2- L'heidinn sidr chez les Vikings
Il est primordial de commencer par mettre en avant que la
langue norroise ne possède pas de mot pour définir la «
religion » , on peut plutôt parler de « heidinn sidr
» (la pratique, la coutume païenne). 30En outre, dans
la série on observe plusieurs événement de culte marquant
qui semble inscrit dans la vie Viking. À l'exemple de la fertilisation
des champs avec des sacrifices animal pour répandre le sang et ainsi
fertilisé les cultures. Ou encore comme à Uppsala avec les
sacrifices des animaux et des hommes. En outre l'amitié entre Athelstan
un moine chrétien et Ragnar a permis de faire ressortir les
différences de croyances. La curiosité de Ragnar au sujet du dieu
unique des Anglo-Saxons permet l'exploration des différences existantes
avec les dieux nordiques.
Selon Régis BOYER, parler de religion serait trop
restreint et nous avons aujourd'hui une définition de ce terme trop
traditionnelle. Le terme « système de croyance »
serait plus approprié car il colle plus à la
société viking et à leur façon d'honorer leurs
dieux. À l'heure actuelle, très peu de chose sont connu de la
pratique de la religion nordique ancienne et le « paganisme »
viking n'a probablement jamais constitué une orthodoxie comme
Snorri Sturluson a essayé de la présenter. On peut même
dire qu'elle n'a jamais été comprise comme un système,
même par ceux qui la pratiquaient. Ce « culte » des
dieux du Nord n'était pas de l'adoration ni même une recherche
d'une approbation de leur part. Ce culte était donc très
différent de la relation qu'on les chrétiens avec le divin :
29 Snorri Sturluson, L'Edda :
traduit, introduit et annoté par François-Xavier Dillmann,
Gallimard, 1991, 319 p.
30 Régis BOYER, « L'Edda
poétique », l'espace intérieur, p.48-55
~ 35 ~
« La religion des Ases et des Vanes n'exigeait que la
reconnaissance de leur existence en tant que partie intégrale et
immuable de la nature humaine, de la société et du monde
naturel. »31
Dans la série , Mickael HIRST continue à creuser
la question du culte au grès des saisons en allant toujours plus loin,
choisissant un angle plus mystique pour aborder les différentes
religions au point que l'on peut avancer l'idée que son récit
s'égare de plus en plus entre une certaine authenticité et une
approche flirtant avec la fantasy. La reconstitution de la vie religieuse
nordique antérieure à la christianisation ne semble donc
guère cohérente avec la compréhension qu'en ont les
historiens actuels.
3- La magie et le chamanisme
C'est ainsi qu'il faut aborder un thème important qui
transparaît dans la série Vikings, mais qui était aussi
présent au sein du paganisme : le chamanisme et la magie.
Commençons d'abord par mettre en lumière des
éléments marquant de la série relevant de ce thème.
Je ne vais pas revenir ici sur les apparitions de dieux ou le personnage
d'Aslaug avec ses visions. Je veux mettre en lumière un personnage au
physique peu commun et important dans la série et résident
à Kattegat : le Voyant. Selon notre vocabulaire moderne, on pourrait
qualifier cet homme de devin possédant des pouvoirs mystiques et
réputé pour avoir une centaine d'années. Il communique
avec les dieux et est leur intermédiaire auprès des personnes
venant le consulter pour leur avenir. Ses prophéties sont floues et
peuvent être interprétées de plusieurs manières, de
plus, il ne s'implique pas dans la vie politique de Kattegat et ne montre
aucune hostilité envers les autres religions même s'ils les voient
comme une menace. Il aura plusieurs prophéties pour Ragnar et son
entourage qui les guideront. Néanmoins avant sa mort , Ragnar à
une vision du devin et le critique lui et ses prophéties qui selon lui
n'apporte que du malheur. Il en profite aussi pour décréter que
s'est
31 Price, N. (2005). L'esprit
Viking : magie et mentalité dans la société scandinave
ancienne. Dans : Régis Boyer éd., Les Vikings, premiers
Européens: VIIIe-XIe siècle. Les nouvelles découvertes de
l'archéologie (pp. 196-215). Paris: Autrement.
" 36 "
lui seul qui a décidé son propre destin et non
les dieux. Le Voyant se contente de lui dire qu'il a peut-être tort ou
raison, car c'est ça propre vérité.
L'univers religieux32 du Scandinave ancien est
très fortement imprégné de magie comme on peut le
constater à travers la lecture de l'Edda et des sagas. On pourrait
même dire qu'elle est le fondement du culte des anciens hommes du Nord.
Incarné par les « völur » (Singulier :
völva), ses voyant-e-s magicien-n-s jouissant d'un grand prestige (cf.
personnage d'Aslaug Siggurdsdottir : la völva). Pour faire un cours
résumé, on distingue trois sortes de magie chez les anciens
Scandinaves :
- Le seiðr : magie divinatoire et maléfique.
- Le blót : rite communiel d'appropriation de force. -
Le níð : magie diffamatoire à caractère sexuel.
L'univers Scandinave est aussi imprégné de
chamanisme. Selon Régis Boyer on entend par chamanisme dans ce contexte
:
« ...on entend un ensemble de pratiques et de croyances
conservées jusqu'à une époque récente dans l'Europe
du Nord-Est, l'Asie et l'Amérique. Il repose avant tout sur la croyance
en l'autre monde d'où vont les morts et les possibilités
laissées aux vivants de communiquer, par magie, avec lui »
On peut rapprocher le chaman à un
médecin-sorcier ou un prêtre qui a pour vocation de servir de lien
entre sa communauté et l'autre monde. Par sa transe, il peut pratiquer
un voyage vers le monde des défunts, visiter les deux pour avoir la
connaissance des choses cachés, prédire l'avenir ou encore
sauvés un esprit de la folie ou de la maladie. Fait intéressant
qui rejoint la série et le personnage du devin est celle de son
physique. En effet, pour devenir chaman, il faut subir une initiation qui est
physiquement et psychiquement difficile pour permettre à la personne
d'acquérir les connaissances ésotériques33.
Ainsi, le personnage du devin fait rentrer un peu plus la
magie et le chamanisme dans la série Vikings, mais on peut
déplorer son utilisation mystique à la limite du fantastique et
l'effacement des autres éléments passés sous silence comme
celle des runes. Même si dans
32 Si l'on peut le nommer ainsi.
33 Régis BOYER, « L'Edda poétique
», l'espace intérieur, p.588-647
" 37 "
notre monde contemporain, parler de magie relève
presque du fantasme, la banaliser et la transformer est dommage. La magie est
pourtant omniprésente dans tous les documents, archéologiques ou
historiques, figurés ou écrits, tous les dieux sont magiciens et
c'est sous cet angle qu'on peut rendre compte de l'intégralité du
sujet.
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