel, l'année 1996 marquant l'élaboration de la loi
constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de
la constitution du 2 juin 1972, constitue le point de départ de cette
étude, et s'achève en 2016. Ainsi, toutes les normes juridiques
relatives à la seconde lecture en vigueur dans cet intervalle
constitueront la charpente de cette étude.
8 AVRIL (P.) et GICQUEL (J.), Droit parlementaire,
3e édition, Montchrestien, Paris, 2004, p.
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9 Article 7 de la LC. Du 16 juillet 1875 ; article
36 de la Constitution du 24 octobre 1946. Cf. Avril (P.) et Gicquel (J.),
Ibid.
10 Article 10 de la Constitution du 4 octobre 1958
11 CC, décision n° 85-197 DC du 23 aout
1985, Evolution de la nouvelle Calédonie
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