Année Universitaire 2017-2018
UNIVERSITE DE KINSHASA
FACULTE DE DROIT
DEPARTEMENT DE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC ET RELATIONS
INTERNATIONALES
UNE ANALYSE CRITIQUE DE LA PRATIQUE ACTUELLE DES
SANCTIONS
INTERNATIONALES
Par
MBOMBO MUDIANGOMBE Vinny
Gradué en
droit
Mémoire Présenté et défendu en
vue de l'obtention du grade de licencié en Droit. Le 06 mars
2019.
Sous la Direction de : TSHILOMBO KALOLO Bob
Professeur
Rapporteur: LUNGUNGU KIDIMBA Trésor Assistant
Jury composé de:
- Professeur Tabala, President du jury;
- Professeur Ntumba Bwatshia, Membre
- Professeur Tshilombo Kalolo, Directeur
ii
Discours
Monsieur le Professeur Président du jury,
Messieurs les Professeurs membres de la composition.
Permettez-nous, de débuter notre propos par vous
témoigner notre gratitude pour le savoir que nous avons reçu de
vous. En le faisant à vous ici présent, nous le faisons aussi
à l'endroit de vos collègues et de vos collaborateurs.
Ce devoir moral rempli. Nous allons très laconiquement,
vous présenter les grandes lignes de notre dissertation.
Messieurs les Professeurs!
Tout système des normes, pour assurer
l'efficacité de celles-ci, se dote des mesures de contraintes dites
sanctions.
Le droit international, quoiqu'on dise, dispose d'une
série des sanctions qui étaient hier
décentralisées, c'est-à-dire, appliquées par chaque
Etat, de manière privée donc unilatéralement, mais qui ont
été au bout d'un processus de structuration de la
société internationale, prohibé par la création de
l'ONU en passant par la SDN , organisation à laquelle appartient la
quasi-totalité des Etats du monde.
Cependant, à ce jour, on assiste à une pratique
très controversée des sanctions internationales. C'est pour cette
raison que dans le cadre de cette étude consacrée à la
critique de la pratique actuelle des sanctions, il était question de
connaitre le régime juridique des sanctions internationales
c'est-à-dire, de connaitre les règles qui gouvernent les
sanctions internationales et de discuter de la licéité des
sanctions unilatérales.
En définitive, nous remarquons que le régime
juridique des sanctions internationales comprend les règles relatives
à la compétence de décision des sanctions et celles qui
touchent aux conditions des sanctions.
S'agissant de la compétence, la notion de sanctions
renvoie à une mesure décidée par une autorité
compétente investie et acceptée par tous pour prendre de telles
mesures.
Dans le système actuel qui régit les relations
internationales universellement, c'est exclusivement le conseil de
sécurité de l'ONU qui a reçu ce pouvoir de par les
articles 24, 39 et 41 de la Charte de l'ONU et certaines autres organisations
qui agissent en vertu de leurs statuts à l'égard de leurs
membres.
Concernant les conditions, il se dégage que, sauf pour
les sanctions corporatives qui se décident au sein des organisations
(suspension et exclusion), les sanctions internationales se décident en
réaction à la menace contre la paix, rupture de la paix et
agression.
Jadis, en droit international seuls les Etats pouvaient
être sanctionnés car étant seuls sujets de ce droit donc
capable de le méconnaître, mais il s'observe présentement
une pratique tendant à sanctionner les Etats aussi bien que les
individus qui n'étaient pris que comme l'objet du droit international
dans un récent passé.
Ainsi donc, notre recherche nous permet d'affirmer que les
sanctions internationales ne sont décidées par le conseil de
sécurité. Elles ne sont pas à confondre avec des vestiges
de justice privée admis par le droit international comme la
légitime défense et les contre-mesures (c'est-à-dire,
mesures de représailles et de rétorsions), mesures devant
être invoquées sous la condition du respect des préalables
fermes suivant leurs régimes juridiques respectifs et distincts de celui
de la sanction internationale.
C'est ainsi qu'à nos yeux, les sanctions
internationales ne peuvent être décidées que par le Conseil
de sécurité de l'ONU. Ce qui implique que la pratique
unilatérale des sanctions est un retour à la justice
privée prohibée et donc une violation du droit international. Car
la sanction ne peut émaner que d'une autorité établie et
reconnue.
Monsieur le professeur président du jury,
Messieurs les professeurs membres de la composition!
Telle est la substance de nos recherches que nous savons
limiter, preuve que c'est une oeuvre humaine.
Ainsi, nous le soumettons à vos critiques et suggestions.
Nous avons dit!
MBOMBO MUDIANGOMBE Vinny Calva
iv
Résumé
Dans la société internationale, la justice
privée étant prohibée, les sanctions ne peuvent être
décidées que par le Conseil de sécurité de l'ONU.
Mais, certaines autres organisations internationales peuvent prévoir,
dans le respect du chapitre VIII de la Charte de l'ONU, des sanctions contre
leurs membres qui contreviendraient aux buts et principes prévus dans le
traité constitutif. Le droit international a quand même
laissé subsister quelques vestiges de la justice privée notamment
à travers la légitime défense et les contre-mesures. Ces
deux notions, qui sont invoquées sous la condition du respect des
préalables fermes, ne sont pas des sanctions. Le droit international
n'autorise à aucun Etat de sanctionner un autre Etat, même si
certaines mesures comme des contre-mesures, des mesures de rétorsion,
peuvent ressembler aux sanctions, sans techniquement en être. Car, les
sanctions ne peuvent émaner que d'une autorité reconnue et
établie.
V
EPIGRAPHE
Les sanctions sont un excellent miroir d'une
société internationale perturbée, en quête de
repères, de règles et de hiérarchie.
Carole Gomez
vi
IN MEMORIAM
A Patrice MULUMBAYI MUKENDI, qui vit toujours
avec nous, et qui nous apprend que Dieu seul est connaissance, force et
grandeur.
MBOMBO MUDIANGOMBE Vinny Calva
A LUBOYA DINANGA Aimerance, ma Mère,
véritable partisane de ma vie, la seule à m'avoir aimé
sans m'avoir ni vu ni connu préalablement, celle sans laquelle mon
existence n'aurait de quiddité.
A MULUMBA Patrick et NTUMBA
Toujo, face auxquels mon glossaire sèche et mes expressions
s'éclipsent à cause de l'immensité de la fière
chandelle que je leur dois, à qui je prie de permettre au temps et
à la providence divine de m'apprendre à gratifier.
A mes compagnons de lutte qui marchèrent sur le terrain
de mines et tombèrent en cours de route sur le champ de batail. A qui,
la providence éternelle et les réalités académiques
ont refusées la couronne que je porte ce jour, notamment MAVUNGU
NKWANGA Juven, SELEMBE YONGOMA Chérubin et
NGANGEY Fiston.
Je dédie ce mémoire.
MBOMBO MUDIANGOMBE Vinny Calva
REMERCIEMENT
Il est de moments difficiles et plus difficiles encore; mais,
l'importance est d'atteindre les objectifs. S'agissant des objectifs et des
difficultés, Martin GAY écrivait: « On ne trace jamais
sa route sans aide ; seuls ceux qui sont habités par l'orgueil aveugle
le croient. Il y a toujours eu avant vous des hommes pour vous indiquer la
direction par où commencer à débroussailler le chemin
».
En cette pensée ce résume la gratitude que je
dois à tous ceux qui, de n'importe quelle façon, tout au long de
ma formation universitaire, m'ont prêté mains fortes.
Je tiens aussi à témoigner toute ma gratitude au
Professeur TSHILOMBO KALOLO Robert, qui m'a admis, sans condition aucune,
à sa direction, malgré ses nombreuses occupations.
J'exprime également ma reconnaissance à
l'Assistant LUNGUNGU KIDIMBA Trésor, pour sa simplicité et ses
directives enrichissantes, lui qui m'a encadré, lu et fait des
observations pertinentes. Je lui en remercie. Qu'à cela ne tienne, les
imperfections de cette dissertation me sont, seul, imputables.
Par cette lucarne, je marque mon sincère et respectueux
estime à l'assistant LETA Bernard, qui, sans m'avoir connu, m'ayant
repéré de loin à l'entrée du no man's land, m'a
reçu, en dépit de ses nombreuses occupations, par ses
orientations, ses corrections et ses conseils, qui ont toujours
été pour moi un référentiel de poids, sans lequel,
je ne serais pas arrivé au bout de cette oeuvre en faisant aboutir cette
étude.
Ma gratitude va également à toutes les
autorités académiques, au corps professoral en
général, et à celui de la faculté de Droit
particulièrement.
A ma famille: Patrick MULUMBA, Christelle KAPINGA, Toujo
NTUMBA, Mass MASUNDU, Myriam BACHIYA, Mamie MUTANDA, Samuel NGOMBABU, Monique
BIUMA L'Harmo, Gina NTANGA, Yves KABALA et Patricia BAMBEMBA, tous MUDIANGOMBE,
Je dis merci pour l'amour ineffable. Jamais sans vous.
Au Prophète SAMANO KABEYA Elie KingSam, visionnaire de
la communauté des églises la loi de Jésus Christ, mon
Pasteur, pour ses prières, ses sermons et son amour de père et
coach.
ix
A mes beau-frères et belle-soeurs: Kadi KADIMA,
Stéphane KABONGO, Fabien BEYA et Nadine MANSANGA MULUMBA.
A mes cousins et cousines: Aristote BETU BALEX, Delphin KAPINGA,
Moise ILUNGA, Clarisse MUSUAMBA et Niclette BACHIYA.
A Séphora KININGA, qui avec une attention affective et
soutenue a toujours été
là pour moi.
A mes amis et connaissances: Serge SHEMATSI, Rolly KANYINDA,
Thérèse LOMBO SESE, Christian BASEME, Joslin SITA, Trésor
NSUMPI, Platini KONGOLO et Gracien BEYA, je dis merci pour le réconfort
et soutien tant matériel que moral.
A mes compagnons de lutte: Patrick TSHILUMBAYI, Aurel SHONGO,
Auguy TSHONGA, Grace MISENGA et Kevin MBENGA, je dis également merci
pour tous les efforts consentis ensemble durant ces années.
J'exprime mon amitié à toute la promotion 2017-2018
de la Faculté de Droit, plus chaleureusement au département de
droit international public et relations internationales
Enfin, que tous ceux qui, par mégarde, n'ont pas
été cités, daignent ne pas me tenir rigueur. Car je vous
reste très reconnaissant.
MBOMBO MUDIANGOMBE Vinny Calva
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES
AFDI : Annuaire Français de Droit
International
A.G : Assemblée Générale des Nations
Unies
Bull. : Bulletin de l'Union
Européenne
CDI : Commission de Droit International
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest
CIJ : Cour International de Justice
CPS : Conseil de Paix et
Sécurité
FORPRONU : Force de Protection des Nations
Unies
FRR : Force de Réaction Rapide
ONU : Organisation des Nations Unies
ONUSOM : Opérations des Nations Unies en
Somalie
OTAN: Organisation du Traité de l'Atlantique du
Nord
P. : Page
PUC : Presse Universitaire Congolaise
PUF : Presse Universitaire
Française
RBDI : Registre Belge de Droit
International
Rés. : Résolution
RDC : République Démocratique du
Congo
RGDIP : Registre Général de Droit
International Public
SADEC : Communauté de Développement de
l'Afrique Australe
SDN: Société des Nations
xi
SFDI : Société Française de Droit
International
TFUE : Traité sur le Fonctionnement de l'Union
Européenne
TUE : Traité de l'Union
Européenne
UA : Union Africaine
UE : Union Européenne
ULB : Université Libre de Bruxelles
UNIKIN : Université de Kinshasa
UNITA : Union Nationale pour l'Indépendance
Totale de l'Angola
1
INTRODUCTION
1. PROBLEMATIQUE
Le dictionnaire Robert définit la problématique
comme « l'ensemble des problèmes qui se posent sur un sujet,
quelque chose qui pose problème »1. Selon le
Professeur Kabengele, la problématique « est une situation qui se
présente en face de nous et demande une solution »2. En
d'autres termes, la problématique n'est qu'un ensemble des questions que
peut valablement se poser une science ou une philosophie en fonction de ses
moyens, de son objet d'étude et de ses points de vue. Elle est
l'ensemble des préoccupations, des interrogations ou des questionnements
qui suscitent le goût de la recherche chez une personne ou un
chercheur.
Les normes juridiques ne sont pas, par expérience,
intégralement suivies où les mesures de contrainte ne sont pas
prévues. Dans cette optique, une certaine doctrine3 soutient
que la simple force obligatoire déclarée de la norme serait peu
suffisante pour assurer le respect de la loi. Si le droit présuppose une
certaine règlementation de l'usage de la force, il n'en reste pas moins
qu'un système juridique a nécessairement besoin de la force
matérielle pour se faire respecter.
Or, il y a une contradiction flagrante entre la notion de
sanction et celle de souveraineté caractérisant les Etats en
droit international et du fait également de l'horizontalité des
relations interétatiques.
Au départ, évoluant dans une anarchie où
seule la vengeance privée, mieux la justice privé, était
la loi ou prévalait, les Etats coexistent aujourd'hui dans une
société internationale peu à peu institutionnalisée
par la création, d'abord, de la Société des Nations, avant
celle de l'Organisation des Nations Unies par la consécration
particulièrement dans la Charte des Nations Unies, des principes comme
le non-recours à la force et le règlement pacifique des
différends.
Pour ce qui est des Nations Unies, la mission principale qui
lui a été confiée, plus spécialement à son
organe central, le Conseil de sécurité, est le maintien de la
paix et de la
1 Dictionnaire le Robert Mini, Paris 2016, p.565
2 D., KABENGELE, Problématique
d'intégration économique, UNIKIN, 2010-2011, p.9.
3Dabin, Théorie générale du Droit, Paris,
1953.
2
sécurité internationale. Il est, par
conséquent, le seul compétent pour juger, au nom de la
société internationale, d'une menace à la paix et à
la sécurité internationale. Et ce dans telle situation que le
chapitre VII de la Charte l'autorise à mettre en oeuvre tous les moyens
nécessaires impliquant ou non l'emploi de la force pour rétablir
la paix et la sécurité périclitées.
Il faut constater que l'ONU, qui est l'organisation
internationale à laquelle quasiment tous les Etats sont membres, s'est
vue attribuer la compétence de sanctionner.
Ainsi, en acceptant de se fédérer dans
l'organisation des Nations unies, les Etats se sont défaits d'une partie
de leur compétence souveraine au profit de celle-ci pour assurer un
certain ordre dans la société internationale. Cela créa
par ce fait même une verticalité dans la relation entre l'ONU et
ses membres4.
Dans la Charte de l'ONU, les Etats ont donc choisi de ne pas
recourir à la force armée, ni à s'ingérer par des
moyens de pression dans les affaires intérieures des autres Etats. Ils
ont décidé de laisser au Conseil de sécurité la
compétence de sanctionner ceux des Etats qui violent le maintien de la
paix et de la sécurité internationale.
En faisant de l'ONU et de son Conseil de
sécurité des gardiens de la paix et de la sécurité
internationales, les Etats avaient choisi de ne pas se voir
unilatéralement aux sanctions, même lorsque les engagements
internationaux sont gravement violés par un Etat membre. En même
temps, les Etats avaient aussi défini un corps des règles
indiquant quand et comment, au nom de la communauté internationale,
l'ONU et son Conseil, peuvent décider des sanctions. Les règles
édictées à cet effet constituent le droit international
des sanctions. Ce droit détermine un régime juridique des
sanctions internationales.
Mais, de plus en plus, parmi les entités souveraines,
au sujet desquelles l'idée des sanctions semblait à un moment
donné très impossible, se développe une pratique des
sanctions ciblées, parfois décidées au sein de l'ONU,
parfois prises unilatéralement par des Etats, contre d'autres Etats.
En effet, alors que le droit international, celui qui
régit les sanctions aussi, est un droit interétatique, la
pratique actuelle tend vers des sanctions contre des individus.
4 Lire à ce sujet les articles 2 et 24 de la
Charte de l'ONU.
Tous ces procédés ne peuvent être mis en
oeuvre que par une autorité supérieure à celui sur qui la
sanction devra être infligée. Or, nous l'avons relevé
ci-haut, la société
3
Les pratiques actuelles des sanctions, celles qui se
décident en dehors de l'ONU et unilatéralement par des Etats
contre d'autres Etats, ainsi que celle qui voit des sanctions visées des
individus, nous amènent à nous interroger sur le régime
juridique des sanctions.
Deux questions nous intéressent donc dans le cadre de
cette étude : la première est celle de connaître le
régime juridique des sanctions en droit international. Elle implique que
l'on dise quand et comment décide-t-on des sanctions ainsi que qui est
habileté à décider des sanctions dans les relations
internationales. La seconde est celle qui veut discuter de la
licéité de la pratique des sanctions unilatérales et des
sanctions contre les individus.
Destinées à maintenir la paix et la
sécurité entre les Etats, les sanctions internationales
contemporaines prennent au fur et à mesure d'autres tournures qui les
écartent de leur missions et sens traditionnels. Mais, malgré les
détournements dont elles font objet, les sanctions internationales
contemporaines constituent un rempart utile contre les menaces pesant sur les
grands équilibres.
2. HYPOTHESES
Couramment, l'hypothèse fait allusion à la
présomption que l'on peut construire autour d'un problème
donné. On peut également dire qu'elle est une réponse
provisoire qui permet de prédire la vérité scientifique,
vraisemblable au regard des questions soulevées par la
problématique et dont la recherche vérifie le bien-fondé
ou le mal-fondé.
De manière générale, la sanction
désigne la réponse que prend une autorité habilitée
à le faire, à la violation d'une règle de droit ou d'une
obligation.
Le recours à la guerre étant interdit, un
système de sécurité collective a été mis en
place en vertu duquel, le Conseil de sécurité des Nations Unies
détient le droit de recourir à la force chaque fois que la paix
est rompue ou menacée. Appliquer, sinon adopter une sanction
impliquerait la constatation, par l'autorité établie, de l'acte
illégal ou de la violation d'une obligation pesant sur un Etat,
l'identification de son auteur ou du sujet de droit responsable et les liens
d'imputabilité.
4
internationale, mieux les relations interétatiques sont
des relations horizontales, avec comme conséquence qu'il n'y a pas de
super Etat à même d'imposer des sanctions aux autres. Il n y a pas
d'Etat qui serait du droit d'exercer l'autorité sur les autres Etats.
Mais, par exception et par la volonté des Etats, le
Conseil de sécurité a été investi du pouvoir de
décider au nom et pour le compte de tous les Etats, de constater les
violations du droit de la paix et de la sécurité internationales
et de définir des mesures à appliquer. C'est dans ce sens que le
Doyen Charvin soulignait que « lorsqu'une organisation internationale,
telle que la SDN ou l'ONU, prend des mesures de sanctions, elle est tenue de se
comporter comme une autorité publique »5. Et nous
osons croire qu'en parlant de la sorte, le Doyen faisait allusion à la
verticalité des relations entre les Etats membres de l'ONU et leur
organisation.
Ainsi, préciser la terminologie « sanction»
n'en demeure pas moins important dans la mesure où les sanctions n'ont
pas un contour juridique très précis. A côté des
sanctions, il y a ce qu'on appelle les « contre-mesures » et la
« légitime défense ». Ce faisant, il est
impérieux de se demander s'il existe une différence entre ces
trois notions ou si les deux dernières sont contenus dans l'autre.
Dans la Charte des Nations Unies, à laquelle presque
tous les Etats du monde sont parties, tel que nous l'avons déjà
relevé, les Etats ont accepté que le Conseil de
sécurité soit l'organe habilité à sanctionner et
à recourir à la violence. La légitime défense et
les contre-mesures restent les seules sortes de violence auxquelles on peut
recourir, sans attendre l'intervention du Conseil de sécurité.
3. CHOIX ET INTERET DU SUJET
« Une analyse critique de la pratique actuelle des
sanctions internationales contemporaines », tel est le sujet qui a retenu
notre particulière attention. Plusieurs se demanderont sans doute,
pourquoi le choix particulier d'un pareil sujet pour rechercher au terme de
cette deuxième année de licence en Droit.
Certains Etats décidant des mesures unilatérales
qu'ils nomment à tort« sanctions », et des organisations
internationales autres que l'ONU prenant elles aussi de
5CHARVIN(R.), « Les mesures d'Embargos: la part
du droit », in RBDI, éd. Bruylant
Bruxelles, 1996/1, p.1.
6 MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA(E.), Institutions
politiques et droit constitutionnel. Théorie générale des
institutions politiques de l'Etat, T.1., E.U.A., Kinshasa, 2001, p.21.
5
pareilles mesures, même à l'égard des
Etats qui ne sont pas partis à leur acte constitutif, dans l'ignorance
totale des principes énoncés dans la Charte des Nations unies, il
est important pour nous, sur le plan théorique, de dresser un
état des lieux du droit international relatif aux sanctions et de
réfléchir sur la licéité des sanctions
unilatérales.
Sur le plan pratique, cette étude permet de
résoudre un problème social évident à savoir, celui
de la licéité ou non des sanctions unilatérales et celui
de l'autorité vers laquelle se tourner pour obtenir des sanctions contre
un Etat qui viole le droit international.
Toute démarche scientifique doit faire appel à
une somme des méthodes et des techniques pour sa meilleure
réalisation .C'est de cette façon que nous avons mis sur pied
cette logique pour bien mener nos recherches.
4. METHODES
Dans le cadre de la présente étude, les
méthodes exégétiques et critiques paraissent les mieux
indiquées pour permettre une bonne connaissance de la notion objet de la
présente recherche et la compréhension des autres notions qui s'y
apparentent.
La méthode juridique, appelée par d'aucuns,
méthode exégétique, consiste essentiellement à
l'interprétation des normes juridiques. Interpréter un texte,
revient à dégager le sens exact et le contenu réel de la
règle de droit devant une situation donnée. C'est le fait
d'expliquer, de donner une signification claire, chercher l'intention du
rédacteur c'est-à-dire la ratio legis, en vue d'en cerner la
portée et les limites qu'il fixe à leur application.
Le feu Professeur Mpongo Bokako note dans la même
lancée que cette méthode consiste à analyser et à
exposer le droit positif, mais aussi le fait et le droit6. Parce que
notre réflexion est axée sur l'étude analytique de la
pratique actuelle des sanctions internationales contemporaines, il est
important d'interpréter les textes y relatifs, particulièrement
la Charte des Nations Unies pour comprendre ses dispositions avant de critiquer
la pratique qui en résulte.
Grace à la méthode juridique et à son
approche exégétique, il sera possible de connaître ce que
veut dire sanction en droit international et qui a été investi du
pouvoir de les
6
décider. Cette méthode sera
complétée par la méthode historique dans son approche
diachronique. Selon Montesquieu, il faut « éclairer les lois par
l'histoire et l'histoire par des lois »7. Cette approche nous
permettra de comprendre ce qui a changé en droit international au cours
de l'histoire pour parler désormais des sanctions ciblées et de
s'attaquer aux individus, tout en visant leurs Etats.
Au-delà de la beauté textuelle d'une
règle, il est important de ramener le droit dans son environnement
social afin de saisir le texte dans son contexte. Ainsi, la méthode
sociologique nous permet d'aller au-delà de textes pour comprendre les
facteurs politiques et économiques qui influent sur l'application du
droit. Cette approche va nous aider à examiner la situation à
travers les facteurs non juridiques qui sont déterminant dans la
pratique actuelle des sanctions.
5. DELIMITATION DU SUJET
Nous limitons cette étude à la notion de «
sanctions internationales », suivant l'esprit de la Charte des Nations
Unies, en la confrontant aux autres mesures internationales qui s'y apparentent
et à l'organe qui est habilité à la prendre.
Cependant, les sanctions recouvrent des réalités
très différentes, ce qui empêche de les traiter de
manière globale. Nous nous concentrerons ici sur les sanctions
prononcées dans le cadre de l'ONU et adoptées suivant le chapitre
VII de la Charte, ce qui nous conduit notamment à écarter les cas
particuliers des sanctions juridictionnelles et des sanctions corporatives
prévues dans les Traités constitutifs des organisations
internationales à l'endroit de leurs membres.
6. DIVISION DU TRAVAIL
Deux grands chapitres constitueront l'ossature de cette
étude. Tout d'abord, il sera question de définir la sanction
internationale tout en la différenciant des autres mesures coercitives
permises en droit international (Chapitre I),avant de nous
s'intéresser aux organes habilités dans la société
internationale à prendre pareille mesure (Chapitre
II).
7 MONTESQUIEU,
L'esprit des lois, 1748, livre XXX, 1.
7
CHAPITRE I : DE LA CONCEPTION ACTUELLE DES SANCTIONS
INTERNATIONALES
Aborder la question de la sanction dans sa conception actuelle
aurait aussi pour exigence de remonter aux origines de celle-ci, qui
reviendrait à se tourner vers les origines de l'humanité,
qu'elles soient mystiques, tribales ou bien étatiques. Aux origines
philosophico-religieuses de l'humanité, la pénitence fait partie
des fondements de l'âme humaine. Pour le christianisme, la toute
première référence à la sanction n'est-elle pas
cette damnation éternelle du Jardin d'Eden pour avoir transgressé
un commandement divin?8 L'ordre suprême étant
violé, le châtiment devient exclusion du Paradis.9 De
même, pour punir les hommes de leur irrésistible penchant pour le
mal et la violence, Dieu décida de la punition suprême en
déchaînant le Déluge pendant quarante jours et quarante
nuits, n'épargnant que Noé et sa famille, les seuls à lui
être restés fidèles.10
Sans aller dans l'étymologie du terme sanction, celles
qui sont en question dans ce travail correspondent aux actions menées au
niveau des Nations Unies suite à la violation par un Etat d'un droit
objectif de la communauté internationale. Compris dans ce cadre, le
droit objectif principal de la communauté international est celui du
maintien de la paix par le mécanisme de la sécurité
collective.
D'où, il faut, dans la suite de notre rédaction,
entendre les sanctions comme les actions menées par la communauté
internationale lorsqu'un Etat menace la paix et la sécurité
internationales, objet principal que poursuit depuis sa création
l'ONU.
De cette manière, on doit s'interroger sur la
conception actuelle des sanctions et cela implique qu'on se demande comment la
Société internationale perçoit-elle la sanction, mieux
qu'est-ce qu'elle? (Section I), et comment
diffère-t-elle des autres mesures ou attitudes coercitives qui existent
dans les relations internationales? (Section II).
8BAUCHOT(B.), Sanctions pénales
nationales et droit international, Thèse de doctorat,
Université Lille 2 - Droit et santé Ecole doctorale n ° 74,
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales. 2007, p.5.
9 Livre de Genèse II et III, Ancien Testament.
10Ibidem, VI et VII.
8
SECTION I : DEFINITION DE LA SANCTION
INTERNATIONALE
Il nous parait impérieux en prélude de
préciser que ce terme ou mot ne fait l'objet d'aucune définition
légale. Nulle part dans la Charte des Nations Unies, il est fait mention
de ce terme. Dans la Charte, on utilise le terme « mesures
», laquelle est perçue par la doctrine comme la
sanction.
A l'article 39 de la Charte, il est prévu que :
« Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une
menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et
fait des recommandations ou décide quelles mesures seront
prises conformément aux articles 41 et 42 pour maintenir
ou rétablir la paix et la sécurité11.
»
Il ressort de la lecture de cet article qu'à l'instar
du droit interne, le droit international prévoit un régime
juridique de sanctions pour ne pas rester au stade des déclarations de
bonnes intentions. Le fondement juridique des sanctions en droit international
loge donc dans le chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
La notion de sanction est évidemment très
débattue en droit international public. Une première
doctrine12 considère que la notion de sanction est
étroitement associée à celle de droit. Pour celle-ci, le
droit n'existe que parce qu'il y a sanction. C'est la théorie dite de
l'effectivité du droit par l'existence de la sanction. Une
deuxième doctrine13 en revanche estime que la sanction permet
de garantir l'application du droit, mais qu'elle ne conditionne pas son
existence même. Elle développe la théorie dite de
l'efficacité du droit par l'adjonction de la sanction.
Dans tous les cas, la sanction vient répondre à
un acte illicite au regard du droit international. Le droit international
distingue également les représailles et les rétorsions,
toutes deux mises en oeuvre par les Etats de façon «
décentralisée », c'est-à-dire hors du cadre d'une
juridiction ou organisation internationale. Là encore, les distinctions
sont nombreuses, et nous y reviendrons avec détail dans la
deuxième section du présent chapitre.
11 Article 39 de la Charte des Nations Unies
12 Lire Hans Kelsen et John Austin.
13 A l'instar de Monique Chemillier-Gendreau, Louis
Cavaré ou encore Prosper Weil. Cités dans AUSLENDER (J.), Les
sanctions non-militaires des Nations-Unies : fondements, mise en oeuvre et
conséquences pour les Etats-tiers et les droits de la personne.
Thèse de Doctorat en Droit International Public, septembre 2006, p.
9.
9
Mais, on peut dans l'ensemble considérer que «
Là où les représailles apportent une réponse
illicite à un acte illicite préalable, les rétorsions,
elles, répondent de manière licite à un acte
préalable, licite ou illicite. La distinction entre les deux types de
mesures ne se fonde pas sur la légalité de l'acte auxquelles
elles répondent mais sur la nature, licite ou non, de la
réponse».
La notion de sanction est floutée, et la pratique l'est
encore plus. Dans l'opinion, sont considérées comme sanctions,
toutes réactions à un acte ou à une attitude jugée
déplaisant. Aussi, dans cette étude, centrée sur la
pratique, il est retenu une acception assez large, tout en excluant les actions
purement militaires (qui sont cependant considérées comme des
sanctions au regard de l'article 42 de la Charte des Nations Unies) et les
sanctions dues à des infractions dans certains secteurs particuliers.
Seront donc entendues comme sanctions des actions
internationales coercitives, sans emploi de la force armée. Nous allons
donc considérer que les actions mises en place par des Etats hors du
cadre des institutions internationales s'apparentent bien à des
sanctions mais n'en sont pas.
Mampuya écrit, que les sanctions sont des mesures
décidées et mises en oeuvre par la communauté
internationale, ou à son initiative, dans le cadre du maintien de la
paix et de la sécurité internationale et donc des mesures
collectives prises dans le cadre d'une Organisation Internationale
conformément à la Charte des Nations Unies14. Pour lui
donc, la sanction de façon générale, est la
conséquence attachée à la violation d'une obligation ou
d'une règle de droit.
Elle désignerait en même temps les effets
juridiques de la violation d'un devoir. Ainsi, le Professeur Abi-saab pense
dans la même logique que par sanction, il faut entendre toute mesure
prise en application d'une décision d'un organe social compétent
pour faire face à la violation.15
Pour notre part et suivant l'esprit qui anime la
société internationale, nous définissons la sanction comme
étant la réaction d'une autorité, supérieurement
établie et
14 MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO(A) et LUNGUNGU
KIDIMBA(T), Les sanctions ciblées américaines violent le
droit international : mesures contre des responsables congolais, Kinshasa,
éd. PUC, p.6.
15 ABI-SAAB(G), Cours général de
droit international public, cité par MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO(A) et
LUNGUNGU KIDIMBA(T), op.cit., p.286.
reconnue, à la violation d'une obligation par un de ses
assujettis. Elle est, dans ce cas, une mesure de contrainte que peut prendre
l'ONU vis-à-vis d'un Etat quand cet Etat enfreint les règles
internationales. Elle ne renverrait pas à l'ensemble des mesures
diplomatiques, économiques ou militaires prises par l'Etat ou par une
organisation internationale pour faire cesser une violation du droit
international qu'une organisation a constatée ou dont un Etat s'estime
victime.
Cependant, il s'observe actuellement des mesures qui se
décident contre des Etats, loin du cadre de l'ONU et qu'on a appelle
à tort sanction. On voit des organisations internationales autres que
l'ONU prendre des mesures qu'elles appellent sanctions à l'encontre des
Etats non-membres et des Etats qui adoptent des mesures qui pour eux sont des
sanctions contre d'autres Etats souverains comme eux. Il sied ici de
démontrer, si pareille mesures méritent la qualification des
sanctions suivant l'esprit du droit international et selon les
définitions ci-haut avancées sur les sanctions en droit
international.
Il ressort de toutes les définitions
étalées ci-dessous que la sanction renferme l'idée que
celle-ci ne doit être décidée que par une autorité
supérieure (Paragraphe I) à celui contre qui
ladite sanction se prend, et qu'elle n'est envisageable qu'en cas de violation
d'une obligation internationale (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : NECESSITE D'UNE AUTORITE SUPERIEURE
La sanction est une conséquence provoquée par
une certaine manière d'agir et impliquant un ordre en vue de faire
respecter les prescriptions de la norme enfreinte. La transcription en langage
juridique de ces observations signifie que la sanction en droit, c'est le
constat de conformité ou de non-conformité à la norme des
actes ou faits qui donnent lieu à interprétation.
Dans ce sens, la qualification juridique existe en droit
international public et de même en est-il de la sanction. Un acte ou un
fait peut être qualifié de licite ou d'illicite selon sa
conformité avec les normes juridiques internationales. Cette
qualification relève de la compétence de l'État (au niveau
national ou dans la société nationale), des organes
nommément désignés d'une organisation internationale, le
Conseil de sécurité (dans le cadre de l'ONU) et
exceptionnellement des juridictions internationales. Cependant, puisque ne sont
développés dans
11
ce travail que les sanctions politiques, nous n'aborderons
point celles des juridictions internationales et des autorités
nationales.
Par ailleurs, comme déjà dit, nous nous
limiterons ici aux sanctions adoptées dans le cadre de l'ONU.
D'où, l'intérêt de rechercher et déterminer dans et
de par la Charte de l'ONU, l'organe qui a reçu compétence pour
qualifier de menace contre la paix et la sécurité internationale
les actes et ou faits des Etats, et par ricochet, de sanctionner les Etats
membres en cas de manquements avérés à leurs obligations
souscrites dans la Charte. Précisons que l'ONU se trouve à ce
jour être l'organisation internationale qui rassemble quasiment tous les
Etats du monde.
A. Autorité compétente de par la Charte
de l'ONU
Suivant les Articles 24,39 et 41 de la Charte de l'ONU, le
Conseil de sécurité est la seule entité habilitée
à adopter des sanctions à l'endroit des Etats-membres.
L'article 41 note que: « le Conseil de
sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas
l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet
à ses décisions...»16.
Charles Chaumont et Frédérique Lafay ont, pour
leur part, écrit que les attributions du Conseil de
sécurité se résument dans « la
responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales ». Cette responsabilité
explique les deux catégories essentielles de compétences du
Conseil pour le règlement des conflits entre Etats et pour la lutte
contre l'agression17.
Ils poursuivent en disant, s'agissant de sa deuxième
compétence, de la lutte contre l'agression, que le Conseil de
Sécurité a reçu pouvoir de déterminer, dans chaque
cas, s'il y a menace contre la paix, rupture de la paix ou agression. Une fois
cette détermination faite, il peut prendre des mesures pour mettre fin
à l'agression. Certaines de ces mesures ont une nature autoritaire, et
peuvent aller jusqu'à mettre en mouvement des forces armées
d'Etats membres, selon des modalités qui, d'après la Charte,
devraient être prévues dans des accords spéciaux.
16 Article 41 Charte des Nations u3nies.
17 CHAUMONT(C.) et LAFAY (F.), Que sais-je ?
L'O.N.U., 15èmeédition, Paris, PUF, 1997, p.30
Par cette disposition, les Nations Unies détiennent
donc, par le biais du Conseil de Sécurité, dans la
société internationale, à l'instar de l'Etat dans la
société interne ou nationale,
12
Le Conseil de sécurité des Nations Unies, en
tant qu'organe chargé du « maintien de la paix et de la
sécurité internationales », dispose d'un pouvoir quasi
illimité pour sanctionner les Etats qui auraient commis un acte
illicite.
Selon le § 1er de l'article 24 de la Charte
des Nations Unies, le Conseil de sécurité est l'organe
chargé du « maintien de la paix et de la sécurité
internationales ». Il se trouve donc être l'organe de
l'exécutif international et siège de manière permanente
à New York. Soulignons, par ailleurs qu'une séance du Conseil
peut être convoquée dès le début d'une crise
internationale. En outre, ce dernier est compétent pour qualifier des
situations de menaces à la paix et est le seul qui puisse imposer des
sanctions internationales obligatoires à tout Etat qui entraverait la
quiétude internationale et ce, en vertu du Chapitre VII de la Charte.
La notion de sanction ne renvoie pas nécessairement
à une « punition » à proprement dit. Elle est aussi un
moyen de faire cesser un acte illicite. Ainsi, l'imposition de sanctions
obligatoires permet d'exercer une pression sur un État afin qu'il se
conforme aux objectifs fixés par le Conseil de sécurité,
sans qu'il soit nécessaire de recourir obligatoirement à la force
armée. Pendant la période de la guerre froide, de 1945 à
1990, le Conseil a utilisé à deux reprises son pouvoir de
sanction, contre la Rhodésie en 1968 puis l'Afrique du Sud en 1977.
Celles-ci se sont multipliées depuis la disparition du bloc
soviétique et la fin de la bipolarisation Est/Ouest des relations
internationales.
C'est donc l'article 39 qui constitue la base juridique qui
donne pouvoir au Conseil de sécurité de constater la violation du
droit international et, par la suite, en vertu des articles 41 et 42, pour
adopter l'une des différentes sanctions qui y sont prévues. Se
trouvant à ce jour la seule organisation internationale regroupant
quasiment tous les Etats du monde, l'ONU, a par ses membres, reconnus comme
seule autorité habileté à agir en leur nom, le Conseil de
Sécurité. Cela avec comme conséquence qu'aucun autre
organe, de l'ONU soit-il, ne peut s'arroger le pouvoir de sanctionner
universellement un autre Etat membre que ce soit dans le cadre du
système onusien de la sécurité collective ou
unilatéralement. Et donc, si cela arriver, ce ne sera alors pas une
sanction dans l'esprit de la Charte.
13
le monopole de l'emploi de la force armée et non
armée sous réserve bien entendu du droit naturel de
légitime défense et de l'hypothèse de contre-mesures.
Dans le même ordre d'idées, le duo
Mampuya-Lungungu étaye en écrivant que c'est pour cela qu'un
Etat, même s'il dispose de moyens politiques et militaires importants et
suffisants pour sanctionner, seul et unilatéralement un autre Etat, est
appelé à se référer au Conseil de
Sécurité en vue d'obtenir de celui-ci qu'il agisse dans le sens
favorable à sa cause ou en vue qu'il obtienne l'aval et l'autorisation
de cet organe de l'ONU18.
Ils relèvent par cette position que les
créateurs de Nations Unies ont préféré le
multilatéralisme à l'unilatéralisme.
Il nous parait impérieux de préciser à ce
niveau déjà que quoique reconnu comme la seule autorité
apte à pouvoir sanctionner les Etats dans la société
internationale, le Conseil de Sécurité ne jouit pas de ce fait,
de la latitude de sanctionner les Etats comme il entend. Il peut
procéder de la sorte que dans l'hypothèse où l'Etat
contreviendrait à une obligation internationale à sa charge.
Attitude qui péricliterait la paix et la sécurité
internationales.
PARAGRAPHE II : NECESSITE DE LA VIOLATION D'UNE OBLIGATION
INTERNATIONALE
Nous avons relevé qu'une sanction internationale ne
peut s'adopter qu'à la satisfaction de deux conditions cumulatives
à savoir, qu'il y ait une autorité acceptée par tous, par
conséquent, compétente pour qualifier une situation contraire au
droit international (question développée dans les lignes
précédentes), et qu'il y ait violation d'une obligation ou
méconnaissance d'un droit. Ainsi, abordons cette dernière dans le
présent paragraphe.
Dans la société internationale, les obligations
principales qui pèsent sur tout Etat membre et non membre des Nations
Unies sont reprises si non compris à l'article 39 susmentionné,
qui les liste à trois, à savoir:
- La menace contre la paix; - La rupture de la paix ; et -
L'agression.
18 MAMPUYA
KANUNK'a-TSHIABO(A) et LUNGUNGU KIDIMBA(T), Op cit.,
p.14.
14
Suivant l'esprit qui avait animé les pères
fondateurs de l'ONU, il y aurait violation d'une obligation internationale
devant appeler l'adoption d'une sanction internationale de la part des Nations
Unies via le Conseil de Sécurité, du reste seule autorité
compétente et acceptée par tous les membres de ladite
organisation universelle, que si et seulement si l'Etat est reconnu auteur de
l'une des trois situations ci-haut citées, après constat fait par
le même Conseil de sécurité.
1. Piédestal du système : l'article 39 de
la Charte
L'article 39 de la Charte constitue la disposition centrale
qui fonde le pouvoir de sanction du chapitre VII et établit le Conseil
comme l'autorité compétente pour décider de celles-ci. Ce
dernier indique que le Conseil de sécurité des Nations Unies doit
toujours déterminer si une situation donnée représente
« une menace contre la paix », « une rupture de la
paix » ou un « acte d'agression », avant de pouvoir
adopter des mesures coercitives afin de « maintenir » ou «
rétablir » la paix, conformément aux articles 41 et 42 de la
Charte.
Cependant, comme le terme sanction n'est pas défini
par la Charte, ces trois termes non plus, qui occasionnent l'adoption de
sanctions, n'ont pas de définition claire et univoque dans le texte.
C'est ainsi que le Conseil de sécurité use nécessairement
de son pouvoir de manière discrétionnaire pour qualifier ces
situations.
Force est de constater que les rédacteurs de la charte
ont choisi des formules très
générales.
2. La qualification préalable du conseil de
sécurité, un pouvoir discrétionnaire
Le concept de menace contre la paix se révèle
donc réfractaire à toute tentative visant à en cerner les
contours19. C'est ainsi qu'à juste titre, l'on peut parler de
« l'impossible typologie du «label» menace contre la paix
». C'est finalement un pouvoir discrétionnaire que celui dont
dispose le Conseil de sécurité sur ce terrain de la qualification
d'un conflit ou d'une situation. Il est donc en mesure de se servir du concept
de la menace ou de la menace potentielle à diverses fins, et notamment,
ce qui paraît sans doute le plus souhaitable, lorsque c'est possible,
à des fins préventives. La qualification ne préjuge en
aucune manière la suite qui lui sera donnée,
19GAJA (G.), « Réflexion sur le rôle
du Conseil de sécurité dans le nouvel ordre mondial »,
RGDIP, 1993, p. 297.
15
qui s'inscrit dans un vaste éventail de
possibilités, sauf en ce qui concerne les mesures coercitives dont la
gamme est limitée.
Si, sur texte, la distinction entre les Chapitres VI et VII
est évidente, dans la réalité des conflits, le Conseil de
sécurité doit pratiquer tout à la fois la diplomatie et,
s'il est en mesure de le faire, les injonctions, assorties ou non de mesures
coercitives. Il se sert de l'article 39 pour se donner les moyens d'agir
lorsqu'il estime devoir le faire, sans s'attacher à une notion
particulière de la sécurité. Il s'agit pour lui de
garantir, selon les circonstances, une sorte d'ordre social, ou la
légalité, ou encore des principes fondamentaux
d'humanité.
Il convient à ce point de faire remarquer la
liberté très grande reconnu au Conseil de sécurité
en rapport à l`exercice de son pouvoir de sanction. En effet, le pouvoir
discrétionnaire du Conseil est large et s'étend du choix de
qualifier une situation selon une des qualifications de l'article 39 ou non au
choix du moment de l`adoption mais aussi du contenu et du destinataire de la
sanction. Ceci revient donc à dire que dans l'adoption des sanctions
dans le système onusien, le conseil ne reçoit d'injonction
d'aucun organe ou autorité quelconque. Il le fait, en commençant
par la qualification, de son propre chef sans interférence aucune.
Il peut donc prendre ou non une décision sur une
situation donnée et décider du contenu même des sanctions
qui seront prises. Cette latitude sur le point de la qualification serait la
conséquence de la non-existence de définition des trois
manquements de l'article 39 dans la Charte. C'est ce qui permet sans nul doute
au Conseil d'user de son pouvoir de qualification plus librement, extensivement
et de qualifier de menaces des situations qui n'étaient pas initialement
prévues dans la Charte (ex : conflits internes) ou même de
qualifier de « rupture de la paix » une situation qui pourrait
être pertinemment qualifiée d'acte d'agression20.
Le choix des mesures coercitives à adopter aussi
démontre combien son pouvoir est discrétionnaire. Ces mesures
qu'elles soient militaires (Art. 42) ou non militaires (Art. 41), la nature de
celles qu'il appliquera dans un premier temps (mesures coercitives pacifiques
ou directement des mesures coercitives militaires). Ainsi, le fait que l'organe
qui qualifie la situation selon l'article 39 soit le même que celui qui
décide de la sanction permet au Conseil de
20 Comme le cas de l'invasion du Koweït par
l'Irak.
16
décider à l'avance des sanctions qu'il veut
adopter avant même d'examiner le moyen de droit qui l'autorise à
les mettre en oeuvre. Donc, outre le veto d'un ou de plusieurs des cinq membres
permanents, il n'existe aucune autre limite juridique à l'action du
Conseil. De surcroît, aucun contrôle, notamment juridictionnel, des
décisions du Conseil n'est effectué, alors même que
celles-ci sont obligatoires et s'imposent à tous, celui-ci étant
seulement subordonné à la Charte ainsi qu'aux dispositions du jus
cogens notamment celles concernant les droits fondamentaux comme
l'énonce le préambule qui proclame « la foi dans les droits
fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne
humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi
que des nations, grandes et petites ».
Le Conseil dispose ainsi d'une légitimité
politique internationale. Il a d'ailleurs été qualifié
à plusieurs reprises de « police internationale» ou de «
gendarme international » par de nombreux auteurs. Cependant, comme
l'indique H. Kelsen, le but du système onusien de sanction « is not
to maintain or restore the law, but to maintain, or restore peace, which is not
necessarily identical with the law »21. De ce fait, il dispose
d'une autorité juridique considérable qui s'attache à ces
décisions puisque celles-ci ont force exécutoire même si,
d'un point de vue juridique, certaines de ses décisions peuvent sembler
contestables. Il exerce ainsi, dans l'ordre international, une véritable
suprématie. Cette constatation tient surtout à la nature du
Conseil, celui-ci est une instance politique, prenant des mesures politiques,
suivant des motifs et des objectifs politiques. Sa mission consiste à
« maintenir» ou « rétablir» la paix et la
sécurité internationales.
2. Les situations appelant l'adoption des sanctions A. De
la menace contre la paix:
L'absence de définition claire de la notion permet donc
au Conseil de qualifier de « menace contre la paix » des situations
de nature très différentes. Dans une déclaration du 31
janvier 199222, celui-ci a d'ailleurs précisé que, par
menace, il ne comprenait pas seulement les menaces armées mais aussi
« des menaces de nature non militaire à la paix et à la
sécurité
21KELSEN (H.), The Law of the United Nations,
éd. London Institute of World Affairs, 1950, p.294. 22 In
www.ONU/Doc.NU S/
23500.org consulté le 02
Octobre 2018 à 16h43'
17
internationales trouvant leurs sources dans
l'instabilité qui existe dans les domaines économiques, social,
humanitaires ou écologique ».
Comme déjà soulevé
précédemment, la Charte ne contient pas de définition de
cette notion. Celle-ci reste donc vague, ce qui la rend susceptible
d'être interprétée soit de manière restrictive, soit
de manière extensive. C'est dans la doctrine qu'on trouve un grand
nombre de propositions et d'idées concernant la vraie
interprétation du concept. Pourtant, l'interprétation
déterminante demeure celle du Conseil de sécurité.
L'analyse de l'article 39 révèle que les participants à la
Conférence de San Francisco ont décidé de lui confier le
soin de définir ce qui constitue une menace contre la paix.
La notion de menace contre la paix peut renvoyer bien
sûr à un conflit international mais aussi à une situation
intérieure qui peut avoir des répercussions au niveau
international. Nous pensons que l'indétermination de cette notion n'a
que pour seul but d'élargir le champ d'action du Conseil de
sécurité. D'ailleurs, la seule définition d'une menace
contre la paix qu'on puisse actuellement donner est celle avancée par
Jean Combacau, selon laquelle, une menace contre la paix au sens de l'article
39 est une situation dont l'organe compétent pour déclencher une
action de sanction déclare qu'elle menace effectivement la
paix23. En d'autres termes, il s'agit d'une hypothèse vague
et élastique qui(...) n'est pas nécessairement
caractérisée par des opérations militaires ou en tout cas
impliquant l'utilisation de la force et qui par conséquent peut
correspondre aux comportements les plus variés des Etats.
Dans la pratique, la majorité des actions coercitives
du Conseil ont été basées sur la constatation d'une menace
contre la paix. Le choix du Conseil de qualifier une situation de menace contre
la paix est justifié par le fait que cette notion est la plus large des
trois citées à l'article 39. A plusieurs reprises, il a
qualifié de la sorte des situations où la menace était
issue de conflits internes24, mais aussi des situations dans
lesquelles des Etats ont refusé des demandes d'extradition ou de
transferts de leurs ressortissants vers d'autres Etats25.
23 COMBACAU(J), Le pouvoir de sanction de
l'ONU, Etude théorique de la coercition non militaire, Paris:
Pedone, 1974, pp.99-100.
24Rhodésie du sud en 1966, Afrique du sud
en1977, ex-Yougoslavie après son éclatement en 1991, Rwanda en
1994, Somalie en 1992.
25 Par exemple dans le cas de la Libye en 1992(la
Lybie avait reçu, du fait de la résolution 748, l'ordre
d'exécuter la résolution 731 lui demandant de livrer deux de ses
ressortissants suspectés d'être impliqués dans l'attentat
contre
18
C'est le Conseil de sécurité qui utilise la
notion, et c'est lui qui a le pouvoir exclusif et discrétionnaire de
qualification.
Pendant plusieurs années, le Conseil de
sécurité a adopté une approche plutôt classique. Il
a utilisé la notion pour adresser des situations de véritable
conflit international. Les résolutions concernant le conflit armé
en Palestine en 194826 ou l'invasion du nord de Chypre par la
Turquie en 197427 en disent beaucoup.
Les conflits armés entre Etats restent bien
évidemment des situations que le Conseil de sécurité
qualifie de menace contre la paix jusqu'à nos jours. Cependant, petit
à petit, il a élargi le concept de menace contre la paix en
l'appliquant de plus en plus à des situations qui ne se fondent pas
directement sur l'existence d'un conflit armé entre Etat.
Le duo Mampuya-Lungungu a écrit que lorsque le recours
à la force entre deux ou plusieurs Etats est simplement pressenti comme
possible, on parle également de la menace à la paix. Il poursuit
en soutenant que peut aussi être pris comme menace à la paix, les
graves violations des droits de l'homme28.
B. De la rupture de la paix:
Celle-ci est une notion très générale et,
en principe, très neutre dans la mesure où elle n'oblige pas
à designer l'Etat responsable de cet acte ou de la situation qui en
résulte. L'expression s'applique dans tous les cas où des
hostilités ont éclaté sans qu'il soit
allégué que l'une des parties est agresseur ou qu'elle a commis
un acte d'agression29. Dans la même logique le duo ci-haut
mentionné écrit que la rupture de la paix est une qualification
que le Conseil de sécurité ne peut retenir que pour
désigner une situation dans laquelle la paix est déjà
rompue, c'est-à-dire, la force armée est déjà
utilisée entre Etats30.
le vol PANAM 103, un délai de quinze jours lui
étant accordé jusqu'à l'entrée en vigueur de
mesures coercitives) ou du Soudan 1996.
26 Résolution 54(1948), § 1.
27 Résolution 353(1974), préambule,
§ 5.
28 MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO(A) et LUNGUNGU KIDIMBA(T),
Op cit., p.28.
29 COHEN-JONATHAN (G.), « article 39 »,
dans COT (J.-P.) et PELLET (A.), La Charte des Nations Unies : commentaire
article par article, Paris, Economica, 1991, p. 658.
30 MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO (A) et LUNGUNGU
KIDIMBA(T), Op cit, p.29.
19
Généralement, lorsqu'on est dans ce cas, le
Conseil adopte provisoirement des mesures sur pied de l'article 40 dans le but
de maintenir la paix et la sécurité internationales.
La qualification d'une situation de rupture de la paix
s'avère beaucoup moins fréquente. Le Conseil a eu recours
à cette qualification notamment lors de l'invasion nord -
coréenne de la République de Corée31, la guerre
entre l'Iran et l'Irak32et lors de l'invasion du Koweït par
l'Irak en 199033.
Il sied, avant d'aborder en dernier lieu l'Agression qui est
l'un des motifs pour lesquels le Conseil adopte les sanctions internationales,
de noter que le Conseil a tendance à qualifier des situations de «
menace » ou de « rupture de la paix » car elles ne
nécessitent pas d'incriminer directement un Etat, ni de se prononcer sur
la responsabilité éventuelle de ce dernier et ainsi de risquer de
compromettre un règlement de la crise par voie diplomatique.
C. De l'Agression:
Au départ, elle n'était pas
considérée contraire aux règles de droit international
jusqu'à ce que le recours à la force soit proscrit dans la
société internationale.
La réalité parait beaucoup nuancée, car
il semble que même à une époque reculée où
une certaine forme de guerre qualifiée de « guerre juste»
était admise, les monarques et les Etats, du moins ceux qui se
considéraient « civilisés », reconnaissaient que les
guerres d'agression constituaient une violation du droit des gens.
Dans l'ordre international contemporain, l'agression apparait
comme le crime le plus grave qui puisse être commis dans les relations
interétatiques, non seulement il porte atteinte à l'existence
même de l'Etat victime et ce faisant, aux principes essentiels du droit
international, mais encore, il est généralement à
l'origine des autres crimes considérés comme les plus graves par
la communauté internationale, en particulier, le crime de guerre et le
crime contre l'humanité. En ce sens, l'agression peut être
considérée comme la mère de la plupart de crimes
internationaux résultant de la violence de l'Etat.
31Résolution 82, 83 et 84 (1950).
32Résolution 598 (1987). 33Résolution 660
(1990).
20
Il s'agit de l'emploi de la force armée par un Etat
contre l'intégrité territoriale, la souveraineté ainsi que
l'indépendance politique d'un autre Etat. Elle est une situation proche
de la rupture de la paix parce que dans ce cas comme dans l'autre la paix est
rompue, mais à la différence de la situation analysée au
point B, le point de vue juridique est à ce niveau clarifié et
les responsabilités établies34.
La qualification d'agression est la notion la plus
précise de trois sous-examens. En effet, l'Assemblée
générale des Nations Unies a adopté en 1974 la
résolution 3314 (XXIX) qui entend, de façon
générale, l'agression comme « l'emploi de la force
armée par un Etat contre la souveraineté,
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un
autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des
Nations Unies, ainsi qu'il ressort de la présente définition
». Cette définition n'a néanmoins jamais lié le
Conseil qui a toujours qualifié au cas par cas des situations
données. Il a par exemple qualifié « d'actes d'agression
» l'emploi de la force par l'Afrique du sud contre L'Angola (Rés.
454 (1979)).
Bien de fois, le Conseil de sécurité a
évité de manière générale de constater une
agression, sauf, dans une certaine mesure, d'une manière incidente,
à l'égard de l'Afrique du Sud35. Il a recouru avec
prudence à la constatation d'une rupture de la paix36. En
revanche, la menace contre la paix et la sécurité internationales
fait l'objet d'une très riche pratique.
Cela tiendrait tout d'abord au fait que, pour manifester
l'intérêt qu'il porte à un conflit ou une situation,
peut-être aussi pour procéder à une première mise en
garde, le Conseil de sécurité se réfère parfois
à une menace potentielle, dans des termes susceptibles de
varier37. La qualification apparait donc dans de nombreuses
résolutions qui n'ont pas pour objet une action coercitive, mais
relèvent bien d'avantage de la tentative de règlement pacifique.
Il ne s'agit pas encore de la constatation de l'article 39.
Ces trois situations constituent ce qu'on appelle le fait
générateur de la responsabilité internationale, en ce
entendu que le fait entrainant la responsabilité internationale d'un
sujet de droit international consiste en la violation d'une obligation
internationale,
34 MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO (A) et LUNGUNGU KIDIMBA
(T), Op cit. p.30.
35 COHEN-JONATHAN (G.), op.cit, p.651
36Cfr. La guerre de la Corée et la crise du
Golfe, cas dans lesquels le coupable a été clairement
désigné, mais aussi la constatation faite dans la guerre
Iran-Iraq, sans désignation du coupable.
37SOREL (J.-M.), « L'élargissement de la
notion de menace contre la paix », in SFDI, p.3 et 27.
21
notamment par la commission d'un fait internationalement
illicite, qui dans certaines hypothèses ne pas pris comme tel lorsqu'il
a des circonstances atténuantes ou exonérant
l'illicéité.
La Commission de droit international explicitement avait
préféré le mot « fait» en lieu et place de
l'acte pour motif: le terme acte implique, en effet, une action positive alors
que, comme le souligne le projet d'article de la Commission de droit
international, la responsabilité internationale peut-être
employée aussi bien par une omission ou une abstention que par une
action38.
Y a lieu à se demander après ces analyses alors
d'où viendrait que contemporainement les Etats, et dans certaines
hypothèses, les organisations internationales s'arrogent les pouvoir
d'adopter, à l'ignorance de l'ONU, de mesures qu'ils appellent à
tort « sanctions ». Soit c'est une erreur de terminologie, soit
encore c'est une grave et fière violation des principes du droit
international général, qui d`ailleurs, à la rigueur de
choses, peut être qualifié d'une de trois situations de l'article
39 sus développé. Car il a été institué le
système dit de la sécurité collective qui impliquait
l'abandon de l'usage de la force individuelle au bénéfice
exclusif de la collectivité. C'est ce qu'on a nommé
théorie d'« Un contre Tous », laquelle a centralisé
l'usage de la force dans la société interétatique. C'est
pour autant que le chapitre VII sous examen donne tout pouvoir au Conseil de
sécurité de connaitre de cette question en cas d'atteinte grave
à la paix et à la sécurité sans pour autant
écarter l'Assemblée Générale. Seulement, force est
donnée au Conseil qui, dans l'état actuel du droit international
général, peut universellement adopter telle mesure (sanction)
à l'encontre des Etats, même non membres qui sont tenus de par
l'article 2 point 6 de la Charte d'agir dans le strict respect des principes
énoncés dans ladite Charte.
SECTION II : SANCTIONS ET AUTRES FORMES DES MESURES
INTERNATIONALES
Il est question dans la présente section de relever la
différence qui existe entre la notion de sanction internationale telle
que décrite dans la précédente section et celles des
autres mesures internationales qui s'apparentent à celle-ci.
38 Affaire du Détroit de Corfou, CIJ,
arrêt du 09 avril 1949.
22
Ainsi donc, nous différencierons premièrement la
sanction internationale des contre-mesures (Paragraphe I),
puis, deuxièmement, nous établirons le distinguo entre la
sanction et la légitime défense, qui se trouve être la
seule mesure unilatérale internationale, permise par la Charte, appelant
à l'usage de la force par un Etat lorsqu'il fait l'objet d'attaque de la
part de ses pairs (Paragraphe II).
Ceci précisé, il y a lieu de noter qu'il ne
s'agira ici d'autre question que des circonstances qui excluent
l'illicéité des certaines actions dans les relations
interétatiques et qui, en temps normal, appellerait l'adoption des
sanctions.
Autrement dit, nous allons examiner, dans les lignent qui
suivent, certaines mesures unilatérales prises à l'encontre de
certains États ou entités. Par mesures unilatérales, nous
entendons des mesures distinctes de celles prises par le Conseil de
sécurité des Nations Unies dans le cadre du système dit de
sécurité collective instituée par la Charte des Nations
Unies.
PARAGRAPHE I : LA SANCTION ET LES CONTRE-MESURES
Il est important de commencer par fixer le contenu de la
notion des contre-mesures avant de procéder à une
véritable distinction entre cette notion et celle de sanction.
1. Notion de Contre-mesures
Désignant une réaction étatique à
un acte illicite, la notion de contre-mesure est apparue au cours du
20ème siècle, mais s'est précisée dans
les années 1970.Les contre-mesures, en droit , sont dotées d'un
régime juridique dont les grandes lignes ont été
dégagées par la Commission du droit international dans le cadre
de ses travaux, qui se sont soldés, en 2001, par l'adoption du Projet
d'Articles sur la responsabilité de l'État pour fait
internationalement illicite39.
Cette disposition est formulée comme suit: «
L'illicéité d'un fait d'un Etat non conforme à une
obligation de ce dernier envers un autre Etat est exclue si ce fait constitue
une
39Projet d'Articles sur la responsabilité de
l'État pour fait internationalement illicite (2001), adopté par
la Commission à sa 53e session (2001), et soumis à
l'Assemblée générale des Nations Unies dans le cadre de
son rapport sur les travaux de ladite Session, reproduit dans l'Annuaire de la
Commission du droit international, 2001, vol. II(2), et disponible à
http://untreaty.un.org/ilc/texts/instruments/francais/commentaires/9_6_2001_francais.pdf.
23
mesure légitime d'après le droit
international à l'encontre de cet autre Etat, à la suite d'un
fait internationalement illicite de cet autre Etat ».
L'article 30 du projet d'articles sus évoqué de
la Commission du droit international est porté par un point du Chapitre
V intitulé: « Circonstances excluant l'illicéité
». Il est consacré aux « Contre-mesures à
l'égard d'un fait internationalement illicite ».
La Commission du droit international note que les
contre-mesures s'entendent de mesures prises à l'encontre d'un
État responsable d'un fait internationalement illicite, et qui visent
à amener cet État à s'acquitter de ses obligations
internationales. Celle-ci précise que celles-ci sont «...
limitées à l'inexécution temporaire d'obligations
internationales de l'État prenant les mesures envers l'État
responsable ».
Les contre-mesures résulteraient donc des pouvoirs
intrinsèques des Etats, de réagir aux violations dont ils
feraient l'objet. Ainsi, comme la légitime défense, elles tirent
leur légalité si non, conformité au droit international
par l'existence préalable d'une violation.
Représailles modernisés, elles (contre-mesures)
visent les situations où les Etats peuvent violer une obligation
internationale à l'égard d'un autre Etat afin de répondre
à une violation préalable du droit international par ce
dernier40.
Jurisprudentiellement, la Cour internationale de justice, dans
le cadre de l'affaire Nicaragua contre les Etats-Unis d'Amérique,
cherchait à savoir si, hormis la justification tirée de la
légitime défense contre une agression armée, un Etat avait
le « droit de prendre de contre-mesure en riposte à un
comportement» illicite non constitutif d'agression
armée41. Elle semble avoir admis le principe des
contre-mesures, parallèlement à la légitime
défense, mais n'impliquant pas l'usage de la force.
40DENIS (A.),Les contre-mesures dans l'ordre
juridique international. Etude théorique de la justice privée en
droit international public, Pedone, Paris, 1992, p. 243.
41CIJ, Affaire des activités militaires
et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, CIJ, Recueil des
arrêts, avis consultatifs et ordonnances, pp. 201 et s.
24
Les contre-mesures sont rapprochées, par une partie de
la doctrine, aux mesures de rétorsion licite décidées en
réponse à un comportement inamical, ou aux mesures de
représailles illicites.42
Les contre-mesures sont constituées des mesures
coercitives que les Etats peuvent prendre eux-mêmes à l'encontre
d'autres Etats, sans recourir à un quelconque organe ou autorité,
contrairement aux sanctions qui, elles, pour être adoptées, outre
la violation d'une obligation internationale qui mettrait en mal la paix et la
sécurité internationale, nécessitent la reconnaissance
d'une autorité, d'un organe socialement compétent, ou d'une
entité autre que l'Etat victime de la violation, laquelle
(autorité ou organe socialement compétent) doit constater et
qualifier ladite violation d'une menace contre la paix, d'une rupture ou d'un
acte d'agression périclitant la paix et la sécurité
internationales.
2. Catégories de contre-mesures:
La pratique démontre que ces mesures se
répartissent en deux grandes catégories à savoir, les
mesures de rétorsion et les représailles non armées.
a. Les mesures de rétorsion
Il convient d'entendre par mesures de rétorsion des
actes inamicaux, voire préjudiciables, mais intrinsèquement
licites, qui répondent à un acte antérieur qui pourrait
lui aussi avoir été inamical mais licite, ou illicite au plan
international.
La notion de rétorsion s'applique, en droit
international, à une conduite « inamicale» de la part d'un
État à l'encontre d'un autre, mais une conduite, s'il faudrait
que l'on reprenne la définition avancée par la Commission du
droit international, qui ne doit pas être incompatible avec une
obligation internationale de l'État recourant à la mesure de
rétorsion, alors même qu'elle peut être une réponse
à un acte internationalement illicite posé par l'État
cible de la mesure de rétorsion43. En d'autres termes, la
mesure de rétorsion ne doit pas comporter une
42 BULA BULA (S.), Droit international public,
Notes de cours à l'usage des étudiants de G3, UNIKIN, 2015,
p. 261. 43Sur la notion de rétorsion, voir notamment DAILLIER
(P.) et FORTEAU (M.) et PELLET(A.), Droit International Public, Paris,
LGDJ, 2009, p. 1055.
En 1979, suite à l'invasion de l'Afghanistan, le
Sénat américain a refusé d'examiner les accords SALT II,
déjà signés par l'URSS et les Etats-Unis.
25
violation d'une obligation internationale de l'État qui
y recourt vis-à-vis de l'État contre qui elle est prise.
Nous pouvons soutenir que les actes de rétorsion sont
des mesures contraignantes prises par un Etat qui use rigoureusement de son
droit afin de répondre à des actes eux-mêmes licites mais
inamicaux commis à son égard par un autre Etat. Au regard du
droit international, ce sont des mesures licites et légales. Car,
même si elles sont contraignantes et dolosives, elles n'appellent
cependant aucun usage de la force. L'Etat auteur des rétorsions use de
son droit d'autoprotection que lui reconnait la société
internationale mais d'une manière forte, ou plutôt draconienne. On
dit qu'« un Etat à l'égard duquel un autre Etat a pris
une mesure qui, tout en étant légale et licite, est discourtoise,
rigoureuse, dommageable, peut prendre à son tour, à
l'égard de celui-ci, des mesures ayant le même caractère
afin de l'amener à revenir sur le droit chemin. »
La mesure de rétorsion peut prendre des formes très
variées. Notamment:
Ø Expulsion de diplomates
Le renvoi du personnel diplomatique de l'Etat
accréditaire par l'Etat accréditant, tel que cela a
été le cas, par exemple, de l'expulsion d'étudiants
iraniens et de certains membres du personnel diplomatique iranien en poste
à Washington lors du conflit entre les Etats-Unis et l'Iran lors de
l'affaire de prise d'otages américains à Téhéran en
1980.
Ø Rupture des relations diplomatiques
Dans le cadre de l'affaire du personnel diplomatique à
Téhéran ci-haut mentionnée, on a abouti à une
rupture complète des relations diplomatiques entre les deux Etats, suite
à la décision des Etats-Unis.
Ø Interruption des négociations
diplomatiques en cours ou refus de ratifier des accords déjà
signés
26
Ø Non-renouvellement des privilèges ou
accords commerciaux
A la suite de la répression en Pologne, les Etats-Unis
ont décidé en 1981 de ne pas renouveler leur accord maritime
bilatéral avec l'URSS et de soumettre à des restrictions
l'admission des navires soviétiques dans les ports américains
à partir de janvier 1982.
Ø Réduction ou suspension de l'aide
publique à l'Etat en question
En décembre 1982, en réaction contre les tueries
commises par la milice et autres violations des droits de l'homme au Suriname,
les Pays-Bas ont suspendu la mise en oeuvre d'un programme d'aide à ce
pays. Récemment aussi la Belgique a suspendu son aide humanitaire en
faveur de la République Démocratique du Congo.
Le principe en cette matière reste le non usage de la
force mais il faut noter que peu importe qu'elle réponde à un
acte licite ou illicite, la mesure de rétorsion est par nature licite et
légale au regard du droit international tel que déjà
relevé précédemment. C'est, d'ailleurs, cette
licéité par nature qui fait la différence d'avec des
mesures de représailles, qui ne sont licites que par
définition.
2. Mesures de Représailles
Les représailles est un terme qui, à ce jour, a
quelque peu perdu la faveur de la doctrine, sans doute, parce qu'il
évoque l'idée de vengeance et du recours à la force
armée.
Les représailles sont des actes qui, par leur nature
même, sont illicites mais exceptionnellement justifiés à la
lumière d'un acte illicite antérieur commis par l'Etat contre
lequel elles sont dirigées44. La Commission du droit
international, qui emploie le terme «contre-mesures» pour
désigner de tels actes, considère que l'illégalité
initiale constitue une circonstance qui exclut d'avance
l'illégalité de la réponse.
44 Dans la décision de la CIJ intervenue en
1986 entre les Etats-Unis et le Nicaragua, le juge international a
qualifié de représailles l'appui des Etats-Unis aux
activités militaires et paramilitaires des contrats au
Nicaragua (soutien financier, entraînement, fourniture d'armes, de
renseignements et de soutien logistique) parce que cet appui constituait une
violation du principe de non-intervention, alors qu'il a
considéré que l'interruption de l'aide économique à
ce même Etat ou la réduction du quota d'importation du sucre
étaient des mesures de rétorsion.
27
Définies par l'Institut du Droit International comme
des « mesures de contrainte dérogatoires aux règles
ordinaires du droit des gens prises par un Etat à la suite d'actes
illicites commis à son préjudice par un autre Etat et ayant pour
but d'imposer à celui-ci, au moyen d'un dommage, le respect du droit
»45 les représailles se différencieraient ainsi
des rétorsions sur deux points: D'abord, elles sont des réactions
à un acte illicite, puis elles s'exercent par des moyens qui auraient
été illicites si le comportement initial qui les explique n'avait
pas été lui-même illicite. Ce sont donc des mesures
illicites par nature mais dont la licéité découle du fait
qu'elles sont destinées à combattre un acte illicite
antérieur. Par contre, sont exclues des contre-mesures, les
représailles armées qui sont à priori interdites par le
droit international46.
Au nombre de ces mesures figurent notamment les pressions
économiques. Leur but est d'entraver les relations économiques et
financières normales, soit en ne respectant pas les accords en vigueur,
soit en prenant des décisions qui vont à l'encontre des
règles régissant ces relations.
Ø Restrictions et/ou embargo commercial sur la
vente des armes, la technologie militaire et la coopération
scientifique
Le 4 août 1990, les Communautés
européennes ont pris une série de décisions à
l'égard de l'Irak qui comprenaient notamment un embargo sur la vente
d'armes et d'autres équipements militaires, et la suspension de toute la
coopération technique et scientifique.
Ces mesures ne peuvent constituer des contre-mesures que si
à la base, comme cela était le cas dans chaque cas
d'espèce, il existait des accords de coopération.
45Annuaire I.D.I, 1934, p.708.
46 L'usage des représailles armées
est strictement interdit par le droit international. Elles ne peuvent
découler que d'un cas de légitime défense ou être
décidées que par le Conseil de Sécurité de l'ONU en
application du chapitre VII de la Charte (art. 42). Par ailleurs, la CDI a
exclu la légitimité des représailles armées dans sa
définition des contre-mesures. Toutefois, dans un aspect terminologique,
le terme "représailles" tend aujourd'hui à n'être
utilisé que pour désigner, en général, les
politiques de contrainte comportant un recours à la force (rapport
2001 de la CDI, p. 181).
28
Ø Restrictions aux exportations et/ou importations
à destination et en provenance de l'Etat qui commet des violations :
interdiction totale de relations commerciales
A la suite de l'invasion de l'Afghanistan en 1979, les
Etats-Unis ont décrété un embargo céréalier
à l'encontre de l'URSS; les Communautés européennes ont
imposé une interdiction totale sur les importations en provenance de
l'Argentine pendant le conflit des Falkland-Malvinas en 1982; les Etats-Unis
ont suspendu leurs relations commerciales avec l'Ouganda en 1978, en
réaction contre les violations des droits de l'homme.
Toutes ces mesures avaient été prises en
violation des accords commerciaux existants entre différents Etats.
Ø Interdiction des investissements
En 1985, la France a interdit tous les nouveaux
investissements en Afrique du Sud, suite à un durcissement de la
répression liée à l'apartheid. Cette mesure avait
été prise alors même qu'il existait un engagement entre les
deux Etats dans le domaine des investissements.
Ø Gel des capitaux
Le 4 août 1990 les Communautés européennes
ont décidé de geler les avoirs irakiens sur le territoire des
Etats membres.
Ø Suspension des accords relatifs au transport
aérien (ou autres accords)
Le 26 décembre 1981, les Etats-Unis ont suspendu
l'US-Polish Air Transport Agreement (accord sur le transport aérien
entre les Etats-Unis et la Pologne) de 1972 à la suite de la
répression du mouvement Solidarité par le gouvernement
polonais.
Il parait jusqu'ici judicieux de noter la différence
entre ces deux notions qui réside dans le caractère licite ou
illicite des moyens mis en oeuvre pour faire cesser l'illicéité.
En ce qu'en cas de représailles, les mesures sont illicites et, en cas
de mesures de rétorsion, les moyens mis en oeuvre sont licites.
29
3. Conditions de licéité de mise en
oeuvre de Contre-mesures
Contrairement à la sanction, la licéité
des contre-mesures, notamment en ce qui concerne leur contenu et leur mise en
oeuvre, est déterminée non seulement en fonction des limites que
leur dictent la civilisation et l'humanité, mais aussi en fonction de
leur but. Le but poursuivi n'est ni de punir ni de chercher des compensations,
mais uniquement d'obliger l'Etat responsable d'avoir violé le droit
à cesser de le faire, en lui infligeant des dommages, et de le dissuader
de recommencer à l'avenir.
Formellement, dans le projet d'Articles sur la
responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite
adopté en 2001, la Commission du droit international a relevé les
conditions tant procédurales que substantielles du recours aux
contre-mesures. A ce sujet, il suffit de rappeler que pour être licites
les contre-mesures doivent satisfaire à trois conditions de base. Ainsi,
pour rester licites, les contre-mesures doivent :
- être dirigées contre l'Etat responsable de
l'acte illicite proprement dit;
- être précédées d'un avertissement
adressé à l'Etat en question, lui demandant de mettre fin audit
acte;
- être proportionnelles à l'acte illicite
dénoncé et toutes les mesures qui ne seraient pas
proportionnelles à l'acte qui est à leur origine seraient
excessives, et donc illicites;
- respecter les principes humanitaires fondamentaux, comme le
prévoient le droit international public et le droit international
humanitaire, selon lesquels il est interdit de prendre ce type de mesures
à l'encontre de certaines catégories de
personnes47;
47Conformément, entre autres, à
l'article 60, paragraphe 5, de la Convention de Vienne sur le droit des
traités. En outre, le paragraphe 4 du même article réserve
les dispositions spécifiques de chaque traité applicable en cas
de violation. Aux termes du droit international humanitaire, l'interdiction de
prendre certaines mesures à l'égard de personnes
protégées est mentionnée dans les articles 46, 47, 13(3)
et 33(3) des quatre Conventions de Genève respectivement et dans
certains articles du Protocole additionnel I, comme les articles 20, 51(6),
54(4). Voir aussi le Quatrième rapport sur la responsabilité des
Etats, chapitre V.C. «Contre-mesures et respect des droits de
l'homme» où le rapporteur observe que «...les limitations
imposées pour des considérations d'ordre humanitaire au droit de
réaction unilatérale à des faits internationalement
illicites ont pris de nos jours (...) une valeur restrictive qui ne le
cède qu'à celle de la condamnation du recours à la
force» (paragraphe 78). Parmi les exemples qu'il cite à l'appui, on
trouve l'arrêt total des relations commerciales avec la Libye
décrété en 1986 par les Etats-Unis, qui ont interdit
l'exportation vers la Libye de tous biens, technologie ou services en
provenance des Etats-Unis à l'exception des publications et des dons
d'articles destinés à soulager des souffrances humaines, tels que
denrées alimentaires, vêtements, médicaments et fournitures
médicales strictement réservées à des fins
médicales (paragraphe 79).
30
- être provisoires et par conséquent cesser
dès que l'Etat en question cesse de violer le
droit48.
Les analyses ci-haut révèlent que les
contre-mesures sont des mesures coercitives et correctives unilatérales,
aux mains des Etats, mais conformes au droit international. Cette
conformité nous l'avons vu, repose sur leur respect des principes
fondamentaux du droit international public. Les contre-mesures respectent et
maintiennent en effet le principe du non usage de la force armée d'une
manière unilatérale dans les relations interétatiques et
les principes de l'égalité et de la souveraineté des
Etats. Ceux-ci ne font d'elles cependant pas une sanction internationale
suivant l'esprit de la Charte, pour le simple fait que la sanction est plus
spécifiquement prise par les instances de décision d'une
organisation internationale à l'encontre de ses membres qui ne
respecteraient pas leurs engagements. En effet, d'après les
rédacteurs de la Charte, on peut parler de sanction que dans le cadre
d'une communauté internationale organisée en vue du maintien de
la paix et capable d'obtenir de ses membres un comportement tendant à ce
résultat. Donc, il serait incorrect dans la société
internationale de qualifier de sanction les mesures prises
unilatéralement par les Etats.
PARAGRAPHE II : SANCTION, LEGITIME DEFENSE ET MESURES
CORPORATIVES
La légitime défense est une notion très
bien connue en droit international. En plus, elle est même connue en
droit interne, même si les réalités internes et
internationales diffèrent quelque peu. Nous allons commencer par
préciser la notion de légitime défense.
48Il conviendrait aussi d'interpréter cette
condition en tenant compte de la résolution 2131 (XX) de
l'Assemblée générale du 21 décembre 1965 sur
l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures
de l'Etat et la protection de son indépendance et de sa
souveraineté, et de la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970
sur la déclaration relative aux principes du droit international
touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats
conformément à la Charte des Nations Unies, qui toutes deux
condamnent l'usage de mesures économiques et politiques par les Etats
pour contraindre un autre Etat à subordonner l'exercice de ses droits
souverains ou pour obtenir de lui des avantages de quelque ordre que ce
soit.
31
1. Notion de légitime défense
Prévue expressément à l'article 51 de la
Charte, qui en substance dispose: «Aucune disposition de la
présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime
défense, individuelle ou collective dans le cas où un Membre des
Nations Unies est l'objet d'une agression armée... ». Elle
serait, dans cette hypothèse, une réaction face à un acte
d'agression et se bornerait à tenter d'arrêter cette violation.
Suivant une logique comparable au droit interne, il est en principe interdit de
se faire justice à soi-même. Cependant, le droit à la
légitime défense est reconnu à chacun : il est permis de
se défendre entre le moment de l'agression et le moment de
l'intervention des autorités publiques. Elle fait partie de
circonstances qui excluent l'illicéité d'un comportement en soi
dérogatoire en droit.
Toutefois, comme en droit interne, tant que l'autorité
publique n'a pas utilisé la force, l'Etat agressé peut de
façon provisoire, dans l'urgence, se défendre. Il s'agit d'une
possibilité de recours à la force unilatérale, sans
autorisation. Ce droit à la légitime défense, cependant,
n'est pas absolu; car, il vaut « [...] jusqu'à ce que le Conseil de
sécurité ait pris les mesures nécessaires
»49.
Elle est, donc, un droit inhérent à la
qualité d'Etat. On ne peut refuser à un Etat de se
défendre contre une attaque armée actuelle et injuste, quoique
s'étant demis du pouvoir de l'usage de la force, dans ses relations avec
d'autres Etats, au profit de la communauté internationale par le
truchement des Nations Unies, plus spécialement à son organe
central qui est le Conseil de sécurité. Car, il est relié
à une logique générale : les Etats renoncent à
utiliser la force, en échange de quoi la force va être
gérée de manière collective par le Conseil de
sécurité.
La légitime défense s'exerce en droit contre une
agression. Celle-ci est définie comme l'attaque armée
déclenchée par un Etat agissant le premier contre un autre Etat
en violation des règles du droit international50. Par
ailleurs, la résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 sur la
définition de l'agression a opté pour le fait de faire
coïncider les articles 2§4 et 51 de la Charte, ceci en
définissant l'agression dans les termes suivants : «
l'agression est
49 Article 51 Charte des Nations Unies.
50 DE BRICHAMBAUT (M.-P.), DOBELLE (J.-F.) et
D'HAUSSY (M.-R.), Leçons de droit international public, Paris;
Presses de Sciences PO et Dalloz, 2002, p.52.
32
l'emploi de la force armée par un Etat contre la
souveraineté, l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique d'un autre Etat ou de toute autre
manière incompatible avec la Charte des Nations Unies
»51. A travers ces définitions de même
qu'à la lumière des dispositions de l'article 51, on constate
qu'au départ la qualification d'un Etat de légitime
défense se fait par l'Etat agressé mais que cette qualification
fera l'objet d'une vérification ultérieure par le Conseil de
sécurité. Il faut, par ailleurs, qu'il y ait une agression
armée pour se situer dans le cadre d'une légitime
défense.
L'article 51 sur la légitime défense peut aussi
être complété par la résolution 2625 de
l'Assemblée générale, qui est considérée
comme une interprétation authentique de la Charte. Cette dernière
ne devant être entamée ni avant le début ni après la
fin de l'agression armée. Enfin, la légitime défense doit
disparaitre une fois le Conseil de sécurité agit en vue du
maintien de la paix et de la sécurité
internationales52. Par conséquent, le droit de
légitime défense présente un caractère subsidiaire,
dans la mesure où il ne peut être invoqué qu'aussi
longtemps que le Conseil de sécurité n'a pas pris les
dispositions nécessaires au maintien de la paix et de la
sécurité internationales.
La légitime défense aurait aussi un
caractère inaliénable affirmé, entre autre, par le
même article 51 quand il la qualifie de « droit naturel ».Mais
cela ne signifie pas pour autant qu'elle soit illimitée, dans la mesure
où son exercice est soumis au contrôle du Conseil de
sécurité.
La liberté d'action dont les Etats jouissent au moment
où ils sont victimes d'une agression armée n'est, du point de vue
de la Charte, que temporaire. En effet, lorsque le Conseil de
sécurité se saisit d'une affaire, il peut adopter toute
décision en vertu des pouvoirs qu'il détient de la Charte. Cela
vise essentiellement la préservation du rôle du Conseil de
sécurité en tant qu'organe ayant la responsabilité
principale pour le maintien de la paix et de la sécurité
internationale.
51 AG des NU, résolution 3314(XXIX) du 14
décembre 1974 sur l'agression.
52 CORTEN (O.), Le retour des guerres
préventives : le droit international menacé, Bruxelles,
Éditions Labor, 2003,
p.79.
33
Concernant le contrôle exercé par le Conseil de
sécurité, tout Etat est tenu de porter à sa connaissance
les mesures prises au titre de la légitime défense, même
si, en pratique, il est relativement rare qu'un Etat le fasse. A notre avis,
cela serait constitutif de mauvaise foi de l'Etat qui prétendrait
exercer la légitime défense. Cette position est soutenue par la
position de la Cour internationale de justice, dans le cadre de l'affaire des
activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
lorsqu'elle avait mentionné le non-respect par les Etats-Unis
d'Amérique de l'obligation d'informer le Conseil de
sécurité de leurs opérations au Nicaragua pour corroborer
son jugement sur l'illicéité de leurs activités.
2. Conditions de mise en oeuvre
Condition sine qua non de mise en oeuvre de la légitime
défense, l'agression armée est définie par l'article
1er de l'annexe à la résolution 3314 comme :
«l'emploi de la force armée par un Etat contre la
souveraineté, l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique d'un autre Etat, ou de toute autre
manière incompatible avec la Charte des Nations Unies, ainsi qu'il
ressort de la présente définition. »
La Cour internationale de justice et le Conseil de
sécurité se réfèrent à cette
résolution, pour définir ce qu'est une attaque armée.
Etant une réaction ou une riposte à une action
matérialisée, en cours ou du moins à un début
d'exécution mais pas avant celle-ci, la légitime défense
exclue toute légitime défense « préventive »,
qui n'est en réalité qu'une agression camouflée en
légitime défense si l'on s'en tient à l'article 2 de la
définition de l'agression.
La légitime défense ne peut être
interdite, mais elle peut être encadrée. On considère, en
effet, que l'utilisation de la force est le problème de tous les
Etats.
Selon la Cour internationale de justice, la riposte doit
être nécessaire. Nécessité voulant dire ici dans la
mesure nécessaire pour arrêter et repousser l'agression, mais pas
plus. C'est là le but de la légitime défense, sa seule
justification et sa seule limite en même temps. Si elle va
au-delà, par exemple pour infliger une punition à l'agression
elle se transforme en représailles armées, tombant ainsi sous la
prohibition de l'article 2§4 de la Charte.
34
Les mesures de légitime défense doivent
être proportionnées par rapport à leur objectif qui est de
mettre fin à l'agression armée. La force utilisée en
légitime défense doit en conséquence être
proportionnelle, ou plutôt elle ne doit pas être
disproportionnée par rapport à l'agression elle-même et aux
moyens utilisés pour la perpétrer. Autrement, elle
dépassera sa fonction d'arrêter et de repousser l'agression et
changera de qualification juridique.
Cette condition vaudrait qu'il y ait une équivalence
des moyens utilisés entre l'action et la réaction.
Il sied de préciser que celle-ci, comme la
nécessité, n'est pas prévu tel quel dans l'article 51 de
la Charte. Elles (conditions de nécessité et de
proportionnalité) ont été développées par la
jurisprudence.
Elles doivent donc rester des mesures de défense et ne
peuvent comprendre des opérations offensives comme le pillage de
ressources ou le renversement d'un gouvernement. En d'autres termes, on ne peut
pas faire n'importe quoi en exerçant son droit à la
légitime défense.
3. Types de légitimes défenses
L'article 51 de la Charte dit que la légitime
défense peut être : - individuelle : reconnue à l'Etat
agressé ou - collective : l'état agressé peut demander
l'aider d'autres pays. Chacune avec ses exigences propres.
On peut l'exercer de manière unilatérale
jusqu'à ce que le Conseil de sécurité prenne des mesures
nécessaires. À partir de ce moment, les Etats doivent s'aligner
par rapport aux mesures prises par le Conseil. Il n'est pas nécessaire
qu'il ait interdit d'utiliser la légitime défense, ainsi, une
simple décision de sa part entraîne l'obligation de l'Etat de s'y
conformer.
A titre d'exemple, on peut citer le cas de la Bosnie, dans
lequel le Conseil de sécurité avait décidé d'un
embargo pour empêcher les armes de parvenir sur le terrain. La Bosnie ne
pouvait donc pas demander l'aide d'autres pays (à cause de cet embargo).
La Bosnie a dit que c'était contraire à son droit de
légitime défense, mais cet argument n'a été suivi
par personne.
35
Elle provient du fait que les Etats n'ayant pas tous les
mêmes rapports de force et sachant que seuls ils ne peuvent rien en cas
d'agression, ont choisi de se réunir au sein d'entité ou
d'organisation à défaut de signer des accords avec d'autres Etats
pour se protéger en cas d'une agression. Cela, donné que les
Etats n'ont pas tous la même force de frappe et de peur de se voir
anéantir par l'agresseur ils se sont liés pour se défendre
mutuellement en cas d'agression.
Cela fut d'autant plus encouragé lors de la guerre
froide au vu de la rivalité qui existait entre les deux blocs socialiste
et occidental. Cette rivalité favorisa la mise en place d'organismes
régionaux de défense mutuelle comme le Pacte de Varsovie par le
bloc socialiste et l'organisation du traité de l'Atlantique Nord
(O.T.A.N.) par le bloc occidental. C'est ainsi que l'article 5 du traité
de Washington fut invoqué pour la première fois au lendemain des
attentats du 11 septembre 2001 par les Etats-Unis.
La Cour internationale de Justice a saisi l'occasion de
l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua pour
explorer les conditions spécifiques de l'exercice de cette
variété de légitime défense par les tiers qui
viennent à l'aide de la victime d'une agression. Elles sont au nombre de
deux : que la victime se considère et déclare au même
moment des faits, qu'elle est l'objet d'une agression armée et qu'elle
invite le tiers à venir ou consente à ce qu'il vienne à
son aide. Par la même occasion, la Cour avait précisé
également que le droit n'admet pas, parallèlement à la
légitime défense collective, des contre-mesures collectives
impliquant l'emploi de la force en réaction à une intervention en
deçà d'agression armée.
Les autres mesures coercitives individuelles qui se
développent à côté de la sanction internationale
suivant le système de la sécurité collective
précisées, il sied avant de conclure ce premier chapitre de
relever que les sanctions ne peuvent pas être imposées en fonction
de l'un quelconque des autres objectifs et principes des Nations Unies
énoncés à l'article premier de la Charte, à moins
qu'on ne soit en présence d'un phénomène manifeste de
menace pour la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression. Pour ce
faire, il suffirait de se poser la question de savoir si les sanctions
sont-elles prises pour des raisons valables telles que définies par la
Charte.
36
Dans les relations interétatiques, on ne peut parler
des sanctions que lorsqu'il existe une menace de rupture ou une rupture
effective de la paix et de la sécurité internationales, qualifier
comme tel par le Conseil de sécurité. On ne peut donc pas parler
de sanctions lorsque certains Etats puissants soient-ils, décident des
mesures coercitives ou privatives des certains avantages pour des motifs
politiques non valables (rancoeurs personnelles, politiques de bloc
"est-ouest", "nord-sud", "gauche contre droite" et autres motifs similaires).
Les sanctions ne doivent pas procéder de la volonté d'un
État ou groupe d'États de s'assurer un avantage économique
au détriment de l'État sanctionné ou d'autres
États, ni avoir pour résultat un tel avantage. Les sanctions ne
doivent pas porter indûment atteinte aux droits souverains d'un
État tels qu'ils sont consacrés en droit international.
La deuxième question que l'on doit se poser serait
celle de savoir si les mesures adoptées au titre des sanctions visent
les parties responsables dans la société internationale
d'après la Charte ?
En droit international, les sanctions ne doivent pas viser des
personnes civiles qui ne sont pas impliquées dans la menace contre la
paix ou la sécurité internationales. Des sanctions qui
aboutiraient à la négation des droits consacrés par les
Conventions de Genève sont nulles et non avenues car ces droits sont
intangibles. Les sanctions ne doivent pas viser des tiers États ou
particuliers ni entraîner pour eux des dommages indirects.
D'où, les mesures coercitives prises individuellement
par les Etats en dehors d'une constatation et d'une décision collective
(par le Conseil de sécurité), quel que soit le libellé
qu'on leur donnerait (mesures de rétorsion, représailles ou
légitime défense), n'entrerait évidemment pas dans la
définition donnée de la sanction. Elles ne seraient que, tel
qu'on l'a dit ci-haut, les restes du pouvoir « d'autoprotection » ou
de justice privée, dans les limites étroites encore admises en
droit international contemporain, qui dans certains cas serait contre le droit
de gens.
Quoique la doctrine la dénomme sanction, l'objectif
poursuivi n'est pas la répression bien entendu, mais bien la contrainte
visant à faire cesser un comportement contraire aux exigences de la paix
et de la sécurité, faire cesser une agression armée, une
occupation de
37
territoire ou une situation intolérable. Ces mesures
coercitives (sanction selon la doctrine) dont est question dans la Charte,
revêtent les deux formes indiquées par ladite Charte, entre autres
les mesures coercitives n'impliquant pas l'usage de la force (mesures non
militaires) et les mesures coercitives qui impliquent l'emploi de la force
armée (les opérations militaires).
4. Les mesures corporatives
Apparues à la fin du XIXème siècle, les
organisations internationales sont définies par Olivier Corten comme
« collectivité composée d'Etats ou autres
collectivités publiques, créée par des Etats, dotée
de compétences particulières dans l'ordre international et
d'organes propres susceptibles d'exprimer une volonté distincte de ses
Etats membres. Elle possède en principe une personnalité
juridique distincte de ceux-ci »53.
C'est suite à leur apparition et développement
(via l'institutionnalisation progressive) que la société
internationale s'est constituée, par le biais d'une vision
idéaliste, en vue de créer du droit et de développer la
coopération entre Etats. L'idée dans cette démarche est
que chaque Etat a besoin des autres Etats pour survivre. Il y a une
nécessité d'interagir et cela vise des domaines les plus vastes :
juridique, commercial, postal ou encore politique, etc. C'est ainsi qu'on voit
apparaître vers 1919, la Société des Nations puis en 1945,
l'ONU.
A ce jour, on compte une centaine d'organisations
internationales et cela est le signe des progrès des conceptions
idéalistes : la paix par le droit, sous l'égide des organisations
internationales, se retrouve en particulier dans le discours des organisations
internationales, notamment l'ONU.
Les organes des organisations internationales sont tenus de
fonctionner dans les limites de pouvoirs qui leur sont reconnus dans les actes
constitutifs. Le droit qui découle de la mise en oeuvre de l'acte
constitutif doit être accepté par les Etats et doit se conformer
au droit international général, en particulier à la Charte
de l'ONU.
Contrairement aux relations entre Etats ut singuli
qui sont horizontales, au sein de chaque organisation, on a donc une
structure plutôt verticale qu'horizontale.
53 CORTEN (O.), Droit international public,
ULB, faculté de Droit, Année académique 2009-2010, p.
52.
38
Cette verticalité signifie qu'au sein de
l'organisation, une fois que les Etats se sont mis ensemble, le traité
prévoit l'existence d'organes qui eux-mêmes vont veiller au
respect des droits et obligations couchés dans l'acte constitutif.
En vertu de cela, un Etat peut subir des mesures corporatives
prévues dans le Traité constitutif s'il venait à violer
les obligations que lui impose le traité constitutif. C'est ainsi par
exemple qu'une organisation internationale peut suspendre un de ses membres ou
l'exclure au titre en réaction à une attitude contraire à
ce que prescrit le Traité constitutif.
Une organisation internationale, quelle qu'elle soit, n'est
pas en droit de prendre des sanctions à l'égard de tiers lorsque
ses droits propres ne sont pas en cause. Il lui revient exclusivement en
pareille hypothèse d'exécuter, à la limite des pouvoirs
que lui confère son acte constitutif, la décision de sanction
prise par le Conseil de sécurité de l'ONU. On comprendra que
l'exception serait le cas où un tiers mettrait en mal les droits de
l'organisation internationale.
Sur pied de l'article 53, le Conseil de sécurité
peut faire appel aux organisations régionales qui feront office de
relais et alléger sa tâche. L'idée ici est d'obtenir si
possible la paix et la sécurité internationales avec l'aide de
ces organisations régionales; car, le Conseil de sécurité
ne peut toujours pas déployer ses forces partout.
Cependant, la mise en place de ces organisations
régionales ne doit pas être confondue avec les organisations
régionales de défense mutuelle. Car, aux termes de l'article 53
précité, le Conseil peut déléguer ses
compétences à ces organisations régionales. Tout chercheur
averti ressortira de la lecture de cet article que le régionalisme a
été donc traditionnellement conçu, dans le cadre onusien,
comme la duplication de la sécurité collective. Ceci est relever
à titre d'informations, car le présent paragraphe aborde la
question relative au pouvoir propre aux organisations régionales
à adopter de sanctions internationales. C'est-à-dire comment,
quand et qui elles peuvent décidés de sanctions.
Ø L'Union européenne
Arrivé à ce point, la complétude voudrait
qu'il soit précisé que les termes sanction et mesures
restrictives sont employés de manière synonyme. Mais avec cette
petite différence que le terme « sanctions» relève
davantage du droit international, alors que l'expression
39
« mesures restrictives » est consacrée en
droit de l'Union européenne depuis l'entrée en vigueur du
Traité de Lisbonne.
Par ailleurs, en droit de l'Union européenne, le terme
« sanctions» peut être considéré comme plus
extensif: car non seulement il englobe les mesures restrictives
dénommées comme telles et adoptées sur fondement de
l'article 215 Traité sur le fonctionnement de l'union
Européenne, mais est également susceptible d'en faire partie
toute mesure prise par l'union en réaction à un comportement
illicite d'un Etat tiers, soit la suspension d'un accord sur le fondement de
l'article 218§9 du même traité, soit la mise en oeuvre de
mesures coercitives en application de dispositions
conventionnelles54. Cela peut être le cas, par exemple, des
mesures de mise en oeuvre de l'article 96 de l'Accord de Cotonou, s'agissant du
partenariat entre l'Union européenne et les pays dits ACP (Afrique,
Caraïbes, Pacifique)55.
C'est au titre de la Politique de Sécurité et de
Défense Commune que l'Union européenne décide de
sanctions. Ce pouvoir lui est attribué par le Traité sur le
Fonctionnement de l'Union Européenne en son article 215 du titre IV sur
les mesures restrictives, qui fournit la base légale à ces
mesures : « 1. Lorsqu'une décision, adoptée
conformément au chapitre 2 du titre V du traité sur l'Union
européenne, prévoit l'interruption ou la réduction, en
tout ou en partie, des relations économiques et financières avec
un ou plusieurs pays tiers, le Conseil, statuant à la majorité
qualifiée, sur proposition conjointe du haut représentant de
l'Union pour les affaires étrangères et la politique de
sécurité et de la Commission, adopte les mesures
nécessaires. Il en informe le Parlement européen.
2. Lorsqu'une décision, adoptée
conformément au chapitre 2 du titre V du traité sur l'Union
européenne, le prévoit, le Conseil peut adopter, selon la
procédure visée au paragraphe 1, des mesures restrictives
à l'encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou
d'entités non étatiques »56.
Généralement, les sanctions appliquées
par l'Union européenne visent à obtenir un changement de
politique ou d'activité de la part des entités
visées.
54 RUZIE (D.), Organisations internationales et
sanctions internationales, Paris Colin 1971, p.67.
55 BOSSE-PLATIERE (I.), « Les mesures
restrictives adoptées par l'union européenne: La projection
à l'externe d'un acteur singulier », in AFDI, Volume XVII,
2016, p. 445.
56 Article 215 du TFUE, ancien article 301 TCE, in
Journal officiel de l'Union européenne.
40
Comme déjà noté
précédemment, l'Union européenne transpose les
décisions du Conseil de sécurité de l'ONU dans son droit
communautaire, mais peut également appliquer des sanctions plus
restrictives (dites « mixtes »), ou même autonomes. Ces mesures
restrictives de l'Union européenne ont but de soutenir la lutte contre
le terrorisme, la lutte contre la prolifération des armes de destruction
massive, ainsi que de faire respecter les droits humains, la démocratie,
la loi et la bonne gouvernance57.
L'Union européenne en tant qu'une organisation
internationale à l'instar de ses Etats membres, ne peut adopter des
mesures coercitives dites communément « sanctions » à
l'endroit d'un Etat membre ou tiers que dans trois hypothèses :
· en participant à la mise en oeuvre de sanctions
décidées par le Conseil de sécurité;
· en recourant à des mesures de rétorsion,
c'est-à-dire à « des actes de contrainte qui n'impliquant
pas l'usage de la force armée et qui seraient licites en
elles-mêmes au regard du droit international »58; ou
· en adoptant des contre-mesures en réponse
à un fait internationalement illicite d'un Etat ou d'une organisation
internationale;
Y a lieu à faire remarquer que l'Union
européenne cherche à s'affirmer sur la scène
internationale comme un acteur global, doté d'une influence normative,
capable de jouer « un rôle stabilisateur au plan mondial et
d'être un repère pour un grand nombre de pays et de peuples
»59. Pour ce faire, elle dispose d'une palette instrumentale
quasi égale à celle d'un Etat, dans la mesure où elle
peut, dans ses relations extérieures, mobiliser aussi bien ses
instruments diplomatiques que politiques, ses instruments unilatéraux
(telles que les mesures restrictives ou les instruments d'assistance
économique, financière et technique) ou ses instruments
conventionnels. Si elle est formellement très vaste, son action est
cependant, d'un point de vue matériel, limitée par le principe
d'attribution des compétences60. En effet, la
spécificité de l'Union consiste réside en ce qu'elle
« aspire à acquérir sur le plan international une
existence
57
Http://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/adoption-procedure/,
consulté le 12 décembre 2018. 58Cfr. supra partie
relative à la mesure de rétorsion.
59 Conseil européen, «
Déclaration de Laeken sur l'avenir de l'Union européenne »,
14-15 déc. 2001, Bull. UE, n°12, 2001, point I-27.
60 Article 5§2 TUE. En vertu de ce principe,
l'UE «n'agit que dans les limites des compétences que les Etats
membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les
objectifs qu'ils établissent ».
41
propre sous les traits d'un Etat, sans pour autant revendiquer
de traits étatiques d'un point de vue interne »61.
En somme il sied de retenir qu'au sein de l'Union
européenne, la base légale dépend de la nature des mesures
restrictives. Lorsqu'il s'agit d'adopter une nouvelle mesure restrictive, il
convient d'approuver à l'unanimité une décision du Conseil
dans le domaine de la Politique Etrangère et de la
Sécurité Commune62 dont toutes les composantes sont
obligatoires pour les États membres. Lorsqu'une décision
politique étrangère et sécurité commune
prévoit l'interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des
relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays
tiers, le Conseil adoptera, en vertu de l'article 215 du Traité sur le
fonctionnement de l'union européenne, un Règlement union
européenne est adopté à la majorité
qualifiée, sur proposition conjointe de la Commission et du
Haut-représentant de l'Union aux Affaires étrangères et
à la Politique de sécurité, dont toutes ses composantes
sont obligatoires pour ses destinataires
généraux63.
Il convient de retenir également qu'au sein de l'Union
européenne, il existe trois différents types de régimes
des mesures coercitives notamment : ceux qui impliquent une simple
transposition des mesures convenues dans le cadre des Nations unies (mesures de
transposition), ceux qui sont adoptés de façon
complémentaire pour étoffer les mesures prises par le Conseil de
sécurité (mesures supplémentaires) et ceux qui sont
approuvés sur initiative propre (mesures autonomes).
Les mesures autonomes ne devraient être dirigées
que contre ses Etats membres, et même dans ce cas, pour des violations
prévues dans le Traité constitutif et son droit
dérivé et conformément à la Charte de l'ONU. Les
supplémentaires sont des violations du droit international, parce que
ajoutées aux mesures du Conseil de sécurité, sans qu'elles
ne soient prévues par ce dernier. Seules les mesures de transposition,
les contre-mesures et les mesures de rétorsion peuvent être
licites s'agissant de l'UE.
61 NEFRAMI (E.), L'Action extérieure de
l'Union européenne. Fondements, moyens, principes, Paris, LGDJ,
2010. 62Articles 29 et 31 du Traité de l'Union
européenne.
63 C'est-à-dire les personnes physiques et
morales de l'UE.
42
Ø L'Union Africaine
Créée le 11 Juillet 2000, en remplacement
à l'organisation de l'unité africaine64(OUA) et depuis
sa mise en place, la notion de sécurité collective est l'apanage
du Conseil de paix et de Sécurité. En effet, le Conseil de paix
et de Sécurité, organe dont s'est doté l'Union africaine,
oeuvre un peu partout en Afrique en se prémunissant d'instrument de
prévention et de gestion des conflits afin que les différents
foyers de tensions soient éteints et que l'Afrique sorte à jamais
de cette insécurité à laquelle elle est plongée en
laissant la communauté internationale longtemps décidée
à sa place.
En effet, il convient de noter que l'Union africaine en tant
qu'organisation régionale, ne peut imposer des mesures corporatives
prévues dans son Acte constitutif qu'à ses membres et pour des
cas prévus dans celui-ci, en conformité avec la Charte de
l'ONU.
C'est par exemple ainsi qu'en vertu de son Acte constitutif,
l'Union s'attèle à « interdire, rejeter et condamner»
les actes non démocratiques. En ce que ceux-ci ne suffisent pas en
effet, à désarçonner les initiateurs de telles pratiques.
Ce cas a été patent avec les textes qui ont
précédé la Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance notamment la décision d'Alger de
1999 et la déclaration de Lomé de 2000. Ceci pour dire que
l'Union africaine va plus loin, dans ses mesures répressives (sanctions)
contenus dans le chapitre VIII. Mais avant de sanctionner, elle mentionne les
cas dans lesquels ces sanctions vont s'appliquer. Bien de fois cela se fait
dans le cas entre autre de :
- un putsch ou coup d'état contre un gouvernement;
- une intervention de mercenaires pour renverser un gouvernement
démocratiquement élu; - une intervention de groupes dissidents
armés ou de mouvements rebelles pour renverser un gouvernement
démocratiquement élu;
- le refus par un gouvernement en place de transférer
le pouvoir au candidat vainqueur à l'issu d'élections libres,
justes et régulières ;
- l'amendement ou révision des constitutions ou des
instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l'alternance
démocratique.
64 Acte constitutif de l'Union africaine adopté
à Lomé, le 11 juillet 2000, p.12.
43
En réalité et concrètement, ce n'est
qu'en présence de l'un de ces cas énumérés, que
l'Union est en droit de sanctionner l'Etat membre réfractaire. Elle opte
avant toute chose, à l'instar des Nations Unies, pour l'option
diplomatique65, c'est-à-dire par le règlement
pacifique. Ainsi, c'est après l'échec de cette option
diplomatique, que l'Union, par l'entremise du Conseil de paix et de
sécurité, passe aux sanctions proprement dites. Dans la pratique,
elle suspend les droits de participation de l'Etat partie concerné. Ce
dernier se trouve ainsi exclu des activités de l'Union en vertu des
dispositions des articles 30 de l'acte constitutif de l'Union et 7 g du
protocole. Cette suspension prend immédiatement effet66.
Cependant, la panoplie des sanctions de l'Union ne se situe
pas seulement sur les points de vue politiques et judiciaire, mais elles sont
aussi économiques car la conférence peut décider
d'appliquer d'autres types de sanctions que celles précitées et
astreindre économiquement l'Etat fautif67.
Sur le plan diplomatique, par exemple, des sanctions sont
aussi prises. Cependant, elles nécessitent une solidarité des
autres Etats membres à l'égard de l'Union. Concrètement,
les Etats parties sont tenus de n'accueillir ni d'accorder asile, aux auteurs
des changements anticonstitutionnels68. De plus, les Etats membres
eux-mêmes se voient encouragés dans la signature d'accords
bilatéraux ainsi que l'adoption d'instruments juridiques sur
l'extradition et l'entraide judiciaire69. Cependant, les sanctions
prises par l'Union ne s'arrêtent pas qu'aux auteurs des changements
anticonstitutionnels de gouvernements dans un autre Etat. En effet, des
sanctions peuvent être décidées par la conférence
sur la base des dispositions de l'article 23 de l'acte constitutif de l'Union,
aux Etats qui ont fomenté ou aidé à de tels
changements.
Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union
Africaine (CPS) qui a été créé en 2004, est
l'organe de l'Union africaine chargé de la prévention, de la
gestion, du règlement des
65 Article 25 -1 de la Charte africaine de la
démocratie, des élections et de la gouvernance, adoptée
à Addis-Abeba en Ethiopie, le 30 janvier 2007, entrée en vigueur
le 15 février 2012.
66 Tel fut le cas de la Guinée au lendemain
de la prise de pouvoir de MOUSSA DADIS CAMARA, le 23 décembre 2008.
67 Lire article 25-7 de la Charte dont question
à la référence 21.
68Art. 25-8 Ibidem. 69 Art. 25-10
Op. Cit.
44
conflits et du maintien de la paix70. C'est lui qui
met en place différents types d'action afin de rétablir la paix
mieux afin qu'il n'y ait pas rupture de la paix dans le continent. Mais, dans
la pratique, cette mission du Conseil de paix et de sécurité est
plutôt jouée par des organisations sous régionales telles
que la CEDEAO, la Communauté de Développement d'Afrique Australe
(SADC), etc.
C'est ainsi que lors de la crise post-électorale en
Côte d'ivoire, après la mission de médiation de la CEDEAO
le Conseil permanant de sécurité essaya d'oeuvrer pour que la
paix soit maintenue dans ce pays et que le Président Laurent GBAGBO
quitte le pouvoir car « ayant perdu les élections
présidentielles du 28 novembre 2010 » en mettant en place un panel
de cinq Chefs d'Etat africains. A l'instar de l'ONU, l'Union africaine aussi ne
peut sanctionner que l'un de ses membres et dans les limites, conditions et
circonstances définies dans son acte constitutif.
Toutefois, la portée juridique de l'ensemble des
sanctions prises par le Conseil de paix et de sécurité de
l'Union, contrairement à celles du Conseil de sécurité de
l'ONU, reste faible voire inefficace. Car, elles sont
généralement d'ordre symbolique. Elles n'obligent nullement le
législateur national à s'y conformer; et ce, les unes à
cause de leur nature déclaratoire non contraignante comme c'est le cas
pour les déclarations de Lomé et Alger; les autres pour leur
impossibilité de mise en oeuvre à l'image de la Charte africaine
de la démocratie, des élections et de la gouvernance.
Cependant, malgré les efforts déployés
par ces organisations internationales régionales, le Conseil de
sécurité demeure seul maître à bord pour
décider des opérations de sécurité collective et
aucune opération de sécurité collective ne peut être
menée ou envisagée de par le monde sans qu'il en soit
informé.
Ce qui est d'ailleurs confirmé dans la Charte comme
suit: « le Conseil de sécurité doit, en tout temps,
être tenu pleinement au courant de toute action entreprise ou
envisagée, en vertu d'accords régionaux ou par des organismes
régionaux, pour le maintien de la paix et de la sécurité
internationales »71. Aujourd'hui, au vu des nombreux
foyers de tension s'observant un
70 Le CPS a décidé d'appliquer
automatiquement des sanctions en cas de coup d'état (Togo et Mauritanie
en 2005, Guinée et Mauritanie en 2008, Madagascar en 2009) et a
participé en 2008 à une intervention armée aux Comores.
71Article 54 de la Charte.
45
peu partout dans le monde et la majorité en Afrique
subsaharienne, la communauté internationale, par l'entremise des Nations
Unies, tente de tout faire pour préserver la paix et au-delà la
rétablir. Seulement, dans certains foyers de tension, la paix ne peut y
être rétablie qu'avec l'aide des Etats membres.
Logiquement l'Union européenne n'est pas tenue en tant
qu'organisation internationale régionale de mettre en oeuvre les
principes de la Charte ni les décisions prises par les organes de
l'Organisation des Nations Unies. Cela sans doute parce que cette
dernière n'est pas partie à la Charte. La jurisprudence
européenne l'a relevé dans l'affaire Kadi en ces termes :
« à la différence de ses Etats membres,
la Communauté en tant que telle n'est pas directement liée par la
charte des Nations Unies et (...) elle n'est dès lors pas tenue, en
vertu d'une obligation du droit international public général,
d'accepter et d'appliquer les résolutions du Conseil de
sécurité, conformément à l'article 25 de ladite
charte »72.
Il serait indiqué de relever qu'il ne serait pas
possible, à l'état actuel du droit et de la pratique
internationale, de conclure catégoriquement qu'une organisation
internationale, autre que les Nations unies, soit en droit de recourir à
des sanctions internationale universellement. Il paraîtrait toutefois
raisonnable d'indiquer également que :
i) toute sanction armée est interdite, hors celle
qu'un « organisme régional » au sens de la Charte des Nations
Unies, peut exercer conformément aux dispositions de l'article 53 de
celle-ci ;
ii) une organisation internationale peut prendre à
l'égard de ses Etats membres les sanctions non armées
prévues par les traités, c'est-à-dire par un droit
international particulier (crée par l'acte constitutif de cette
dernier), qui déterminent fondamentalement ses compétences et ses
pouvoirs ;
72TPICE, 21 septembre 2005, Kadi c. Conseil et
Commission, Aff. T-315/01, § 192.
46
iii) cette organisation est en droit de prendre des
sanctions, aux conditions que fixe le droit des gens, à l'égard
de l'Etat tiers qui méconnaît gravement ses droits propres dont le
respect doit être assuré ;
iv) cette organisation n'est pas en droit de prendre
l'initiative de sanctions à l'égard d'Etats tiers pour violation
des droits de ses Etats membres ou d'Etats tiers. Il lui appartient seulement
en pareil cas de prendre les mesures que requiert l'exécution de la
décision de sanction prise par ses Etats membres ;
v) il n'y a pas lieu sur ce point de faire un sort
particulier aux organisations d' « intégration » que l'on
distinguerait des organisations de « coopération ».
47
CHAPITRE II: LES MESURES CONSTITUANT LES SANCTIONS
INTERNATIONALES ET LES CIBLES DES SANCTIONS INTERNATIONALES
Comme nous les avons déjà définies, nous
entendons par sanctions, des mesures de contrainte prises, par un organe
socialement compétent, à l'encontre d'un Etat ou d'une autre
entité, en réaction à une violation par ce dernier des
engagements internationaux. Ainsi, deux éléments sont à
retenir dans cette définition :
Premièrement, il doit s'agir de mesures coercitives,
c'est-à-dire de contrainte, qu'elle soit armée ou non
armée, matérielle etc...Contrainte contient l'idée d'agir
notamment contre la volonté du destinataire, ou du moins sans son
consentement. Le but ultime de ces mesures, étant
précisément, comme toutes les voies d'exécution
forcée, d'infléchir sa volonté pour le ramener à un
comportement conforme au droit. C'est en tant que cible et non pas en tant que
partie dans un rapport juridique qu'il est visé par ces mesures.
Deuxièmement, ces mesures doivent être prises
conformément à une décision d'un organe social
compétent, c'est-à-dire en dehors ou au-delà des
institutions de justice privée. Car, elles présupposent une
« constatation» et non seulement une « allégation»
ou « prétention» issue d' « auto-interprétation
», ainsi qu'une « décision» ordonnant ou recommandant la
prise de ces mesures sur la base de cette constatation.
Il est ici question de connaître les mesures qui
constituent les sanctions internationales avant d'identifier les entités
ciblées par les sanctions internationales.
SECTION I : LE CONTENU DES SANCTIONS
INTERNATIONALES
Nous avons vu que le Conseil de sécurité de
l'ONU détenait le pouvoir de qualifier une situation et de dire s'il
constitue une menace à la paix et à la sécurité
internationales, une rupture de la paix ou une agression.
En même temps, le Conseil a aussi le pouvoir de
déterminer les sanctions à appliquer à l'Etat auteur de la
violation du droit international. Ces mesures sont prévues aux articles
41 et 42 de la Charte.
48
Il convient de noter que la Charte de l'ONU ne prévoit
pas que des sanctions internationales. En tant traité constitutif
d'organisation internationale, elle prévoit aussi des mesures
corporatives comprenant la suspension ou l'exclusion d'un Etat membre.
Mais les mesures dont le contenu doit être
examiné ici sont celles qui sont prévues pour s'appliquer
à des Etats qui violent le droit de la paix et de la
sécurité internationales, et non pas les autres obligations de
membre comme les cotisations.
Les sanctions des Nations Unies sont mises en oeuvre pour
donner effet à des décisions du Conseil qui appellent à la
cessation de comportements à l'origine de la situation constatée
par ce dernier, en vertu de l'article 39 tel que détaillé supra.
Le Conseil adresse dans ce cas une injonction à l'Etat mis en cause et
use fréquemment de la menace de sanctions avant d'en adopter
effectivement à son encontre.
Les sanctions internationales revêtent les deux formes
indiquées par la Charte, dont notamment, les mesures non coercitives et
les mesures coercitives militaires.
La pratique démontre que les premières,
fondées sur l'article 41, en certaines occasions et conformément
au texte, ont effectivement été ordonnées et
appliquées, mais des secondes, il n'en a pas été de
même. En effet, une interprétation stricto sensu du texte
limiterait les mesures coercitives militaires à une opération
conduite par le Conseil de sécurité directement lui-même
(article 42) au moyen de forces mises à sa disposition par des Etats
(article 43).Néanmoins, en pratique, cette condition nécessaire
n'a jamais été
acquise.et d'ailleurs, à cet
égard, les opinions divergent.
PARAGRAPHE I : LES MESURES DE L'ARTICLE 41 DE LA CHARTE
Le conseil s'est vu confier par la charte, « la
responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales »73. C'est seulement par
leurs effets actuels ou potentiels sur le maintien de la paix que les
violations du droit entrent dans le champ d'application des mesures de
contrainte armée ou non armée prévues aux articles 41 et
42 de la charte. On pourrait même aller jusqu'à dire qu'il ne
s'agit pas là d'une condition nécessaire pour
73 Article 24 §1 de la Charte.
49
l'application de ces mesures, la notion de « menace
contre la paix» n'impliquant pas nécessairement l'existence d'une
violation du droit.
Cependant, Jean Combacau remarque très judicieusement,
qu'aucune résolution du conseil de sécurité ou de
l'Assemblée générale ayant décrété de
telles mesures, même sur la base seulement d'une menace contre la paix,
ne l'a fait sans avoir qualifier l'acte contre lequel elle réagissait de
violation du droit international.
Ce postulat n'est cependant pas réversible car, toutes
les violations du droit international, même quand elles étaient
constatées et condamnées, n'ont pas été
qualifiées de « menace contre la paix »ni assorties de
sanctions, seules les violations de deux principes fondamentaux du droit
international contemporain, à savoir l'interdiction du recours à
la force et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, à
cause de leur lien étroit avec le maintien de la paix et de la
sécurité internationales, quand ces violations ont pu être
constatées74ont été occasionnellement
qualifiées de « menace contre la paix» et assorties de
sanctions, écrit le Professeur Abi-Saab75.
Il est important, à ce jour, de passer en revue le
contenu des mesures de l'article 41 avant de passer à l'examen des
règles qui entourent leur exécution et leur mise en oeuvre.
A. Contenu des mesures non coercitives de l'article
41
La Charte des Nations Unies, en son article 41, prévoit
des mesures contraignantes non militaires, c'est-à-dire des mesures
où la communication, au sens large, d'un
Etat avec le reste de la communauté internationale peut être
partiellement ou totalement coupée, dans divers domaines, aussi bien sur
le plan économique que diplomatique ou encore par une atteinte aux
infrastructures essentielles. Cet article susmentionné dispose:
« Le Conseil de sécurité peut
décider quelles mesures n'impliquant pas la force armée doivent
être prises pour donner effet à ses décisions et peut
inviter les membres des Nations Unies à appliquer ces mesures
».
74 Ce qui est rare de toute manière au conseil
à cause du veto, au moins à l'assemblée.
75 ABI-SAAB (G.), Op. Cit.,
p.306.
50
Parmi ces sanctions non coercitives, on compte : Ø
des sanctions diplomatiques:
Ce sont de mesures d'ordre symbolique qui ont essentiellement
pour but l'usage du pouvoir d'influence de l'opinion publique internationale
pour inciter l'Etat concerné au retour à une situation
normale.
Exemples :
a) Stigmatisation d'un pays avec condamnation morale (ex :
Durant l'Apartheid, l'Afrique du Sud n'a pas été exclue des
Nations Unies mais a fait l'objet de plusieurs condamnations morales ou
symboliques).
b) Rupture des relations diplomatiques (ex : Iran à la
suite de la prise d'otages de diplomates en 1978/1979).
Ø des sanctions économiques:
Les sanctions économiques consistent à
l'isolement économique d'un pays dans l'optique d'amener ses dirigeants
à se conformer au droit international. Celles-ci doivent en principe
être d'autant plus efficaces que le pays est ouvert économiquement
sur l'extérieur.
Il y a à l'intérieur même des sanctions
économiques toute une gamme de sanctions envisageables :a) Embargo avec
rupture des relations commerciales (ex : embargo sur le pétrole dans le
cas de la Rhodésie et de l'Afrique du Sud ; embargo sur les armes en
Yougoslavie en 1991 -1992)b) Gel des avoirs financiers détenus à
l'extérieur du pays ; c) Blocus généralisé (ex :
Irak par la résolution 661 du 6 août 1990) ; Boycott.
Ø de ruptures des relations
aériennes
Tel que ce fut le cas dans la résolution 731
adoptée le 21 janvier 1992 par le Conseil de sécurité
à la suite du refus de la Libye d'extrader des agents libyens
soupçonnés d'être les auteurs de l'attentat de Lockerbie de
1988 en ce qu'elle prévoyait la suspension des liaisons. Il y aurait
également de rupture des relations téléphoniques,...
51
Par ailleurs, le Conseil a souvent décidé des
mesures d'embargos sur les armes (Somalie, Angola, Haïti), de restrictions
de commerce sur le pétrole (Haïti) ou d'interruption de tout type
de communication avec l'Etat sanctionné.76 En
l'espèce, certains auteurs soutiennent que l'imposition de sanctions
telles que des mesures d'embargos peuvent porter atteinte à
l'intégrité physique ou mentale de la population
concernée.
Ces mesures coercitives non militaires peuvent aussi porter
sur un embargo des livraisons d'armes et d'équipements militaires
pouvant être dirigés contre un Etat; mais c'est aussi une mesure
que le Conseil de sécurité a ordonnée dans le cas de
conflits internes et sans désigner particulièrement un coupable,
ceci sans doute pour tenter de priver les parties au conflit des moyens de se
combattre, tout en affichant son impartialité. C'est ainsi qu'il fut
procédé à l'égard de la Yougoslavie en septembre
1991 au moment où, déchirée par les combats, elle
était encore un Etat77. Cette mesure est restée en
vigueur à l'égard des nouveaux Etats après
l'éclatement de la Yougoslavie. Dans le cas de la Somalie, cité
ci-haut, c'est également un embargo général et complet sur
toutes les livraisons d'armes et d'équipements militaires qui fut
décrété78. Il en fut de même à
l'égard du Rwanda79 et du Libéria.
A noter que dans le cas de la crise en Angola, l'embargo sur
les armes fut institué contre l'une des parties au conflit, l'UNITA,
condamnée par le Conseil de sécurité80.
Cependant, des mesures d'embargo plus larges,
s'étendant aux courants commerciaux, ne paraissent guère
appropriées à l'égard d'un pays déchiré par
une guerre civile, à moins de pouvoir localiser géographiquement
une partie jugée coupable81. Tel qu'il peut être
76Résolution 232 sur la Rhodésie du Sud,
actuelle Zimbabwe (1966).
77 Résolution 872 (1993), du 5 octobre 1993
; Résolution 713 (1991), du 25 septembre 1991, la mesure étant
fondée sur le Chapitre VII, et justifiée par le fait qu'il y a
d'importants combats en Yougoslavie et que la prolongation de cette situation
crée une menace contre la paix et la sécurité
internationales.
78 Résolution 733 (1992), du 23 janvier
1992. Le Conseil de sécurité a été alerté
par la Somalie elle- même, et il a pris cette mesure en se fondant sur le
Chapitre VII, en indiquant que la persistance de la situation en Somalie
constituait une menace pour la paix et la sécurité
internationales.
79 Résolution 918 (1994), du 17 mai 1994, qui
vise le déploiement de 5500 casques bleus au Rwanda.
80 Résolution 864 (1993), du 15 septembre
1993. Le Conseil de sécurité estime que du fait des actions
militaires de l'UNITA, la situation en Angola constitue une menace à la
paix et à la sécurité internationales et agit en vertu du
Chapitre VII.
81 Résolution 820 (1993), du 17 avril 1993,
institue certaines mesures de contrôle concernant des zones
particulières en Bosnie et en Croatie. Notamment, la résolution
942 (1994), du 23 septembre 1994, qui condamne la partie des Serbes de Bosnie,
ordonne un embargo commercial et diverses autres mesures pour isoler les zones
de la République de Bosnie-Herzégovine tenues par les forces des
Serbes de Bosnie.
52
observé dans la résolution 820 du 17 avril 1993,
instituant certaines mesures de contrôle concernant des zones
particulières en Bosnie et en Croatie. De plus, la résolution 942
du 23 septembre 1994, qui condamne la partie des Serbes de Bosnie, ordonne un
embargo commercial et diverses autres mesures pour isoler les zones de la
République de Bosnie-Herzégovine tenues par les forces des Serbes
de Bosnie.
3. Les mesures coercitives militaires
L'article 42, pour sa part, prévoit « toute
action» militaire que le Conseil « juge nécessaire » pour
maintenir ou rétablir la paix grâce à des «
opérations exécutées par des forces aériennes,
navales ou terrestres des membres des Nations Unies ». Dans la
pratique, l'article 41 est nettement plus utilisé que l'article 42.
Cependant, le Conseil peut avant tout recourir à
l'article 41 avant de passer à l'article 42. Cependant, il faut noter
qu'il n'est nullement tenu de tenter en premier lieu des moyens pacifiques car
il peut appliquer des mesures coercitives militaires de l'article 42
d'emblée, s'il le juge nécessaire. Il semblerait néanmoins
développer une pratique tendant à privilégier l'adoption
de mesures d'une manière graduelle c'est-à-dire, tentant avec
celles de l'article 41 avant d'appliquer l'article 42.
Le bon droit voudrait à ce que ces sanctions soient
celles auxquelles le Conseil recourt en dernier ressort. Cela, sans doute,
parce qu'elles conduisent la Communauté internationale à
contrevenir à l'article 2 de la Charte relatif à un de ses
principes fondateurs, à savoir celui de l'interdiction de recourir
à la force dans les relations interétatiques.
Pourtant, quelques actions armées ont été
conduites en vertu de l'article 4282, mais des mesures de sanctions ont aussi
été adoptées83. Par ailleurs, les mesures de l'article 41
peuvent aussi être assimilées à des injonctions
adressées par le Conseil de sécurité aux Etats troublant
la paix internationale, pour aboutir à une cessation de comportements
illicites. Ainsi, le Conseil adopta la résolution S/RES/660 du 2
août 1990, constituant une injonction à l'Irak de se retirer du
Koweït. L'Etat irakien n'ayant pas réagi aux sanctions coercitives
non militaires
82On peut citer l'action menée contre l'Irak
après l'invasion du Koweït (1990-1991), les frappes de l'OTAN en
Serbie en 1999.
83Lire la résolution 665(1990) en rapport
aux mesures adoptées dans la crise du Golf; et la résolution
678(1990) ou encore les sanctions contre Haïti.
53
adoptées, le Conseil décida dans sa
résolution 678 du 29 novembre 1990 de prévenir l'Irak de
l'imminence d'une action militaire si elle n'appliquait pas ses
décisions précédentes avant le 15 janvier 1991.
Quarante-huit heures après la fin de l'ultimatum, une force de coalition
des Etats membres dirigé par les Etats-Unis avait été
lancée pour la mise en place d'une opération militaire tendant
à la libération du Koweït.
Les mesures coercitives de nature militaire sont
généralement conduites de deux façons: il s'agit du
recours aux moyens nationaux, d'une part, et de l'élargissement du
mandat des casques bleus, d'autre part.
· La première méthode est celle consistant
à autoriser des Etats membres qui sont disposés à le faire
à coopérer pour entreprendre une action de combat. Elle a
été utilisée pour conduire des opérations
terrestres en Somalie et au Rwanda. Dans le premier cas, il s'agissait
d'instaurer « [...j des conditions de sécurité pour les
opérations de secours humanitaire en Somalie ». Etant
donné que l'ONUSOM ne pouvait plus faire face à la situation, il
s'agissait donc de combattre les factions armées qui faisaient obstacle
à l'acheminement de l'aide humanitaire, et de permettre
ultérieurement, dans des conditions convenables, la poursuite d'une
opération de maintien de la paix 84(dans l'opération
restore Hope). On observera qu'aucun adversaire particulier n'est
désigné85.
Lors de l'opération la Turquoise conduite par la
France, au Rwanda, ce furent également des « objectifs
humanitaires» qui incitèrent le Conseil de sécurité
à autoriser une action coercitive, laquelle devait être «
menée de façon impartiale et neutre » et ne devait pas
constituer « une force d'interposition entre les parties
»86.
Dans les deux cas cité ci-haut, il s'agissait d'une
sorte d'imposition de la paix à l'intérieur d'un Etat
morcelé par une guerre civile, pour tenter ensuite de redéployer
une opération de maintien de la paix.
84 Résolution 794 (1992), du 3
décembre 1992. C'est ici la «tragédie humaine » qui
constitue une menace à la paix et à la sécurité
internationales. Ce fut l'opération « Restore Hope ».
85 La résolution 794 exige notamment que
toutes les parties mettent fin aux hostilités, et condamne
«énergiquement toutes les violations du droit humanitaire commises
en Somalie E...] ».
86 Résolution 929 (1994), du 22 juin 1994.
Le Conseil de sécurité souligne « E...] le caractère
strictement humanitaire de cette opération E...] ». Ce fut
l'opération «Turquoise ».
54
Comme on peut le constater aux vues de ce qui
précède, la seule manière, jusqu'à lors, d'exercer
une contrainte par des moyens militaires, était d'en confier la mise en
oeuvre à des Etats disposés à le faire avec leurs troupes.
Il en va de même ici, où l'on voit des Etats prendre le relais,
avec des moyens de combat, des troupes non combattantes des Nations Unies. La
Force de réaction rapide, évoquée ci-après,
présente un schéma un peu différent.
Ø La deuxième méthode à laquelle
le Conseil de sécurité a recouru pour mener des opérations
coercitives de caractère militaire a consisté à
élargir le mandat des forces de maintien de la paix.
C'est concrètement avec l'intervention en Somalie que
le Conseil de sécurité a eu à s'engager dans une voie
nouvelle. Après l'opération militaire « Restore Hope »,
la nouvelle opération de maintien de la paix ONUSOM fut instituée
par la résolution 814 (1993), adoptée le 26 mars 1993.
Orientée essentiellement vers l'assistance humanitaire et la
reconstruction du pays, elle contient un dispositif en trois chapitres, dont
l'un est expressément placé sous l'autorité du Chapitre
VII.
Sans désigner des coupables, il adresse diverses
injonctions à toutes les parties somaliennes, et surtout, il charge les
forces de l'ONU de procéder au désarmement des divers groupes.
Une telle mission n'allait pas se développer sans heurts. Les Nations
Unies se sont finalement retirées de la Somalie sans gloire le 31 mars
1995.
En ex-Yougoslavie, très particulièrement en
Bosnie-Herzégovine, et dans une certaine mesure aussi en Croatie, la
FORPRONU a reçu des mandats de combat relevant du Chapitre VII.
C'est ainsi, la résolution 836 (1993), du 4 juin 1993,
qui concerne la Bosnie-Herzégovine, condamne « f...] les
obstacles mis, essentiellement par la partie des Serbes de Bosnie, à
l'acheminement de l'aide humanitaire, f...] ». Le Conseil de
sécurité avait autorisé la FORPRONU « [...] à
prendre les mesures nécessaires, y compris en recourant à la
force, en riposte à des bombardements par toute partie contre les zones
de sécurité [...] ». Il s'agit de protéger les zones
de sécurité, mais aussi les convois d'aide humanitaire.
55
La FORPRONU a été autorisée, en Croatie,
« [...] à prendre les mesures nécessaires, y compris en
recourant à la force, pour assurer sa sécurité et sa
liberté de mouvement »87.
Il est toutefois évident qu'il n'est pas possible pour
des soldats d'assumer simultanément le mandat traditionnel des casques
bleus, et des missions ponctuelles de combat. Les choses ont mal tourné,
et notamment pour les forces de maintien de la paix, prises dans une impasse,
humiliées, désorientées. C'est pour tenter de trouver une
issue, du moins partielle, que fut décidée la création de
la Force de Réaction Rapide (FRR). A cet égard, une innovation
intervient, car la FRR est intégrée dans une certaine mesure
à la FORPRONU, ou du moins appelée à collaborer
étroitement avec elle, comme il résulte de la résolution
998 (1995), du 16 juin 1995, qui voit le Conseil de sécurité se
féliciter du renforcement de la FORPRONU. Il demeure que la FRR est
là pour protéger les casques bleus, et non pas pour imposer un
plan de paix par la force, ce que personne ne peut faire.
Force serait après l'examen de points
détaillés ci-haut qu'un autre aspect du recours à la force
militaire s'est développé avec le temps. Il s'agit, comme relever
dans le point b ci-haut, de la mise à contribution des forces de
maintien de la paix (casques bleus). Les opérations de maintien de la
paix n'ont pas pour philosophie générale la contrainte. Car mis
sur pied pour faire observer la paix. C'est pourquoi, les contingents nationaux
engagés dans ces opérations, légèrement
armés, ne sont autorisés à faire usage de leurs armes
qu'à des fins de légitime défense. Ces opérations,
dans leur conception originelle, ne relèvent pas du Chapitre VII.
Pourtant, on observe un phénomène nouveau qui
consiste à donner aux casques bleus des missions de combat.
Peut-être en a-t-on eu un avant-goût lors de l'affaire du Congo,
qui vit le Conseil de sécurité autoriser le Secrétaire
général à « [...] entreprendre une action vigoureuse,
y compris, le cas échéant, l'emploi de la force dans la mesure
requise [...] », pour lutter contre les activités
sécessionnistes88. Les choses n'étaient cependant pas
très claires en l'occurrence. Dans le cas de la Somalie, puis dans celui
de la Bosnie, déjà examinés, c'est en
87 Résolution 871 (1993), du 4 octobre
1993.
88 Résolution 169, du 24 novembre 1961.
56
plaçant expressément ses décisions sous
l'autorité du Chapitre VII que le Conseil de sécurité a
formulé, en l'élargissant, le mandat de l'ONUSOM II,
respectivement de la FORPRONU.
SECTION II : LES ENTITES CONCERNEES PAR LES SANCTIONS
ET LA TYPOLOGIE DE SANCTIONS
L'autre question, qui est à ce jour très
débattue dans l'opinion au sujet des sanctions internationales, est la
pratique actuelle des destinataires de mesures qui sont prises sous la
dénomination de sanction. En effet, les entités visées par
les sanctions nous intéressent dans le présent point avant de se
projeter sur les types des sanctions existant actuellement.
PARAGRAPHE I : LES SUJETS DE DROIT INTERNATIONAL CIBLES
PAR LES SANCTIONS INTERNATIONALES
En principe, ne peut être sanctionné qu'une
entité capable de mettre en péril la paix et la
sécurité internationales. Il faut donc qu'il s'agisse d'une
entité responsable, possédant une personnalité juridique
internationale.
C'est ainsi que traditionnellement, seul l'Etat, sujet
originelle du droit international, pouvait être sanctionné,
puisque lui seul pouvait être reconnu responsable d'une violation d'une
règle de droit international et parce que seul lui avait des droits et
des obligations en droit international et donc, pouvait commettre un fait
internationalement illicite.
Mais, de plus en plus, on assiste à des sanctions
prises, même par le Conseil de sécurité, contre des
individus.
1. Le sujet primaire : l'Etat
En droit international, l'État est titulaire des
droits et débiteur des obligations. Sujet originaire de la
société internationale, l'Etat a été le seul acteur
traditionnellement capable à mettre en péril la paix et la
sécurité internationales.
C'est alors qu'à la fin de la seconde guerre mondiale
était ressentie la nécessité de mettre en oeuvre un
système de sécurité collective assez confiant pour pallier
aux failles de l'ancien système institué par le Pacte de la
Société des Nations. Ce système, comme le droit qui
57
l'organise, est interétatique et doit servir à
dissuader tout Etat qui pourrait effectuer des actes susceptibles de constituer
une menace à la paix, une rupture de la paix ou un acte d'agression.
Ainsi, c'est dans cette logique que tout Etat qui serait
responsable d'une menace à la paix, rupture de la paix ou acte
d'agression se verrait appliquer les dispositions des articles 41 ou 42 du
chapitre VII de la charte des Nations Unies. Comme déjà
relevé bien avant, cette compétence revient exclusivement
à l'organe central des Nations Unies, le Conseil de
sécurité, qui constate si un Etat est responsable de l'un de
trois situations décrites ci-haut et prévues à l'article
39 de la Charte et dans l'affirmatif, décider quelle mesure
appliquer.
Des lors, des mesures coercitives (sanctions) ont
été prévues dans le but du maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Elles sont adoptées par les
organisations internationales, dans le système onusien sur pied du
chapitre VII de la Charte. Ainsi, elles peuvent être dirigées,
contre les Etats responsables de violation des droits de l'homme, étant
entendu que les violations extrêmes des droits de l'homme constituent en
certains cas des menaces à la paix et à la sécurité
internationales.
Il sied de noter que les toutes premières mesures
coercitives (des sanctions) ont été imposées par le
Conseil de sécurité en 1966 contre le Zimbabwe, à
l'époque encore Rhodésie du Sud.
Les comportements des individus, dirigeants des Etats, engage
la responsabilité internationale de leurs Etats respectifs. L'Etat
répond des actes des individus qui agissent pour lui et même,
exceptionnellement, des actes des particuliers, lorsqu'il a péché
au devoir de vigilance qui pèse sur tout Etat sur son territoire.
2. L'Individu
Le droit international est longtemps resté un droit
qui ne considérer que l'Etat et les organisations internationales. Les
individus n'apparaissaient pas dans les obligations ni dans les droits, sinon
par intermédiation de l'Etat. Pour une certaine doctrine89,
les individus étaient des simples objets de droit, ne pouvant exister en
dehors du cadre étatique, avec comme
89 Comme les tenants du positivisme orthodoxe.
58
conséquence qu'ils ne pouvaient détenir des
droits et des obligations dans la société internationale.
Cependant, on assiste de plus en plus à une
évolution qui tend, dans certaines matières, à
considérer l'individu comme titulaires des droits et débiteurs
des obligations. Et cette évolution dériverait de deux
phénomènes dont: d'une part, la prise en considération des
droits de l'homme; et la prise en considération de la
responsabilité individuelle dans certaines situations de guerre d'autre
part (la seconde guerre mondiale, le crime contre l'humanité et à
ce jour le terrorisme).
Les sanctions sont censées être une solution de
dernier recours quand il s'agit de répondre à des violations
massives des droits de l'homme, de lutter contre la contrebande illégale
ou de stopper des groupes extrémistes. De plus en plus, les sanctions
sont également utilisées pour soutenir les efforts de paix, pour
assurer que des élections aient lieu, ou pour démobiliser des
groupes armés.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies,
à la suite l'intensification de la lutte internationale contre le
terrorisme depuis le début des années 2000, a été
emmené à autoriser les Etats membres de l'organisation à
prendre des mesures dites « ciblées »90, autrement
dit, des mesures qui, sans passer par le filtre de l'Etat, visent directement
les personnes suspectées d'avoir des liens avec des organisations
terroristes. Inaugurées à l'égard de l'organisation
terroriste Al Qaïda et de son chef Oussama Ben Laden, ces mesures ont
depuis lors été étendues non seulement à d'autres
organisations terroristes, mais également à des
personnalités ou entités dont le comportement est
considéré comme contraire au droit international et, directement
ou indirectement, responsable de crises internationales. Ces mesures sont
considérées comme plus efficaces et moins discriminatoires et
dommageables pour les personnes qui ne sont pas responsables de ces
comportements, dans la mesure où elles « n'affectent pas la
totalité des
90 Lire à ce sujet la résolution
1373 adoptée le 28 septembre 2001 par le Conseil de
sécurité des Nations Unies (S/RES/1373(2001), dans laquelle il
qualifie les actes de terrorisme de menaces à la paix et à la
sécurité internationales, demandant à tous les Etats, en
vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, de prendre toutes les
mesures appropriées, y compris ciblées, pour lutter contre ce
phénomène; lire également la résolution
S/RES/1390(2002) du 16 janvier 2002 relative aux mesures à prendre
à l'encontre d'Oussama Ben Laden, du réseau Al Qaïda et des
Talibans.
91 Doc. 15579/03, 3 déc. 2003, p.6. Conseil
de l'UE, Lignes directrices concernant la mise en oeuvre et l'évaluation
de mesures restrictives (sanctions) dans le cadre de la politique
étrangère et de sécurité commune de l'UE.
59
transactions d'une catégorie particulière avec
un pays tiers mais la partie de ces transactions qui concerne une
catégorie bien définie de personnes et d'entités
»91.
C'est ainsi que certains dirigeants des Etats, parce qu'ils
sont supposés conduire leurs Etats dans la logique de la violation du
droit de la paix et de la sécurité internationales, se voient
sanctionnés en tant que dirigeants ou à cause de leur rôle
dans la situation contraire au droit international.
Lorsque le Conseil de sécurité prend des telles
mesures à l'encontre des individus, il affirme toujours qu'il s'agit des
sanctions contre l'Etat dont relèvent les individus sanctionnés.
Lorsqu'il sanctionne des membres d'un groupe terroriste, c'est le groupe
terroriste qui est visé.
Malgré le fait que le Conseil est l'Organe
habilité à décider des mesures coercitives contre ceux qui
violent la paix et la sécurité internationales, s'adresser
à des individus pour des violations du droit de la
sécurité internationale, peut paraître dangereux aux droits
et libertés individuelles.
3. Les entités non étatiques
Le droit international s'est habitué depuis un temps,
à s'adresser aux entités non étatiques comme des groupes
terroristes, des mouvements rebelles ou encore des firmes commerciales
internationales.
Même si ces entités ne sont pas des sujets du
droit international, leurs activités peuvent menacer la paix et la
sécurité internationales. D'où, la prise en compte, par le
Conseil de sécurité, de cette donne en vue de maintenir la paix
et la sécurité internationales.
Dans ce cadre, le Conseil a décidé des
sanctions contre plusieurs mouvements rebelles à l'Est de la RDC et
contre des mouvements terroristes.
60
PARAGRAPHE II. TYPOLOGIES DES SANCTIONS
C'est à travers l'histoire que l'on découvre
deux types des sanctions: des sanctions traditionnelles telles qu'elles sont
prévues dans la Charte de l'ONU et les sanctions dites intelligentes,
qui sont une forme de correction des sanctions classiques.
Il sera indiqué pour nous de commencer par
préciser ce que nous attendons par sanctions classiques, avant de passer
à l'étude des sanctions dites intelligentes.
1. Les sanctions classiques
Les sanctions classiques sont celles qui sont prévues
aux articles 41 et 42 de la Charte de l'ONU. Il s'agit des sanctions qui
frappent les Etats, sans distinction aucune. Elles affectent l'Etat, sans
distinction des autres Etats, ni considération de qui à
l'intérieur de l'Etat peut en être affecté.
C'est comme cela que les sanctions traditionnelles peuvent
faire des victimes parmi les Etats tiers, ou parmi les populations
innocentes.
Mais, rien ne prive à ce jour le Conseil des pouvoirs
de décider des telles mesures. Il peut, selon sa libre et seule
appréciation, décider des sanctions classiques, ou prendre des
sanctions dites intelligentes.
2. Les sanctions intelligentes
Elles sont celles inventées, à la suite des
effets négatifs produits par les sanctions classiques
décidées contre l'Irak. Parce que la population innocente et
victime du régime qui était à l'origine des violations du
droit international ne pouvait pas souffrir des sanctions que devait
décider la communauté internationale, il fallait donc inventer
une série des techniques pour atteindre le régime sans punir la
population.
C'est comme cela que les sanctions intelligentes, smart
sanction, sont des mesures qui choisissent au sein de l'Etat coupable de la
violation du droit international, qui est à la base du comportement
répréhensible. Elles sanctions intelligentes ciblent donc des
individus et des secteurs qui sont en relation avec le comportement
reproché en droit international.
61
Les matières ou domaines de la vie qui ne sont pas
reliés au comportement illicite ne sont pas visés par les
sanctions intelligentes.
C'est comme cela que les embargos
généralisés ont laissé la place aux sanctions
ciblées, visant des secteurs précis et des domaines
déterminés. Les produits comme des produits pharmaceutiques, les
denrées alimentaires, qui pouvaient être concernés par les
sanctions classiques, ne devraient pas, dans la plupart des cas, figurer dans
les sanctions intelligentes.
Le droit international n'autorise à aucun Etat de
sanctionner un autre Etat, même si certaines mesures comme des
contre-mesures, des mesures de rétorsion, peuvent ressembler
62
CONCLUSION
Le présent mémoire a eu pour ambition de
critiquer d'une manière analytique la pratique actuelle de sanctions
internationales contemporaines, en vue de démontrer ce qu'il faut
appeler sanction internationale et ce qui n'en est pas dans la conduite
actuelle des sujets du droit international.
Force a été de constater dans le
tréfonds de notre recherche que les sanctions internationales, qui
constituent une alternative à l'usage des forces armées, sont
devenues un élément fondamental dans le domaine des relations
internationales contemporaines. Car, face aux différentes crises
internationales, les Etats ont opté beaucoup plus fréquemment
d'avoir recours à l'adoption de sanctions internationales.
La société internationale était une
société anarchique, dominée par la loi du plus fort. Mais,
avec l'évolution, les Etats ont abandonné certaines de leurs
compétences, notamment celles e recourir à la force, armée
ou non.
C'est ainsi que les Etats ont confié, à
l'article 24 de la Charte de l'ONU, le pouvoir d'agir en leur nom dans le
domaine de la paix et de la sécurité internationales, au Conseil
de sécurité de l'ONU.
Dans la société internationale, la justice
privée étant prohibée, les sanctions ne peuvent être
décidées que par le Conseil de sécurité de l'ONU.
Mais, certaines autres organisations internationales ont prévu, dans le
respect du chapitre VIII de la Charte de l'ONU, des sanctions contre leurs
membres qui contreviendraient aux buts et principes prévus dans le
traité constitutif.
Le droit international a quand même laissé
subsister quelques vestiges de la justice privée notamment à
travers la légitime défense et les contre-mesures. Ces deux
notions, qui sont invoquées sous la condition du respect des
préalables fermes, ne sont pas des sanctions.
63
aux sanctions, sans techniquement en être. Car, les
sanctions ne peuvent émaner que d'une autorité reconnue et
établie.
De même, les conditions d'application des
contre-mesures, des mesures de rétorsion et de la légitime
défense, doivent aussi être respectées en droit
international.
Or, nous assistons à une pratique des sanctions qui
s'exercent par des Etats de manière unilatérale et par des
organisations sous régionales, en violation des principes du droit
international.
Par ailleurs, les sanctions contiennent des mesures
armées et des mesures non armées. C'est dans les mesures non
armées qu'il y à ce jour un développement, avec notamment
l'apparition des sanctions intelligentes, qui ne s'attaquent pas à
n'importe quel domaine de la vie, mais au contraire, qui ne cible que les
domaines en relation la violation du droit international.
Les sanctions classiques, à cause de leurs effets
négatifs, se sont vues complétées par les sanctions
intelligentes dans la pratique contemporaine.
Dans la même pratique, les destinataires des sanctions
ont évolué depuis les Etats, on est arrivé à ce
jour aux sanctions contre des individus et contre d'autres entités non
étatiques. Ces destinataires des sanctions constituent aussi une
évolution des sanctions dans le monde moderne.
Enfin, on peut dire que la pratique des sanctions
contemporaines a évolué, en ce qui concerne les destinataires
d'abord, et en ce qui concerne le contenu des sanctions ensuite. Cette
évolution présente quelques dangers en ce qui concerne les droits
des individus sanctionnés, notamment en ce qui concerne la
présomption d'innocence. Elle fait par contre avancer la pratique des
sanctions à travers la notion des sanctions intelligentes.
64
BIBLIOGRAPHIE
I. DOCUMENTS OFFICIELS
A. CONVENTIONS INTERNATIONALES
· Charte des Nations Unies, 26 juin 1945.
· Acte constitutif de l'Union africaine, 11 juillet
2000.
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élections et de la gouvernance, le 30 janvier 2007.
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mai 1969.
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Européenne, in Journal officiel de l'Union européenne.
· Convention de Strasbourg sur la communauté
européenne, 06 novembre 1997.
B. RESOLUTIONS DES ORGANISATIONS
INTERNATIONALES
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générale sur la définition de l'agression, 14
décembre 1974.
2. Résolution 1373 du Conseil de
sécurité de l'ONU sur la lutte contre le terrorisme, 1373 du 28
septembre 2001.
3. Résolution 232 du Conseil de sécurité
sur la Rhodésie du Sud, actuelle Zimbabwe, 1966.
4. Résolution 918 du Conseil de sécurité
de l'ONU sur le Rwanda, 17 mai 1994.
5. Résolution 864 du Conseil de sécurité
de l'ONU sur la qualification des actions militaires de l'UNITA en Angola, 15
septembre 1993.
6. Résolution 820 du 17 avril 1993, sur certaines
mesures de contrôle concernant des zones particulières en Bosnie
et en Croatie, in
www.un.org
7. Résolution 665 du 1990 en rapport aux mesures
adoptées dans la crise du Golf, in
www.un.org
65
C. AUTRES DOCUMENTS
· Projet d'Articles sur la responsabilité de
l'État pour fait internationalement illicite (2001).
II. OUVRAGES GENERAUX
· CARREAU (D.), Droit International,
10ème édition, Paris, Pedone, 2009.
· COMBACAU (J.) et SUR(S.), Droit
International Public Montchrestien, Coll. Domat Droit Public,
5ème Edition, 2001.
· DABIN, Théorie générale du
Droit, Paris, 1953.
· DAILLER (P.), FORTEAU (M.) et PELLET (A.), Droit
International Public, 8ème édition, Paris, LGDJ, 2009,
p.885.
· GRAWITZ (M.), Méthodes des sciences
sociales, Paris, Dalloz, 2001, p.351
· MONTESQUIEU, L'esprit des lois, 1748, livre XXX,
1.
· MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA (E.), Institutions
politiques et droit constitutionnel. Théorie générale des
institutions politiques de l'Etat, T.1., Kinshasa, E.U.A., 2001.
· NGUYEN QUOC DINH, DAILLER (P.) et PELLET (A.),
Traité de Droit International Public, 7e
édition, LGDJ, 2002.
· PELLET (A), Le droit international à l'aube du
XIXe siècle, Paris, LGDJ, 1998.
III. OUVRAGES SPECIALISES
· ALLAND (D.), Les contre-mesures dans l'ordre
juridique international. Etude théorique de la justice privée en
droit international public, Paris, Pedone, 1992.
· CHAUMONT(C.) et LAFAY (F.), Que sais-je ?
L'O.N.U., 15ème, Paris, PUF, 1997.
· COMBACAU (J.), Le pouvoir de sanction de l'ONU,
Etude théorique de la coercition non militaire, Paris, Pedone,
1974.
· CORTEN (O.), Le retour des guerres
préventives : le droit international menacé, Bruxelles,
Éditions Labor, 2003.
66
· MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO (A.) et LUNGUNGU KIDIMBA (T.),
les sanctions ciblées américaines violent le droit international
: mesures contre des responsables congolais, éd. PUC.
· NEFRAMI(E.), L'Action extérieure de l'Union
européenne. Fondements, moyens, principes, LGDJ, 2010.
· RUZIE (D.), Organisations internationales et
sanctions internationales, Paris Colin 1971.
IV. ARTICLES DES REVUES
· BASDEVANT (J.), « L'action coercitive
anglo-germano-italienne contre le Venezuela », RGDIP, 1902.
· BOSSE-PLATIERE (I.), « Les mesures restrictives
adoptées par l'union européenne : La projection à
l'externe d'un acteur singulier », in AFDI, Volume XVII, 2016.
· BULA BULA (S.), Droit international public,
Notes de cours à l'usage des étudiants de G3, UNIKIN, 2015.
· CHARVIN(R.), « Les mesures d'Embargos: la part du
droit », in RBDI, éd. Bruylant Bruxelles, 1996/1.
· GIORGIO GAJA, «Réflexion sur le rôle
du Conseil de sécurité dans le nouvel ordre mondial »,
RGDIP, 1993.
V. THESES ET COURS
· AUSLENDER (J.), Les sanctions non-militaires des
Nations-Unies : fondements, mise en oeuvre et conséquences pour les
Etats-tiers et les droits de la personne, Thèse de Doctorat en
Droit International Public, septembre 2006.
· BAUCHOT(B.), Sanctions pénales nationales
et droit international, Thèse de doctorat, Université Lille
2 - Droit et santé Ecole doctorale n ° 74, Faculté des
sciences juridiques, Politiques et sociales. 2007.
67
· MWANZO (E.), Cours de méthodologie
juridique, deuxième année de graduat, UNIKIN, 2015-2016.
· CORTEN (O.), Droit international public, ULB,
faculté de Droit, Année académique 2009-2010.
VI. JURISPRUDENCE
· CIJ, Affaire du Détroit de Corfou, CIJ,
arrêt du 09 avril 1949.
· CIJ, Affaire des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, CIJ, in recueil des
arrêts, avis consultatifs et ordonnances.
· CIJ, Affaire Kadi, TPICE, 21 septembre 2005, Kadi c.
Conseil et Commission, Aff. T315/01.
68
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE i
IN MEMORIAM vi
REMERCIEMENT viii
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES x
INTRODUCTION 1
1. PROBLEMATIQUE 1
2. HYPOTHESES 3
3. CHOIX ET INTERET DU SUJET 4
4. METHODES 5
5. DELIMITATION DU SUJET 6
6. DIVISION DU TRAVAIL 6
CHAPITRE I : DE LA CONCEPTION ACTUELLE DES SANCTIONS
INTERNATIONALES 7
SECTION I : DEFINITION DE LA SANCTION INTERNATIONALE
8
PARAGRAPHE I : NECESSITE D'UNE AUTORITE SUPERIEURE
10
A. Autorité compétente de par la Charte de
l'ONU 11
PARAGRAPHE II : NECESSITE DE LA VIOLATION D'UNE
OBLIGATION
INTERNATIONALE 13
1. Piédestal du système : l'article 39 de
la Charte 14
2. La qualification préalable du conseil de
sécurité, un pouvoir discrétionnaire 14
2. Les situations appelant l'adoption des sanctions
16
A. De la menace contre la paix : 16
B. De la rupture de la paix : 18
C. De l'Agression : 19
SECTION II :
SANCTIONS ET AUTRES FORMES DES MESURES INTERNATIONALES
21
PARAGRAPHE I : LA SANCTION ET LES CONTRE-MESURES
22
1. Notion de Contre-mesures 22
2. Catégories de contre-mesures : 24
a. Les mesures de rétorsion 24
2. Mesures de Représailles 26
3. Conditions de licéité de mise en oeuvre
de Contre-mesures 29
69
PARAGRAPHE II : SANCTION, LEGITIME DEFENSE ET MESURES
CORPORATIVES
30
1. Notion de légitime défense
31
2. Conditions de mise en oeuvre 33
3. Types de légitimes défenses
34
4. Les mesures corporatives 37
CHAPITRE II: LES MESURES CONSTITUANT LES SANCTIONS
INTERNATIONALES ET
LES CIBLES DES SANCTIONS INTERNATIONALES
47
SECTION I : LE CONTENU DES SANCTIONS INTERNATIONALES
47
PARAGRAPHE I : LES MESURES DE L'ARTICLE 41 DE LA
CHARTE 48
A. Contenu des mesures non coercitives de l'article 41
49
3. Les mesures coercitives militaires 52
SECTION II : LES ENTITES CONCERNEES PAR LES SANCTIONS
ET LA TYPOLOGIE
DE SANCTIONS 56
PARAGRAPHE I : LES SUJETS DE DROIT INTERNATIONAL CIBLES
PAR LES
SANCTIONS INTERNATIONALES 56
1. Le sujet primaire : l'Etat 56
2. L'Individu 57
3. Les entités non étatiques
59
PARAGRAPHE II. TYPOLOGIES DES SANCTIONS 60
1. Les sanctions classiques 60
2. Les sanctions intelligentes 60
CONCLUSION 62
BIBLIOGRAPHIE 64
TABLE DES MATIERES 68