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Le développement des ports de plaisance en droit de l’urbanisme et de l’environnement.


par Yao Justin OUATTARA
Université La Rochelle - Master 2 Droit public 2020
  

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B. Le réseau Natura 2000

51 L. BORDEREAUX, Op. cit, p. 57

52 Créé le 15 avril 2015 par décret du ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie.

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En droit interne, le code de l'environnement prévoit des dispositions en faveur de la protection du patrimoine naturel et plus spécifiquement la conservation des habitats naturels de la faune et de la flore sauvages. Le réseau Natura 2000 est un outil remarquable au service de la politique de préservation des sites naturels et au maintien de la diversité biologique. Ce réseau issu du droit de l'union européenne repose sur deux directives adoptées respectivement en 1979 et 1992. La première 53 vise àÌ protéger tous les oiseaux sauvages et leurs principaux habitats sur tout le territoire européen. La seconde54 quant à elle, instaure des mesures très similaires, mais étend son champ d'application àÌ près de 1 000 autres espèces rares, menacées ou endémiques de la faune et de la flore, souvent désignées collectivement sous le terme générique d'« espèces d'importance européenne »55.

Il conviendra de présenter de façon technique le dispositif de protection dans le cadre de la politique Natura 2000 (1) avant de s'intéresser à la gestion à proprement parler du site qui passe essentiellement par le document d'objectif (2)

1. La politique de protection Natura 2000

a. Le dispositif Natura 2000 et les ports de plaisance

Les deux directives qui forment l'ossature de la politique Natura 2000 ont été transposé en France à l'instar de plusieurs autres États européens. Le réseau Natura intéresse particulièrement notre étude sur les ports de plaisance pour plusieurs raisons.

La première tient à sa vocation première qui est de protéger les milieux naturels et les espèces d'importance communautaire. On déduit que les règles issues ce dispositif de protection sont contraignantes et susceptibles de limiter la possibilité de réalisation de certaines activités humaines dans les hypothèses où l'on se retrouverait en présence d'un site classé Natura 2000.

La seconde est relative au caractère terrestre et/ou marin des sites Natura 2000 qui n'est pas négligeable. En ce qui concerne le volet marin, la jurisprudence56 de la CJCE admet que le réseau doit être étendu à toutes les zones sur lesquelles les États côtiers exercent des droits souverains. Cet aspect des sites Natura 2000 nous permet de faire le lien avec les ports de plaisance, d'où l'intérêt d'évoquer cette législation dans le cadre de notre étude.

53 La directive Oiseaux 79/409/CEE du 2 avril 1979 remplacée par la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009.

54 La directive Habitats 92/43/CEE relative à la conservation des habitats naturels ainsi que des espèces de la faune et de la flore sauvages

55 Commission européenne, les directives oiseaux et habitats au service de la nature et des citoyens en Europe, https://www.natura2000.fr/sites/default/files/rapport_ce_2019_fr

56 CJCE, 20 octobre 2005, C-6/04, Commission c. Royaume-Uni

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b. La mise en oeuvre technique

De façon pratique, le réseau Natura 2000 repose sur une délimitation spatiale de zones à protéger, lesquelles sont constituées de zones de protection spéciale (ZPS) au titre de la directive « oiseaux » et de zones spéciales de conservation (ZSC) au titre de la directive « habitats ».

Une liberté est laissée aux États de désigner les sites qui pourraient faire l'objet de protection. La sélection repose sur des critères scientifiques et doit se faire en prenant en compte les sites qui présentent un intérêt communautaire.

Outre la sélection des sites et l'application du régime de protection, les mesures de protection prises sur le fondement des directives doivent intégrer les « exigences économiques, sociales et culturelles ainsi que des particularités régionales et locales des zones concernées »57. Ainsi un site Natura 2000 ne saurait faire l'objet d'une protection qui implique une négation totale d'activités humaines de toute nature. C'est fort de cette nécessité de prise en compte des intérêts parfois contradictoires que nous analyserons la question de la gestion des sites Natura 2000 et l'intégration de certaines activités à finalité économique comme les ports de plaisance.

2. La gestion des sites Natura 2000.

L'objectif principal de la gestion d'un site Natura 2000 est de veiller à préservation des ressources biologiques de sorte à atténuer voire empêcher les impacts de certaines activités humaines. Par ailleurs la protection des sites peut être conciliée avec la possibilité de réaliser certains aménagements parmi lesquels, les ports de plaisance. Cela renvoie à envisager dans cette analyse la nécessité de compatibilité des projets avec le document d'objectif du site faisant l'objet de protection (a). La procédure d'évaluation d'incidence Natura 2000 (b) apparait comme un outil essentiel dans la quête de l'équilibre entre la protection et la prise en compte des intérêts économiques, sociales et culturelles.

a. La nécessité d'une compatibilité des projets avec le document d'objectif.

57 P. MALINGREY, Introduction au droit de l'environnement. 5e ed., Tech & Doc, 2011, p. 58.

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Des exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales sont prises en compte au sein des sites Natura 2000. Les projets d'aménagements ou les activités humaines ne sont pas exclus des sites Natura 2000, sous réserve qu'ils soient compatibles avec les objectifs de conservation des habitats et des espèces qui ont justifié la désignation des sites.

Ces objectifs sont contenus dans un document de référence dénommé document d'objectifs (DOCOB).

Le contenu du DOCOB est défini à l'article R.414-11 du Code de l'environnement. Il doit contenir :

· Un rapport de présentation décrivant :

- l'état de conservation et les exigences écologiques des habitats naturels et des espèces qui justifient la désignation du site ;

- la localisation cartographique de ces habitats naturels et des habitats de ces espèces ;

- les mesures et actions de protection de toute nature qui, le cas échéant, s'appliquent au

site ;

- les activités humaines qui s'y exercent au regard, notamment, de leurs effets sur l'état de conservation des habitats et espèces ;

· Les objectifs de développement durable du site permettant d'assurer la conservation et, s'il y a lieu, la restauration des habitats naturels et des espèces, en prenant en compte les activités économiques, sociales, culturelles et de défense qui s'y exercent, ainsi que les particularités locales ;

· Des propositions de mesures de toute nature permettant d'atteindre les objectifs fixés et indiquant les priorités retenues dans leur mise en oeuvre, notamment au regard de l'état de conservation des habitats et des espèces au niveau national, des priorités mentionnées au second alinéa de l'article R.414-11, et de l'état de conservation des habitats et des espèces au niveau du site ;

· Un ou plusieurs cahiers des charges types applicables aux contrats Natura 2000 prévus aux articles R. 414-13 et suivants avec, pour chacun, l'objectif poursuivi, le périmètre d'application ainsi que les habitats et espèces intéressés et le coût ;

· La liste des engagements faisant l'objet de la charte Natura 2000du site, telle que définie à l'article R. 414-12 ;6 - les modalités de suivi des mesures projetées et les méthodes de surveillance des habitats et des espèces en vue de l'évaluation de leur état de conservation.

Le DOCOB est un document stratégique de gestion contraignant approuvé par le préfet. Il fait l'objet d'une évaluation régulière c'est-à-dire tous les 6 ans. En cas de bilan mitigé, le préfet peut procéder à sa révision et cela en accord avec le comité de pilotage du site.

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La mise en oeuvre du DOCOB se fait par le biais de contrats et chartes Natura 2000. Même si l'objectif principal est de protéger, il n'en demeure pas moins que « les contrats entre l'administration et les propriétaires sont encouragés ainsi que l'adhésion aux engagements des chartes Natura 2000 »58. Par ailleurs les contrats Natura 2000 doivent respecter les objectifs du DOCOB. C'est donc le lieu de s'intéresser à la valeur normative de ce document.

Le juge a effectivement reconnu l'obligation de conformité des contrats au DOCOB dans la mesure où celui-ci serait de nature à produire des effets de droit59. De surcroit le code de l'environnement en son article L. 414-3 est claire sur la question en ces termes : « le contrat Natura 2000 comporte un ensemble d'engagements conformes (sic) aux orientations et aux mesures définies par le document d'objectifs ». Cependant il n'en est pas de même pour les actes unilatéraux d'autorisation. En la matière le juge s'est montré prudent sur la question en refusant de consacrer une obligation de conformité entre l'autorisation et le DOCOB60. En tout état de cause, en l'état actuel de la jurisprudence, le juge administratif s'est contenté de rappeler une obligation de prise en compte par le préfet ce qui justifie qu'il fasse en la matière un contrôle minimum de l'erreur manifeste d'appréciation61.

b. La procédure d'évaluation d'incidence Natura 2000

Cette procédure découle de l'article 6 de la directive « habitats ». En effet les États doivent exiger une étude d'impact des projets d'aménagement dans les sites protégés par la règlementation Natura 2000 toutefois qu'un risque impact significatif du site est avéré. Cette obligation à la charge des États peut même s'étendre aux sites envoisinant les zones Natura 2000 quand les activités ou aménagements qui y sont réalisés peuvent avoir des répercussions sur le site. On peut donc reconnaitre sans équivoque le caractère préventif de la procédure d'évaluation d'impact. À y voir de plus près, la procédure d'évaluation emprunte aux principes fondamentaux du droit de l'environnement.

La mise en oeuvre du réseau s'appuie sur le principe de prévention qui vise à prévenir non seulement la détérioration des habitats naturels et des habitats des espèces mais aussi les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées. Le principe de prévention implique donc que toute source de détérioration ou de perturbation doit être évitée quelle que soit son origine ou sa nature.62

58 J. MORAND-DEVILLER, Le droit de l'environnement, Presses Universitaires de France,2019. p. 65

59 CE, 19 juin 2006, FDSEA de la Vendée, n° 266435

60 X. BRAUD, « Protection de la nature ». RJE volume 44, 2019, n°1, p. 195.

61 TA Clermont-Ferrand, 17 décembre 2015, Association Fédération Allier Nature, n° 1401577

62 CJCE, 13 février 2003, Commission c/ Luxembourg : le principe de prévention fait l'objet d'une interprétation large donc assez exigeante

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En outre le principe de précaution est également invoqué. En vertu de ce principe, « l'absence de certitude compte tenu des connaissances scientifiques et techniques ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommage grave et irréversible à l'environnement à un cout économiquement acceptable »63. La cour de justice de l'union européenne (CJUE) dans sa jurisprudence du 10 janvier 2006, Commission des communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne64, se fonde sur ce principe pour analyser certains projets susceptibles de porter atteinte aux sites Natura 2000.

En droit français, le dispositif d'évaluation des incidences Natura 2000 est codifié aux articles L.414-4 et suivants et R.414-19 et suivants du code de l'environnement. Le dispositif d'évaluation des incidences Natura 2000 repose sur un système de listes positives fixant les activités soumises à évaluation des incidences.

À cet effet il existe une liste nationale fixée par décret et codifié à l'article R414-19 du code de l'environnement et d'autres listes locales qui sont fixées par arrêté préfectoral qui identifient au niveau local les activités soumises au régime d'évaluation d'incidence. Par exemple les manifestations nautiques en mer sont soumises à évaluation dans la zone Natura 2000 des pertuis charentais où le port de plaisance de La Rochelle est implanté65.

Pour les projets soumis à une obligation d'évaluation environnementale de droit commun c'est-à-dire une étude d'impact, cette étude peut tenir lieu d'évaluation d'incidences au titre de la règlementation Natura 200066. Ainsi l'étude doit être suffisante pour éviter le risque contentieux. Le juge administratif n'hésite pas annuler un projet en cas d'omission ou d'insuffisance de l'étude. Cependant une nuance doit être faite car le juge applique également la jurisprudence Danthony en la matière. Il n'annule que si l'insuffisance a été de nature à fausser l'information complète de la population sur le projet et à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative67. Par exemple en ce qui concerne le port de plaisance des minimes à La Rochelle, les associations de protection de l'environnement ont attaqué l'étude d'impact en prenant pour motif l'insuffisance de celle-ci. Le tribunal administratif a débouté les requérants au motif que l'insuffisance reprochée n'a pas été de nature à vicier la procédure.

63 Article L. 110-1 du code de l'environnement introduite par la « loi Barnier » du 2 février 1995. Ce principe à valeur constitutionnelle figure à l'article 5 de la charte de l'environnement de 2005.

64 CJCE, 10 janvier 2006, Commission des communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne, affaire C98/03.

65 Arrêté n° 2011/34 du 24 juin 2011, Préfecture maritime de l'atlantique.

66 Art. R. 414-22 code de l'environnement. A condition de satisfaire aux prescriptions du dossier d'évaluation.

67 CE, 14 octobre 2011, Société OCREAL, n° 323257.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille