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La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en république centrafricaine.


par Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE
Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016
  

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D. Revue de la littérature

Elaborer une revue de la littérature permet de faire l'état de la question traitée. Il s'agit d'un tour d'horizon de la doctrine relative au domaine de l'étude entreprise de sorte que l'on puisse situer celle-ci dans la continuité de ce qui a été déjà traité, ou tout simplement appréhender son originalité et sa nouveauté.

La littérature sur la régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales est d'une abondance telle qu'entreprendre une réflexion sur le sujet paraîtrait inutile et manquer d'ambition d'autant que les auteurs de cette littérature sont d'une notoriété reconnue et confirmée. Alors que reste-t-il à écrire sur la régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales qui ne l'est déjà ? Cette interrogation somme toute légitime semble manquer d'objectivité dès que le regard de l'observateur devient profond et qu'il se place au-dessus des a priori et de l'afro pessimisme ambiant. En effet ce sujet, objet d'études scientifiques pour le juriste62(*), demeure pour la science lato sensu un objet de questionnement. D'autant plus qu'il n'existe pas de domaine de recherche scientifiquement épuisé, le mérite du scientifique est de savoir placer son étude dans un angle sinon nouveau, au moins attrayant et de réveiller un débat que tous croyaient clos63(*) ».

D'abord, dans son article « Le fait régional institutionnel dans l'ordre juridique international64(*) », la professeure Laurence BOISSON DE CHAZOURNES commence par affirmer que dans l'ordre juridique international, la coopération revêt divers visages. L'un d'eux consiste en la création d'organisations internationales qui existent désormais en grand nombre et sous des formes variées. Leur raison d'être, leur mode de fonctionnement, leurs activités sont au coeur de la réflexion contemporaine sur ce que l'on dénomme désormais la gouvernance internationale. Elle poursuit en faisant un constat selon lequel le nombre sans cesse croissant d'organisations universelles et régionales, les chevauchements de compétences entre organisations, les articulations nécessaires à établir entre une activité et une autre est au coeur des préoccupations d'une meilleure gouvernance.Pour elle en effet, les relations entre organisations universelles et organisations régionales méritent une attention particulière.

La même auteure poursuit dans « Les relations entre l'ONU et les organisations régionales dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales65(*) » que le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales est marqué de relations prégnantes entre l'ONU et les organisations régionales. Elle rappelle même qu'un Chapitre spécifique de la Charte, le Chapitre VIII, est consacré à ces relations. Mais elle signale que celui-ci ne permet toutefois pas d'appréhender ces relations dans leur ensemble. D'autres dispositions et la pratique qui s'en est suivie font place à d'autres types de relations.

L'élaboration du Chapitre VIII de la Charte constitue donc le point de départ de toute analyse doctrinale et de la pratique à en croire la professeure. Pour elle, l'efficacité et le pragmatisme sont privilégiés dans les relations de coopération entre l'organisation universelle et les organisations régionales sans que beaucoup d'importance soit attachée aux conséquences normatives de ces actions.

L'évolution du cadre juridique de coopération entre l'ONU et les organisations régionales dans le domaine de la paix et de la sécurité a permis l'émergence d'approches (migration du régionalisme vers le chapitre VII de la Charte, essai de contournement du monopole du Conseil de sécurité quant au recours à la force armée, modèles hybrides de coopération entre l'ONU et les organisations régionales, etc.).

Ensuite, dans l'ouvrage collectif, Les organisations internationales et les conflits armés66(*) sous la direction du professeur Madjid BENCHIKH, les différents intervenants y offrent une analyse critique qui demeure tout autant d'actualité avec les NU au centre de leurs interventions.

Le professeur François RIGAUX remonte dans son analyse jusqu'à la crise de Crimée (1854-1855). Il fait état de l'intensité des conflits et donc de leurs conséquences sur la vie humaine pour aboutir à la spécificité des conflits actuels qui sont essentiellement internes avec parfois une tendance à l'internationalisation. Selon lui, l'action des organisations internationales dans ces conflits accroît cette tendance notamment lorsqu'elles délèguent les opérations militaires comme ce fût le cas dans le golfe. Le rapport général du professeurMadjid BENCHIKH67(*) complète cette étude en s'attardant plus sur le concept d'intervention pour apprécier les conditions de légitimité et de légalité de cette action des organisations internationales.

Le professeur Patrick DAILLIER68(*) quant à lui, centre sa contribution sur la question de la sécurité pour présenter le concept de sécurité collective avec les limites de l'aptitude des organisations régionales à recourir à la force pour rétablir la paix et la sécurité régionales.

Dans un ouvragecollectif, L'effectivité des organisations internationales : mécanismes de suiviet decontrôle69(*)sous la direction des professeurs Jean-Marc SOREL,Hélène RUIZ-FABRI et SICILIANOS; dans les conclusions générales, le professeur Constantin STEPHANOU affirme que la prolifération des mécanismes de suivi est liée à l'accroissement des activités des organisations internationales. Bien plus encore, sous l'influence de l'opinion publique, les Etats recourent de plus en plus à celles-ci pour promouvoir leurs objectifs en matière de politique étrangère. Il signale aussi que la dernière décennie du XXe siècle se caractérise par la mise en oeuvre des mesures coercitives impliquant l'emploi de la force en vue du rétablissement de la paix conformément aux dispositions du Chapitre VII de la Charte des NU. En absence d'une structure militaire propre, l'ONU a dû recourir à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN)pour faire faceaux « menaces contre la paix ». Cette contribution est pertinente dans la mesure où l'auteur démontre qu'il ne suffit pas seulement, pour ces organisations, de mettre en place des mécanismes de maintien de la paix et de la sécurité internationales, mais qu'il faudrait aussi les mécanismes de suivi et de contrôle.

Dans un essai,Le rôle et la contribution de de l'ONU dans la résolution pacifique des conflits en Afrique. Cas de l'Afrique Centrale70(*), le professeur Médard NZE EKOME commence à l'origine des OMP qui consistaient à déployer sous le commandement de l'ONU des militaires des différents pays pour contenir et régler les conflits armés. Cette pratique a évolué pour mieux répondre à la nature et aux besoins spécifiques de chaque conflit.De 1948 à 1988 a-t-il dit, l'ONU a entrepris quinze OMP. Bien plus, l'Afrique est le continent où les forces de maintien de la paix ont été le plus déployées au cours de ces dernières années. Toutefois, l'auteur se pose des questions à propos de l'efficacité et du succès de ces opérations quant au règlement pacifique de ces conflits. Sans pour autant faire l'apologie de l'ONU, l'ouvrage du professeur Médard NZE OKOME tente de mettre en relief la contribution de cette dernière dans le maintien de la paix et la sécurité en Afrique Centrale.

Dans son article « Le rôle des organisations régionales dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales71(*) », le professeur Michel LIEGEOIS s'efforce de cerner l'activité croissante des organisations régionales dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Après un rapide rappel des débats qui ont présidé à la fondation de l'ONU, une revue de l'évolution de l'architecture internationale de sécurité permet de mesurer l'importance des changements intervenus en, un peu plus, d'un demi-siècle.

Pour le général de division VIJAY KUMAR Jetley dans « Le maintien de la paix par des organisations régionales72(*)», après avoir rappelé brièvement l'histoire des organisations régionales, pense avec malheur que leur modus operandi d'exécution de missions qui relèvent de l'ONU reste une zone floue pour la plupart des temps.Et, poursuit-il, pour mieux comprendre les forces régionales, il est essentiel d'être familiarisé avec le rôle joué par les organisations régionales dans le maintien de la paix, en particulier quant à la nature et à l'ampleur de l'intervention des forces régionales, aux formes de coopération entre ces dernières et l'ONU, ainsi qu'aux avantages et aux inconvénients de l'emploi de forces régionales comparé au recours à l'ONU.

Dans « RCA. Crises et guerres civiles. Essai non encore concluant pour l'Architecture Africaine de Paix et de Sécurité (AAPS) de l'UA73(*) », le professeur Alain FOGUE TEDOM démontre que la recherche de solutions africaines aux multiples conflits qui déchirent le continent est encore loin de porter les résultats à la hauteur des défis. Comme en témoignent l'histoire récente de la RCA, l'échec de l'OUA a fait en sorte que dès 2002 l'UA a lancé l'ambitieux chantier de l'AAPS.

L'AAPS découle de la mise en application de la réforme du Chapitre VIII de la Charte de l'ONU sur les « Accords ou organismes régionaux ». Elle combine les principes de subsidiarité et de suppléance, et poursuit l'objectif de doter le continent d'une réelle capacité en matière de prévention, de gestion et de consolidation de la paix. Plus de dix-huit ans après son entrée en vigueur le 25 mai 2004, le professeur remarque que l'AAPS a eu, avec les crises et guerres civiles centrafricaines et notamment la seconde guerre qui a ébranlé le pays, l'occasion de démontrer son efficacité ; malheureusement, conclut l'auteur, le principe de subsidiarité sur lequel elle repose n'a pas bien fonctionné.

Dans son mémoire intituléL'intervention de la CEEAC dans le conflit en RCA74(*), monsieur Arsène Stéphane ZINDI est arrivé à la conclusion selon laquelle l'étude de l'intervention de CEEAC dans la crise centrafricaine permet de constater que cette action s'inscrit dans une dynamique à la fois régionale et universelle. Il remarque qu'en effet, depuis les indépendances des années 1960, l'Afrique a connu plus d'un conflit armé et des pertes énormes. Il poursuit qu'heureusement, les Etats et les gouvernants africains sont conscients du fait que ces conflits armés constituent un obstacle majeur à la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales.

Enfin, le docteur Patrice GOURDIN dans son écrit « République Centrafricaine : géopolitique d'un pays oublié75(*) » montre que la RCA constitue un cas géopolitique particulier ; carrefour enclavé au coeur de l'Afrique, elle ne manque pas de ressources. Mais certains de ses malheurs découlent, en partie, d'un héritage colonial et d'une mal gouvernance. Il convoque en l'espèce les propos de l'ancien premier ministre centrafricainet leader du parti politique Mouvement de Libération pour le Peuple Centrafricain (MLPC) monsieur Martin ZIGUELE selon lesquels : « le premier mal de l'Afrique (...) est la mauvaise gouvernance et la gabegie ». Selon lui, les Chefs d'Etats africains « n'ont pas su gérer les territoires des Etats hérités de la colonisation (...) ont laissé sombrer en déliquescence, faute de conscience nationale et de préparation ».

Poste de vigie stratégique durant la guerre froide, la RCA a perdu tout intérêt pour les puissances occidentales après l'effondrement de l'empire soviétique et devint un lieu d'affrontement d'ambitions régionales, où des acteurs illégaux prospèrent. Pour le docteur, le sort peu enviable de l'Oubangui Chari suscita le sobriquet de « cendrillon de l'empire ». L'instabilité politique de la RCA, poursuit l'auteur, son naufrage économique, l'instrumentalisation régionale et l'indifférence internationale témoignent de l'absence du « prince rédempteur ». Le docteur termine en disant qu'on ne saurait mieux résumer la situation de la RCA et que, voilà probablement pourquoi le monde « oublie » et risque d'oublier encore pour longtemps la RCA.

Toutefois, même s'il faut se satisfaire de l'ensemble des écrits de ces différents auteurs, de la professeure BOISSON DE CHAZOURNES au docteur GOURDIN en passant par les professeurs FOGUE TEDOM et NZE OKOME, qui seront d'une grande utilité tout le long de cette étude, une chose, nous semble-t-il, n'a été prise en compte par aucun d'eux sinon de façon approfondie ou singulière : la contextualisation de l'étude sur la régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales sous le fondement du Chapitre VIII de la Charte, et avec une prise en compte concomitante de divers acteurs. En tout état de cause, les derniers professeurs n'étaient pas loin de « combler notre soif », (...) tant mieux ! Qu'il s'agisse du professeur NZE OKOME ou FOGUE TEDOM, une seule organisation a été prise en compte (ONU d'une part, et UA d'autre part) ; et le premier auteur a traité d'ailleurs de toute une sous-région (Afrique centrale).

La particularité de cette étude ou alors son originalité résidera dans le fait que nous donnerons, à partir, aussi bien des actes que des faits juridiques conséquents, notre point de vue (suivi d'une démonstration) sur la relation qui existe entre un certain nombred'organisations internationales dans le cadre du processus de règlement d'un CANI. A ce titre, même si parfois nous serons amenés à faire des développements quelque peu théoriques,le plus important de la démarche consistera à transposer régulièrement ces considérations (théoriques) à notre objet d'étude qui est le conflit en RCA. Quoi qu'il en soit, cette étude a un intérêt qui ne saurait être mis de côté.

* 62 FAU-NOUGARET (Matthieu), « L'Afrique est-elle un objet d'études scientifiques pour le juriste ? » Communication présentée lors du Colloque international de Brest sur « L'Afrique en discours. Lieux communs et stéréotypes de la crise », Brest, 7-9 octobre 2010. Consulté sur www.google.fr le 21 février 2017.

* 63 TAWA (Netton Prince), « Interventions internationales et résolution des conflits en Afrique noire : Bilan et perspectives », NAP n°12, août 2013, pp. 1-9.

* 64BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence),« Les relations entre organisations régionales et organisations universelles », RCADI, Vol. 347, 2011, pp.101-136.

* 65Idem. pp.238-347.

* 66 BENCHIKH (Madjid) (dir.), Les organisations internationales et les conflits armés, actes du colloque international organisé par l'école doctorale du droit de l'Université de Cergy Pantoise les 12 et 13 mai 2000, Paris-Budapest-Torino, L'Harmattan, 2000, 208p.

* 67 BENCHIKH (Madjid) (dir.), op. cit.pp. 19-60.

* 68 Ibid., pp. 61-84.

* 69 SOREL (Jean-Marc) et al. (dir.), L'effectivité des organisations internationales : mécanismes de suivi et de contrôle, Athènes-Paris, Pedone, 2000, pp. 329 et ss.

* 70 NZE EKOME (Médard), Le rôle et la contribution de de l'ONU dans la résolution pacifique des conflits en Afrique. Cas de l'Afrique Centrale. Essai, Editions Mare et Martin, Londres, Géodif, 2009, 317p.

* 71 LIEGEOIS (Michel), « Le rôle des organisations régionales dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales », Coll. Géopolitique et résolution des conflits, n°9, in Gaëlle PELLON et Michel LIEGEOIS, Les organisations régionales et la sécurité en Europe - Vers une régionalisation de la sécurité ? Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2010, pp. 53-75.

* 72KUMAR JETLEY (Vijay), « Le maintien de la paix par des organisations régionales », ASPJ Afrique et Francophonie, Vol. 1, 3ème trimestre 2010, pp. 24-33.

* 73 FOGUE TEDOM (Alain), « RCA. Crises et guerres civiles. Essai non encore concluant pour l'Architecture Africaine de Paix et de Sécurité (AAPS) de l'UA », Revue géopolitique, Yaoundé, 22 février 2015, pp. 1-8 .

* 74ZINDI (Arsène Stéphane), L'intervention de la CEEAC dans le conflit en République Centrafricaine, Mémoire de Master-Recherche en Droit public, Université de Yaoundé II, 2013-2014, 142p.

* 75 GOURDIN (Patrice), « République Centrafricaine : géopolitique d'un pays oublié », article de presse, publié dans le journal en ligne Taka parler News, n° 64, 21 juin 2015. Consulté le 09 juillet 2017.

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