CONCLUSION
L'observation des élections est une sorte
d'enquête sous - régionale et internationale qui a pour but
l'établissement et la vérification de certains faits dont seront
tirées des conséquences politiques et juridiques. Et en tant que
procédure d'établissement des faits, elle devrait être vue
comme un des éléments constitutifs du contrôle de
l'exécution par les Etats de leurs obligations internationales. Les
appels réitérés en faveur d'une ouverture
démocratique par les partenaires au développement, avaient
laissé présager qu'on aboutirait à une consolidation de la
démocratie en Afrique. Toutes ces espérances se sont
avérées bien illusoires, car dans la pratique ces normes ne
s'imposent pas de la même manière à tous les États.
Et si certains en font des règles de la pratique politique, d'autres,
par contre, s'y réfèrent tout simplement comme un camouflage des
pratiques politiques décivilisées.
Par ailleurs, la mise à l'écart des rapports
d'observation constitue une restriction à la promotion du principe de
légitimité démocratique. Les sanctions censées
être dissuasives et correctives s'appliquent de manière
sélective, déterminées par les intérêts
égoïstes des États occidentaux ainsi que les calculs
cyniques des élites africaines.
Cette situation rend très difficile le contrôle
de l'effectivité des normes internationales relatives à la
liberté des élections et leur sanction en cas de manquement
à travers les mécanismes de suivi des rapports des observateurs
internationaux.
Il s'ensuit, à l'échelle sous - régionale
et régionale, un important déficit démocratique ayant pour
corollaire la restauration de la « démoc rature
»41.
Dans ces régimes survivraient des
éléments de démocratie (élections) amalgamés
avec des pratiques autoritaires.
Les missions de délégations «
d'observateurs électoraux » en deviennent quasiment
inutiles. Elles sont accusées à tort ou à raison d'oeuvrer
à conforter les dictatures mises en place dans leurs logiques de
confiscation des systèmes électoraux ou de mise en place de
systèmes institutionnels décriés pour organiser leur
pérennité au pouvoir.
Certains observateurs attentifs aux questions politiques des
États du Tiers-Monde vont jusqu'à préconiser sa
suppression pure et simple tant son inefficacité devient de plus en plus
frappante. Faut-il pour autant céder à ces condamnations au
risque de porter préjudice à un
41 Marc Liniger-Goumaz, « la
democrature, dictature camouflée, démocratie truquée
», Paris, L' Harmattan, 1992, 364 p.
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processus de démocratisation encore bien fragile dans
les États du Tiers-Monde, notamment de l'espace CEDEAO ?
Nous considérons, pour notre part que l'observation des
élections doit être poursuivie dans la mesure où elle est
un instrument susceptible de faire faire des progrès rapides à la
promotion et à la consolidation de la démocratie pluraliste.
Cependant, la pratique de l'observation des élections conduite par la
CEDEAO doit subir un « toilettage conceptuel
».42
En effet, si des progrès significatifs sont
observés dans certains pays, d'autres en revanche, connaissent encore
des dysfonctionnements révélant la difficulté qu'ils
éprouvent à s'approprier réellement et durablement les
règles et les mécanismes électoraux de base. Que ce soit
dans l'un ou l'autre cas, la pratique démocratique semble dès
lors s'inscrire, sans frontière, dans l'ordre du «
nécessaire », et la politique internationale africaine ne peut
que s'y conformer.
Toutefois, le fait qu'aucun État ne puisse se
revendiquer « non démocratique », est un indice du
succès ne serait-ce que symbolique de ces valeurs et de ces
principes.
Et, si l'État souverain doit se conformer au droit
international, il lui appartient d'apprécier quelles sont les exigences
de ce droit dans chaque situation, et dans chaque cas
d'espèce43. Aussi, seule une réflexion approfondie
permettra aux partenaires internationaux et aux États africains
eux-mêmes de définir de nouvelles perspectives et priorités
pour leurs actions en faveur de la démocratie afin que celle-ci
s'enracine profondément.
Mais en attendant cette réflexion qui mettra du temps
à se concrétiser pour des raisons égoïstes des
dirigeants africains, le présent mémoire propose un «
Système d'Ingénierie » capable de formaliser le concept la
« Nouvelle Conscience Régionale » en une
stratégie de décision sous régional très active
capable de corriger les abus des Chefs d'Etat africains en matière de
gouvernance électorale.
Cependant, la démocratie a-t-elle des chances de survie
dans un environnement de réseaux minés par des
intérêts des Chefs d'Etat qui sacrifient les besoins des
populations ? A la seule et unique condition que les peuples africains
décident de prendre leur destin en main et constituer une ligne de
front. C'est à ces conditions seules que l'Afrique de l'Ouest
francophone pourrait pacifier et sécuriser ses élections.
42 Contribution de DODZI KOKOROKO, «
La portée de l'observation internationale des élections
in VETTOVAGLIA JP., Jean du Bois de GAUDUSSON, Albert BOURGI, Christine
DESOUCHES, Joseph MAILA, Hugo SADA et André SALIFOU (éds),
Démocratie et élections dans l'espace francophone, Bruxelles,
Bruylant, 2010, pp.755-765.
43El Mekkaki (A.), Le
consentement des États membres dans le processus décisionnel des
Organisations internationales, Thèse, Nancy II, 1994, p.
200-205.
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