3.3 La commercialisation du riz de la Vallée de
l'Artibonite
Comme le montre la figure 3.5 suivante, la commercialisation
du riz produit dans la Vallée de l'Artibonite est effectuée par
quatre (4) catégories d'acteurs principaux. D'abord, les petits et
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moyens riziculteurs qui vendent leurs productions soit sur le
marché local après transformation soit à des
intermédiaires commerciaux avant même la transformation. Ensuite,
les intermédiaires commerciaux ruraux, appelés aussi «
Madame Sarah locales ». Elles se sont souvent identifiées
comme étant la femme du riziculteur. Elles achètent le riz avant
transformation pour le transformer et le revend soit sur le marché
local, celui des villes avoisinantes ou à des « Madame Sarah
Urbaines ». Les « Gros commerçants » (grossistes)
achètent le riz produit par les grands producteurs pour le transformer
et vendre le riz décortiqué aux « Madame Sarah Urbaines
», assez souvent à crédit avec des délais de
paiement très longs. Les intermédiaires urbains emmagasinent le
riz décortiqué au marché de la Croix-des-Bossales. Enfin,
les détaillants qui se trouvent dans les grands marchés dans
l'Air Métropolitaine de Port-au-Prince (AMP) achètent le riz
stocké par les « Madame Sarah Urbaines » pour le
revendre aux consommateurs finaux. Par ailleurs, d'autres intervenants dans la
commercialisation du riz de l'Artibonite ont été
identifiés. C'est le cas des Chauffeurs et des porteurs, qui aident les
« Madame Sarah Urbaines » dans le transport et
l'emmagasinage du riz, développant ainsi une relation de
clientèle, appelée « pratique » avec ces
dernières (CNSA, 1996a).
Figure 3.5 : Circuit de distribution du riz de la Vallée
de l'Artibonite
Petits et Moyens
Producteurs
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Grands
Producteurs
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Transformateurs
Madan Sara
Urbaine
Madan Sara
Locale
Gros
Commercants
Dépots Croix-des-
bossales
Detaillants
Consommateurs
de provinces
Urbains
Detaillants
Consommateurs
Source : CJ-Consultants (2012 : 28).
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3.4 Faible pouvoir de négociation des
riziculteurs dans la formation des prix
Les riziculteurs et les associations de planteurs n'ont qu'un
faible pouvoir de négociation auprès des intermédiaires
commerciaux. Ces derniers jouent un rôle majeur dans la formation des
prix du riz produit dans la Vallée de l'Artibonite qui ne dépend
pas uniquement de la rencontre entre les courbes d'offre et de demande. Il
parait plausible que les « Madame Sarah », venant
particulièrement de Port-au-Prince, s'unissent entre elles pour fixer un
prix unique aux riziculteurs. Donc, ce sont ces dernières qui fixent le
prix des denrées cultivées par les agriculteurs sur leurs lopins
(CJ-Consultants, 2012). Puisque leurs productions sont livrées à
des prix très bas, nous pouvons affirmer que le système de
commercialisation en vigueur est préjudiciable aux riziculteurs d'une
façon générale et aux plus pauvres en particulier.
Par ailleurs, la situation financière des riziculteurs
qui ne les permet pas d'assurer la transformation et le stockage de leurs
productions les oblige à écouler la quasi-totalité du riz
produit à une même époque. Ce caractère
saisonnière de la riziculture haïtienne entraine un surplus dans
les saisons de récoltes et diminue le prix de la livre de paddy de 40%
soit un montant de 25 Gourdes contre 35 Gourdes dans le période de
pénurie. A ces prix d'acquisition, il faut ajouter les
différentes dépenses effectuées par les
intermédiaires (Madame Sarah locale, Grossistes, Madame Sarah Urbaine et
les détaillants) afin de déterminer le prix de vente du riz
décortiqué. Dans de pareilles conditions, le prix des
différentes variétés6 de riz produits dans la
Vallée de l'Artibonite est instable et nettement supérieur par
rapport à celui du riz importé. L'analyse des données du
MARNDR (2015) relate que pour le département de l'Ouest, entre avril
2015 et janvier 2016, le prix du riz Shella augmente de 20% en passant de 78.7
Gourdes/Kg à 94.6 Gourdes/Kg contrairement à celui du riz
importé (Tchaco) qui varie entre 38 Gourdes/kg et 42.8 Gourdes/Kg durant
cette même période.
Toutefois, force est de constater que même en
période de pleine récolte durant laquelle le prix du Paddy
diminue, l'obtention des taux de marges très élevés par
les « Madame Sarah Urbaines » ne permet pas la
répercussion de cette baisse de prix sur les consommateurs finaux (CNSA,
1996a), d'où le choix, par rationalité économique de ces
derniers, de consommer le riz importer que celui produit dans la Vallée
de l'Artibonite.
6 TCS-10, M8, Malaika, Shella, Prosequisa 4, Shelda et
Madame Gougous sont les variétés les plus cultivées.
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