Investissements et croissance économique. Cas des secteurs de l’énergie et de l’eau au Bénin.par Mahougnon Raymonde Marie Claire HOUANGNI Ecole nationale d'économie appliquée et de management - Diplôme d'Ingénieur Statisticien Economiste 2017 |
2.1.1.3. Théories économiques sur le rôle de l'énergie dans la croissance économiqueLa relation entre la croissance économique et l'énergie électrique est très ancienne. En effet, l'utilité de l'énergie dans le processus de développement s'estfait ressentir depuis 1780 avec la révolution industrielle. Durant cette période, le souci d'apporter un nouveau souffle à une économie anglaise basée sur l'utilisation de techniques rudimentaires a permis à certains pionniers de l'époque (James Watt, 1763)32(*) de découvrir de nouvelles sources d'énergie et des machines utilisant de façon abondante l'énergie. Ces découvertes ont ainsi permis une véritable mutation de l'activité économique. C'est en effet à partir de la fin du XVIIIème siècle que de nombreuses découvertes eurent lieu, tant en chimie qu'en innovations techniques et mécaniques. Ce processus d'industrialisation a provoqué un changement des habitudes, de la nature de la production et une redynamisation de l'économie provoquant un exode rural vers les villes qui se développèrent autour des nouveaux sites de production. L'agriculture fut ainsi mécanisée ; les paysans passèrent ainsi d'une agriculture manuelle traditionnelle à une révolution agricole basée sur des machines et des produits chimiques. Ces innovations techniques n'auraient pas été possible sans le fruit des nouvelles inventions qui nécessitaient une utilisation massive de l'énergie pour fabriquer des machines à vapeur, tout d'abord, puis électriques par la suite. Le rôle de l'énergie dans le processus de croissance d'une nation a connu une évolution particulière dans la théorie économique. En dépit de l'importance du rôle qu'elle a joué pendant la révolution industrielle, les auteurs classiques et néo-classiques n'intègrent pas directement l'énergie comme facteur de production dans la détermination du produit global. Adam Smith, avec sa théorie de la valeur33(*) montre que la valeur d'un bien dépend uniquement de la quantité de travail nécessaire à sa production. La valeur d'un bien est donc déterminée par le seul facteur travail utilisé dans le processus de production. Tenir compte de cette conception de la valeur revient implicitement à occulter le rôle joué par l'énergie dans une période marquée par l'utilisation à grande échelle de machines durant la révolution industrielle. Pour pallier à cette insuffisance, Adam Smith va donc considérer que les plus-values tirées de l'utilisation des machines se diluent sous formes de profits et salaires. A l'instar d'Adam Smith, les théories de Jean Baptiste Say et de Ricardo n'intègrent pas l'énergie comme facteur de production. Cependant, c'est avec les travaux de Stanley Jevons en 1865 sur l'impact de la limitation de la production du charbon sur le développement industriel en Royaume Uni que l'introduction de l'énergie comme facteur de production va connaitre un essor. Malgré l'avertissement de Jevons sur l'utilité de l'énergie dans la croissance économique anglaise, les économistes classiques ne vont pas faire de l'énergie un facteur essentiel dans la détermination de la production nationale. Avec l'avènement des nouvelles théories de la croissance économique, le rôle que joue l'énergie dans la production sera également occulté. Ces auteurs (Solow, Barro, Becker, Romer) à l'instar de leurs prédécesseurs expliquent les performances des nations à partir d'autres facteurs (le progrès technique, l'innovation, les dépenses publiques, le capital humain et l'apprentissage par la pratique) autres que l'énergie. Les théoriciens de la croissance endogène ont retenu quatre (04) sources principales : l'accumulation de la connaissance, l'accumulation du capital humain, l'accumulation du capital technologique et les dépenses d'infrastructures publiques. Cette situation va perdurer jusqu'à l'avènement de la crise pétrolière en 1973. C'est à la suite des crises pétrolières et de ses impacts sur les économies que l'intérêt pour l'énergie comme facteur de production s'est fait ressentir dans les recherches économiques. Dans les années 1970, la nécessité de comprendre les liens entre les évolutions des ressources naturelles, en l'occurrence énergétique et l'économie a conduit à la reconnaissance de l'énergie, puis des matières premières, en tant que facteur de production. Cette prise de conscience a permis l'apparition des fonctions de production intégrant l'énergie et les matières premières comme facteur de production. Il s'agit des fonctions de production KLE (capital, travail, énergie)ou Klem (capital, travail, énergie, matière)34(*). Ces nouvelles fonctions de production se proposent d'étudier la croissance économique en intégrant un nouveau facteur de production qui est l'énergie. Cependant, la question relative aux hypothèses concernant la substituabilité se pose dans la formulation des fonctions de production (Percebois, 1989)35(*). La plupart des modèles macro-énergétiques ont longtemps utilisé des fonctions de production de type Cobb Douglas admettant une substituabilité parfaite entre ces facteurs de production. Elle suppose que quel que soit le niveau de production et la proportion des facteurs, l'élasticité de substitution est toujours égale à l'unité et la part relative en valeur des facteurs toujours constante (Gregory, Griffin 1976)36(*). Berndt et Wood (1979) soutiennent par contre l'existence d'une complémentarité entre le capital et l'énergie. Cette controverse pose le problème de «substituabilité technique brute» et de «complémentarité économique nette» entre l'énergie et le capital dans les processus de production. Par ailleurs, la compréhension de la dynamique de la relation entre l'énergie et la croissance économique doit tenir compte des autres facteurs de production. A l'instar des théories économiques sur le rôle de l'énergie dans la croissance économique, plusieurs études empiriques ont été menées dans le but de comprendre cette relation. * 32 Paul Dukes (2011), Minutes to Midnight: History and the Anthropocene Era from 1763 - Page 11 * 33 Gérard Jorland (1995), Paradoxes du capital - Page 40 * 34 Reiner Kümmel (2011), The Second Law of Economics: Energy, Entropy, and the Origins of Wealth, Page 180 * 35Mavor Michel Agbodan, ?Fulbert Gero Amoussouga (1995), Les facteurs de performance de l'entreprise - Page 207 * 36 Anil Markandya, ?Suzette Pedroso-Galinato (2005), How Substitutable is Natural Capital? - Page 12 |
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