SECTION 2 : DEFIS DES ALLIANCES ET COALITIONS
POLITIQUES
2.1. LA CONFIGURATION GEOPOLITIQUE63
La dimension d'un pays comme la République
Démocratique du Congo (2.345.410Km2) est un obstacle majeur
pour la majorité des formations politiques à y être
représentées de manière significative. Au regard du
multipartisme intégral, option privilégiée par la
constitution de la RDC en son article 6, il est difficile d'avoir un parti ou
coalition qui couvre son influence sur l'ensemble du territoire national. Si
nous étions dans un bipartisme ou multipartisme limité à
3, 4, ou 5, on aurait véritablement des structures influentes sur
l'ensemble du territoire national. Prenons l'exemple d'un pays comme la
Côte d'Ivoire 8 fois moins grande que la RDC qui a compris que le jeu
d'alliance dans la conquête du pouvoir serait inévitable.
Avec une trentaine de partis représentatifs, la
Côte d'Ivoire a eu au moins 3 grandes coalitions dont Rassemblement des
Houphouetistes pour la Démocratie et la paix (RHDP 5 Partis) qui a
porté Alassane OUATTARA au pouvoir et a obtenu la majorité
absolue aux législatives avec 204 sièges sur 255, la coalition
Nationale pour le changement (CNC, 7 partis) du candidat KOUADJO KONAN Bertin,
et l'Alliance des Forces Démocratiques (AFD, 12 Partis) qui a soutenu le
candidat Paul AFI NGUESSAN. Ces structures sans fouiller dans les
détails ont été des acteurs majeurs dans les
élections ivoiriennes de 2015. Dans un pays aux dimensions comme la RDC,
doublé
64 Eloge MAVUNGU POATY, la conquête
démocratique du pouvoir politique en RDC, les coalitions politiques :
option ou option ? P.6.
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de plus ou moins 599 partis politiques (2018), plus de 77
regroupements politiques, les coalitions sont les premières
stratégies en terme d'outils de conquêtes du pouvoir au service du
développement car l'étendue du territoire national congolais se
présente comme un obstacle à l'implantation effective d'un parti
faute non seulement des moyens financiers que soulèverait une telle
option mais aussi en raison de certaines pesanteurs culturelles.
2.2. LA SOCIOLOGIE ELECTORALE ET LE CARACTERE EMBRYONNAIRE
DE LA DEMOCRATIE CONGOLAISE64
La sociologie électorale de la RDC est fortement
calquée autour de l'identité ethnique. Dans une
société où la pauvreté mine la vie quotidienne, le
népotisme et le favoritisme sont quasiment devenus les pistes royales
pour accéder à un emploi, alors on préfère voter un
candidat avec qui on a des liens directs pour s'attirer certains
privilèges et facilites (emploi, promotion, prestige etc.).
A l'exception de la ville de Kinshasa qui avec son statut de
capitale, est une ville politique et multiethnique, le vote en RDC est d'abord
une affaire tribale. Les résultats des élections de 1959, 1960,
2006, 2011 et ceux de 2018 peuvent bien illustrer cela. La majorité des
électeurs votent par rapport à l'attachement ethnique qu'autre
chose, cela est une épreuve que la maturité politique de masse
n'est pas encore développée dans la culture politique congolaise.
Ce qui pour le moment peut trouver une explication et paraître «
normal » parce que la démocratie électorale n'est pas une
denrée habituelle aux communs de congolais et surtout par le fait qu'il
n'existe pas une démopedie qui familiariserait à l'apprentissage
des règles et de la pratique démocratique d'autant plus qu'il est
absurde de prétendre exercer la démocratie sans la
connaître.
La responsabilité de la méconnaissance de la
démocratie électorale, qui voudrait que le choix soit
orienté vers le meilleur profil des candidats et des programmes
politiques, reste partagée entre l'Etat et les différentes
structures de la société. Cette impéritie s'érige
comme un blocage aux aspects politiques du développement, et doit
être balayée par les partis, les regroupements politiques, les
ONG, faute de cela, le vote reste une affaire ethno-tribale, ce qui
empêche l'élargissement de l'électorat dans des
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circonscriptions où un potentiel candidat n'a pas des
liens tribaux ou ethniques. Quelle que soit la séduction que peut porter
un projet politique, il se voit limité à une sphère
restreinte. Seul un jeu d'alliance et une maturité politique pourraient
élargir les sphères d'influence d'un programme de
développement.
Ce phénomène de tribalisation de la vie politique
prit de l'importance suite à la mutation des associations
tribalo-culturelles en partis politiques vers les années 1958-1959,
lorsque les congolais ont eu pour la première fois, le droit de
créer des partis politiques.
La démocratie congolaise est encore à une phase
de construction nous l'avions dit. Il y a une méconnaissance des valeurs
qui fondent la démocratie et une absence de pratique
régulière de celle-ci. En analysant par exemple les
résultats de la présidentielle de 2011, il apparaît
très clairement que tous les candidats n'ont été mieux
votés que dans leurs fiefs identitaires. A titre exemplatif qu'en
Équateur aucun candidat parmi les 4 premiers n'a pu devancer KENGO WA
DONDO, c'est dans cette province qui est également sa province d'origine
ou il a été mieux voté par rapport aux 10 autres
provinces. Même analyse pour le candidat KAMHERE LWA KANYNGINI Vital,
bien qu'il n'ait pas eu le premier score, c'est dans la province du Sud-Kivu
où il est originaire. Le même constat pour Etienne TSHISEKEDI WA
MULUMBA dans son Kasaï natal où il s'est tiré avec 75,6% des
suffrages exprimés (tout en considérant le taux
d'électeurs omis 16% et un taux de participation qui n'était que
de 50,6%). Et ce pareil en scrutant les résultats du président
sortant Joseph KABILA KABANGE qui a obtenu près de 89% des suffrages
exprimés dans sa province du Katanga.
Ces 4 candidatures montrent clairement qu'il y a un lien entre
choix politique et identité ethnique. Cette donne embrigade et cloisonne
les chances d'un candidat à se faire adopter hors de sa cellulaire
identitaire, ce qui est également un obstacle à
l'intégration politique du Congo. A ce niveau, l'influence identitaire,
la réalité de notre démocratie impose le jeu d'alliance en
vue d'optimiser les chances de victoire d'une candidature et permettre par
conséquent au futur dirigeant d'acquérir une
légitimité beaucoup plus large.
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