2.2. Types d'actionnariats
La plupart de pays disposent actuellement des nombreuses
entreprises individuelles, mais la contribution de ces dernières
à la production nationale reste faible. La grande partie de la
production nationale est réalisée par de grandes
sociétés dont le capital se trouve dans les mains des
actionnaires et qui sont dirigées par des managers salariés
(Koening, 1998). S'il convient encore une fois de rappeler ici cette citation
de M. Rioux (2012) : « les firmes multinationales sont aujourd'hui les
vecteurs les plus structurants des processus d'intégration et de
transformation de l'économie et de la société mondiale.
Elles se sont imposées face au marché et aux flux commerciaux,
et, qu'on s'en réjouisse ou non, elles peuvent être
considérées comme la plus grande innovation du
20ème siècle en tant que nouvelle méthode
d'organisation de la production ».
Quiconque désire créer une entreprise à
moindre cout et le plus simple possible, opte pour une entreprise
unipersonnelle. Cela lui donne de nombreux avantages dans la mesure où
il est le seul propriétaire, il perçoit
l'intégralité des gains provenant de ses efforts et ne risque pas
de perdre le contrôle de son entreprise (Gérard, 2000). Cependant,
l'entreprise individuelle présente aussi des inconvénients.
L'entrepreneur étant le seul propriétaire et dirigent, bien que
ses décisions touchent les autres parties prenantes de son entreprise
(fournisseurs, clients, employés, etc.), sa responsabilité n'est
pas limitée, que cela porte sur l'intégralité de son
patrimoine. Dans le cas d'une entreprise individuelle, le développement
de celle-ci reste limité aux capacités du patrimoine de
l'entrepreneur. Comme évoqué ci haut, en RDC, l'accès
à l'emprunt n'étant pas aisé pour biens des entreprises,
afin de limiter le risque qu'encoure l'entrepreneur, dans ce cas, l'ouverture
de l'actionnariat devient salutaire pour le développement de
l'entreprise.
Malgré les difficultés financières que
rencontrent nombreuses entreprises congolaises en général et
lushoises en particulier, l'initiative de faire appel au capital-investissement
pour augmenter leur capacité de production n'est toujours pas en
pratique. (Gérard, 2000) , justifie ce comportement par le fait que,
dans l'esprit du fondateur, le poids des arguments en faveur de
19
l'élargissement de l'actionnariat n'est toujours pas
facile à mesurer. Sans doute, il est buté à des multiples
interrogations : les fonds propres apportés par les investisseurs
sécuriseront ils la croissance de l'entreprise, voir
l'accélérer ?
Si l'ouverture de l'actionnariat (augmentation du capital)
permet la croissance de l'entreprise (augmenter sa taille, ses capacités
de production), plusieurs études ont montré le rôle que
joue la taille de l'entreprise dans son activité économique.
L'étude de (Cette & Daniel, 1992) montre que la rentabilité
et la productivité des entreprises dépendent de leur dimension.
Il en ressort que dans 85% des secteurs d'activités, il existe une
tranche de taille optimum et on observe une correspondance partielle ou
parfaite des tailles optimales, productivité et rentabilité dans
huit secteurs sur dix, et qu'une meilleure efficacité productive va
généralement de pair avec une meilleure rentabilité. Se
basant à cette étude nous pouvons comprendre pourquoi à
Lubumbashi comme en RDC en général, dans certains secteurs
d'activité (comme les mines, le pétrole, le mobilier,
l'industrie, les banques ou les assurances etc.) nous trouvons moins ou presque
pas d'entreprises à capitaux congolais.
Plusieurs études ont démontré le
rôle important que joue la taille de l'entreprise dans le domaine de
compétitivité. Selon (Bussenault & Martine Pretet, 2002)
« la compétitivité est l'aptitude de l'entreprise
à soutenir durablement la concurrence sous toutes ses formes
». Il s'agit de la capacité à maintenir le niveau de
présentation en s'adaptant à toutes les évolutions, aussi
bien dans les techniques que dans les gouts et les modes d'utilisation de ses
ressources. Elles définissent en fin l'entreprise compétitive
comme celle qui, à tout moment, fournit au client un rapport
cout/avantage ou un rapport au moins équivalent à celui offert
par ses concurrents.
L'étude de (Savoye, 1994) montre que le positionnement
de l'entreprise sur son marché est relatif à sa taille. Ce
positionnement selon la taille s'explique tout d'abord par le fait que,
bénéficier de l'avantage d'exercer certaines activités
techniques est relié à la taille des entreprises. Selon cette
étude, moins d'une TPE industrielle sur dix est située sur un
point fort du commerce extérieur contre une entreprise de 100 à
200 salariés sur quatre, une entreprise de 200 à 500
salariés sur trois et près d'une grande entreprise sur deux y
arrivent.
Plus les entreprises industrielles sont grandes, plus elles se
situent donc sur le champ des activités dans lequel les avantages
compétitifs par rapport à la concurrence étrangère
paraissent les mieux affirmés. (Roy, 2001), lui dans son étude
portant sur l'agressivité concurrentielle, la taille et la performance
des entreprises, démontre que les PME sont vulnérables que les
grandes entreprises dans des situations d'affrontement. Selon son étude,
la performance des entreprises de petite taille diminue lorsque ces
dernières se livrent à des manoeuvres agressives et que leurs
concurrents fassent de même.
(Thomas, 2012), quant à lui, établit un lien
entre le risque de l'actionnaire et la taille de son entreprise en montrant que
l'actionnaire encoure un risque en capital très important selon qu'il
investit dans une TPE, PME que dans un grand Groupe. Le tableau suivant montre
la différence de ces risques de l'actionnaire selon les
différentes tailles des entreprises
Vu ce qui précède, il est vrai de dire que
valoriser les placements de particuliers dans le capital des PME non
cotées est un objectif séduisant. Les personnes physiques jouent
un rôle très
20
Tableau 1 : Risque de l'actionnaire par
rapport à la taille de l'entreprise
Type de risque De l'actionnaire
|
Taille de l'entreprise
|
Grand groupe
|
PME
|
TPE
|
Risque de faillite
|
Nul
|
Non nul
|
Elevé
|
Risque de liquidité
|
Très faible
|
Important
|
Très élevé
|
Risque en capital
|
Faible
|
Important
|
Très important
|
Source : (Thomas, 2012)
A partir de ce tableau, nous remarquons que plus l'entreprise
est petite, plus le(s) propriétaire(s) encoure(nt) des risques
énormes pouvant même aller à la perte de leur
investissement.
Par ailleurs, (Choinel, 2000)considère le
capital-investissement comme ayant pour objet essentiel le financement du
développement de l'entreprise, puis ajoute en disant que toute
considération en terme de dilution des actionnaires fondateurs devrait
passer après l'intérêt de l'entreprise qui est de boucler
son plan de financement, et non de restreindre son expansion ou de s'affaiblir
faute de fonds propres suffisants. En outre, (Choinel, 2000) définit Le
capital-investissement comme une mise en disponibilité des moyens
destinés à accompagner en capital ou en quasi-capital d'une
entreprise déjà bien positionnée sur ses marchés,
de façon à accélérer sa croissance, tout en
réalisant une plus-value significative en fin de période. Cette
manière de voir les choses vient appuyer notre problématique de
recherche qui se résume en la question : Pourquoi la plupart des
entreprises congolaises n'ouvrent pas leur capital à l'épargne du
publique malgré leurs besoins en financement et les difficultés
d'obtenir un financement par l'intermédiation des banques ?
Selon (Koening, 1998), les managers sont
considérés comme des agents rationnels. Ils forment dans une
entreprise un groupe homogène qui maximise une fonction d'utilité
en avenir certain. Ils sont peu contrôlés par les actionnaires
dans les firmes dont le capital est très dispersé. De ce fait,
ils sont incités à faire prévaloir leurs
intérêts sur ceux des détenteurs des titres, ce qui
constitue une source des conflits et pèse sur les couts d'agence.
Les travaux de (Yves, et al., 2014) portant sur la
structure de l'actionnariat et la performance de l'entreprise, font voir
que la part détenue par le premier actionnaire est positivement
associée avec la performance jusqu'à un certain niveau de
détention, puis négativement associée avec la performance
jusqu'au-delà de ce seuil. Ces résultats laissent entendre
qu'au-delà d'un certain niveau, la concentration du principal
actionnaire est défavorable à la performance de l'entreprise.
(Labelle & Alain Schatt, 2005), quant à eux, dans leur étude
sur la « Structure de propriété et communication
financière des entreprises françaises », trouvent que
quand le public détient une part élevée des actions, les
dirigeants communiquent bien afin de s'adjuger le soutien du public et
éviter ainsi le risque de remplacement associé à la
menace.
21
important pour financer les projets de développement,
voir les projets innovants. C'est d'ailleurs ce qui s'est observé aux
Etats-Unis en jouant un rôle moteur non seulement par leurs capitaux,
mais aussi par leurs compétences technologiques dans le domaine. Selon
(Choinel, 2000), les personnes physiques constituent une source des capitaux de
proximité et qui demeurent abondants avec des règles du jeu
claires et jouissant d'une la fiscalité avantageuse. Ceci justifie de
manière significative l'importance de recourir au capital-investissement
pour une croissance rapide de l'entreprise.
Comme nous l'avons susmentionné dans nos pages
précédentes, Dayan et al. (2004) considèrent l'entreprise
comme une interface entre les sources de financement et des projets
d'investissement. D'une manière générale, l'entreprise
doit trouver les fonds nécessaires à son fonctionnement
auprès de divers apporteurs des capitaux afin de réaliser les
investissements nécessaires. C'est ainsi que, afin d'acquérir les
fonds dont elle a besoin, elle peut recourir à des particuliers,
à ses salariés, etc.
D'après Core et Guay (2001) ; Kroumollo & Sesil
(2006), plus le capital humain est spécifique, plus il devient difficile
à contrôler, et au lieu de s'investir dans le monitoring, il est
préférable de recourir aux rémunérations
incitatives notamment l'actionnariat salarié. L'actionnariat
salarié peut contribuer à renforcer le contrôle de
l'équipe dirigeante par la participation des salariés
actionnaires aux organes de gestion. De même, ils peuvent s'allier avec
les actionnaires minoritaires afin d'agir contre leur spoliation par les
actionnaires majoritaires, (Hanen & Mohamed , 2008).
L'actionnariat salarié permet d'aligner les
intérêts des salariés sur ceux des actionnaires ce qui doit
permettre à l'entreprise de réduire les couts induits par les
conflits d'agence potentiels. L'actionnariat salarié doit engendrer des
effets positifs identifiables au niveau individuel (augmentation de la
satisfaction et de la performance du salarié) comme au niveau
organisationnel (réduction des inefficience, augmentation de la
productivité et la performance de l'entreprise) (Hollandts & Zied,
2003).
Certaines entreprises se trouvent contraintes de par leur
nature (entreprise familiale, étatique, etc.), leur forme juridique
(selon qu'elles sont des SNC, des SARL, SCS, ou SA) ou par leur politique, ce
qui les condamne de ne pas permettre à d'autres partenaires de
contribuer à leur capital. Le cas échéant est celui des
sociétés à nom collectif (dont l'entrée comme la
sortie de l'un des associés entraine la nullité de cette
société) et des entreprises familiales.
Néanmoins, ces problèmes liés à la
forme juridique trouvent un moyen d'y remédier. L'Acte uniforme
révisé relatif au Droit des Sociétés commerciales
et du Groupement d'Intérêt économique préconise que
l'augmentation du capital doit faire objet d'enregistrement au Registre de
Commerce et de Crédit Mobilier (RCCM en sigle). Cet enregistrement fait
objet de modification des statuts. Si une société le
désire, elle a donc même le choix de modifier sa forme juridique
sans entrainer la naissance d'une société nouvelle. Donc, ceci se
présente comme des mesures palliatives aux contraintes juridiques
pouvant empêcher à une société de faire recours au
capital-investissement pour son financement.
Ainsi, bien que la forme juridique puisse être une
contrainte de faire appel au capital-investissement, ceci peut être
modifié en cas de besoin. Seules les sociétés à
caractère familial
22
présentent de grandes contraintes quant à cet
effet. Nous les analyserons dans nos paragraphes qui suivent.
Malgré que tous les entrepreneurs soient animés
par le même sentiment, celui de voir leur entreprise se
développer, les entreprises à caractère familial sont
confrontées à des limites dans leurs actions pouvant leur
permettre de se développer rapidement. A l'occasion du
200ème anniversaire du groupe Peugeot, (un groupe industriel
français appartenant à la famille Peugeot), le nouveau patron
Christian Peugeot s'adressant à la presse, dans son allocution dit :
« l'entreprise ne nous appartient pas au sens où elle a
été développée par nos ancêtres : nous avons
collectivement le sentiment de devoir transmettre l'entreprise »
(Alain, B. et Didier C., 2010, p.6 ; (Patrice & Céline, 2004). Cet
objectif de transmettre l'entreprise aux progénitures est l'obstacle
majeur pour l'entreprise de faire appel au capital-investissement.
(Hau & Nicolas, 2007), pour leur part, dans leur
étude historique sur les dynasties alsaciennes, relatent
l'existence des dispositifs explicites obligeant les héritiers à
poursuivre la limitation des dividendes distribués et le
réinvestissement d'une large partie des bénéfices
réalisés. Ceci se rapporte aux résultats de l'étude
sur la « Gouvernance familiale et politique de distribution aux
actionnaires » menée par (Patrice & Céline, 2004),
qui font voir que toutes les entreprises familiales distribuent moins que les
entreprises non familiales. De plus, parmi les entreprises familiales, il
existe des différences significatives de distribution selon que la
famille soit minoritaire ou majoritaire et selon que la direction soit
familiale ou non.
En analysant la philosophie de l'entreprise familiale, dans un
contexte comme le nôtre, l'investisseur en capital-investissement
étant à la recherche de rendement de ses capitaux, les politiques
de l'entreprise familiale risquent de le décourager de
s'intéresser à celle-ci.
Dans leur étude intitulée « Analyse
multi variable de la performance des PME familiales une lecture par la
théorie positive de l'agence », (Charlier & Gilles, 2009)
identifient quatre formes de gouvernance de l'entreprise familiale :
? La gouvernance où la famille réunit les
critères de contrôle et de direction ;
? La gouvernance où la famille qui contrôle le
droit de vote choisit de recruter un dirigeant extérieur ;
? La gouvernance où l'entreprise n'est pas
contrôlée majoritairement par la famille, tout en restant
dirigée par celle-ci ;
? La gouvernance où l'entreprise n'est plus
contrôlée par la famille mais reste dirigée par un de ses
membres
Cette même étude de (Charlier & Gilles, 2009)
montre que les performances moyennes des entreprises contrôlées et
dirigées par la famille sont significativement inférieures de
celles des entreprises contrôlées par la famille avec un dirigeant
extérieur et de celles des entreprises dirigées par la famille
qui n'est pas l'actionnaire principale. Il apparait que les entreprises
familiales contrôlées et dirigées par la famille sont moins
performantes que les deux autres modes de gouvernance familiales. Ces
résultats montrent également que les entreprises dirigées
par une famille minoritaire ont une performance nettement plus
élevée
23
? Synthèse et conclusion de la
littérature
Cette revue de littérature nous a été
utile dans la mesure où elle nous a permis à comprendre notre
thème en affrontant les différents résultats et
pensées des autres auteurs ayant traité des sujets voisins
à ceci.
Les trois théories expliquant le
phénomène de notre recherche nous ont permis non seulement de
comprendre le bienfait pour une entreprise de recourir au
capital-investissement pour se financer mais aussi les méfaits que
présente une telle action pour l'entreprise ainsi que les contraintes
pouvant motiver la réticence d'un entrepreneur d'y recourir.
Notre littérature nous a permis de comprendre les
avantages et désavantages que présente chaque source de
financement de l'entreprise tout en soulignant que l'ouverture de
l'actionnariat serait la source de financement fiable pour un environnement
comme le nôtre où se posent des difficultés d'accès
au crédit bancaire. Elle finit en décrivant les différents
types d'actionnariats que peut pratiquer une entreprise tout en
spécifiant les avantages que procurent ces derniers.
Afin de comprendre le contexte de notre étude et les
méthodes et techniques que nous avons utilisées pour aboutir
à nos résultats, comme annoncé dans l'introduction, le
deuxième chapitre venant après ce paragraphe est consacré
à la présentation de notre champ empirique et la
méthodologie de recherche.
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