II.2. Mesure de la pauvreté
Toutes les écoles font recours à un seuil qui
permet de distinguer les pauvres des non pauvres. Ce qui les
différencie, c'est la manière dont est calculé ce seuil.
De nos jours, l'étude économique d'un fait n'est pas seulement
réalisée d'un point de vue qualitatif, il faut proposer des
méthodes et outils de quantification. Plusieurs méthodes de
mesure de la pauvreté ont été proposées. Nous
allons nous attarder sur quelques-unes de ces méthodes, sachant qu'il en
existe d'autres.
II.2.1. Mesure de la pauvreté monétaire
Pour le cadre monétaire, un ménage ou individu
ayant un revenu inférieur au revenu correspondant au seuil de
pauvreté est considéré comme pauvre. À l'inverse,
un ménage ou individu ayant un revenu supérieur au revenu
correspondant au seuil de pauvreté est considéré comme non
pauvre. On note l'existence de plusieurs procédés de
détermination du seuil. Globalement, deux approches sont mises en
évidence sous l'impulsion de la Banque Mondiale : le seuil de
pauvreté absolue et le seuil de pauvreté relative.
- Seuil de pauvreté absolue globale
On parle de pauvreté absolue lorsqu'un individu ou
ménage ne dispose pas des attributs considérés comme ceux
du bien-être. Les seuils de pauvreté élaborés
à partir des données relatives à la consommation des
individus et des ménages, à l'aide desquelles on construit une
ligne de pauvreté normative au-dessous de laquelle les individus et les
ménages sont considérés comme pauvres, relèvent
d'une approche absolue. Le seuil absolu de pauvreté est classiquement
présenté en deux grandes catégories : la catégorie
des seuils de pauvreté à des fins de comparaisons internationales
et la catégorie des seuils nationaux de pauvreté. Parmi les
seuils de pauvreté destinés aux comparaisons
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internationales, le plus utilisé est celui
calculé par la Banque Mondiale, à l'aide de la consommation ; il
est égal à 1 dollar (en parité de pouvoir d'achat, ou PPA
de 1985) par jour et par personne. En principe, chaque année, la Banque
Mondiale élabore un seuil de pauvreté absolue en convertissant le
seuil de pauvreté d'au moins 30 pays en voie de développement
(PVD) en PPA aux prix de 1985, puis, retient comme nouveau seuil de
pauvreté absolue la médiane des dix (10) seuils de
pauvreté en queue. En définitive, le nouveau seuil de
pauvreté absolue choisi a un pouvoir d'achat similaire à celui de
1 dollar par jour en PPA aux prix de 1985. Les seuils de pauvreté
nationaux sont confectionnés par chaque pays. Sachant que le
problème de développement en Afrique et dans la presque
totalité des pays du tiers monde reste la famine, les PVD qui ont
essayé d'élaborer des seuils de pauvreté l'ont construit
autour d'une approche alimentaire.
- Le seuil de pauvreté absolue alimentaire
(za)
Il existe deux modes d'évaluation inhérente
à la pauvreté relativement à l'optique alimentaire : la
méthode de l'énergie nutritive (Ravallion et Bidani, 1994 ;
Ravallion et Sen, 1995) et la méthode du coût des besoins
essentiels (Ravallion, 1994 ; Coudouel et al., 2002). Pour la méthode de
coûts, on fixe un panier de biens représentatifs en tenant compte
d'un niveau de calories à atteindre et on le valorise au prix d'une
région ou ville du pays, la valeur obtenue sera considérée
comme seuil national. Pour le reste des régions ou villes, on appliquera
un déflateur de l'agrégat de consommation (déflateur
spécial).
- Le seuil de pauvreté absolue non
alimentaire
Le seuil de pauvreté non alimentaire est
déterminé selon trois approches :
? La première est basée sur la loi d'Engel. Elle
modélise la consommation non alimentaire comme une fraction de la
consommation alimentaire. Et par voie de conséquence, le seuil non
alimentaire est estimé comme une fraction du seuil alimentaire. Cette
fraction est variable suivant les pays mais la pratique montre qu'elle varie en
général entre 50% et 60 %.
? La deuxième résulte des travaux de Ravallion.
Le bien essentiel non alimentaire de base est défini par Ravallion comme
un bien non alimentaire dont l'obtention nécessite de renoncer à
satisfaire un besoin alimentaire de base. Le montant
correspondant au seuil de pauvreté alimentaire est
considéré comme le montant des dépenses non alimentaires
de base. On peut chercher à mesurer ces dépenses non
alimentaires de base du fait que les ménages allouent leurs ressources
pour satisfaire des biens non alimentaires au détriment des besoins
nutritionnels. Pour un ménage qui a la possibilité de satisfaire
tout juste ses besoins nutritionnels ZA, son niveau de dépenses non
alimentaires est DNA. Pour ce type de ménage, la valeur de DNA est
estimée comme suit, dans l'équation une fois la valeur de ZA
connue :
DNA = ??A - ????A = (1 - ??)??A
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On détermine ainsi un seuil de pauvreté
inférieur Z??????é?????????? comme la somme du seuil
alimentaire et du seuil non alimentaire.
Z??????é?????????? = ZA + DNA = ZA + (1 - a)ZA = (2
- a)ZA
On peut aussi retenir un seuil de pauvreté
supérieur Z??????é??????????, considéré
comme représentant une provision maximale raisonnable pour les besoins
non alimentaires de base, si l'on suppose que les personnes qui satisfont
à leurs besoins nutritionnels ont aussi satisfait à leurs besoins
non alimentaires.
Z??????é?????????? = ???????? ??(??) =
D'où l'on déduit que :
Z??????é?????????? = ZA x
Les valeurs des différents paramètres a ??t
fi sont tirées de l'estimation de la fonction de demande
alimentaire suivante : Pour un ménage ?? donné, on a
:
???? = a + fi x l??(????
????) + Où :
???? Correspond à la part des dépenses
alimentaires dans la dépense totale Y?? ;
?? représente une estimation de la part de la
consommation alimentaire moyenne des ménages ; a et
fi sont des paramètres qui ont été
estimés économétriquement à partir des informations
sur les dépenses des ménages.
? La troisième s'inspire de l'approche
précédente et estime le seuil non alimentaire comme la valeur
moyenne des dépenses non alimentaires des ménages. Le seuil
pauvreté non alimentaire se trouve dans le voisinage du seuil de
pauvreté alimentaire. Le critère de voisinage
généralement retenu fait allusion à un intervalle de
#177;10% ou #177;15% du seuil alimentaire. Le seuil non
alimentaire est estimé comme suit :
DNA = ?? [YNA|0,9ZA ~ Y?? ~ 1,1ZA]
- Seuil de pauvreté relative
La pauvreté relative s'intéresse aux
différences relatives entre sujets (individus ou ménages) d'une
même communauté ou d'un groupe social. Elle change de nature d'une
couche sociale à une autre, à l'intérieur d'un groupe
social, tant chez les pauvres comme les riches. Le vocable pauvreté
relative est utilisé pour désigner la situation des personnes
défavorisées comparativement aux autres membres de la
société. Le seuil de pauvreté relatif est calculé
de la manière suivante : on fixe une proportion égale à la
moyenne arithmétique ou à la médiane de la
répartition de la consommation voire du revenu à l'instar d'un
quintile des dépenses moyennes. Tous les sujets en dessous du
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premier quintile sont considérés comme
relativement pauvres, et, au-dessus, sont considérés comme non
pauvres. Il convient de préciser que l'accroissement du revenu ou de la
consommation impacte dans les mêmes proportions le seuil de
pauvreté relative. Ainsi la mesure de la pauvreté ne subit aucun
impact suite à un doublement de la distribution des revenus ou de la
consommation, c'est la propriété d'invariance de la mesure de la
pauvreté induite par le seuil de la pauvreté relative. Cela n'est
pas le cas au niveau du seuil de pauvreté absolu.
- Incidence de la pauvreté
monétaire
La mesure de la pauvreté se fait à l'aide des
indices de pauvreté. Il existe plusieurs indices de pauvreté dont
les plus courants dans la littérature sont ceux de Foster, Greer et
Thorbecke (1984). Ils sont calculés à partir de la distribution
des revenus. Soit R(.), la distribution des revenus, z, le
seuil de pauvreté monétaire et y la consommation
annuelle (par équivalent adulte), alors pour un a donné,
l'indice s'écrit :
Cet indicateur peut pragmatiquement être estimé
en un indicateur discret. Soit n, le nombre de ménages faisant
partie de l'échantillon dont le revenu par équivalent adulte,
classé par ordre croissant, est de yi, y2, ... , yn
et que q est le rang du dernier pauvre dans cet échantillon,
l'indicateur Pa peut être estimé par :
?
P
|
? n (z z yi ??
iAvec q = Max(i) tel que yi <_ Z
|
Pour a compris entre 0 et 2, on a un certain nombre de
mesures de pauvreté monétaire.
Pour a= 0, P0 = Q
n
Cet indice est appelé taux de pauvreté (incidence
de la pauvreté ou l'indice de Head count). Il permet de connaître
le pourcentage de pauvres dans une région, une ville ou même dans
un pays. Cependant, cet indice ne tient pas compte des niveaux de
pauvreté, c'est-à-dire qu'on ne sait pas parmi les pauvres quels
sont les plus « vulnérables ».
4 _
Pour a = 1 P1 = 1 z
.Yl Avec yi <_ z n i?1?z
Cet indice est appelé profondeur de la pauvreté
(intensité de la pauvreté, poverty gap ou gap). Il permet de
mesurer la part de revenu moyen qu'il faut octroyer aux pauvres pour les
ramener au niveau du seuil de pauvreté. Ainsi, cet indice peut permettre
d'éliminer la pauvreté en procédant à
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des transferts aux pauvres. Le montant minimum de
l'élimination de la pauvreté par des transferts ciblés est
:
Pour a= 2, Avec yi ~ z
Cet indice est la sévérité de la
pauvreté ou écart de pauvreté au carré. Comme la
profondeur de la pauvreté, la sévérité augmente si
le revenu moyen des pauvres diminue. Cependant, elle augmente aussi quand la
distribution entre les pauvres devient inégale. Ainsi, cet indice
revient à pondérer l'écart de pauvreté en
privilégiant les personnes en situation d'extrême pauvreté.
Autrement dit, il permet d'apprécier les écarts qui existent
entre les pauvres. Il répond à une question à laquelle ne
peut répondre l'incidence.
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