2.3. Réflexion terminologique autour de la
linguistique-didactique
Voilà comment Soutet introduit la
linguistique-didactique dans la préface de l'ouvrage de
Bajriæ : [...] « ni une linguistique avec un
appendice didactique, ni une didactique des langues avec quelques miettes de
linguistique », (2013: 8). Cette discipline n'est effectivement pas une
juxtaposition de théories morcelées. En réalité,
elle fait figure de médiation entre les sciences humaines et
cognitives.
Tout d'abord, de par ses considérations lexicales
vis-à-vis de la pluralité des langues. Nous retenons la nouvelle
terminologie, présentée en introduction, qui attribue une
certaine équité autant aux sujets parlant qu'aux idiomes. De ce
fait, le locuteur est défini tel « tout individu », la langue,
quant à elle, comme « naturelle »
(Bajriæ, 2013: 313). Les verbes d'action en
corrélation avec la didactique des langues ne caractérisent plus
l'énonceur. Sont apparues plus précisément, des ressources
ontologiques qui engagent l'implication linguistique du locuteur : «
sentiment linguistique », « maîtrise de la langue »
(ibid.) reprenant de ce fait, les bases de la sociolinguistique interne. Par
ailleurs, les langues sont considérées en tant que substances
vivantes puisqu'elles sont marquées par l' « être »
(in esse), le « devenir » (in fieri) et le «
pouvoir » (in posse). La portée de cette modification, en
termes de pensée, résulte de la conception psychomécanique
de Guillaume qui établit la théorie du mouvement des langues. Les
trois idiomes synchronisent alors avec la mouvance des images mentales du
locuteur, qui en parlant, les saisit (Boone, Joly, 2004: 99-101). C'est
pourquoi, l'énonciateur se décline sous la trichotomie suivante :
locuteur confirmé, non confirmé et naïf
(Bajriæ, 2013: 313-314). En outre, ce dispositif interne
appartient à la linguistique humboldtienne car le langage est
assimilable à une impulsion génératrice
(Chabrolle-Cerretini, 2007: 83), antinomique donc avec une vision
mécaniste de l'univers. Et partant, empreinte d'une théorie
saussurienne cinétique (Boone, Joly, 2004 : 99-101) la
linguistique-didactique s'enquiert sur la dynamique entre le langage et
l'installation dans un nouvel idiome. Pour comprendre cette énergie, une
des notions centrales de la discipline sont les schèmes
psycholinguistiques que met en place un individu dans sa vie de locuteur et qui
favorise, ou non, sa « création ». Dans l'appropriation d'une
langue, le comportement langagier ainsi que l'intellection expriment les
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changements mentaux qui y sont catalysés, nous
orientant, en tant qu'apprentie-chercheure, vers la causalisation. Attendu que,
selon Guillaume, « La langue, en soi, n'exprime rien : elle
représente, elle est représentation » (Wittwer, 1997:
10).
De ces prolégomènes à la
linguistique-didactique, nous attirons l'attention en premier lieu, sur les
concepts philosophiques et psychologiques sur lesquels repose notre
étude de cas. Au travers de la nature de cette discipline, nous
réalisons que la seule observation « externe » du corpus ne
saurait pleinement répondre à notre problématique. En
second lieu, nous avons remarqué qu'analyser les comportements
psycho-discursifs (mécanismes mentaux et faits de langue) du locuteur
permet l'accès à la manière ou aux manières
d'exister dans un idiome. Tout bien considéré, l'ambition de
« cette nouvelle branche de la linguistique » (Soutet, 2013: 8)
concerne une tangibilité psychosystématique des sciences du
langage.
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