UNIVERSITÉ DE DSCHANG
UNIVERSITY OF DSCHANG
ÉCOLE DOCTORALE
POST CRADUATE SCHOOL
UNITÉ DE FORMATION ET DE
RECHERCHE TRAINING AND RESEARCH UNIT
DSCHANG SCHOOL OF LAW AND POLITICAL SCIENCES
LES AGENTS IMMOBILIERS ET LE BLANCHIMENT DE
CAPITAUX EN AFRIQUE CENTRALE
Mémoire présenté et soutenu en vue
de l'obtention du diplôme de Master en Droit
Privé
Filière : Recherche
Option : Droit des Affaires et de
l'Entreprise
Par :
POKAM MAKOUPPO TAJOUO MARIETTE
Maîtrise en Droit des Affaires et de
l'Entreprise
Matricule : CM-UDS-15SJP0667
Sous la Direction de :
Pr. LOWÉ GNINTEDEM Patrick Juvet
Agrégé des facultés de Droit
Maître de conférences à
l'Université de Dschang
ANNÉE : 2019-2020
AVERTISSEMENT
i
L'Université de Dschang n'entend donner aucune
approbation, ni improbation aux opinions emises dans ce memoire. celles-ci
devraient être considerées comme propres à l'auteur.
DÉDICACE
ii
À
Ma famille
REMERCIEMENTS
iii
Qu'il nous soit permis au moment où s'achève ce
travail de remercier tous ceux qui de près ou de loin ont
contribué à son élaboration. Nous pensons tout
particulièrement :
À notre directeur, M. le Pr LOWÉ GNINTEDEM
Patrick Juvet, à qui nous exprimons notre profonde gratitude et nos
sincères remerciements pour avoir accepté de conduire avec
bienveillance et générosité nos premiers pas dans le champ
subtil de la recherche, pour la documentation, la patience et les multiples
conseils ;
Au corps enseignant de la Faculté des Sciences
Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang pour leur
dévouement dans notre formation ;
Au Centre International d'Étude et d'Échange de
l'information Juridique (CIEIJ), pour la documentation ;
Au Dr NGUIFFEU Eddy, pour la documentation, ses observations
et les multiples conseils ;
À Mr ASSONNA Ulrich Lenz qui a accepté
m'accompagner et a su mettre à ma disponibilité la documentation,
sa patience et ses conseils tout au long de mon travail ;
Au Dr NGAPA Théophile, pour son aide en documentation,
et sa disponibilité à nous aider ;
À mes parents, pour leur amour, encouragements au
quotidien et leur soutien indéfectible et aux qui je dois ma
réussite ;
À mes frères et soeurs pour leur amour, leurs
encouragements, leur soutien matériel et financier ;
Á la famille MOMO, pour leur soutien multiforme ;
À Me NGATCHUESSI KAMDEM, pour sa participation à
ma formation académique et ses multiples conseils de vie ;
À tous mes amis de promotion, principalement à
LANDO MELI Stéphane, NGUIMNANG CALREL Junior, NYAMSI Mbakop Rollin,
TADONLEKEU-ABAO Beaudrigue, pour leurs soutiens et nos multiples
échanges.
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
iv
Aff. Affaire
Al. Alinéa
ANIF Agence Nationale d'Investigation
Financière
Art. Article
BEAC BC
|
Banque des États de l'Afrique Centrale Blanchiment de
capitaux
|
C. / Contre
C.mon.f. Code Monétaire et
Financier
CEMAC Communauté Économique et
Monétaire des États de l'Afrique Centrale
Cf. Confère
Ch.Instr. Chambre de l'instruction
COBAC Commission Bancaire d'Afrique
Centrale
Coll. Collection
CRF Cellule de Renseignement Financier
DGCCRF Direction Générale de la
Concurrence, de la Consommation et de la
Répression des Fraudes
Dir. Sous la direction de
Éd. Édition
FMI Fond Monétaire International
GABAC LBC/FT
|
Groupe d'Action contre le Blanchiment d'Argent en Afrique
Centrale Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et Financement du
Terrorisme
|
LGDJ Librairie Générale de
Droit et de Jurisprudence
Obs. Observations
OCDE Organisation de Coopération et de
Développement Économique
Op. cit. Opéré citatum
(cité plus haut)
ORTG Organe Régional de type GAFI
P./pp. Page/ pages
PPE Personnes Politiquement
exposées
PR Procureur de la République
PUA Presses Universitaires d'Afrique
v
PUF Presses Universitaires
Française
RDB Revue de Droit Bancaire
TRACFIN Traitement du Renseignement et
Actions contre les Circuits Financiers
Clandestins
UE Union Européenne
UEMOA Union Économique et
Monétaire Ouest Afrique
UMAC V.
|
Union Monétaire d'Afrique Centrale Voir
|
Vol. Volume
RÉSUMÉ
vi
Le développement du secteur immobilier dans les grands
centres urbains de la sous-région d'Afrique centrale et l'arrivée
massive d'investisseurs étrangers et nationaux dont l'identité,
l'origine, la licéité et la traçabilité des
capitaux sont parfois difficile à établir, sont des situations
qui interpellent de plus en plus les États de la sous-région
d'Afrique Centrale. En effet, le secteur de l'immobilier est devenu au fil des
temps, la destination privilégiée des criminels pour dissimuler
des capitaux provenant d'activités illicites. C'est l'ensemble du
marché économique qui prend un sérieux coup avec
l'investissement dans l'immobilier de ces fonds d'origine illicite. En effet,
l'intervention des agents immobiliers dans ce secteur est devenue presque
incontournable au regard de la croissance exponentielle des transactions
immobilières ; c'est pourquoi depuis le Règlement CEMAC de 2003,
le législateur les soumet aux obligations préventives LBC/FT.
Leur intervention et leur activité pouvant procurer des
moyens d'opacité recherchés par les délinquants pour les
opérations de BC/FT, leur assujettissement à la prévention
et la répression se justifie aisément. Mais cet assujettissement
aux obligations préventives, au regard de notre contexte
socio-économique nous semble insuffisante d'où nait la question
de l'efficacité du dispositif communautaire à pouvoir garantir
aux agents immobiliers une lutte efficiente
Ainsi, pour une lutte concertée de ce
phénomène qui prend des proportions inquiétantes dans
notre sous-région, et pour s'assurer de la bonne santé du secteur
de l'immobilier, les agents immobiliers devraient s'impliquer
véritablement dans la lutte contre le blanchiment. Pour y parvenir
efficacement, il importe de renforcer les obligations de ces acteurs dans le
dispositif communautaire et inviter les États membres à une
réforme globale du cadre juridique relatif aux transactions
immobilières et à la profession d'agent immobilier.
ABSTRACT
vii
The development of the real estate sector in the large urban
centers of the Central African sub-region and the massive arrival of foreign
and national investors whose identity, origin, legality and traceability of
capital are difficult to establish, are situations that challenge more and more
States in the Central African sub-region. Indeed, the real estate sector has
over time become the favored destination for criminals to conceal funds derived
from illicit activities. It is the entire economic market that takes a serious
hit with the investment in real estate of these illicit funds. Indeed, the
intervention of real estate agents in this sector has become almost essential
in view of the exponential growth of real estate transactions; this is why
since the CEMAC Regulation of 2003, the legislator subjects them to preventive
AML / CFT obligations.
Their intervention and their activity can provide opacity
means sought by delinquents for ML / TF operations, their subjection to
prevention and repression is easily justified. But this subjugation to
preventive obligations with regard to our socio-economic context seems
insufficient to us, hence the question of the effectiveness of the community
mechanism in being able to guarantee real estate agent an efficient fight.
Therefore, for a concerted fight against this phenomenon,
which is taking on worrying proportions in our sub-region, and to ensure the
good health of the real estate sector, real estate agents should really get
involved in the fight against money laundering. To achieve this effectively, it
is important to strengthen the obligations of these actors in the community
system and to invite the member States to a comprehensive reform of the legal
framework relating to real estate transactions and the profession of real
estate agent.
SOMMAIRE
viii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PARTIE I : L'ASSUJETTISEMENT JUSTIFIÉ DES AGENTS
IMMOBILIERS AUX OBLIGATIONS DE VIGILANCE DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE
CAPITAUX 9 CHAPITRE I : LA NÉCESSITÉ DE LA
VIGILANCE Á L'ÉGARD DE LA CLIENTÈLE 12
SECTION 1 : LE CONTENU DE L'OBLIGATION DE VIGILANCE GENERALE
12 SECTION 2 : LA CONSISTANCE DE L'OBLIGATION DE VIGILANCE SPECIFIQUE 18
CHAPITRE II : LA PERFECTIBILITÉ DU CADRE DE LA
VIGILANCE FINANCIÈRE 26 SECTION 1 : LES DIFFICULTES DE LA MISE EN
OEUVRE DES OBLIGATIONS DE
VIGILANCE 26
SECTION 2 : LES PALLIATIFS AUX DIFFICULTES DE VIGILANCE 33
PARTIE II : L'ASSUJETTISSEMENT OPPORTUN DES AGENTS IMMOBILIERS
À LA
DÉCLARATION DES OPÉRATIONS SUSPECTES
42 CHAPITRE I : L'IMPORTANCE DE LA DÉCLARATION DES
OPÉRATIONS
SUSPECTES 45
SECTION 1 : LE REGIME DE L'OBLIGATION DE DECLARATION DE
SOUPÇON 45
SECTION 2 : LES MODALITES D'EXECUTION DE L'OBLIGATION DE
DECLARATION DE SOUPÇON 53 CHAPITRE II :
L'AMÉLIORATION URGENTE DE LA MISE EN OEUVRE DE
L'OBLIGATION DE DÉCLARATION DE SOUPÇON DES
AGENTS IMMOBILIERS 59 SECTION 1 : LE RENFORCEMENT DES INSTITUTIONS EN
CHARGE DE LA RECEPTION DES DECLARATIONS DE SOUPÇON DE BLANCHIMENT DANS
LE
SECTEUR IMMOBILIER 60 SECTION2 : L'IMPLEMENTATION DES
SANCTIONS PAR LES ORGANES DE LUTTE
CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX DANS LE SECTEUR IMMOBILIER
67
CONCLUSION GÉNÉRALE 77
ANNEXES 80
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE
2
L'un des effets pervers de la mondialisation aujourd'hui est
l'ouverture des frontières1, qui permet la circulation facile
du capital2 issu de diverses activités même celles
menées dans l'illégalité. En effet, les différentes
activités criminelles telles la prostitution, la contrebande, le trafic
de drogues génèrent d'énormes profits. Ces sommes acquises
illégalement sont légitimées par les délinquants
grâce au blanchiment des capitaux. L'individu ou le groupe
impliqué doit trouver un moyen pour justifier l'origine de ces fonds
sans éveiller des soupçons sur l'activité criminelle qui
en est l'origine. C'est la raison pour laquelle, les criminels s'emploient
à masquer la provenance frauduleuse de ces fonds en recourant à
des investissements nationaux et internationaux pour restituer aux instruments
financiers illégalement acquis une respectabilité, leur donnant
ainsi l'accès à des activités de tous
ordres3.
Par essence, les faits de blanchiment se situent dans le
sillage de la commission d'une infraction en amont. Ils consistent
cumulativement en la justification mensongère de l'origine des biens,
des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit profitable, mais aussi
au placement, en la conversion et à la dissimulation des produits d'un
crime ou d'un délit.
Selon les théoriciens, les opérations de
blanchiment se font généralement en trois phases à savoir
: le prélavage encore appelé placement4 qui consiste
pour les criminels à fractionner l'argent illicite de façon
à l'intégrer facilement dans le circuit financier normal ; le
brassage ou dispersion5consistant pour le criminel à
brouiller les pistes par les transactions financières complexes afin de
légitimer la possession ; l'essorage encore appelé recyclage ou
intégration c'est la phase où l'argent a déjà
acquis l'honorabilité recherchée par le criminel, ainsi les
investissements peuvent commencer. C'est généralement dans cette
dernière phase qu'intervient l'acquisition des biens immobiliers. En
fait, depuis belle lurette l'immobilier est considéré comme un
secteur de prédilection des délinquants pour dissimuler ou
transférer les revenus licites6. Ils préfèrent
effectuer des placements dans des valeurs non ou peu soumises
1 Libre circulation de biens, des personnes et des
services.
2 Capital : Fonds, somme d'argent destinés aux
placements et investissements ; quantité considérable
d'argent.
3 BERR (C. J.), « Blanchiment de capitaux et
financement du terrorisme », Répertoire de droit
commercial, 2010, p. 4.
4 Le placement consiste par ailleurs à
placer l'argent liquide sous un compte bancaire, en masquant son origine
frauduleuse, c'est une phase vulnérable pour le criminel.
5 A été qualifié de
dissimulation le fait de contracter un faux contrat pour l'achat d'un bien
immobilier, les échéances du contrat de prêt étant
prises en compte par l'argent blanchi V. Crim.10oct. 2007 n° 06-84.632,
inédit.
6 Rapport de l'OCDE, du 20 février 2009, sur
les risques de fraude fiscale et de blanchiment de capitaux dans le secteur
immobilier cité par GROSS (S.), Les intermédiaires de
l'immobilier face au blanchiment et à la fraude
3
aux aléas du marché. L'immobilier permet de
blanchir de grosses sommes d'argent, car s'agissant d'investissement à
forte rentabilité7. Le secteur immobilier sert ainsi de cadre
à de nombreuses pratiques frauduleuses ou opérations
financières illicites ; il reste un investissement de choix des
fraudeurs.
Depuis plus d'une décennie, le phénomène
du blanchiment des capitaux fait l'objet d'une mobilisation de la
communauté internationale. Face aux conséquences
désastreuses qu'entrainent les activités des organisations
criminelles sur les économies nationales8 et
transnationales9, la lutte contre le blanchiment de capitaux est
apparue comme une nécessité pressante. La stratégie
adoptée à cet égard a été globale en raison
du caractère transnational de ces activités illicites, car toute
stratégie qui se limiterait à la sphère nationale serait
inéluctablement vouée à l'échec10. C'est
ainsi que les États de la sous-région d'Afrique
Centrale11 se sont engagés depuis le début des
années 2000, en adoptant un cadre institutionnel et normatif
anti-blanchiment à vocation à se hisser au niveau des standards
européens et internationaux.
Ces États ont procédé12
à la création d'un Groupe d'Action contre le Blanchiment d'Argent
en Afrique Centrale (GABAC) et par la suite ont adopté plusieurs
Règlements13. Le plus récent est le Règlement
N° 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 Avril 2016 portant prévention et
répression du blanchiment de capitaux et financement du terrorisme et la
Prolifération en Afrique Centrale. Ces Règlements adoptés
dans le cadre de l'harmonisation des moyens de lutte contre la
criminalité organisée s'imposent à une certaine
catégorie d'acteurs
fiscale, mémoire de licence professionnel
« Investigations judiciaires en matière de délinquance
économique et financière », Université de Strasbourg,
Ecole de Management Robert Schuman, Juin 2010.
7 GROSS (S.), Les intermédiaires de
l'immobilier face au blanchiment et à la fraude fiscale, op. cit.,
p.12.
8 Le blanchiment est un choc pour l'économie
d'un pays. Les effets sont particulièrement sensibles quand le secteur
financier du pays concerné est assez modeste, comme en témoigne
l'affaire Stanford dans laquelle une fraude organisée depuis les
Etats-Unis a bouleversé une petite économie insulaire.
9 Il est indéniable que les activités
criminelles, difficiles à mesurer, faussent les statistiques
économiques disponibles et empêchent tout diagnostic
précoce d'une crise en germe. L'argent sale présente un risque
pour le fonctionnement efficient des marchés, car sa circulation se fait
en dehors de toute logique économique.
10 NGUIFFEU TAJOUO (E. L), La lutte contre la
criminalité financière en zone CEMAC, Etudes à la
lumière du modèle européen, EUE 2011, p. 8.
11 La CEMAC est constituée de six Etats : le
Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, la
République Centrafricaine et le Tchad.
12À travers l'Acte Additionnel n° 09/00/CEMAC-06/CCE
du 14 décembre 2000.
13Le Règlement du 02 Octobre 2010 portant
révision du Règlement n°01/CEMAC/UMAC/CM du 04 Avril 2003
portant prévention et répression du blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme en Afrique centrale.
4
économiques tels les Entreprises et Professions Non
Financières Désignées dont les agents immobiliers et les
agents de location14 sont des espèces.
L'article 6 du Règlement de 2016 au titre des personnes
assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme et de la prolifération, prescrit que les
dispositions du Règlement, sont applicables à toute personne
physique ou morale qui, dans le cadre de sa profession, réalise,
contrôle ou conseille des opérations entrainant des
dépôts, des échanges, des placements, des conversions ou
tous autres mouvements de capitaux. Ces personnes assujetties sont la BEAC, les
institutions financières, les changeurs manuels, les agents immobiliers,
y compris les agents de location15, les opérateurs de ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques, les agents sportifs
(...). Des dispositions de l'article 8 du Règlement
N°01/CEMAC/UMAC/CM du 11 Avril 2016 portant prévention et
répression du blanchiment et la prolifération en Afrique, le
blanchiment des capitaux désigne la dissimulation ou le
déguisement de la nature, de l'origine, de l'emplacement, la disposition
du mouvement ou la portée des biens provenant d'un crime. La
dissimulation de la nature des capitaux peut se faire via les investissements
immobiliers, secteur dans lequel interviennent des agents facilitant les
transactions.
Selon le Vocabulaire juridique publié sous la
direction de GERARD CORNU16, l'agent immobilier,
est un agent d'affaire qui intervient habituellement comme intermédiaire
dans les opérations portant sur les biens immobiliers. Une autre
définition est donnée par la loi camerounaise N°2001/020 du
18 Décembre 2001 portant organisation de la profession d'agent
immobilier qui définit l'agent immobilier comme toute «
personne physique ou morale qui accomplit des opérations
immobilières17 et en fait sa profession habituelle
».
La définition prévue par la loi N° 006/2017
portant règlementation de la profession d'agent immobilier en
République Gabonaise nous parait plus claire et contient toutes les
attributions de l'agent. L'agent immobilier y est définit comme
« toute personne physique ou morale qui accomplit, en vertu d'un
mandat et moyennant une rémunération, des prestations
14 Assujettis prévus aux articles 6 et 7 du
Règlement CEMAC de 2016.
15 Alinéa 7 de l'article 6 du Règlement
CEMAC de 2016.
16 CORNU (G.), Vocabulaire juridique,
Association Henri Capitant, 11e édition mise à jour, PUF,
p.46.
17 Selon la loi camerounaise organisant la
profession d'agent immobilier, les opérations immobilières
prévu en son article 3 consistent en -l'achat, la vente, la location ou
la sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non
bâtis ; - l'achat, la vente, la location ou la sous-location de fonds de
commerce ; - la souscription, l'achat, la vente d'actions ou de part de
sociétés immobilières donnant vocation à
l'attribution des locaux en jouissance ou en propriété, - la
vente ou l'achat de parts sociales non négociables, lorsque l'actif
social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ; - la gestion
immobilière.
5
de service à caractère commercial en
matière d'intermédiation dans le domaine des transactions et de
la gestion immobilières pour le compte ou au profit des tiers
propriétaires »18. L'agent immobilier peut
être un agent commercial, un mandataire, un travailleur en agence ou
exerçant individuellement mais il agit pour le compte d'un tiers.
En ce qui concerne l'aptitude professionnelle, l'article 5 du
décret camerounais de 2007 fait état du diplôme requis pour
les agents immobiliers. Ainsi pour ce qui est de l'aptitude professionnelle des
personnes morales, les lois des États de la CEMAC prévoient que,
toutes celles qui remplissent des conditions d'exercice de la profession de
commerçant doivent en outre employer des personnes physiques ayant
l'aptitude professionnelle requise et remplissant les conditions d'exercice de
la profession19. Ce qui revient à dire que les personnes
qu'emploient les agences immobilières doivent avoir la même
aptitude professionnelle que les agents immobiliers. Il serait même
judicieux qu'elles soient des agents immobiliers.
L'agent immobilier est un agent d'affaire (agissant le plus
souvent en qualité de courtier) dont l'activité habituelle et
rémunérée est de gérer les affaires d'autrui et
s'entremettre dans les transactions commerciales ou foncières qu'il
s'agisse d'une location, vente ou échange d'habitation ou de locaux de
tous genres. Aux yeux de la loi, il s'agit des professionnels
représentant soit le propriétaire, soit le locataire ou
l'acheteur lors de la négociation d'un acte portant sur un bien
immobilier.
Il faut souligner avec les lois QUILLOT de 1970 et MERMAZ du 6
juillet 1989 en France que le marché de l'immobilier couvre en
réalité non seulement le secteur locatif, mais aussi le secteur
d'accession à la propriété20. Dit autrement, il
existe une branche Transaction consistant en la vente et la location des biens
immobiliers, et la branche de Gestion locative consistant en la gestion des
biens ayant fait l'objet de location. Nous nous intéresserons à
ces deux branches, car elles sont ouvertes aux opérations de blanchiment
des capitaux.
L'activité d'agent immobilier qui se résume pour
l'essentiel à la négociation pour le compte de ses clients des
contrats de location ou de vente d'immeuble (faisant l'objet d'une juste
rémunération) donne lieu à la conclusion d'une convention
d'entremisse encore appelé
18 Cf. art 6 de la loi Gabonaise de 2017.
19 L'exercice de la profession d'agent au Cameroun est
subordonné aux termes de l'article 6 de la loi de 2001 et son
décret d'application de 2007, à l'inscription au Registre des
agents immobiliers et la délivrance d'une carte professionnelle par le
ministre en charge de l'habitat. Ces mêmes conditions et plus sont
posées à l'article 9 de la loi Gabonaise n° 006/20167 du 09
août 2017.
20 BOMBA (D. T.) « Le statut juridique de
l'agent immobilier au Cameroun » in « Droit et politique de
l'immobilier en Afrique : exemple du Cameroun », Mélange en
l'honneur du Pr André TIENTCHOU NJIAKO, PUA, p. 76.
6
mandat par la loi21; ces agents immobiliers pouvant
déléguer tout ou partie de leur mandat à des
négociateurs en immobilier22, mandataires
immobiliers23, ou à l'agent commercial en
immobilier24 salariés ou juridiquement indépendants.
Ces derniers sont tenus de faire remonter toutes les informations utiles
à l'agent immobilier, ce dernier étant seul tenu des obligations
en matière de lutte contre le blanchiment.
La législation communautaire anti-blanchiment
inspirée des normes internationales, elles-mêmes inspirées
des recommandations du GAFI25, part de l'idée que le
blanchiment de capitaux est souvent favorisé par la coopération
de certains professionnels, lesquels, sans pouvoir être accusés
ouvertement de complicité, sont en revanche coupables de
négligence, de laxisme caractérisé. Il convient donc de
les associer à la détection, à la prévention, et le
cas échéant, à la répression des agissements
frauduleux auxquels ils ont été mêlés. C'est ainsi
que le Règlement CEMAC a prévu des obligations anti-blanchiment
à l'égard des agents immobiliers, sauf que ces obligations pour
certaines s'opposent aux obligations prévues par les textes nationaux
organisant la profession d'agent immobilier qui ignorent la
réalité du blanchiment de capitaux car obsolètes et par
conséquent n'astreignent pas les agents immobiliers à lutte
contre ce phénomène. En effet, le Règlement pose le
principe de l'intervention des agents immobiliers dans la lutte contre le
blanchiment, pourtant l'organisation de la profession qui relève des
États membres est subordonnée aux textes nationaux qui ne
prennent pas en compte la lutte contre le blanchiment dans leurs dispositions.
Se soulève ainsi la question de la cohérence et l'harmonie des
textes. Les textes nationaux ignorent le phénomène de blanchiment
qui a une assise dans le secteur immobilier, cette assise qui passe
inéluctablement par les agents immobiliers. Par ailleurs, ces textes
nationaux n'ayant pas pris en compte la réalité du blanchiment
sont en déphasage avec le Règlement de 2016.
Face à ces difficultés et ces contradictions
dans les règlementations, la solution la plus plausible pour une
harmonisation des textes communautaires et nationaux est la solution
21 CALAIS-AULOY (J.), et STEINMETZ (F.), Droit de
la consommation, 6ème éd., Dalloz,2003, n°
387, p. 421.
22 C'est un intermédiaire entre les
acheteurs et les vendeurs des biens immobiliers, il met en rapport vendeurs et
acheteurs des biens immobiliers. Le négociateur n'est pas un agent
immobilier il est le mandataire de celui-ci.
23 Le mandataire immobilier est un professionnel qui
agit sous le contrôle et l'appui d'un agent immobilier.
24 C'est toute personne physique qui s'enregistre
au RCCM en tant qu'entrepreneur individuel ou autoentrepreneur et qui est
lié à un agent immobilier ou une agence immobilière par un
contrat d'intermédiation. Son rôle se résulte à la
partie commerciale de l'opération c'est à dire prospecter et
rentrer les biens en portefeuille. Son mandat se limite à l'offre
d'achat.
25 GAFI : Groupe d'Action Financière
International, il émet des recommandations, comme leurs noms l'indique
n'ayant pas force obligatoire, mais obligatoire pour les États dans la
politique de lutte de les appliquer.
7
juridique qui consacre la primauté du droit
communautaire sur les textes nationaux, et donc l'application immédiate
du texte communautaire, ce qui revient à dire que les agents immobiliers
dans l'exercice normale de leurs activités doivent lutter contre le
blanchiment en dénonçant tout agissement de ses clients tombant
sous le coup du Règlement de 2016.
Dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, l'agent
immobilier n'est pas un organe de poursuite, son intervention se limite
principalement dans la phase de la prévention, puisque dans la phase de
la répression il sera poursuivi soit en complicité soit
même comme auteur principal du blanchiment. Il n'est non plus un acteur
dans la répression car elle relève des autorités
d'enquête et de poursuite. Les agents immobiliers n'intervenant que dans
la phase de la prévention, on peut utilement s'interroger sur
l'efficacité de leur intervention. Le problème que soulève
le sujet soumis pour analyse est celui de l'efficacité du dispositif
assujettissant les agents immobiliers à lutter contre le blanchiment de
capitaux en Afrique Centrale.
En effet, tel que le Règlement est structuré et
ses règles posées, lorsque ces règles sont mises en
ensemble avec l'organisation juridique de la profession d'agent immobilier,
peut-on espérer une contribution efficace des agents immobiliers dans la
lutte contre le blanchiment des capitaux ? Autrement dit, les dispositions du
Règlement CEMAC permettent-elles une lutte efficace contre le
blanchiment des capitaux dans le secteur immobilier ?
Pour conjuguer les contradictions textuelles afin de permettre
une lutte efficace, le législateur communautaire peut aborder la lutte
dans le secteur immobilier de manière particulière
c'est-à-dire en tenant compte des réalités du secteur
d'activité. Ainsi notre étude nous permettra de relever les
difficultés observables dans les textes règlementant
l'activité de l'agent immobilier qui ne permettent pas sur le pan de la
lutte contre le blanchiment de se concilier ou d'être d'une
utilité pour les dispositions de lutte contre le blanchiment. Aussi,
elle se basera sur les standards européens en faisant recours aux
recommandations du GAFI.
Pour apporter des solutions à la participation efficace
des agents immobiliers à la lutte contre le blanchiment de capitaux,
trois méthodes seront utilisées : D'abord la méthode
juridique dans ses composantes qui sont l'exégèse, puisqu'il est
de tradition, lorsqu'on s'intéresse à un phénomène
juridique codifié, de dépouiller les textes s'y
référant. On fera ainsi appel aux règlements, lois
nationales et textes communautaires ; et la casuistique qui consiste en une
analyse sur les cas de blanchiment dans le secteur immobilier. Ensuite, la
méthode de droit comparé qui consistera à comprendre et
mieux traiter le sujet par le recours aux autres systèmes normatifs en
la matière. Enfin, la méthode de l'analyse économique qui
fera relever
8
la participation ou non des agences immobilières dans
la lutte contre la criminalité organisée. Outre ces
méthodes, la technique documentaire sera utilisée.
La lutte contre le blanchiment de capitaux par le truchement
des agents immobiliers sera efficiente si par exemple un véritable cadre
normatif est mis en place, en tenant compte de tous les facteurs sociaux,
économiques, juridiques, et politiques d'exercice de la profession ;
aussi le législateur communautaire doit prendre des mesures permettant
aux États membres d'inclure dans leurs systèmes normatifs
nationaux, des dispositions, allant dans ce sens surtout concernant le secteur
d'activité visé. Aussi il peut assujettir les notaires, les
courtiers à lutter contre le blanchiment, car leur rôle n'est pas
de moindre dans les transactions portant sur les immeubles.
En outre, opacité, vétusté et
inadaptabilité du cadre juridique de lutte contre le blanchiment qui
caractérisent les textes nationaux organisant la profession et les
dispositions communautaires en la matière, permettent dans
l'étude de ce sujet à emprunter la méthode du GAFI. Les
États de la CEMAC ont pensé à l'adoption des dispositions
basées sur les risques26 sauf que cette approche que
préconise les recommandations du GAFI27 n'est pas
effectivement considérée.
Le Règlement CEMAC impose aux agents immobiliers
d'alerter spontanément les autorités responsables de poursuite
lorsqu'ils ont découvert des agissements susceptibles de tomber sous le
coup de loi anti-blanchiment. Ainsi l'efficacité du Règlement
peut s'apprécier par l'assujettissement des agents immobiliers à
la prévention du blanchiment à travers les obligations de
vigilance (PREMIÈRE PARTIE) et l'obligation de déclaration de
soupçon (SECONDE PARTIE).
26 L'approche par les risques recommande de renforcer
les obligations dans les situations de risques plus élevés,
d'adopter une approche plus ciblée dans les domaines présentant
des risques élevés et dans les domaines où la mise en
oeuvre pourrait être renforcée ; et les dispositions communautaire
anti-blanchiment à l'heure actuelle en plus d'être
général prennent plus en compte les réalités du
secteur bancaire.
27 GAFI groupe d'action financière
internationale, Recommandations GAFI, février 2012, p. 8.
9
PARTIE I : L'ASSUJETTISEMENT JUSTIFIÉ DES
AGENTS IMMOBILIERS AUX OBLIGATIONS DE VIGILANCE DE LUTTE CONTRE LE
BLANCHIMENT DE CAPITAUX
10
L'assujettissement peut être entendu comme la
contrainte, l'obligation de faire quelque chose. Ainsi les agents immobiliers
sont contraints à travers les obligations mises à leurs charges
à lutter contre le blanchiment d'argent. La lutte peut se définir
comme le fait d'agir pour vaincre, pour éradiquer un
phénomène considéré comme nuisance. Les agents
immobiliers sont obligés de participer à lutter contre le
blanchiment de capitaux qui est devenu une menace réelle pour
l'économie mondiale28. Le blanchiment de capitaux constitue
une atteinte à la sécurité des transactions dont les
agissements visent la justification de l'origine mensongère des biens ou
revenus de l'auteur d'un crime.
Si le recours aux experts d'un domaine permet une
sécurité transactionnelle, il est ainsi conseillé avant de
faire toute transaction immobilière de passer par les experts de
l'immobilier ; c'est un moyen pratique mais surtout sécurisé
pouvant aboutir à des prestations à la hauteur des attentes des
demandeurs, et surtout une prise en charge professionnelle du bien immobilier.
Ceci rejoint l'idée du Doyen CARBONNIER lorsqu'il affirmait : «
La terre n'est pas un bien comme les autres (...) Son aliénation est
moins libre, sa vente ne peut être affaire courante entre deux individus
»29. Donc la présence d'un professionnel est
importante pour juguler certaines difficultés. C'est ainsi que le
législateur a estimé que le professionnel de l'immobilier pouvait
lui aussi être associé à l'éradication du
phénomène de blanchiment qui depuis peu converge vers son domaine
d'activité et interpelle les autorités en charge de la lutte.
Ces professionnels, en plus des obligations qui sont les leurs
dans l'exercice de leurs activités, ont aussi l'obligation de participer
à faire face au blanchiment tel que prévu par le
législateur communautaire. De ce fait, ils sont tenus des obligations
préventives par la détection du blanchiment à travers la
vigilance et la déclaration des opérations à laquelle la
législation communautaire leurs a assujettis.
Le législateur communautaire a, depuis
200330 à travers le Règlement adopté,
estimé que les agents immobiliers doivent contribuer à vaincre le
phénomène de blanchiment qui est
28 D'après de récentes estimations de
l'ONU, les produits d'activités criminelles blanchis chaque année
représente entre 2 et 5% du PIB mondial.
29 CARBONNIER, Flexible droit, pour une
sociologie du droit sans risque (le droit de propriété
depuis 1914), LGDJ., 9e éd. 1998.
30 Il s'agit du Règlement n°
01/03/CEMAC/UMAC/CM/ portant prévention et répression du
blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en Afrique
Centrale.
11
comme un cancer pour l'économie et pour emboiter le pas
à KONAN BANNY, « le blanchiment est pour le système
financier ce que le SIDA est pour la société
»31.
Les agents immobiliers acteurs de la prévention, leur
rôle dans la lutte se concentre à prévenir la
réalisation des opérations de blanchiment, ils doivent alors
faire preuve de promptitude à déceler et éradiquer ce
phénomène et ceci devra se faire à travers la vigilance
qu'ils feront montre dans l'exercice de leurs métiers. En amont des
mesures d'éradication du blanchiment, il existe des mesures pour le
prévenir, c'est dès lors en cas d'échec de ces mesures
préventives que seront mise en oeuvre les mesures curatives.
Afin de rendre la lutte contre le blanchiment de capitaux dans
le secteur immobilier efficace le législateur CEMAC a astreint les
agents immobiliers aux obligations préventives à savoir
l'obligation de vigilance qui consiste en la recherche des informations sur
l'identité des clients avec qui la relation d'affaire sera
établie (chapitre1). Néanmoins la mise en oeuvre de cette
obligation contient des imperfections qui appellent à des corrections
(chapitre2).
31 KONAN BANNY (Ch.), Gouverneur de la Banque centrale
des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), propos tenu lors du sommet
des gouverneurs des Banques Africaines tenu à Yaoundé les 29 et
30 Juillet 2004, in TCHUENKAM (B.), « Contre le blanchiment et pour
l'intégration monétaire », paru dans le financier
d'Afrique, n° 08, août/ sept 2004.
12
CHAPITRE I : LA NÉCESSITÉ DE LA VIGILANCE
Á L'ÉGARD DE LA CLIENTÈLE
En matière de détection du blanchiment, les
agents immobiliers sont astreints à la vigilance dans les
opérations. La vigilance consiste à exécuter une
tâche avec diligence, avec attention. Ainsi, les agents immobiliers sont
tenus à l'obligation de diligence afin de détecter si dans une
relation d'affaire il existe des indices pouvant laisser croire que
l'opération consiste au blanchiment de capitaux.
La vigilance en matière de lutte contre le blanchiment,
consiste pour l'agent immobilier à recueillir des informations sur le
client avec lequel il établira la relation d'affaire ; et cette
vigilance s'étend à la nature de la relation d'affaire qui
s'établira ; par ailleurs le professionnel est tenu à cette
vigilance même au cours de la relation, ainsi s'il existe des indices de
blanchiment, l'agent immobilier selon les cas et sous certaines conditions
pourra mettre un terme à la relation d'affaire en cours, et si celle si
, n'avait pas été conclu, pourra simplement refuser la
transaction.
Face à certain client, le professionnel doit renforcer
les mesures de vigilance générales, cela l'est également
face à certaines transactions présentant des indices de
dissimulation d'un fait par exemple lorsque le bénéficiaire
réel de l'opération n'est pas celui qui entame la relation. Il
existe des dispositions pour gérer les situations des clients et des
opérations présentant de risques. Par ailleurs, les
professionnels sont tenus de conserver toutes les informations sur leurs
clients ainsi que les informations concernant les transactions passées,
ceci pour des éventuelles investigations ultérieures.
En matière de vigilance financière les agents
immobiliers sont assujettis à une vigilance générale ou
ordinaire (Section 1), commune sauf que cette vigilance s'intensifie en
fonction de la nature de la relation d'affaire et du statut du client
impliqué dans la relation d'affaire (Section 2).
Section 1 : Le contenu de l'obligation de vigilance
générale
La vigilance générale consiste en une diligence
commune que devra faire montre le professionnel de l'immobilier face à
toutes relations d'affaire avec la clientèle. Le dispositif
communautaire consacre au chapitre de la vigilance générale,
l'obligation de connaissance de
13
la clientèle à travers son identification par
les pièces qu'il doit fournir et l'obligation de conservation des
informations recueillies (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La singularisation de la connaissance de
l'identité du client
L'identification du client est un préalable, c'est une
étape capitale dans la lutte anti-blanchiment. Ce n'est qu'une fois
identifié, que l'on peut faire supporter à un client son
acte32. La première obligation imposée aux agents
immobiliers dans la lutte contre le blanchiment des capitaux consiste, à
bien identifier leurs clients (A) et à connaitre ceux qui se cachent
éventuellement derrières eux (B).
A- L'identification globale de la clientèle
En ce qui concerne l'identification du client en
générale, on insistera sur le luxe des détails fournis par
le texte des articles 30 et 31 du Règlement de 2016. Il y ressort que,
les agents immobiliers doivent, avant de nouer toute relation ou effectuer une
transaction avec un client habituel ou occasionnel33, personne
physique ou morale, avoir une certaine connaissance de l'identité de son
client.
En effet, l'identification de la personne
physique34 s'opère par la présentation d'un document
officiel original en cours de validité et comportant une photographie,
dont il est pris une photocopie. Par contre, l'identification de la personne
morale cliente, s'effectue par la production des statuts et de tout document
établissant qu'elle a été légalement
constituée et qu'elle a une existence réelle au moment de
l'identification. Il en est pris photocopie. De plus, la personne morale
cliente doit présenter l'original ou la copie certifiée conforme
de tout acte ou extrait du registre officiel constatant sa dénomination,
sa forme juridique, son siège social et les pouvoirs des personnes
agissant en son nom.
Le Règlement CEMAC de 2016 invite les agents
immobiliers, avant d'établir une relation contractuelle ou de
prêter assistance à la préparation ou à la
réalisation d'une transaction avec un client occasionnel35 le
cas échéant le bénéficiaire effectif de
l'opération36,
32 TCHABO SONTANG (H. M.), Secret bancaire et
lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Mémoire de DEA,
Université de Dschang, p. 31.
33 Le client occasionnel est toute personne ayant
pour but de préparer ou de réaliser une opération
ponctuelle, ou d'être assisté dans la réalisation d'une
telle opération, que celle-ci soit réalisée en une seule
opération ou en plusieurs opérations paraissant liées
entre elle.
34 Cf. art. 30 du Règlement CEMAC de 2016.
35 Prévu à l'article 32 du
Règlement CEMAC de 2016, l'identification du client occasionnel et par
ricochet du bénéficiaire effectif de l'opération est
exigée, lorsque ceux-ci effectuent une opération ou des
opérations liées
14
de s'assurer de la connaissance de la véritable
identité de leurs cocontractants pour les opérations donc les
montants sont déterminés.
Par ailleurs, en cas de répétition
d'opérations distinctes pour un montant individuel inférieur aux
seuils fixés, l'identification est requise. Á la lecture de cette
disposition on croirait que le législateur exige une vigilance envers
les clients occasionnels ou du bénéficiaire effectif de
l'opération, que lorsqu'il y a répétition des mêmes
opérations ou des opérations distinctes alors même que le
montant du seuil fixé est inférieur. Si telle est l'idée
du législateur, il aurait donné une occasion aux blanchisseurs
clients occasionnels37, de blanchir des sommes en dessous du seuil
des montants des opérations faisant l'objet de vigilance. La vigilance
devrait être exigée pour toutes les opérations dont le
montant est en dessous du seuil fixé, bien qu'il n'y ait pas
répétitions des opérations.
Cette exigence de la présentation certains documents,
est aussi demandé de l'ayant droit économique.
B- La connaissance de l'identité de l'ayant droit
économique
Le nouveau Règlement CEMAC ne pose pas de
manière claire, l'obligation pour les agents immobiliers de
vérifier l'identité de l'ayant droit économique de
l'opération38. Par contre, en 2003, le législateur
communautaire assujettissait explicitement les agents immobiliers à
recueillir les informations sur l'identité de l'ayant droit
économique de l'opération. Le Règlement de 2016 n
abrogeant pas celui de 2003, celui-ci reste en vigueur, et ses dispositions
applicables.
Des dispositions de l'article 33 du Règlement de 2016,
l'identification de l'ayant droit économique ne concerne que les
institutions financières. Le législateur CEMAC en 2003 avait
assujettit les agents immobiliers à l'identification de l'ayant droit
économique ; prévu à
dont : 1-le montant excède dix millions de francs
(10.000.000) FCFA, pour les personnes autres que les changeurs manuels ou les
représentants légaux et directeurs responsables des
opérations de jeux ; 2- le montant excède cinq millions de francs
(5.000.000) FCFA, pour les changeurs manuels ; 3- le montant excède un
million de francs FCFA pour les représentants légaux et
directeurs responsable des opérations de jeux ; 4- la provenance licite
des capitaux n'est pas certaine.
36 A titre de droit comparé, le
bénéficiaire effectif au terme de l'article L.561-2-2 du code
monétaire et financier Français, s'entends de la personne
physique qui contrôle directement ou indirectement, le client ou de celle
pour laquelle une transaction est exécutée ou une activité
réalisée.
37 Qui selon l'article 1er alinéa
21 du Règlement CEMAC de 2016 est toute personne qui effectue des
opérations ponctuelles, ou sollicite un accompagnement pour ces
opérations.
38 Selon l'article 1 alinéa 14, il s'agit du
bénéficiaire économique ; le véritable
propriétaire d'un patrimoine ou la personne pour le compte duquel le
client agit.
15
l'article10 du Règlement, les personnes assujetties aux
titres de l'article 539 parmi lesquelles les agents immobiliers,
doivent se renseigner sur l'identité véritable des personnes au
bénéfice desquelles une opération veut être
réalisée lorsqu'il apparaît que les personnes qui demandent
la réalisation de l'opération pourraient ne pas agir pour leur
propre compte.
Par ailleurs, si le client est un avocat, un comptable public
ou privé, une personne privée ayant une délégation
d'autorité publique, ou un mandataire, intervenant en tant
qu'intermédiaire financier, il ne pourra invoquer le secret
professionnel pour refuser de communiquer l'identité du véritable
opérateur.
Ainsi, en présence d'une technique de
représentation ou de convention de prête-nom, l'agent immobilier
doit procéder à l'identification des personnes
représentées et de l'ayant droit économique de la
transaction, en même temps qu'elle requiert l'identité et
l'adresse du représentant, ainsi que les documents originaux attestant
de la délégation de pouvoirs qui lui est
accordée40.
Le bénéficiaire effectif s'apparente à
l'ayant droit économique, son identification bien que subsidiaire
à l'identification du client, met à la charge de l'agent
immobilier quelques contraintes supplémentaires. Du « connais
ton client », on avance vers le « connais aussi le client
des autres » ce qui peut conduire à des «
déclarations de couverture » à la cellule de
renseignement financier41. En effet, face à certains montages
juridiques bien que légaux, mettant le professionnel dans une impasse
quant à l'identification du client, il est clair que l'agent
procédera à la déclaration de
l'opération42. Bien que cette situation peut compromettre la
conclusion d'une affaire au vu du temps que l'identification peut prendre, le
mode des affaires étant régit par la
célérité, quoiqu'il en soit, toutes mesures sont
établies pour lutter efficacement contre l'argent sale.
Le législateur CEMAC pour faciliter la tâche aux
professionnels et aux autorités de poursuite, peut emboiter le pas au
Parlement européen qui a voté en faveur de la mise en
39 Il s'agit des organismes financiers, les changeurs
manuels, les agents immobiliers, les agences de voyage (...).
40 NGUIFFEU TAJOUO (E. L.), « La
réforme du système de détection et de la prévention
de la criminalité financière en zone CEMAC à la
lumière du Règlement n° 01/CEMEC/UMAC/CM du 11 avril 2016
portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et
du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale
», in Juridis périodique n°108, pp. 133-144.
41NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment
d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse
à la lumière des normes et standards européens et
internationaux, Thèse de doctorat en droit privé et sciences
criminelles, 2016, p. 251.
42 CUTAJAR (Ch.), « Lutte contre le blanchiment
et « devoir d'ingérence » du banquier », JCP
Entreprises et Affaires 2010, n°18, 1434. Cité par NGAPA (T.),
ibidem.
16
oeuvre d'un registre public des bénéficiaires
effectifs des sociétés écrans et des trusts43 .
Cette technique permettra de détecter les bénéficiaires
effectifs de certaines opérations qui pour conserver l'anonymat
emploient des personnes de façade à l'origine de grands scandales
de blanchiment de capitaux.
La vigilance sur l'identité du client de la relation
d'affaire consiste aussi en la nécessité de connaitre les
informations sur la relation d'affaire qui sera établie et la
conservation de ces informations.
Paragraphe 2 : La nécessité de
l'appréhension de certaines informations
Lorsque l'identification du client est terminée,
l'agent immobilier devrait aussi être astreint à l'obligation de
connaitre l'objet et la nature de la relation d'affaire (A) ainsi que
l'obligation de conserver tous documents liés à l'identification
(B) ceci pour permettre des investigations ultérieures.
A- L'omission de l'assujettissement des agents
immobiliers à l'obligation de connaissance de l'objet et la nature de la
relation d'affaire
Ni le Règlement de 2003 ni celui de 2016, ne met
à la charge des agents immobiliers l'obligation de rechercher l'objet ou
la nature de la relation d'affaire qu'il s'en va nouer avec le client. Par
contre, les institutions financières y sont clairement assujetties. Mais
pourquoi exclure les autres assujettis tels que les professionnels de
l'immobilier à une telle mesure qui n'est pas sans importance dans le
processus de vigilance auquel ils sont astreints ? La connaissance de l'objet
de la relation est importante pour le professionnel car ceci lui permettra de
connaitre les réelles intentions de son client, si les opérations
de ce dernier visent à blanchir ou non de l'argent.
En effet, la connaissance de l'objet de la relation d'affaire
tombe sous le sens qu'un professionnel vigilant doit avant tout
s'intéresser à la nature des opérations qu'il propose
à ses clients, au risque que ces derniers les utilisent à des
fins de blanchiment des capitaux. La relation d'affaire est établie
lorsque le professionnel assujetti engage une relation professionnelle ou
commerciale qui est censée au moment où le contact est
établi, s'inscrire dans une durée44. La relation peut
résulter d'un contrat selon lequel plusieurs opérations
43 Cf. arts. 31, 11, paragraphe 1.b) et 30, point 3 de
la 4e directive anti-blanchiment de l'UE.
44 BERR (J. C.), op. cit., p. 14. Voir
article L561-2-1 du code monétaire et financier Français.
17
successives seront réalisées entre les
contractants ou qui crée entre ceux-ci des obligations à
exécution successives.
Tout comme il est nécessaire pour l'assujetti
préalablement à l'entrée de la relation d'affaire d'avoir
des informations sur l'identité du client, il est aussi
nécessaire qu'il recueille des informations sur l'objet ou la nature de
la relation. Ainsi les agents immobiliers de la sous-région CEMAC,
professionnels assujettis à la lutte contre le blanchiment des capitaux
en Afrique Centrale, doivent, avant d'entrer en relation avec leur client,
recueillir des informations relatives à la nature et à l'objet de
cette relation, et toute autre information pertinente sur le client.
De même, ils doivent pendant toute la durée de la
relation, exercer dans la limite de leurs droits et obligations une vigilance
constante et pratiquer un examen attentif des opérations
effectuées en veillant à ce qu'elles soient cohérentes
avec la connaissance actualisée qu'ils ont de leurs clients. Ceci pour
maitriser de bout en bout la relation établie et cela permettra de
détecter des opérations visant à blanchir de l'argent.
Le législateur communautaire a établi un cadre
de vigilance excluant certains assujettis sans raison de certaines obligations
; tel est le cas de l'exclusion des agents immobiliers à la
nécessité de conserver les documents après la fin d'un
contrat.
B- L'exclusion marquée des agents immobiliers
de l'obligation de conservation des pièces et documents
Le Règlement CEMAC de 2016 ne soumet pas explicitement
les agents immobiliers à la conservation les documents après
cessation des activités avec un client, mais partant de la
qualité d'assujetti à la lutte contre le blanchiment de capitaux
et à l'intérêt de la conservation des documents, les agents
immobiliers pour prévenir les risques de blanchiment doivent tout comme
les institutions financières conserver par écrit les documents
liés à une relation même après la cessation de
celle-ci.
En vue de permettre d'éventuelles investigations
ultérieures, il est fait obligation aux professionnels assujettis de
conserver des documents pertinents relatifs à leur activité. Il
en va ainsi 10 ans45 après cessation de toute relation des
documents concernant l'identification de leurs clients habituels ou
occasionnels.
45 L'article 13 du Règlement de 2003 fixait
la durée de conservation des documents à 5 ans après la
cessation de toute relation avec le client. Le nouveau Règlement CEMAC
de 2016 a prorogé ce délai à 10ans.
18
Les agents immobiliers doivent aussi conserver tous les
documents et pièces relatifs aux opérations qu'ils ont
effectuées. Ainsi, le problème des opérations suspectes
non déclarées ne se pose plus. Aussi, la question du contenu des
transactions passées avec la clientèle pouvant permettre de
retracer à un moment donné, les opérations passées
par un client ayant un passé criminel irréprochable mais faisant
désormais l'objet des poursuites pour participation à des projets
criminels ne se pose plus46.
Il ressort de l'article 38 du Règlement CEMAC que la
conservation des documents et pièces a cette importance, qu'elle permet
la reconstitution de l'ensemble des transactions réalisées par
une personne physique ou morale et qui pourront être liées
à une opération qui fera l'objet de déclaration de
soupçon. La conservation des pièces et documents est
doublée d'une obligation au secret ou à la confidentialité
; ainsi ces documents ne peuvent être communiqués qu'aux quelques
entités prévues par le Règlement. Il s'agit des
autorités judiciaires, les agents de l'État chargés de la
détection et de la répression des infractions liées au
blanchiment de capitaux agissant dans le cadre d'une procédure
judiciaire, aux autorités de contrôle et à
l'ANIF47.
Les mesures de vigilance précitées sont
effectuées généralement avant toute entrée dans une
relation d'affaire. Mais à côté, sont établies des
mesures de vigilances plus spécifiques face à certains clients ou
opérations.
Section 2 : La consistance de l'obligation de vigilance
spécifique
Des mesures spécifiques doivent être prises par
les agents immobiliers lorsqu'ils nouent des relations d'affaire avec certains
clients, ou même lorsque les caractéristiques de l'affaire sont
telles que présentant un risque de blanchiment. Ainsi au titre de la
vigilance spécifique le législateur communautaire en 2016, a
défini des mesures particulières pour certaines opérations
(Paragraphe 1) et certains clients (Paragraphe 2) qui présentent de
risques élevés de blanchiment capitaux.
46 NGUIFFEU TAJOUO (E. L.), « La
réforme du système de détection et de la prévention
de la criminalité financière en zone CEMAC à la
lumière du Règlement n° 01/CEMEC/UMAC/CM du 11 avril 2016
portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et
du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale
», op. cit., p. 138.
47 ANIF Agence Nationale d'Investigation
Financière. Mise en place au Cameroun par le décret
n°2005/187 du 31mai 2005 portant organisation et fonctionnement de
l'agence Nationale d'Investigation Financière.
Au Congo il s'agit du CENOREF cellule nationale des
renseignements financiers.
19
Paragraphe 1 : La nécessité d'une
vigilance accrue pour les opérations à
risque
Le GAFI recommande comme pour le cas des clients ordinaires,
que certaines opérations fassent l'objet de surveillance
particulière. On considère certaines opérations et
certains clients comme présentant de risque de par leur nature ou statut
pour les clients. L'objectif de la surveillance plus grande est la recherche
des informations exactes sur le client et le but de transaction que le client
veut passer, aussi d'établir l'origine et la destination des sommes
concernées et par ailleurs, d'anéantir complètement toutes
transactions visant à blanchir de l'argent.
La vigilance accrue pour certaines opérations est
exigée par ensemble de disposition du Règlement de 2016. Nous
verrons d'abord le contenu de la notion d'opération à risque (A)
avant de voir le traitement imposé aux assujettit face à ces
opérations (B).
A- La notion d'opération à risque
Les opérations à risque sont des
opérations dont les circonstances exceptionnelles entourant
l'accomplissement inspirent le risque et appellent à la méfiance.
Il s'agit entre autre des opérations se présentant dans des
conditions inhabituelles de complexité et ne paraît pas avoir une
justification économique ou d'objet licite48, des
opérations des sommes dont le montant est supérieur au seuil
fixé, des opérations de paiement en espèces ou par titre
au porteur des sommes dont le montant est supérieur à cinquante
millions dans des conditions normales, des opérations sur une somme
supérieure ou égale à dix millions dans les conditions
inhabituelles de complexité ou injustifiées ou ne paraît
pas avoir de justification économique ou d'objet licite49.
Par ailleurs, il peut s'agir des opérations sur des
sommes dont la provenance présente un risque (l'établissement de
crédit émetteur ou destinataire, le pays d'origine ou de
destination, du fait de son défaut d'engagement ou son engagement
limité dans la lutte contre la criminalité financière.
Selon le GAFI, il s'agit des pays n'ayant pas un dispositif efficace pour
48 AZEUFACK WANDJEH (G. A.), La
répression du blanchiment des capitaux en droit Camerounais,
Mémoire de DEA, Université de Yaoundé II SOA, 2005.
La loi Camerounaise n° 97/019 du 07 Août 1997 relative au
contrôle des stupéfiants visait essentiellement le blanchiment de
l'argent issu du trafic des stupéfiants.
49 Cf. art. 35 du Règlement CEMAC de 2016.
20
lutter contre le blanchiment)50. Il peut aussi
s'agir d'opération favorisant ou non l'anonymat du client ou des
bénéficiaires effectifs, ou des opérations donc l'origine
des fonds utilisés pour les financer présente des
facilités de blanchiment (comptant, prêt bancaire, prêt
interpersonnel...).
En 2003, le législateur communautaire a
expressément fait obligation aux assujettis de l'article 5 du
Règlement, d'exercer une surveillance particulière face à
certaines opérations tout en les énumérant clairement. Par
contre, le législateur communautaire en 2016 une fois de plus ne parle
que des institutions financières, pourtant les agents immobiliers selon
l'article 17 doivent interdire tout payement en espèce dans les
transactions immobilières lorsque le montant du bien immobilier est
supérieur à trois millions. Et l'article 18 renchérit en
imposant à ces derniers la déclaration toute transaction en
espèce dont le montant est égal ou supérieur à 5
millions.
Ces transactions relevant des opérations à
risque tel qu'il ressort implicitement des dispositions du Règlement,
les agents immobiliers devraient tout aussi être impliqués dans la
gestion efficace des opérations à risques. Les textes se
complétant, les agents immobiliers de la sous-région devront face
à toute opération présentant un risque, prendre des
mesures prévues par les Règlements.
B- Les recommandations pour la gestion des
opérations à risque
Dans le cadre de l'achat, de la vente, de la location ou la
sous-location d'un bien immobilier, l'agent immobilier doit prendre des mesures
efficaces lorsque ces opérations présentent des risques de
blanchiment. En plus des obligations générales de vigilance, les
agents immobiliers face à l'une de ces opérations dans le cadre
de l'exercice de leurs professions, doivent comme les textes communautaires
l'exigent, rechercher des informations relatives à l'origine des sommes
et à l'objet de la transaction.
Il s'agit en fait du renforcement des mesures de vigilance
prévues à l'article 57 du Règlement de 2016, qui consiste
pour le professionnel à effectuer un examen renforcé de toute
opération particulièrement complexe présentant des
risques, et ainsi de se renseigner
50 NGUIFFEU TAJOUO (E.L.), « La réforme
du système de détection et de la prévention de la
criminalité financière en zone CEMAC à la lumière
du Règlement n° 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant
prévention et répression du blanchiment des capitaux et du
financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale
», op. cit., p. 138.
21
auprès du client sur l'origine des fonds et la
destination de ces sommes ainsi que l'objet de l'opération et
l'identité de la personne bénéficiaire de
l'opération.
Paragraphe 2 : La nécessité d'une
vigilance accrue pour les clients à risque
L'accroissement de la vigilance est également
recommandé lorsque le professionnel est face à un type de client.
Ainsi il est fait obligation de gérer différemment
l'entrée et la relation d'affaire avec certains clients
présentant des caractéristiques particulières. Il s'agit
des personnes politiquement exposées (A) et des autres catégories
de clients à risques (B).
A- Le traitement particulier des Personnes Politiquement
Exposées (PPE)
Les personnes politiquement exposées (PPE) sont selon
l'article 1 alinéa 55 du Règlement de 2016, des personnes
physiques ayant exercé ou qui exercent des hautes fonctions publiques et
politiques. Elles peuvent être nationales, étrangères ou
internationales. Quelle que soit la nature, l'article 60 du Règlement
recommande aux assujettis lorsqu'ils nouent ou lorsqu'ils effectuent des
transactions avec ou pour le compte de PPE, d'appliquer des mesures
spécifiques à l'égard de ces personnes.
En effet les PPE sont des clients à risque, parce que
le niveau de risque en terme de fraude et de corruption est plus
élevé que la moyenne compte tenu de leur position d'influence.
L'activité médiatique l'a démontré en
201651 que les PPE sont impliquées dans des scandales de
fraude ou d'évasion fiscale, de pots de vin voire de biens mal
acquis52, dans les cas les plus extrême de blanchiment. Les
scandales de Panama Papers en 2016, a ainsi révélé que
près de 140 PPE avaient eu recours à des sociétés
écrans pour blanchir de l'argent ou pour dissimuler l'identité
des personnes corrompues qui leur avaient versé de
l'argent53.
Les textes de loi exigent face aux PPE un niveau de vigilance
élevé et adapté au risque de lutte contre le blanchiment.
Il peut s'agir d'une procédure d'entrée en relation ou
d'acceptation des clients. Il est par ailleurs requis que la décision de
nouer une relation d'affaire avec une personne classée PPE,
relève d'un membre de l'organe exécutif ou d'une personne
habilitée à cet effet par l'organe exécutif. Cette
implication se justifie par la nécessité de procédure
d'identification et de vérification de l'identité
particulièrement rigoureuse, la nécessaire capacité du
professionnel à pouvoir mesurer et maitriser les risques,
51Leaks en folie : 2016 l'année de la
corruption?.
52Voir affaire Guinée équatoriale
contre la France, dite des « biens mal acquis », Le Monde,
27 octobre 2017. 53
https://bis.lexisnexis.fr
consulté le 20 juillet 2020.
22
la sensibilité des informations relatives à ce
type de client, notamment au regard de leur circulation au sein d'un groupe
pour les besoins54 de LCB/FT55.
Ces mesures spécifiques impliquent l'obligation de
mettre en oeuvre des procédures adéquates et adaptées, en
fonction du risque, de manière à pouvoir déterminer si le
client ou un bénéficiaire du client est un PPE. En outre, les
agents immobiliers doivent prendre toutes mesures appropriées, en
fonction du risque, pour établir l'origine du patrimoine et l'origine
des fonds impliqués dans la relation d'affaire ou la transaction ; enfin
ils doivent s'assurer d'effectuer une surveillance renforcée de la
relation d'affaire.
Cependant, l'identification des personnes politiquement
exposées est souvent difficile, du fait du statut de la personne et ses
fonctions ou même des fausses informations que pourraient donner ces
personnes. En fait, « il peut être très difficile de
détecter qu'un client est une personne politiquement exposée, en
particulier lorsque les clients taisent les informations importantes ou
apportent des indications erronées. Dans la plupart des cas
examinés, les titulaires du compte ou les ayants droit économique
ne sont pas identifiés comme étant politiquement exposés
mais ont affirmé être des hommes d'affaire fortunés et donc
l'activité est couronnée de succès
»56.
Quoi que le statut public de ces personnes peut influencer
l'efficacité de leur l'identification, les agents immobiliers sont tenus
d'exercer leurs obligations vigilance avec diligence.
B- L'incitation à une vigilance accrue pour les
autres contractants à risque
La règlementation en vigueur fait obligation aux agents
immobiliers de se doter d'un cadre d'identification et de gestion des risques
de blanchiment liés à leur secteur et de déterminer la
procédure adéquate de gestion de ces risques face à un
type de contractant.
Les contractants à risque sont les clients
non-résidents et les clients recommandés, les clients effectuant
des opérations électroniques ou en ligne. Cette catégorie
de personne mérite un temps d'arrêt car peuvent représenter
des réels criminels. Une fois de plus il est regrettable
54 Article L.511-34 du code monétaire et
financier.
55 Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le
Financement du Terrorisme.
56 Rapport de la commission de banque Suisses,
Fonds « Achaba » auprès des banques Suisses du 30
Août 2000, p. 12. Cité par TSOBGNI DJOUMETIO (N. L.), Les
banques et la mise en oeuvre du dispositif de lutte contre le blanchiment des
capitaux au Cameroun et en France, Thèse en droit pénal et
sciences criminelles, Université de Strasbourg, 2015, p. 150.
23
que le législateur n'ait pas prévu des
obligations des agents immobiliers face au traitement à accorder
à ces clients à risque.
On entend par client non-résident, selon
l'article 3 alinéa e du Règlement COBAC de 2005, une personne
physique ou morale implantée dans un Etat non-membre sollicitant
l'ouverture d'un compte ou la réalisation d'une opération dans un
établissement assujetti sis dans un Etat membre. Il n'est pas qu'une
affaire des établissements financiers, même les agents immobiliers
ou toute institution financière peuvent faire face à des clients
non-résident qui les sollicitent pour faire affaire. Tout comme les
institutions financières en matière de traitement et de collecte
des informations sur l'identité des clients non-résidents, les
agents immobiliers peuvent recourir à des tiers de réputation
confirmée pour vérifier l'identité de ce client ou exiger
que les documents habituellement requis soient soumis à d'autres
formalités telles l'authentification, complément par des
pièces jointes. Par ailleurs, l'entrée en relation d'affaire peut
être conditionnée par l'approbation d'une personne
habilitée (qui joue en quelque sorte le rôle de garant des
opérations à effectuer), ou alors si le risque après
identification du client paraît élevé le professionnel peut
tout simplement refuser d'établir la relation d'affaire.
Les clients recommandés quant à eux
sont les personnes recommandées par des tiers aux professionnels. La
relation d'affaire procédant ainsi par l'invitation d'un tiers,
intermédiaires pouvant être une personne morale ou physique. Face
à un tel client, l'agent immobilier doit évaluer soigneusement
l'honorabilité de l'intermédiaire ayant recommandé le
client, et vérifier qu'il accomplit normalement son devoir de diligence
en procédant à des examens périodiques de
conformité et de fiabilité quant aux exigences en matière
de lutte contre le blanchiment d'argent.
A ces clients, on peut ajouter les clients en ligne,
qui sont ceux qui effectuent leurs transactions par le biais d'un site
internet. Ces clients sont à craindre plus que les autres. Depuis
toujours des personnes utilisent les moyens électroniques ou
numérique pour effectuer certaines opérations ; Avec la menace de
la pandémie du COVID-19, et face à toutes les mesures de
sécurité adoptées, les entreprises utilisent de
manière accrue des systèmes en ligne permettant le
télétravail ainsi plus de transactions devraient s'effectuer par
le biais d'internet, ceci offrant des facilités à ces criminels
qui font généralement recours à une usurpation
d'identité. Leur identification devenant ainsi malaisée appelant
la vigilance renforcée et l'adoption des mesures appropriées pour
gérer les risques que ces clients présentent.
24
Ainsi, toute opération visant la conclusion d'un
contrat de vente ou d'achat, de location ou de sous-location d'un bien immeuble
par l'un de ces contractants à risque, exige de la part des agents
immobiliers une vigilance accrue, et la prise des mesures pour gérer les
risques que présentent ces personnes et si les risques sont trop
élevés ils peuvent décider de pas entrer en relation
d'affaire c'est à dire ne pas conclure de contrat, ou ils peuvent au
cours de la relation y mettre un terme.
CONCLUSION CHAPITRE I
25
Le processus KYC57 (« Know Your Custumers
» désigne l'ensemble de processus que le professionnel devra mettre
en oeuvre pour assurer à la fois une connaissance approfondie de ses
clients, mais également un suivi régulier de la
clientèle.
En adoptant l'approche par les risques que préconise
les recommandations du GAFI de 2012, le législateur CEMAC a mise
à la charge des agents immobiliers des obligations de diligences
permettant à ces derniers, de déceler si la relation qu'ils
veulent nouer ou qu'ils ont noué ne présente pas de risque de
blanchiment.
Toutes ces obligations visant à l'identification du
client, à la connaissance de l'objet et la nature de l'affaire sont
très importantes car permettront de déceler des personnes ou des
opérations visant à blanchir l'argent sale et s'ajoute à
cela l'obligation de conservation des documents et pièces qui vise
l'exclusion de la possibilité de la perte des informations sur les
opérations passées et la possibilité d'y revenir si la
nécessité se fait sentir et cela pourrait servir de preuve.
À ces obligations s'ajoutent les obligations de déclaration des
opérations suspectes.
57 D'origine des Etats-Unis, l'acronyme KYC (KNOW
YOUR CUSTOMER) est né de la crise financière de 2008 et s'est
rapidement imposé en France ; cette expression est devenue tendance dans
le milieu bancaire, financier et économique.
CHAPITRE II : LA PERFECTIBILITÉ DU CADRE DE LA
VIGILANCE
FINANCIÈRE
26
Le cadre de la vigilance soumis aux agents immobiliers en
matière de lutte contre le blanchiment permet à ces derniers dans
une certaine mesure de détecter les opérations à risque et
de mettre en place des mesures pour y faire face. Sauf que, certaines facteurs
socioculturels, certaines contraintes pratiques ne permettent pas à ces
professionnels assujettis à lutter contre le blanchiment de capitaux,
d'effectuer une vigilance efficace.
La vigilance à l'égard des clients ou des
opérations conformément aux standards européens rencontre
parfois des obstacles dans la mise en oeuvre (section 1), mais des palliatifs
peuvent être adoptés (section 2).
Section 1 : Les difficultés de la mise en oeuvre
des obligations de vigilance
Les obligations mises à la charge des assujettis
même si elles sont conformes aux exigences européennes en
matière de lutte, sont quelquefois difficilement mise en oeuvre parce
que parfois incompatibles aux réalités Africaine.
La difficulté de mettre en oeuvre effectivement la
vigilance financière peut provenir de l'inadaptabilité du cadre
formel et textuel de la vigilance c'est-à-dire le déphasage par
rapport à la réalité des conditions de vérification
de l'identité et du cadre de la vigilance prévue par le
Règlement CEMAC (Paragraphe 1), mais également, dans la pratique,
de la contribution des agents immobiliers à rendre la tâche
compliquée à exécuter (Paragraphe 2).
Paragraphe1 : Les obstacles à la mise en oeuvre
effective de la vigilance : une identification des clients fortement
lacunaire
Les obstacles à la mise en oeuvre des obligations de
vigilance peuvent être dus à l'inadaptabilité des
conditions de vérification de l'identité du client (A), ou des
failles contenues dans le dispositif CEMAC même (B).
A- L'inadaptation des conditions de vérification de
l'identité du client
Le contexte socio-culturel et même politique de la
sous-région CEMAC est un élément pouvant créer des
difficultés qui se poseront lors de l'identification des clients que ce
soit des personnes physiques ou morales.
En effet dans certains Etats de l'Afrique Centrale, il existe
des populations surtout venant des campagnes qui n'ont pas de documents
officiels d'identification. Bien plus, les agents immobiliers peuvent faire
face à des clients possédant de fausses pièces
d'identification. En fait, certains États Africains en proie aux
désordres institutionnels dus aux guerres civiles, aux terrorismes, il
est très facile pour les nationaux de déclarer avoir perdu leurs
documents officiels et de se faire établir d'autres sous de faux noms,
et utiliser ceux-ci pour commettre des actes répréhensibles.
Par ailleurs, en droit camerounais, le Décret n°
76/166 reconnaît un droit d'accès au domaine national non
occupé ou non exploité à toute personne physique ou
morales quelle que soit sa nationalité58. Elles peuvent
accéder librement aux terres appartenant aux particuliers par le biais
des transactions : vente ou cession à titre gratuit ou l'échange
d'un immeuble. Cette ouverture à des étrangers peut être
une passerelle pour le blanchiment car l'identification de ces clients peut
être rendue difficile du fait du retard que connait les États de
la sous-région dans l'utilisation des nouvelles technologies pour
obtenir des informations sur l'identité des personnes sollicitant
l'acquisition des biens et de la suivie limitée des fichiers liés
à l'état civil en Afrique centrale.
Il est vrai que tous les pays membres de la CEMAC disposent
des lois régissant l'état civil. Toutefois dans de nombreux pays,
la législation en vigueur est dépassée et non conforme aux
normes internationales recommandées.
En effet, le contexte Africain caractérisé par
un non suivi des fichiers liés à l'état des personnes
physiques, il est facile de falsifier l'identité d'une personne ainsi
l'obligation d'identification pourra se trouver dans une impasse et
l'identité que le client aura donnée sera faussée
même si l'assujetti respecte toutes les mesures de vigilance, il ne
pourra pas avoir la réalité des faits concernant le
blanchisseur.
Une autre difficulté concerne le défaut
d'adresse sur les pièces d'identités. Donc par la
présentation de la carte d'identité, le client ne renseigne pas
l'agent immobilier sur son adresse. Aussi la vérification du domicile du
client peut poser, en pratique, des difficultés.
Pour pallier à cela la solution qui fût
consacrée par la jurisprudence française concernant les banques
peut être transposable en Afrique dans le contexte des agents
immobiliers. Il s'agit pour les agents immobiliers d'adresser une «
lettre d'accueil » au domicile du client, pour plus de
fiabilité, il doit s'agir d'une lettre recommandée avec avis
de
27
58 Art. 4 du décret n° 76/166 fixant les
modalités de gestion du domaine national.
28
réception59. L'identification d'un client
juste avec la photocopie de sa carte d'identité semble insuffisante.
En outre, la fragilité du système des
économies des pays de la sous-région les rend vulnérable
au développement d'opérations immobilières sous-jacentes
au blanchiment des capitaux. Aussi, le faible taux de bancarisation des
États qui se situe autour de 11% pour certains pays de la
CEMAC60 affecte la traçabilité des transactions
immobilières ce qui revient à dire que les opérations se
font le plus souvent en monnaie judiciaire, moyen facilitant le blanchiment.
B- Les failles du dispositif anti blanchiment dans
l'immobilier en Afrique centrale
De nombreuses ONG et organisations de lutte contre la
corruption, ont toujours dénoncé la construction des immeubles et
autres résidences par certaines personnes dont les revenus connus
annuellement, ne peuvent pas bâtir des buildings et des palaces qui
remplacent progressivement la luxuriante forêt équatoriale
d'Afrique Centrale61.
Le dispositif anti blanchiment en Afrique centrale comporte
d'importantes failles qui permettent à des personnes d'acquérir
des biens avec de l'argent d'origine illégale et notamment sur la non
déclaration obligatoire des biens avant toute prise de fonctions
officielles par les dirigeants et autres responsables. En outre, le champ
d'application de la loi sur le blanchiment d'argent, est trop restreint. Il
doit être étendu aux principaux acteurs du secteur immobilier. Il
faut aussi améliorer impérativement la qualité et la
transparence des données du registre foncier qui est lacunaire et
opaque, et mettre aussi l'accent sur la lutte dans le secteur immobilier comme
c'est le cas dans le secteur de la finance62.
En effet, le champ d'application de la loi anti-blanchiment
sur le volet de la prévention ne donne pas aux agents immobiliers la
possibilité d'identifier effectivement leurs clients. Le
législateur est resté muet sur la gestion des opérations
électroniques. Les dispositions du Règlement CEMAC liées
à l'identification des clients par les agents immobiliers ne sont pas
adaptées au cadre d'activité. En fait on pourrait croire une
exclusion des agents immobiliers
59 RD bancaire et bourse 1995, p. 214, obs.
Crédot et Gérard.
60 D'après les estimations de la banque
centrale du Congo le taux de bancarisation en RDC est de 5,59%.
61 Blanchiment d'argent dans l'immobilier : le
GABAC passe à l'action, disponible sur le site
https://afrique-info.cm/blanchiment-dargent-dans-limmobilier-le-gabac-passe-a-laction,
consulté le 20 juin.
62 Blanchiment d'argent dans l'immobilier : le GABAC
passe à l'action, op. cit.
29
de certaines dispositions ; ce qui dans la pratique pourrait
mettre en mal la mise en oeuvre de cette obligation63.
Le dispositif communautaire ne prend en considération
que les activités menées dans le formel, pourtant le secteur
informel dans la CEMAC occupe aujourd'hui une place importante à
côté des activités dite formelles. À raison de leurs
caractères informels, les transactions y sont effectuées en
monnaie fiduciaire et cette prédominance des transactions en liquide est
un terrain propice au blanchiment de capitaux.
L'identification des personnes morales telle que prévu
par le dispositif communautaire exige la production des statuts et des
documents établissant qu'elles ont été légalement
constituées et qu'elles ont une existence réelle au moment de
l'identification. Le dispositif communautaire ignore la réalité
des entreprises du secteur informel. En effet, le secteur de l'informel occupe
un part importante de l'économie dans la sous-région64
et donc une part importante d'entreprise de la sous-région agit dans le
secteur informel ; il s'agit des petites entreprises individuelles ou
familiales dont l'identité et le patrimoine des propriétaires se
confondent avec ceux de l'entreprise65 et qui fonctionnent dans
l'illégalité.
Comment procéder à l'identification
réelle de ces structures exerçant dans l'informel ? Le
législateur n'en dit mot, ces acteurs du secteur informel manipulent
souvent d'importante somme d'argent liquide et se présentent comme des
terrains de prédilection pour le blanchiment d'argent.
Pour une lutte efficace dans la sous-région, il
convient d'adopter une approche propre aux réalités de la
communauté. L'approche prendra en compte les considérations plus
importantes du secteur informel et des interfaces qu'il entretient avec
l'économie réelle. Cette solution permettra le recadrage des
priorités dans l'identification des facteurs de risques de
blanchiment.
63 Le Règlement vise explicitement les
agents immobiliers dans certaines dispositions, mais l'exclue aussi, pourtant
il est disposé dès le préambule que le règlement
est applicable à toutes les personnes assujettis aux articles 6 et 7.
64 Selon un rapport du FMI publié en 2017,
le marché informel représente entre 20% et 65% du produit
intérieur brut des pays d'Afrique subsaharienne ; le secteur informel
compte pour 40% du PIB en moyenne pour les pays à faibles revenu, et
pour 35% du PIB des pays à revenu intermédiaire.
https://www.agenceecofin.com
consulté le 26 juin 2020.
65 NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment
d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse
à la lumière des normes et standards européens et
internationaux, Thèse de doctorat en droit privé et sciences
criminelles, novembre 2016.
30
Par ailleurs, comme le préconise un
auteur66, dans le contexte actuel de la CEMAC, il est
nécessaire de procéder à une « informalisation
» accrue du dispositif anti-blanchiment c'est-à-dire que le
dispositif communautaire doit prendre compte les activités menées
dans l'informel car ces activités représentent entre 20 et 65% du
PIB des pays d'Afrique subsaharienne67, cette solution nous semble
bonne ceci parce que sa mise en oeuvre permettra de prendre en compte les
spécificités de la région. C'est aussi ce que recommande
le GAFI lorsqu'il préconise aux Etat le recours à ses
recommandations uniquement dans le cas où la situation l'oblige. Le GAFI
soutient que « les recommandations du GAFI constituent des normes
internationales que les pays devraient mettre en oeuvre au moyen de mesures
adaptées à leur situation particulière
»68. Ceci peut justifier le choix du caractère de
ces nomes, car « les recommandations » n'ont pas une valeur
juridique contraignante, ne les applique que celui qui les estimes
nécessaires.
On peut par ailleurs souligner l'écriture maladroite de
certaines dispositions du règlement69. On croirait à
la lecture de certains articles, que les obligations qui y sont contenues ne
visent que les institutions financières, pourtant il n'en est pas le
cas, toutes les personnes visées aux articles 6 et 7 en sont
concernées. En effet, le Règlement du 02 octobre 2010 en son
article 9, visait expressément les organismes financiers et toutes les
autres assujettis.
Avec la menace du COVID-19, les opérations en
espèce se sont multipliées. Certains membres du GAFI et d'ORTG
ont fait état d'une augmentation générale du nombre de
retrait d'espèces, ces billets de banque pouvant permettre de dissimuler
des activités de BC/FT, car en période de ralentissement
économique, les criminels peuvent chercher à investir dans
l'immobilier ou dans des entreprises immobilières en difficultés
pour générer des liquidités et dissimuler les produits
illicites70. Le Règlement CEMAC a limitativement pris en
compte la gestion des opérations en espèce.
Il est important de corriger ces failles, car les failles
réglementaires offrent des garanties supplémentaires aux
investisseurs qui ont trouvé, dans ce créneau, des techniques
privilégiées
66 NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment
d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse
à la lumière des normes t standards européens et
internationaux, op. cit., p. 245.
67 Selon un classement du FMI disponible sur le
site
www.agenceecofin.com.
Op. cit.
68 GAFI, normes internationale sur la lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la
prolifération, recommandation de février 2012, p.7.
69 Cf. Art. 29 du Règlement CEMAC de 2016.
70 Blanchiment de capitaux et financement du
terrorisme lié au COVID-19, étude du GAFI, mai 2020, p.13.
31
et discrètes pour blanchir d'importantes sommes
d'argent issues principalement de la corruption d'agents publics.
Paragraphe 2 : La contribution des agents immobiliers
à la complexification de la vigilance
Certains aspects de la difficulté d'identification ou
de la vigilance limitées relèvent du concours implicite ou
parfois explicite des professionnels qui de par leurs comportements entrave la
vigilance à laquelle ils sont soumis. Les agents immobiliers sont
parfois eux même des obstacles à une vigilance efficace.
De par la faible culture des agents immobiliers, ceux-ci
peuvent être utilisés comme prête-nom complexifiant ainsi
l'identité du bénéficiaire effectif de l'opération
(A), ou alors ils peuvent participer activement ou passivement aux
opérations de blanchiment (B).
A- La complexification de l'identité des
bénéficiaires effectifs de l'opération par l'utilisation
de l'agent immobilier comme prête-nom
La convention de prête-nom est un contrat par lequel la
mandataire effectue certaines opérations pour le compte du mandant, tout
en laissant croire qu'il agit dans son intérêt propre et en
assumant personnellement les charges du contrat71. En passant donc
un tel contrat le criminel se voit couvert par le professionnel, et celui-ci
participe aux opérations de blanchiment. L'agent immobilier offre des
opportunités de garantie aux criminels ; étant le professionnel
de l'immobilier, son concours offre des garanties d'opacité de la
transaction. Il complexifie l'identité du bénéficiaire
effectif.
Le bénéficiaire effectif est celui à qui
le patrimoine final de la transaction revient, qui tire avantage72
d'une opération, c'est celui qui bénéficie
définitivement de l'économie de la transaction. Dans la pratique,
on observe souvent soit une personne d'une bonne réputation soit un
démarcheur qui est présent comme étant le
bénéficiaire des constructions qui sont faites. On observe aussi
souvent, un agent immobilier qui suit de manière assidu les
opérations au point où on ignore le véritable
propriétaire de l'immeuble bâtit, il facilite le blanchiment en
maintenant ainsi le criminel dans le noir, en empêchant l'identification
même du criminel.
71CORNU (G.), Vocabulaire juridique,
op. cit., p. 800. 72CORNU (G.), Vocabulaire
juridique, op. cit., p.126.
32
Étant le professionnel de l'immobilier sa
présence dans une transaction, enlève tout soupçon,
puisqu'il est censé maitriser la chose. C'est donc ainsi que beaucoup de
criminels utilisent les agents immobiliers pour blanchir de l'argent. Car
ceux-ci leur confèrent l'anonymat qu'ils recherchent.
On observe par ailleurs certains acteurs du secteur immobilier
jouer des rôles important dans la complexification de l'identité.
Il s'agit des quincailliers, qui sont d'ailleurs visés par le
Règlement CEMAC en matière de lutte contre le blanchiment, qui
peuvent être sollicité par les criminels pour la fourniture de
matériaux, ce qui fait profiter aux criminels doublement l'anonymat. Le
criminel ne pouvant lui-même aller dans les surfaces pour l'acquisition
des matériaux de construction (étant d'ailleurs toujours dans une
logique de ne pas se révéler au public), il peut contracter avec
un quincaillier pour l'acquisition des matériaux. Avec sa qualité
de commerçant cela n'éveille aucun doute. Il peut par ailleurs
être utilisé comme le propriétaire fictif. On utilise ainsi
l'agent immobilier comme prête-nom ce qui le rends complice actif ou
passif aux opérations de blanchiment.
B- La complicité des agents immobiliers dans
les opérations de blanchiment de capitaux
Le blanchiment des capitaux dans le secteur immobilier est une
grosse opportunité pour les criminels, leurs logiques étant de ne
pas apparaitre, mais de faire apparaitre de gens de façade ; l'agent
immobilier en tant qu'intermédiaire, peut servir d'écrans
à ces criminels ; et comme l'agent est dans un contexte de recherche de
gains, parfois cette recherche de gain va prendre le dessus sur la connaissance
même du marché, sur la mise en oeuvre des obligations qui
pèsent sur lui.
La complicité des agents peut être active ou
passive. Elle est active lorsque les agents immobiliers se prêtent aux
jeux des blanchisseurs, lorsqu'ils agissent en toute connaissance de cause. Par
exemple un criminel qui achète un immeuble à 2 million et passe
le contrat avec l'agent en stipulant avoir acheté l'immeuble à 5
million, là il a blanchi trois millions ; et l'agent en passant cette
opération a surement sa part dans cet argent blanchi ; Cette
complicité est bien plus grave chez l'agent informel, car celui-ci se
bat comme un commerçant, et lorsqu'il trouve une affaire dont il peut en
tirer des avantage de 15 millions, pour lui c'est l'affaire du siècle,
et là il est prêt à tout pour la réussite de
l'affaire.
La complicité de l'agent peut être passive
c'est-à-dire il aide le criminel, sans savoir que celui-ci est dans une
logique de brouiller les pistes sur l'argent qu'il a acquis
illégalement.
33
La faible culture des agents immobiliers pourrait être
une épine dans les pieds du dispositif anti-blanchiment. Un agent qui
garde le silence et s'exerce à la furtivité, est un danger pour
la lutte anti-blanchiment, car son ignorance ou son comportement peut servir
les intérêts d'un criminel. Il est donc important, de mettre fin
à ces pratiques.
Section 2 : Les palliatifs aux difficultés de
vigilance
Le législateur communautaire doit chercher des moyens
pour prévenir efficacement le blanchiment dans le secteur de
l'immobilier et il doit être aider pour cela par les législateurs
nationaux. Le secteur financier étant tellement sécurisé,
les blanchisseurs cherchent d'autres activités pour recycler l'argent
issu des activités illégales et si le secteur immobilier n'est
pas aussi fortement contrôlé, les criminels utiliseront les
failles du système et effectueront leurs activités en toute
tranquillité ; ainsi il impératif qu'au niveau nationale les
États essayent de mettre en conformité les textes nationaux aux
exigences communautaires en matière de lutte ( Paragraphe 1). Et aussi,
tout comme le personnel des établissements financiers, que les agents
immobiliers reçoivent des formations et informations sur les risques de
blanchiment inhérents à leurs secteur d'activité ce qui
renforcera la vigilance (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : La conformité des textes nationaux
aux exigences de lutte : l'invitation des législateurs nationaux
à participer à la lutte contre le blanchiment de
capitaux
La lutte au niveau communautaire ne peut être efficace
si des mesures ne sont pas d'abord prises au niveau nationale. Les
législateurs nationaux doivent penser à une lutte d'abord interne
; Les lois nationales sont celles qui peuvent facilement être
implémenter par les professionnels. Ainsi nous invitons les pouvoirs
publics à intégrer dans le dispositif de l'organisation de la
profession des mesures visant la lutte contre le blanchiment (A) aussi comme le
règlement le demande de gérer efficacement au niveau national les
risques de blanchiment inhérent au secteur immobilier (B).
A- La nécessaire implication des mesures de
vigilance dans la réglementation de la profession d'agent
immobilier
Le professionnel pour apporter son concours à la lutte
contre le blanchiment, doit avoir reçu une formation adéquate sur
la déontologie de sa profession, tenu d'être informé sur
les législations relatives à sa profession, si celles-ci doivent
contenir des dispositions faisant
34
obligation à celui-ci de prendre des mesures de
vigilance dans l'exercice de leurs activités, cela sera en harmonie avec
les lois communautaires et cela sera facilement mise en oeuvre.
Les lois sous régionales sur l'acquisition d'immeubles
par les personnes étrangères manquent actuellement d'instruments
efficaces permettant de détecter et de sanctionner les opérations
de blanchiment d'argent réalisées sous le couvert de transactions
immobilières effectuées par des personnes à
l'étranger et par des sociétés de domiciles
étrangères. En outre, le registre foncier lacunaire et opaque
doit être corrigé.
Les textes organisant la profession d'agent immobilier en
Afrique centrale, sont pour la plus part vétustes,
dépassés car ce sont souvent des textes adoptés avant
200373, et pour ceux un peu récent74, à
leur lecture, on se rend rapidement compte que les législateurs
nationaux ignorent les réalités du blanchiment dans ces textes.
La lutte au niveau national peut se faire à travers l'assujettissement
des agents immobiliers dans le dispositif organisant leur profession, des
obligations ayant un rapport direct avec le blanchiment de capitaux.
En fait, ces dispositions font obligation à toutes
personnes désirant effectuer cette activité à remplir
certaines conditions, et à passer par une identification permettant de
connaitre la moralité de l'agent75, et concernant la lutte
contre la criminalité financière, pour y faire, il est important
d'impliquer des personnes de bonne moralité. Sur ce pan le
législateur a quand même posé des bases concernant les
futurs professionnels qui lutteront contre le blanchiment dans le
secteur76.
Cependant, ces dispositions sont insuffisantes, et pourront
être complétées par certaines dispositions qui prendront en
compte explicitement, les réalités du blanchiment dans le
contexte de la sous-région. Ainsi une réforme des textes
nationaux peut être la bienvenue. Les États pourront faire
intégrer les obligations liées à l'identification des
clients et la mise en oeuvre des mesures de gestion nationale des risques
liées au blanchiment des capitaux dans le secteur immobilier.
La situation du Tchad interpelle encore plus, en effet,
jusqu'en 2014 la profession d'agent immobilier n'était pas
réglementée, malgré que les agents immobiliers sont
assujettis depuis 2003 à la lutte contre le blanchiment. Il n'existe pas
un cadre formel d'exercice de la
73 Au Cameroun c'est la loi de 2001, au Gabon c'est
une loi de 2007.
74 Au Gabon c'est une loi assez récente, c'est
la loi n° 006/2017 du 09 Août 2017.
75 Voir les articles 27 à 29 de la loi
Gabonaise de 2017, les articles 6 à 8 de la loi camerounaise de 2001.
76 Cette mesure ne peut concerner que les agents
exerçant en agence, ce sont les agences immobilières qui peuvent
implémenter cette mesure.
35
profession d'agent immobilier au Tchad, et pourtant le
blanchiment dans l'immobilier fait partie des typologies les plus courantes du
blanchiment au Tchad77.
Ainsi une réforme des cadres juridiques nationaux
relatifs au foncier et aux transactions immobilières et sa
conformité au dispositif communautaire anti-blanchiment s'imposent, avec
en plus, la mise en d'une cartographie des risques de blanchiment dans le
secteur immobilier ceci pour une meilleure implémentation de l'approche
basée sur risques prescrites par les Recommandations du GAFI. Le cas du
Gabon interpelle, et les autres pays peuvent emboiter le pas à la mesure
adopté par ce dernier, qui par l'Arrêté n°
002/MTEIH/2019, a internalisé les mesures de lutte anti-blanchiment
applicable dans les opérations immobilières. Ce qui invite une
gestion nationale plus accrue des risques de blanchiment.
B- La gestion nationale des risques de blanchiment
inhérent au secteur immobilier
Les États doivent prendre des mesures permettant
d'évaluer les risques d'utilisation d'un secteur au fin de blanchiment
ceci afin de prendre des mesures pour y mettre un terme. Cette implication des
États est posée à l'article 23 du Règlement de
2016.
Il y ressort que l'autorité
compétente78 de chaque État doit prendre des mesures
appropriées, pour identifier, évaluer, comprendre et
atténuer les risques de blanchiment de capitaux auxquels il est
exposé et doit tenir à jour cette évaluation. Selon
l'alinéa 2 de cet article, les États membres doivent
désigner une autorité chargée de coordonner la
réponse nationale aux risques identifiés. Selon l'alinéa
3, les États doivent appliquer une approche fondée sur les
risques pour repartir ses ressources et mettre en oeuvre les mesures afin de
prévenir ou atténuer le blanchiment de capitaux et le financement
du terrorisme et de la prolifération.
Autrement dit, les États doivent instituer une
autorité chargée de coordonner, et de gérer la
réponse nationale au risque de blanchiment inhérent au secteur
immobilier, c'est-à-dire mettre en place une structure qui aura pour
mission de coordonner les risques de blanchiment et veillera à la mise
en oeuvre effective des mesures adoptées au niveau nationale.
L'évaluation, l'identification des risques
d'utilisation du secteur immobilier peut se faire à travers
l'attractivité que représente les investissements immobiliers
dans une période donnée ; et le Règlement ajoute que
l'évaluation doit être mise à jour ceci pour maitriser
le
77Rapport mutuelle d'évaluation
détaillée sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme, mai 2014, pp. 23-25.
78 Il s'agit de l'ANIF Agence Nationale
d'Investigation Financière.
36
niveau de risque, afin que les mesures prises pour la gestion
de risques soient propices aux risques identifiés. Par ailleurs,
l'approche fondée sur les risques que recommande le Règlement,
voudrait que les États déploient leurs ressources afin de mettre
en oeuvre les mesures édictées par ledit règlement
également, et donc la lutte ne doit plus viser seul le secteur
financier, mais davantage le secteur immobilier et tous les nouveaux secteurs
de prédilection.
Paragraphe 2 : Le renforcement du cadre de la
vigilance
Le renforcement du cadre de la vigilance peut se faire pour
les agents immobiliers à travers leurs formations et informations
à la mise en oeuvre effective des mesures d'évaluation et de
gestion des risques (A) par l'aménagement du régime
répressif en cas de manquement aux obligations de vigilance (B).
A-La formation, l'information du personnel et la mise
en oeuvre effective des mesures d'évaluation et de gestion des
risques
Le cadre de la vigilance financière pourra
effectivement être renforcé si les agents immobiliers
s'investissent véritablement à la formation et l'information sur
les risques de blanchiment de capitaux inhérent au secteur immobilier
(1), et à la mise en oeuvre effective des mesures d'évaluation et
de gestion de risque de blanchiment de capitaux (2).
1-La formation et l'information du personnel sur les
risques de blanchiment de capitaux
La profession d'agent immobilier dans les pays de la CEMAC
doit être régit par des dispositions rigoureuses et dont le
respect scrupuleux est facteur de préservation du secteur des
infiltrations des criminels. L'agent doit être formé à la
déontologie de sa profession et avoir une maitrise convenable de ses
obligations professionnelles. L'insuffisance professionnelle peut gravement
servir les causes du blanchiment. Un agent pour qui toute opération est
toujours normale, quelle qu'en soit sa banalité ou son extravagance est
une menace pour le système anti-blanchiment79. Il en est
ainsi, d'un agent qui n'émet aucun doute quand un client fait subitement
une transaction importante alors qu'il n'a pas l'habitude.
79 TCHABO SONTANG (H.M.), Secret bancaire et lutte
contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Mémoire de DEA, juin
2006, p. 28.
37
Les agences immobilières doivent donc assurer la
formation et l'information régulière de leurs personnels en vue
du respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment
(que ce soit de vigilance ou l'obligation de déclaration). Concernant
les agents exerçant individuellement, ils doivent se former et
s'informer personnellement sur les obligations liées à la lutte
contre le blanchiment et les mettre en application dans le cadre de leur
activité.
Cette formation vise à l'appropriation par les agents
immobiliers, du système de détection des actes pouvant s'inscrire
dans un processus d'une infraction sous-jacente au blanchiment80. La
connaissance de l'existence du blanchiment et des méfaits sur
l'économie permettra aux professionnels de mettre en place des moyens
pour y faire face ; ainsi ils peuvent mettre en place un dispositif de
contrôle interne pour vérifier la conformité, l'observance
et l'efficacité des mesures adoptées par le règlement. La
formation et l'information doivent être continues.
Par ailleurs, les États peuvent apporter leurs concours
afin de parfaire l'action. Cette apport peut se faire à travers
l'organisation permanente des séminaires de formation sur le blanchiment
dans l'immobilier, permettant à ceux-ci de maitriser les techniques, les
petites subtilités dans les opérations qu'ils passent avec leurs
clients. L'ignorance par les agents immobiliers des risques d'utilisation de
leurs concours pour blanchir de l'argent peut être une faiblesse que s'en
serviront avec plaisirs les fraudeurs ; pour y pallier il faut que les agents
immobiliers fassent preuve de professionnalisme dans l'exercice de leurs
activités.
2-La mise en place effective des mesures
d'évaluation et de gestion des risques
L'agent immobilier doit se doter de système
d'identification, d'évaluation et de gestion des risques auxquels il est
exposé, ceci implique l'établissement d'une cartographie des
risques permettant de choisir le degré de vigilance adapté. Pour
se faire, il est nécessaire que l'agent élabore des «
protocoles internes » à mettre en place en amont des relations avec
les clients, adaptés à la situation particulière du
professionnel. Ces protocoles contenant les obligations en matière de
lutte contre le blanchiment d'argent, doivent être formalisés par
écrit et mis à la disposition de l'ensemble des collaborateurs du
professionnel, des organismes de contrôle, de régulation et de
supervision, des ANIF, et des autorités
compétentes81.
80 Cf. art. 26 du Règlement CEMAC de 2016,
en matière d'obligation des institutions financières à la
formation et à l'information du personnel.
81 Art.14 alinéa 2 du Règlement de
2016.
38
L'identification des risques consiste à analyser en
amont et de façon exhaustive tous les aspects de l'activité.
L'objectif sera d'établir une typologie des différentes
catégories de clients, lister les conditions dans lesquelles des
opérations avec la clientèle peuvent être conclues afin
d'identifier les risques qui pourront en découler, et ces mesures
doivent être proportionnelles à la nature et à la taille
des personnes assujetties82.
Par ailleurs, le professionnel de l'immobilier pour chaque
paramètre de risque identifié, doit établir une
classification des risques. Il peut bâtir une grille de notation des
risques de ses clients83 ; chaque client, en fonction des
opérations qu'il réalise , se voit attribuer une note de
blanchiment. Ces notes peuvent être rassemblées en
catégorie simples (risque faible/normal/ élevé/
très élevé) afin d'identifier les situations à
risque, voire de justifier le refus de conclure une
opération84.
La formation et l'information des agents immobiliers,
permettra qu'ils évitent de laisser passer certaines opérations
quel que soit leurs banalités, ils feront ainsi montre de diligence, et
cela conduira à une gestion efficace des risques de blanchiment tels que
propose par exemple le code monétaire et financier français. Des
mesures d'identification et de gestion étant adoptées, les agents
immobiliers, pourront face à certaines opérations
présentant des risques élevés refuser d'effectuer
l'opération. Si le renforcement de la vigilance nécessite toutes
ces opérations par les agents immobiliers, il faudrait aussi qu'au sein
des Etats, des dispositions soient prises dans le but d'harmoniser le
dispositif de lutte.
B-L 'aménagement du régime répressif
pour le manquement aux obligations de
vigilance
C'est l'existence des sanctions qui permet de donner plus de
rigueur aux obligations. Il est donc important lorsqu'on prévoir des
obligations de l'assortir d'un régime de répression. Le
législateur a exclu la responsabilité pénale des agents
immobiliers pour non-respect des obligations de vigilance ce qui à
certains égards peut rendre vulnérable ces obligations de
vigilance.
Néanmoins des sanctions administratives et
disciplinaires ont été prévu. L'article 113 du
Règlement CEMAC du 11 Avril 2016 prévoit que, des sanctions
administratives et
82 Article 14 alinéa 1 du Règlement de
2016.
83 Le degré de détail de la grille peut
varier selon l'activité du professionnel.
84
https://www-journaldelagence-com.cdn.ampproject.org/v/s/www.journaldelagence.com/1170727-tout-savoir-pour-gerer-les-risques
, consulté le 7 juin 2020.
39
disciplinaires peuvent être infligées par
l'autorité de tutelle ayant pouvoir disciplinaire aux professionnels qui
méconnaitront leurs obligations de vigilance prévues au TITRE II,
en disposant que «Lorsque, par suite, soit d'un grave défaut de
vigilance, soit d'une carence dans l'organisation de ses procédures
interne de contrôle , une personne visée aux articles 6 et 7, a
méconnu les obligations qui lui imposent les titres II et III (...),
l'autorité de contrôle ayant pouvoir disciplinaire peut agir
d'office dans les conditions prévues par les textes législatifs
et réglementaires en vigueur ».
Même ces peines administratives et disciplinaires n'ont
pas un régime spécifique, en effet le quantum des peines n'a pas
été déterminé. Ce qui donne à
l'autorité de tutelle un pouvoir discrétionnaire
d'appréciation et de subjectivité dans le prononcé des
sanctions.
Il importe que le législateur communautaire
aménage le régime des sanctions contre les professionnels qui
violeront les obligations de vigilance, en déterminant le quantum des
peines encouru et si possible prévoir des sanctions pénales. Ceci
permettra de renforcer la mise en oeuvre de l'obligation de vigilance.
CONCLUSION CHAPITRE II
40
La vigilance implique que les professionnels identifient tous
les clients avec lesquels ils veulent établir une relation d'affaire,
sauf que le dispositif communautaire anti-blanchiment contient des failles car
ayant négligé la réalité des activités
menées dans l'informel, pourtant étant la caractéristique
des activités menées dans la sous-région. Ces failles
s'étendent à l'inadaptabilité du cadre d'identification
des clients soumis au agents immobiliers ; pour pallier à cela les
agents immobiliers doivent participer personnellement à travers leurs
formations et informations sur les risques de blanchiment, et les États
doivent s'impliquer davantage par la conformité des textes nationaux
régissant la profession aux exigences communautaires et aussi à
répartir les ressources disponibles pour gérer les risques
observés dans le secteur immobilier. Par ailleurs, il est
appréciable que le législateur ait prévu des sanctions
administratives et disciplinaires, mais il est important que ces sanctions
soient bien organisées pour donner de la rigueur à la
vigilance
En plus de l'action de l'État, le législateur
communautaire doit penser à l'adaptabilité du Règlement
aux exigences du secteur immobilier. Le secteur financier ayant une forte
réglementation en la matière, il serait facile pour les criminels
d'utiliser les secteurs négligés. Il est donc nécessaire
d'éviter que les blanchisseurs usent le secteur immobilier pour
dissimuler l'origine de leur fonds, car cela impactera gravement
l'économie.
Pour éviter que les délinquants usent des
vulnérabilités du système anti-blanchiment, il est
nécessaire que le cadre institutionnel de déclaration
d'opération soit adapté. La connaissance du laxisme des CRF dans
le traitement des déclarations peut encourager les criminels à
commettre plus d'acte car ayant la certitude que leur acte n'encourt aucune
punition après dénonciation.
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
41
Aux termes de cette partie, un constat confirme une de nos
hypothèses : il existe un cadre normatif de lutte impliquant les agents
immobiliers. Il en ressort par ailleurs que, les agents immobiliers peuvent
véritablement effectuer une vigilance face à leurs clients et
déclarer toute opération dont ils suspectent l'objet ; leurs
obligations sont posées par le dispositif communautaire, même s'il
n'est pas clairement exprimé, on voit quand même la volonté
du législateur de faire participer les professionnels de l'immobiliers.
En effet, les agents immobiliers sont astreints à une surveillance
générale de toute opération, mais aussi face à
certaine opération, à raison du risque qu'elle présente,
ceux-ci sont astreint à une vigilance accrue. On constate alors une
modulation de l'obligation de vigilance, qui peut être faible ou accrue
devant un type de relation ou de client.
Par ailleurs, lorsque toute diligence a été
effectué, et que la transaction ou le client présente des risques
de blanchiment de capitaux, l'agent immobilier est assujettis à une
autre obligation dans ce cas, celle de déclarer à l'organisme
compétent les soupçons qu'éveillent la transaction.
42
PARTIE II : L'ASSUJETTISSEMENT OPPORTUN DES
AGENTS IMMOBILIERS À LA DÉCLARATION DES
OPÉRATIONS
SUSPECTES
43
La déclaration de soupçon est un moyen de
prévention dans la LBC/FT. A partir des déclarations faites, des
investigations seront menées par les autorités compétentes
et pourront aboutir à la sanction d'infraction de blanchiment de
capitaux85.
La définition du soupçon est le premier
aspect86 de l'obligation de déclaration d'opération
suspecte. Cette notion n'a ni été défini par le GAFI, ni
par les différents textes communautaires87, ni par les textes
nationaux créant les organismes en charge de recevoir les
déclarations88, ce qui est déplorable et devait
être revu au regard du rôle déterminant que joue le
soupçon dans la lutte contre le blanchiment. Le soupçon peut
être défini comme « une opinion défavorable
à l'égard de quelqu'un, de son comportement, fondée sur
des indices, des intuitions, mais sans preuves précises
»89 ; il peut par ailleurs être défini comme
« la simple conjoncture ou une opinion défavorable
fondée sur des indices ou des éléments de vraisemblances.
Il s'agit de signes apparents qui indiquent une probabilité.
Appliqué au blanchiment, il s'agit d'une défiance ou d'une
incompatibilité entre l'opération projetée et ce qui est
connu du client »90.
La Recommandation 20 du GAFI pose clairement l'obligation de
déclaration des opérations suspectes à la charge des
personnes assujetties, lorsqu'elles suspectent ou alors, a des motifs
raisonnables de suspecter que les fonds affectés à une
transaction sont le produit d'une activité criminelle ou seraient
destinés à une telle activité.
La déclaration de soupçon a pour
intérêt d'informer les autorités de poursuite de
l'existence des faits susceptible d'être constitutifs de blanchiment.
Afin de rendre le dispositif de détection du blanchiment le plus
efficace possible, il est important de l'associer à une autre dimension
en faisant intervenir des pouvoirs publics. L'intervention en amont permet de
rendre la répression plus efficace. Les dispositions
communautaires91 et nationales92, obligent
85
https://kalieu-elongo.com.
86 Le second aspect est la définition de
l'éventail des activités criminelles suspectes déclencheur
de déclaration de soupçon.
87 On peut voir là le Règlement CEMAC
de 2003, le Règlement COBAC de 2005, le Règlement CEMAC de
2016.
88 Au Cameroun c'est le décret du 31 mai
2005. Au Gabon en 2005 par le décret n° 000739/PR/MEFBP du 22
Septembre 2005, la RCA a institué son ANIF en 2005, celle de la
Guinée Equatoriale a été institué en 2007, le Tchad
en 2007 par le décret n° 101/PR/PM/MFEP/07 du 02 Février
2007, celle du Congo a été institué par le décret
n° 2008-64 du 3 mars 2008.
89 GUITTON (G.), In Banque et Droit 2003,
n° 88, p. 8. Cité par TSOBGNI DJOUMETIO (N. L.), op. cit.,
p. 164
90 DEFFERRARD (F.), « Les
métamorphoses de la législation anti-blanchiment »,
Gaz. Pal., Doctrine, 23 et 24 octobre 2009, p. 7.
91 Règlement CEMAC de 2016, articles 18, 83.
44
conformément aux indications
internationales93, les agents immobiliers à donner l'alerte
au blanchiment de capitaux dans deux situations : lorsque le professionnel a
connaissance des actes matériels de blanchiment, il est tenu de le
dénoncer, et lorsqu'il a des soupçons sur l'accomplissement
d'actes constitutifs de blanchiment94. Des dispositions de l'article
83 Règlement CEMAC de 2016, l'agent immobilier est tenu de
déclarer des opérations immobilières qu'il suspecte
d'être un moyen de blanchiment. Le législateur communautaire a
ainsi posé les bases de la déclaration de soupçon.
L'obligation de déclaration est à
l'évidence l'élément essentiel de l'ensemble du
système anti-blanchiment. Elle consiste à associer de
manière autoritaire à la poursuite d'éventuelles
infractions, les professionnels amenés à intervenir dans les
opérations financières. En imposant ce devoir de «
déclaration des opérations suspectes », le
législateur communautaire n'a fait que se conformer aux textes
internationaux, notamment les recommandations du GAFI95 qui font
obligations aux institutions financières de déclarer aux cellules
de renseignement financier(CRF), toutes opérations dont, elle suspectent
ou ont des motifs de suspecter que les fonds proviennent d'une activité
illégale96 au regard du montant, de la fréquence, de
la qualité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire.
Les contours de cette obligation restent flous, car la notion
d'opération suspecte fait largement appel à la
subjectivité des professionnels concernés. Ainsi l'agents
immobilier est tenu de déclarer toute opération qui lui semble
être un moyen de blanchiment (Chapitre 1). Posant ainsi les bases de
l'obligation de déclaration de soupçon, le législateur
communautaire recherche l'efficacité de la lutte, mais le cadre de cette
obligation contient encore quelques failles (Chapitre1).
92 Décret n° 2005 du 31 mai 2005 portant
organisation et fonctionnement de l'ANIF.
93 Voir article 7 de la convention de Palerme
entrée en vigueur le 29 septembre 2009.
94 NGUIFFEU TAJOUO (E. L.) La lutte contre la
criminalité financière en zone CEMAC, Etude à la
lumière du modèle européen, op. cit., p.
76.
95 BEER (C. J.), op. cit., p.13.
96 Recommandation du GAFI n° 20, février
2012.
CHAPITRE I : L'IMPORTANCE DE LA DÉCLARATION DES
OPÉRATIONS SUSPECTES
45
L'obligation de déclaration est à
l'évidence l'élément essentiel de l'ensemble du
système anti-blanchiment. Elle consiste à associer, de
manière autoritaire à la poursuite d'éventuelles
infractions, les professionnels amenés à intervenir dans les
opérations financières. En imposant ce devoir de «
déclaration des opérations suspectes », le
législateur communautaire n'a fait que se conformer aux textes
internationaux, notamment les recommandations du GAFI97 qui font
obligations aux institutions financières de déclarer aux cellules
de renseignement financier (CRF), toutes opérations dont, elle
suspectent ou ont des motifs de suspecter que les fonds proviennent d'une
activité illégale98.
Afin d'encourager les agents immobiliers à
dénoncer davantage les faits suspects qu'ils auraient connaissance au
cours de l'exercice de leur profession, le législateur à penser
à leur exonérer de leur responsabilité lorsqu'ils agissent
de bonne foi, et de faire assumer cette responsabilité à l'Etat,
s'il existe un préjudice moral ou matériel résultant du
blocage des opérations ayant fait l'objet de déclaration.
Si aucun problème ne se pose en cas de
dénonciation, car les éléments matériels de
l'infractions sont constatés. Les difficultés naissent lorsqu'il
s'agit de la déclaration des opérations suspectes. Les contours
de cette obligation restent flous, car la notion d'opération suspectes
fait largement appel à la subjectivité des professionnels
concernés. Cela étant, il convient tout d'abord de
déterminer le régime des obligations déclaratives
(Section1), ensuite les règles qui président à
l'exécution de ces obligations (Section 2).
Section 1 : Le régime de l'obligation de
déclaration de soupçon
Les dispositions tant communautaires, qu'internationales
anti-blanchiment, obligent les agents immobiliers astreints à une
vigilance, à donner alerte s'ils ont de simple soupçon sur la
nature de l'opération que le client sollicite ou les fonds qui seront
utilisés. Le cadre de ces
97 BEER (C.J), op.cit., P.13.
98 Recommandation du GAFI N°20, de février
2012
46
obligations (Paragraphe1), ainsi que l'encadrement du devoir
du secret professionnel (Paragraphe 2) ont été prévu
à nouveau par le législateur communautaire en 2016.
Paragraphe 1 : L'encadrement de la déclaration
des opérations suspectes
Des dispositions communautaires99, il ressort que
l'agent immobilier après avoir effectué une vigilance, est tenu
de faire sa déclaration dans deux situation : en cas de soupçon
et même en dehors de soupçon (A), des critères d'alerte ont
été progressivement dégagés destinés
à attirer l'attention et la surveillance particulière de
certaines opérations ou sur certaines personnes (B).
A- L'étendue de la déclaration de
soupçon
Aux termes de l'article 14 du Décret de 2005, l'agent
immobilier est tenu, en cas de soupçon de déclarer les sommes et
biens qui sont en sa possession et qui pourraient être liés
à un crime ou à un délit ou s'inscrire dans un processus
de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ; il doit par
ailleurs, déclarer les opérations qui portent sur des sommes ou
biens qui pourraient provenir d'un crime ou d'un délit ou s'inscrire
dans un processus de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme.
Les agents immobiliers, sont tenus par ailleurs, de
déclarer à l'ANIF100, dans les conditions
fixées par le législateur communautaire et selon un modèle
de déclaration fixé par arrêté du Ministre
chargé des Finances sur proposition de l'ANIF, les sommes inscrites dans
leurs livres ou les opérations portant sur les sommes dont ils savent,
soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles sont
le produit d'une activité criminelle ou ont un rapport avec une
infraction de blanchiment de capitaux ou de financement de terrorisme ou de la
prolifération101.
Toutefois, les agents immobiliers, doivent s'abstenir
d'effectuer toute opération dont ils soupçonnent qu'elle soit
liée à l'une des infractions visées, jusqu'à ce
qu'ils fassent la déclaration de soupçon102. Et si
l'opération devant faire l'objet de déclaration a
déjà été
99 Article 83 du Règlement CEMAC de 2016,
les articles 14 et 15 du décret de 2005, l'article 29 du
Règlement COBAC.
100 ANIF : Agence Nationale d'Investigation Financière.
101 Par dérogation à l'alinéa 1 de
l'article 83, les agents immobiliers peuvent déclarer les sommes ou
opérations ou tentative d'opération dont elles savent, ou
soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles
proviennent d'une fraude douanière ou fiscale lorsqu'il y'a
présence d'au moins un critère défini par la
réglementation en vigueur.
102 Art. 83 al 8.
47
réalisée, soit parce que qu'il a
été impossible de surseoir à son exécution, soit
que son report aurait pu faire obstacle à des investigations portant sur
une opération suspectée, soit qu'il est apparu
postérieurement à sa réalisation qu'elle était
soumise à cette déclaration, la personne assujettie doit informer
sans délai l'ANIF103.
Des dispositions de l'article 83, la déclaration
résulte de la vigilance que l'agent porte sur l'opération ou les
biens dont il a connaissance, en fonction de leur nature intrinsèque et
des renseignements qu'il détient sur ses clients. L'utilisation du verbe
pouvoir par le décret de 2005 témoigne de ce large pouvoir
d'appréciation laissé à l'agent immobilier, il signifie
aussi que la certitude de la nature frauduleuse de l'opération n'est pas
exigée pour faire la déclaration104. Sauf que le
Règlement de 2016 est plus impératif105 et exige que
toute information qui pourrait infirmer ou confirmer le soupçon doit
être déclarée à l'ANIF106. On pense qu'il
est nécessaire que le Décret de de 2005 fasse l'objet d'une
réforme ceci parce qu'il est contraire au nouveau règlement.
Aux termes de l'article 15 du Décret de 2005, l'agent
immobilier, même en dehors de tout soupçon est ténu de
faire une déclaration. Ainsi il doit déclarer toute
opération pour laquelle l'identité du donneur d'ordre ou du
bénéficiaire effectif ou du constituant d'un fonds fiduciaire ou
de tout autre instrument de gestion d'un patrimoine d'affectation reste
douteuse en dépit des diligences effectuées. En plus, toute
information de nature à infirmer, conforter ou modifier les
éléments contenus dans la déclaration de soupçon
est portée, sans délai, à la connaissance de
l'ANIF107.
Face à la difficulté de déterminer les
actes de délinquance, des indicateurs d'alerte ont été
dégagés.
103 Al. 9 de l'article 83.
104 Selon un auteur l'utilisation des verbes paraître et
apparaître dans la loi camerounaise de 1997 et dans le code
monétaire et financier Français dans sa rédaction d'avant
2001 conduisait certains professionnels à soumettre la
déclaration de soupçon au constat d'indices et de faits concrets
de nature à rendre vraisemblable la provenance illicite des sommes. En
2001, la loi Française relative aux Nouvelles Régulation
Economique dite loi NRE (Loi n° 2001/420) modifie certaines dispositions
du code monétaire et financier et introduit le verbe pouvoir,
remplaçant le verbe apparaître.
105 L'utilisation du verbe tenir, l'utilisation des verbes au
présent dans le règlement de 2016 témoigne du
caractère impératif des obligations déclaratives
contrairement au passé où il était utilisé plus le
verbe, apparaît, paraît et pouvoir.
106 Art. 83 du Règlement CEMAC de 2016.
107 Al. 5 de l'article du Règlement CEMAC de 2016.
48
B- Les indicateurs d'alerte
L'activité des criminels, même lorsque des
montages sont élaborés, peut laisser apparaître un certain
nombre d'indice qui, lorsqu'ils sont suffisamment nombreux ou flagrants,
doivent attirer l'attention du professionnel assujetti. En France par exemple,
TRACFIN et DGCCRF108 ont actualisé les lignes directrices en
matière de lutte contre le blanchiment de capitaux dans l'immobilier et
y ont établie des lignes directrices à cet effet. Ces lignes
directrices ainsi que les dispositions communautaires doivent permettre
à chaque agent immobilier d'établir une cartographie qui lui est
propre selon les risques qui vont appeler des mesures de vigilance à
moduler à chaque situation rencontrée. Certains indices doivent
pousser les agents immobiliers à s'interroger d'avantages sur la
licéité d'une opération. Ces critères ne peuvent
pas être exhaustifs109 mais donnent aux intermédiaires
immobiliers des indices pertinents. Face donc à ces indices le
professionnel doit mettre en mouvement le système d'alerte :
> Discordance entre le profil du client (âge, revenu,
catégorie socio-professionnelle) et la valeur du bien objet de
l'opération
> Discordance entre la valeur de marché du bien
immobilier et le montant de la transaction.
> Présence d'un tiers au côté du
client, dont le comportement fait croire qu'il s'agit du
bénéficiaire effectif de l'opération.
> Un client procède à l'achat et la revente
des biens immobiliers dans un temps bref. > Les fonds émis pour
l'achat du bien sont émis à partir d'un compte différent
de celui de l'acquéreur
> Le recours à l'interposition de plusieurs
personnes morales qui tend à opacifier l'identification du
bénéficiaire effectif.
> Sensibilité du secteur d'activité (BTP,
restauration, téléphonie), duquel les fonds sont susceptibles de
provenir.
> Le comportement atypique ou insolite du client.
> Connivence supposée entre le vendeur et
l'acquéreur du bien immobilier.
> Montage anormalement complexe au regard de
l'opération.
108 DGCCRF : Direction générale de la concurrence,
de la consommation et de la répression des fraudes.
109 Cf. les lignes directrices relatives à la lutte
contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LBC/FT) pour les
professionnels du secteur immobilier.
49
? La présence d'une personne politiquement
exposée (PPE).
Par ailleurs le législateur communautaire, fait
obligation aux agents immobiliers de déclarer les transactions en
espèce ou d'instruments négociables au porteur lorsque le montant
de la transaction est égal ou supérieur à cinq millions de
francs (5.000.000) FCFA, qu'il s'agisse d'opération unique ou de
plusieurs opérations qui apparaissent liées110. Aussi
il est interdit dans les transactions immobilières tout paiement en
espèce d'un montant supérieur à trois
millions111, toute tentative par l'acquéreur du bien, doit
être un indice pour le professionnel d'avoir des soupçons sur le
client.
De même, dans les lignes directrices, TRACFIN
approfondit l'interprétation du conseil d'Etat112 en
indiquant qu'«une déclaration de soupçon s'effectue
(...) sur la base d'arguments démontrant l'effectivité de la
vigilance renforcée et l'impossibilité, in fine pour le
professionnel de lever le doute et de conclure à la
licéité de l'opération en cause
»113.
Dès la constatation de l'un des indicateurs ou de
plusieurs d'entre eux, l'agent immobilier doit mettre en mouvement la
procédure d'alerte. Sauf que son devoir d'alerte se heurte quelque fois
à une autre obligation qui pèse sur lui : le devoir de
discrétion. Il est important de s'interroger sur la ligne de
démarcation entre ces deux obligations.
Paragraphe 2 : L'indispensable dilution du secret
professionnel
L'agent immobilier agit par mandant, le mandant peut inclure
une obligation au secret pendant la relation d'affaire. S'il est
indéniable que l'agent immobilier n'est pas tenu au secret
professionnel, il est néanmoins soumis à un devoir de
discrétion114 qui porte sur les confidences que lui sont
faites par son client. L'obligation de déclaration de soupçon et
l'obligation à la discrétion peuvent coexister pacifiquement.
D'ailleurs, en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux
l'obligation de déclaration doit primer sur ce secret (A),
110 Art. 18 du Règlement CEMAC de 2016.
111 Selon l'article 17 du Règlement de 2016, le prix de
vente d'un bien immobilier dont le montant est supérieur à trois
millions de francs CFA ne peut être acquitté qu'au moyen d'un
virement ou d'un chèque.
112 Dans un arrêt du 31 mars 2004, le Conseil d'Etat
avait considéré que la déclaration de soupçon
s'impose dès lors qu'après avoir exercé son devoir de
vigilance et recueilli les informations nécessaires prévues par
les textes, l'assujetti ne peut pas exclure que les sommes proviennent pas d'un
délit.
113 TSOBGNI DJOUMETIO (N. L.), Les banques et la mise en
oeuvre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun et
en France. Thèse de doctorat en droit pénal et sciences
criminelles, Université de Strasbourg, 2015, p.165.
114 Qui dans une certaine mesure peut être
considéré comme le secret professionnel au sens plein du terme.
Car la confidence est faite dans le cadre de l'exercice de la profession.
50
ceci pour assurer une sécurité aux agents
immobilier et les inciter à une déclaration accrue (B).
A- La primauté de l'obligation de déclaration
sur le devoir de discrétion de l'agent
immobilier
L'agent immobilier, en plus des obligations qui pèsent
sur lui dans le cadre de sa profession, a d'autres obligations en
matière de lutte contre le blanchiment, qui concerne la
dénonciation de tout fait dont il aurait connaissance et en raison de sa
profession ; il est tenu de déclarer toutes les sommes ou transactions
suspectes.
L'agent immobilier est en réalité soumis
à un devoir de discrétion qui porte sur les confidences qui lui
sont faites par son client ou des informations personnelles qui lui sont
confiées à titre confidentiel. Ce devoir devra être
assumé tout en respectant l'obligation d'information et de
loyauté qui pèse sur l'agent. Il doit informer les
autorités des informations nécessaires relatives aux biens pour
lequel il intervient. A cet effet, le tribunal de 1ère
instance de Bruxelles indique dans un jugement du 8 mai 2006115 que
« l'agent immobilier doit se comporter comme tout professionnel de la
même spécialité normalement prudent et diligent et ne peut
méconnaitre les intérêts légitimes des
tiers. Il doit informer les tiers sur les caractéristiques du
bien, ce qui pourrait déterminer son consentement
»116.
En effet, si l'obligation de l'agent immobilier est dissoute
face aux informations qu'il est tenu de donner à l'acquéreur des
biens qu'il a reçu la charge de vendre, ce devoir est encore plus
dissout en matière de dénonciation de toutes transactions
suspectes telle que posé par les dispositions anti-blanchiment. Le
législateur communautaire fait obligation aux agents immobiliers de
dénoncer toute transaction ou toutes les sommes qu'ils
soupçonnent provenir d'une activité criminelle117.
Le devoir de discrétion et l'obligation de
dénonciation ne sont cependant pas incompatibles. Ils sont au coeur d'un
conflit entre deux intérêts contradictoires : d'une part
l'impératif de sécurité118 et d'autre part, la
préservation des droits et libertés fondamentaux de
115 RGDC 2006, p. 438. 116
https://www.pim.be/.
117 Voir les dispositions de l'article 83 du Règlement
CEMAC de 2016.
118 Qui provient de la règlementation anti-blanchiment,
qui oblige une lutte contre le crime organisé par tous les moyens
préventifs et répressifs.
51
l'individu par le respect de sa sphère
individuelle119. Le premier impératif commande d'associer au
dispositif de lutte contre le crime financier les professionnels dont les
activités sont particulièrement susceptibles d'être
utilisées à des fins criminelles.
Le législateur CEMAC ayant opté pour la
participation des professionnels à la lutte, prône ainsi la
primauté de l'obligation de déclaration de soupçon des
opérations et sommes suspectes. Cette obligation n'éteint pas le
devoir de discrétion qui demeure effectif pour des questions bien
déterminées. Il s'agit par exemple de l'existence d'une
procédure judiciaire ou lors de l'évaluation de la situation
juridique d'un client120. En fin, selon l'article 101 du
Règlement CEMAC, le secret professionnel ne peut être
invoqué par les assujettis pour refuser de fournir les informations aux
autorités de contrôle ainsi qu'à l'ANIF ou de
procéder aux déclarations prévues par le
Règlement121.
De même les agents immobiliers sont tenus à un
devoir de confidentialité vis-à-vis de leurs clients, ceci
concerne l'interdiction faite de porter à la connaissance du
propriétaire des sommes ou de l'auteur de l'une des opérations
induisant une déclaration, l'existence et le contenu d'une
déclaration faite à l'ANIF et de donner des informations sur les
suites qui ont été réservées à ladite
déclaration122.
Il y apparait clairement que face à toute
opération suspecte, la discrétion du professionnel de
l'immobilier doit prendre du recul. Car sa responsabilité est en jeu en
cas d'omission ou de défaut de diligence de ses obligations
déclaratives. Mais aucune poursuite ne peut être engagée
pour violation du secret professionnel123 ceci pour encourager les
agents immobiliers à dénoncer davantage les soupçons.
B- Pour l'incitation des agents immobiliers à la
déclaration de soupçon
Les différents textes ont prévu un traitement
spécial aux professionnels assujettis à la déclaration de
soupçon, ceci pour les inciter à plus de dénonciation ou
de déclaration. De ce
119 NGUIFFEU TAJOUO (E. L.), La lutte contre la
criminalité financière en zone CEMAC, Etudes à la
lumière du modèle européen op. cit., p. 80.
120 Cf. Directive européenne n° 90/308 du 10 juin
1991 modifiée par la directive n° 2001/97 du 04 décembre
2001, qui a fortement inspiré le législateur CEMAC.
121 En effet, l'article 101 al.1 renchérit en disposant
que les agents ne doivent pas, au nom du secret professionnel refuser de
fournir des informations requises dans le cadre d'une enquête portant sur
des faits de blanchiment, ordonnée par l'autorité judiciaire.
122 L'article 87 qui traite de la confidentialité de la
déclaration de soupçon, fait obligation à tous les membres
de la chaine de déclaration, de garder secret le contenu de la
déclaration et de ne divulguer aucune information relative sauf à
des personnes désignées. En cas de violation de cette obligation,
des sanctions peuvent être prononcée à l'encontre de
l'agent immobilier.
123 Le détail de l'article 102 du Règlement CEMAC
de 2016 renseigne davantage.
52
fait, le Règlement CEMAC124 exempt tout
agent immobilier qui aurait fait des déclarations de bonne foi ou
après avoir effectué la transaction suspectée a
porté ceci à la connaissance de l'ANIF.
L'article 88 pose le principe de l'exemption de
responsabilité des déclarations faites de bonne foi. En effet, il
dispose que les personnes ou les dirigeants et préposés des
agents immobiliers, qui, de bonne foi, ont transmis des informations ou
effectué toute déclaration, sont exempts de toutes poursuites
pénales125. En outre, aucune action en responsabilité
civile ou pénale ne peut être intentée, ni aucune sanction
professionnelle prononcée contre les dirigeants et
préposés des agents immobiliers ayant déclaré les
opérations suspectes de bonne foi, même si des décisions de
justice rendues sur la base des déclarations n'ont donné lieu
à aucune condamnation126.
Par ailleurs, aucune action en responsabilité civile ou
pénale ne peut être intentée contre les personnes
assujetties à la déclaration, en raison des dommages
matériels ou moraux qui pourraient résulter du blocage d'une
opération127 telle que prévu à l'article
74128 du règlement de 2016.
L'exonération de l'agent s'étend à
l'exécution de certaines opérations. En effet, lorsqu'une
opération suspecte a été exécutée et sauf
cas de collusion frauduleuse avec le ou les auteurs du blanchiment, l'agent
immobilier, ainsi que les préposés ou les
dirigeants129, sont dégagés de toute
responsabilité et aucune poursuite pénale du chef de blanchiment
de capitaux ne peut être engagée à leur encontre, à
condition que la déclaration ait été faite de bonne
foi130. Il en est de même lorsque l'agent a effectué
une opération, à la demande des services d'enquête agissant
en cas d'opposition à l'exécution d'une opération
suspecte.131
L'exonération de la responsabilité de l'agent
immobilier, vise ainsi à les faire participer davantage à la
lutte contre le blanchiment des capitaux, en déclarant tout fait qu'il
aurait eu connaissance dans la relation d'affaire, relayant ainsi le devoir de
discrétion au second plan. Et le législateur a pensé
à une protection absolue de ces professionnels, car après avoir
déclaré
124 Voir les articles 88 et 89 du Règlement CEMAC de
2016.
125 Art. 88 alinéa1du Règlement CEMAC de 2016.
126 Art. 88 alinéa 2 du Règlement CEMAC de 2016.
127 Art. 88 alinéa 3 du Règlement CEMAC de 2016.
128 Qui traite de l'opposition à l'exécution d'une
obligation ayant fait l'objet de déclaration.
129 Il s'agit ici des agences immobilières.
130 Cf. article 89 al. 1 du Règlement CEMAC de 2016.
131 Article 89 al.2.
53
toutes transactions suspectes, ils sont exempts de
responsabilité pour violation du secret professionnel132
telle qu'il ressort de l'article 102.
Le législateur communautaire, en protégeant les
agents immobiliers par la levée du secret professionnel et
l'exonération de la responsabilité des déclarants de bonne
foi, a mis à la charge de l'État la responsabilité de tout
dommage causé aux personnes et découlant directement d'une
déclaration de soupçon faite de bonne foi, mais qui s'est
avérée inexacte133. Par ailleurs, la
responsabilité de l'État est aussi retenue, lorsque l'agent
immobilier a effectué une opération à la demande des
autorités judiciaires, des agents de l'État chargés de la
détection et de la répression des infractions liées au
blanchiment, au financement du terrorisme et de la prolifération, ou les
agents agissant dans le cadre d'une procédure judiciaire, aussi lorsque
l'opération a été demandé par
l'ANIF134.
L'obligation de déclaration de soupçon
s'exécute selon certaines modalités qui méritent une
étude attentive.
Section 2 : Les modalités d'exécution de
l'obligation de déclaration de
soupçon
La déclaration de soupçon ne se fait pas dans le
désordre et par n'importe qui. Ces personnes débitrices de
l'obligation sont particulièrement énumérées dans
les dispositions du texte communautaire135. Ainsi la
découverte d'une opération suspecte par l'agent immobilier 136,
celui-ci est tenu d'informer immédiatement l'autorité
compétente destinataire de la réception (Paragraphe1), qui
après réception de la déclaration, qui est soumis à
certaines condition de validités, doit lui en donner une suite
(Paragraphe2).
Paragraphe 1 : Les destinataires de la
déclaration de soupçon
Elle est instituée par l'article 65 du
Règlement, l'autorité administrative ayant compétence de
recevoir et de traiter les déclarations de soupçons émises
par les professionnels
132 Lorsque la déclaration a été faite
conformément aux articles 66, 83, 101 et 103 du Règlement de
2016.
133 Il ressort des dispositions de l'alinéa 1 de l'article
90 du Règlement CEMAC de 2016.
134 Alinéa 2 de l'art. 90 du Règlement CEMAC de
2016.
135 Il s'agit des assujettis aux termes des articles 6 et 7, des
personnes prévues à l'alinéa 5 de l'article 83.
136 Dans le cadre d'une agence immobilière,
conformément à l'article 69 du Règlement CEMAC,
l'institution doit communiquer à l'ANIF et à leurs
autorités de contrôle les personnes habilitées à
procéder aux déclarations de soupçon.
54
assujettis, il s'agit de l'ANIF (A) et dans une certaine
mesure du procureur de la République (B).
A- La plénitude de compétence de l'ANIF dans
la réception des déclarations
L'approche préventive par les risques que recommande le
GAFI consiste aussi en la déclaration de tout soupçon aux
autorités compétentes notamment l'ANIF dans la sous-région
Afrique Centrale. Les agents immobiliers, professionnels assujettis aux termes
de l'article 6 du Règlement, sont tenus de déclarer à
l'ANIF, les opérations qu'ils suspectent ou ont de raison de
soupçonner qu'elles sont faites dans le processus de blanchiment de
capitaux.
L'ANIF est instituée dans chaque État membre de
la communauté par l'article 65 du Règlement CEMAC de 2016, et est
consacrée par le législateur Camerounais par le Décret
n° 2005/187 du 31 Mai 2005 portant organisation et fonctionnement de
l'ANIF. C'est une autorité placée sur la tutelle du Ministre
chargé des Finances, ayant une autonomie financière et un pouvoir
de décision autonome sur les matières relevant de sa
compétence. Elle est composée de 4 quatre membres137
ayant des compétences en matières économiques et
financières138.
il s'agit d'un fonctionnaire détaché par le Ministre en
chargé des Finances, d'un magistrat de haut rang
spécialisé dans les questions financières139,un
officier de Police judiciaire de haut rang spécialisé dans les
enquêtes économiques et financières140et en fin
un haut fonctionnaire de l'administration des Douanes spécialisé
dans les enquêtes économiques et financière agissant sous
l'autorité du ministère des Finances.
L'ANIF, est un service public de renseignement financier,
ayant pour missions essentielles, de recueillir, d'analyser, d'enrichir et
d'exploiter tout renseignement propre à établir l'origine ou la
destination des sommes ou la nature des opérations ayant fait l'objet de
déclaration. Par ailleurs, elle peut demander la communication des
informations ayant pour but d'enrichir la déclaration faite, elle peut
également recevoir toute information nécessaire dans
l'accomplissement de sa mission141. Elle peut par ailleurs, recourir
aux services du Procureur de la République.
137 Voir article 67 du Règlement CEMAC de 2016 sur la
composition de l'ANIF.
138 L'article 67 dispose que l'ANIF est composée d'un
haut fonctionnaire détaché par le Ministère des Finances,
un haut fonctionnaire de l'administration des douanes.
139 Détaché par le Ministère chargé
de la justice.
140 Détaché par le Ministère chargé
de la sécurité.
141 Les dispositions de l'article 66, énumèrent en
détails les attributions de l'ANIF.
55
B- La saisine du PR : compétence partagée
avec l'ANIF
En matière de déclaration de soupçon, le
procureur de la République peut recevoir les déclarations des
assujettis, ou toute autre personne qui aurait connaissance des
opérations ou des sommes qu'elle sait susceptibles de s'inscrire dans un
processus de blanchiment142. Par ailleurs, le PR peut être
saisit par l'ANIF, sauf que dans ce cas, la déclaration de
soupçon ou toute information qui a été transmise à
l'ANIF, ne figure pas au dossier de la procédure ceci afin de
préserver l'anonymat de ses auteurs telle qu'il ressort de
l'alinéa 3 de l'article 73. Le nouveau règlement exprime une
méfiance à l'égard de l'autorité judicaire en
obligeant l'anonymat des auteurs de déclaration, le Procureur de la
République ne dispose plus d'une marge d'appréciation de
l'opportunité d'engager les poursuites comme c'était le cas en
2003143 ; cette solution est justifiée par le fait que dans
la quasi-totalité des cas, aucune suite n'était donnée aux
transmissions données par les CRF144 aux autorités
judiciaires. En l'absence d'une victime pouvant assurer la suite de la
procédure, les dossiers étaient abandonnés ou faisant
l'objet d'un arrangement occulte avec les criminels et les magistrats peu
véreux145.
Le PR a plus de pouvoir dans la réception des
déclarations venant des personnes assujetties ; il est saisi par l'ANIF
afin qu'il puisse mener des enquêtes. La saisine du Procureur de la
République se fait conformément aux règles habituelles de
la procédure pénale par plainte (simple ou constitution de partie
civile) lorsque l'acte de saisine « émane de la personne
lésée par l'infraction ou de ses ayants cause
»146.
Si la difficulté de la détermination de
l'autorité destinataire et compétente pour recevoir la
déclaration, est résolue, il nous reste à étudier
les modalités de traitement de la déclaration par ces
autorités.
142 Cf. Art. 73 al.3 du Règlement CEMAC de 2016.
143 Le Règlement CEMAC n°01/03 du 4 Avril 2003.
144 Cellule de Renseignement Financier.
145 NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment d'argent dans
la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse à la
lumière des normes et standards européens et internationaux,
op. cit., p. 259.
146 Cf. MERLE (R.) et VITU (A.), Traité de Droit
criminel, Tome 2 : La procédure pénale ; CUJAS 3e
Ed. 1979, p. 298.
56
Paragraphe 2 : La réception de la
déclaration de soupçon
La déclaration de soupçon transmis à
l'ANIF répond à certaines conditions prévues par le
Règlement CEMAC pour sa validité (A). Dès
réception, l'ANIF a l'obligation de recueillir des informations
nécessaires, pour l'analyser, la traiter et y donner une suite (B).
A- Les formalités de recevabilité de la
déclaration
Les formalités pour la recevabilité de la
déclaration sont posées à l'article 86 du Règlement
de 2016. En 2003, la déclaration pouvait être verbale ou
écrite, et même par téléphone à condition
d'être confirmée par télécopie ou tout autre moyen
écrit147. Il revenait à l'ANIF d'accuser
réception de la déclaration148. Désormais les
déclarations se font par écrit149. Les assujettis sont
tenus de transmettre leurs déclarations par tous moyens laissant trace
écrite tel qu'il ressort des dispositions de l`article 86 du
Règlement de 2016. Il existe néanmoins la possibilité de
faire les déclarations par téléphonie ou par moyen
électronique mais celles-ci doivent être confirmées dans un
délai de quarante-huit heures (48)150. Ces
déclarations sont faites selon certaines modalités contenues
à l'alinéa 2 de l'article précité151. La
déclaration peut également être faite directement sur le
site internet de l'ANIF152 ceci pour simplifier les
procédures.
La déclaration doit préciser suivant les cas,
les raisons pour lesquelles l'opération a été
exécutée ou le délai dans lequel l'opération
suspecte doit être exécutée153. Ceci pour
informer l'ANIF, afin qu'elle mette en oeuvre la bonne procédure selon
le cas.
B- Le traitement particulier réservé à
la déclaration de soupçon
Dès la réception de la déclaration,
l'ANIF doit accusée réception de la déclaration sauf si
l'entité déclarante en avise autrement. Apres l'analyse de la
déclaration, l'ANIF peut
147 Article 19 du Règlement de 2003.
148 L'article 20 donnait aussi la possibilité au
déclarant de demander à l'ANIF de ne pas accuser réception
de la déclaration.
149 Article 86 du Règlement de 2016.
150 Il y ressort de dispositions de l'article 86
précité.
151 Les déclarations précisent les raisons pour
lesquelles l'opération a déjà été
effectuée, ou le délai dans lequel l'opération suspecte
doit être exécutée.
152 Comme c'est le cas en France, où la
procédure a été simplifiée et la déclaration
se fait sur le site internet de TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action
contre les Circuits Financiers Clandestins) :
www.TRACFIN.bercy.gouv.fr.
153 Article 86 al.2 du Règlement de 2016.
solliciter de la personne déclarante des informations
supplémentaires ou documents complémentaire devant servir
à établir l'origine des fonds ou la destination des sommes en
cause, ou même à identifier les bénéficiaires
effectifs154.
Les prérogatives de l'ANIF dans l'analyse des
déclarations, sont constituées par le pouvoir de faire opposition
à l'exécution d'une opération ayant fait l'objet d'une
déclaration de soupçon155 ; en effet le
législateur communautaire, pense que si les circonstances l'exigent,
l'ANIF peut, sur la base des informations graves concordantes et fiables en sa
possession, faire opposition à l'exécution d'une opération
ayant donné lieu à une déclaration de soupçon ceci
avant le délai d'exécution mentionnée par le
déclarant. L'opposition qui est notifiée au déclarant par
écrit, ne fait obstacle à l'exécution de
l'opération que dans un délai de quarante-huit (48) heures.
L'ANIF peut par ailleurs, saisir la juridiction
compétente afin de voir ordonner le blocage provisoire des comptes, des
fonds ou des titres concernés par la
déclaration156.
S'il est établi au vu des informations recueillies, que
les sommes suspectées sont susceptibles de provenir des activités
des organisations criminelles ou d'un crime en générale, l'ANIF
saisit le procureur de la République de la juridiction compétente
et lui transmet un rapport sur les faits accompagnés de son avis et
toutes pièces utiles. Le rapport envoyé ne doit contenir aucune
information sur l'identité de l'auteur de la déclaration. Ceci
est incompréhensible car l'article 87 du règlement permet aux
déclarants de relever à l'autorité judiciaire ou aux
officiers de police judicaires agissant sur délégation
l'existence de la déclaration effectuée à la CRF ; la
saisine des autorités judiciaires entraine le dessaisissement de l'ANIF
sauf avis contraire du Procureur de la République157.
57
154 Art. 72 du Règlement CEMAC de 2016.
155 Cf. art. 74 du Règlement CEMAC de 2016.
156 Cf. Art. 74 du Règlement de 2016
précité.
157 Cf. Art. 87 al. 5 du Règlement de 2016.
CONCLUSION CHAPITRE I
Le Règlement CEMAC a posé des bases pour une
déclaration adéquate, et cela est appréciable car chaque
professionnel ainsi que les agents immobiliers peuvent aisément faire
leurs déclarations selon les modalités fixées. Le cadre
ainsi posé par le législateur peut être
amélioré au vu de la pratique dans d'autres systèmes et d
l'évolution des technologies.
Bien que la notion d'opération suspecte n'ait pas
été définie par le dispositif anti-blanchiment, le
régime organisant sa déclaration aux autorités
compétentes est bien encadré. De la détection à la
procédure de déclaration. Les agents immobiliers sont tenus de
déclarer à l'ANIF des sommes ou opérations dont ils
suspectent ou ont des raisons de suspecter qu'elles proviennent ou s'effectuent
dans le dessein du blanchiment. Pour les aider dans la détection de ces
opérations, des critères d'alerte ont été
proposés par TRACFIN en France mais peuvent être transposés
dans notre contexte. Par ailleurs, dans le but d'encourager les professionnels
de l'immobilier à plus de dénonciation, le législateur
communautaire à penser faire primer l'obligation déclarative sur
son devoir de discrétion, tout en l'exonérant d'une quelconque
responsabilité au cas où après investigation il s'est
avéré que l'opération n'avait rien de suspect et que cela
ait déjà causé du tort à l'auteur.
Les modalités d'exécution de l'obligation ont
été prévues. Ainsi l'agent doit, en présence d'une
opération en fonction du risque de blanchiment de qu'elle
présente, saisir l'ANIF par une déclaration158.
À son tour, l'ANIF doit analyser et traiter la déclaration et
s'il est nécessaire elle peut saisir le Procureur de la
République pour mettre en mouvement l'action publique afin de traquer
les criminels.
58
158 Remplissant toute les conditions prévues pour sa
recevabilité.
59
CHAPITRE II : L'AMÉLIORATION URGENTE DE LA MISE
EN OEUVRE DE L'OBLIGATION DE DÉCLARATION DE SOUPÇON
DES AGENTS IMMOBILIERS
Il est inéluctable que le législateur de la
CEMAC a pensé associer les agents immobiliers à la lutte contre
le blanchiment en les soumettant aux obligations préventives. Sauf que
leurs mises en oeuvre rencontre quelques fois de difficultés pratiques.
Il est important de juguler ces difficultés afin de rendre effective la
participation des agents immobiliers.
En effet, le contexte socio-économique et culturel
caractérisant la sous-région, met à mal la mise en oeuvre
de la vigilance, néanmoins tout cela peut être corrigé si
les États de la CEMAC collaborent en s'arrimant effectivement à
la lutte prévue au niveau communautaire. Aussi, le dispositif
communautaire anti-blanchiment étant lacunaire les agents immobiliers
peuvent à leur niveau combler par leurs formations, à
gérer les risques que présenteront les opérations, bien
plus les États doivent participer à l'amélioration de ce
cadre d'exercice des obligations.
Certaines situations rendant difficile le contrôle des
agents immobiliers relèvent de la compétence des décideurs
publics d'apporter des moyens pour y faire face. C'est ainsi en ce qui concerne
les obstacles à la mise en oeuvre des obligations déclaratives.
Il convient de revoir le cadre la mise en oeuvre de obligations
déclaratives en matière de lutte contre le blanchiment en
général et en matière de lutte dans le secteur immobilier
en particulier.
Pour une déclaration de soupçon louable il y a
urgence de revoir le cadre institutionnel, autrement dit, revoir les pouvoirs
des organes en charge de recevoir ces déclarations, tout en leur donnant
les moyens matériels et humains nécessaires pour un traitement
des déclarations conformément à la législation en
vigueur (Section1). Par ailleurs le renforcement des institutions doit se faire
également en ce qui concerne les organes devant veiller à
application des éventuelles sanctions prononcées contre tout
agent fautif (Section 2).
60
Section 1 : Le renforcement des institutions en charge
de la réception des déclarations de soupçon de blanchiment
dans le secteur immobilier
Les organismes régionaux jouent un rôle important
en ce qu'ils cordonnent au niveau régional la lutte contre le
blanchiment des capitaux. Ils reçoivent par ailleurs la mission
d'évaluer les actions des États159 dans la mise en
place du dispositif anti-blanchiment afin de dynamiser leurs actions. Il
apparait donc nécessaire de consolider les pouvoir des organismes
régionaux en charge de la lutte (Paragraphe1), et aussi d'affermir les
pouvoirs des agences nationales d'investigation financière
(Paragraphe2).
Paragraphe 1 : la consolidation des organismes en
charge de la lutte contre le blanchiment de capitaux
Il est important en matière de traitement des
déclarations de soupçon, qu'il existe des organes facilitateurs
de la transmission et de l'échange des informations, aussi qu'il ait une
collaboration entre les organes internationaux régionaux et nationaux. A
l'heure actuelle, il existe déjà un organisme en charge de la
coordination de la lutte, il s'agit du Groupe d'Action contre le Blanchiment
des Capitaux en Afrique Centrale (GABAC) dont l'action louable, peut être
améliorée (A), ou alors renforcer par la création d'un
organe à compétence spéciale en matière immobilier
qui pourra agir tel la COBAC (B).
A- La coordination améliorable du GABAC dans la
lutte contre le blanchiment de capitaux dans l'immobilier en Afrique
Centrale.
Les responsables politiques de la CEMAC, tel leurs homologues
de l'Union Européenne, ont décidé sous l'impulsion des
bailleurs de fonds, de créer un organisme régional de type GAFI
(ORTG). C'est de cette volonté qu'est née le groupe d'action
contre le blanchiment d'argent en Afrique Centrale (GABAC)160 qui a
vocation à devenir un ORTG, membre du GAFI161.
159 Il s'agit principalement du GABAC donc le siège est
à Libreville au Gabon.
160 Le Secrétaire permanent du GABAC est Mr MBATA
Gervais, il est nommé depuis 2017 à la session extraordinaire du
31 octobre 2017 à N'Djamena au Tchad il a prêté serment
devant la CCJA le 18 Décembre 2017.
161 Les efforts fournir on conduit à l'admission du
GABAC au rang de membre observateur du GAFI en Février 2012. En Octobre
2015 le GAFI a reconnu le GABAC comme ORTG et l'a admis comme membre
associé, et a étendu la portée du réseau mondial du
GAFI en Afrique centrale.
61
Le GABAC est la structure de promotion de la mise en oeuvre
coordonnée des normes, instruments et standards anti-blanchiment en
Afrique Centrale162. A cet effet, il a reçu la mission de
lutter contre le blanchiment des capitaux et les produits de crime, la mise en
place harmonisée et concertée des mesures appropriées
à cette lutte dans la CEMAC ; le GABAC a la charge d'assister les
États membres dans leur politique anti-blanchiment, et
l'évaluation des résultats de l'action et l'efficacité des
mesures adoptées163.
Malgré certaines contraintes, le GABAC mène tant
bien que mal sa mission de coordination stratégique. Il a ainsi
créé un réseau technique d'expert à effectuer
différents exercices de typologie et d'évaluation mutuelle, on
peut par ailleurs noter que mène actuellement le GABAC sur les risques
d'utilisation du secteur immobilier à des fins de blanchiment de
capitaux.
Face au boom immobilier observable ces dernières
années en Afrique Centrale, le GABAC a lancé au mois de Juin 2019
une étude164 pour avoir une idée claire sur les
rapports entre les propriétaires immobiliers de la sous-région et
les ressources investies. A cet effet, il a organisé un atelier sous
Régional165 sur les vulnérabilités au
blanchiment d'argent inhérentes au secteur de l'immobilier en Afrique
Centrale.
Pour le moment le constat qui est fait, est celui de
l'inadaptabilité de la règlementation anti-blanchiment au secteur
immobilier, ces failles permettent à des criminels l'acquisition facile
des biens immobiliers avec de l'argent d'origine illégale. Le
Secrétaire permanent du GABAC, Mr Gervais MBATA, déclare à
ce propos : « le dispositif anti blanchiment en Afrique centrale
présente de graves lacunes dans le secteur immobilier. Actuellement, il
est relativement facile d'acquérir un bien immobilier au moyen d'argent
illégal. Nous dévons corriger ces failles. En effet, ces
transactions criminelles portent atteinte au marché immobilier
(inflation) et à l'ensemble de l'économie. De surcroît,
elles mettent à mal le principe de l'Etat de droit et compromettent le
développement économique des pays dont provient l'argent
»166. Il soutient par ailleurs, qu'à l'instar des
efforts consentis dans la
162 4e paragraphe du préambule de l'Acte Additionnel
n° 09/00/CEMAC-086/CCE 02.
163 Art. 4 du Règlement n° 02/02/CEMAC du 14Avril
2002 portant organisation et fonctionnement du GABAC.
164 Cette étude est présidée par un
représentant du Ministre des finances Camerounais, avec la participation
du Directeur de l'ANIF, du Secrétaire permanent du GABAC et des experts
intervenants sur toute la chaîne de production immobilière
(banquier, notaire, inspecteurs des domaines, architectes, promoteurs
immobiliers...).
165 Cet atelier s'est tenu du 26 au 28 juin à
l'hôtel Sawa de Douala au Cameroun.
166 Propos disponible sur le site
https://afrique-info.cm/blanchiment-dargent-dans-limmobilier-le-gabac-passe-a-laction
consulté le 4 juin 2020.
62
finance, tout doit être mis en oeuvre pour
prévenir et sanctionner systématiquement le blanchiment d'argent
dans le secteur immobilier.
Vu les conséquences néfastes que pourraient
avoir le blanchiment dans le secteur immobilier, et les failles dans la
législation communautaire et même nationale sur la
réglementation de l'activité immobilière, le
Secrétaire permanent du GABAC dans son propos, rassure qu'une correction
doit être faite, afin de prémunir le secteur immobilier d'un
dispositif permettant aux intervenants de ce domaine d'avoir un cadre
idéal pour lutter contre le blanchiment. Cette solution peut sous un pan
se matérialiser par la création dans le secteur immobilier d'un
organisme en charge de contrôler l'activité tant au niveau
communautaire que national.
B- La nécessaire implémentation d'un
organisme régional de type COBAC dans le
secteur immobilier
La Commission Bancaires d'Afrique
Centrale167(COBAC) organe de l'union monétaire de la CEMAC,
ayant reçu par l'article 1er de l'annexe de la convention
l'instituant, le pouvoir de veiller au respect par les établissements de
crédit des dispositions législatives et réglementaires
édictées par les autorités nationales, par la BEAC ou par
elle-même et qui leur sont applicables. Elle veille par exemple à
l'harmonisation des règlementations et le contrôle de
l'activité bancaire et de la micro finance168 en Afrique
Centrale. Cette compétence générale se décline en
compétence règlementaire169,
administrative170 et juridictionnelle171.
La mise en oeuvre des pouvoirs de la COBAC, permet d'assainir
l'activité bancaire, et de protéger à la fois les acteurs
passifs et actifs du secteur et sanctionne quand cela est nécessaire
tout comportement contra legem172. La COBAC oeuvre elle
aussi à la lutte contre le blanchiment des capitaux dans le secteur
bancaire à titre illustratif il existe un règlement sur
167 Institué par la convention du 16 octobre 1990.
168 Cette compétence est rappelée par l'article 11
de la convention de l'UMAC.
169 Le fondement textuel de ce pouvoir se trouve à
l'article 9 de l'annexe à la convention de 1990, il consiste pour la
COBAC à fixer les règles de fonctionnement des
établissements de crédit.
170 Qui se manifeste à travers le pouvoir d'autorisation
préalable à tout acte de la vie de l'établissement
financier.
171 Prévue à l'article 239 de l'annexe de la
convention de 1992, elle concerne le pouvoir de sanction de la COBAC.
172 NJOYA KAMGA (B.), « La COBAC dans le système
bancaire de la CEMAC », Annales de la faculté de science
juridique et politique de l'Université de Dschang, t.13,
2009P.85-100.
63
les diligences des établissements financiers assujettis
en matière de blanchiment de capitaux173.
Au vu de l'ampleur du phénomène du blanchiment
dans l'immobilier et des proportions qu'il prend ces dernières
années en Afrique Centrale, il est nécessaire que le
législateur CEMAC prenne davantage conscience de la nécessiter de
mettre en oeuvre des moyens adéquates et efficaces pour lutter contre le
phénomène. Ceci concerne le renforcement des institutions devant
lutter contre le blanchiment dans l'immobilier.
A cet effet, nous proposons la création dans le secteur
immobilier comme c'est le cas dans le secteur bancaire, d'un organisme qui aura
compétence à réguler les activités de l'immobilier
; Cet organe doit être de création communautaire, et peut recevoir
les mêmes pouvoirs que la COBAC. Ainsi, il pourra disposer des trois
pouvoirs de la COBAC ; il s'agira d'abord du pouvoir réglementaire qui
consistera en la création des normes communautaires qui organisent et
régissent l'activité d'agent immobilier ; ensuite du pouvoir
juridictionnel qui se traduira par le pouvoir de sanction qui peut être
reconnut à l'organe ainsi tout comme la COBAC, cette commission
immobilière d'Afrique centrale, pourra prononcer des injonctions, des
mises en garde, ou prononcer des sanctions à l'égard des agents
immobiliers qui ne se seront pas conformer aux lois communautaires et à
celles qu'elle aura édictée ; enfin, l'organe pourra disposer du
pouvoir administratif qui se manifestera par le pouvoir d'autorisation
préalable à l'exercice de la profession d'agent immobilier, et
pour les agences immobilières, il sera constitué par l'avis
conforme qu'il doit donner préalablement à l'agrément de
ces agences.
Cet organisme dans l'exercice de son pouvoir
règlementaire devra prendre des mesures, ou adopter des
règlements permettant d'assainir le secteur immobilier, et lutter
principalement contre le blanchiment de capitaux dans
l'immobilier174. Cette organe pourra booster les législateurs
nationaux à s'intéresser et à organiser davantage les
professions immobilières. Et déjà il pourra combler les
failles des législations nationales en ceci qu'il organisera la
profession en posant des bases et conditions d'accès et d'exercice de la
profession, et peut avec l'appui des partenaires internationaux, organiser des
séminaires de sensibilisation et de
173 Règlement COBAC R-2005/01 relatif à la
diligence des établissements assujettis en matière de lutte
contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en Afrique
Centrale.
174 Comme c'est le cas par exemple du Règlement COBAC
précité.
64
formation des agents immobiliers à la lutte contre le
blanchiment de capitaux dans l'immobilier.
Paragraphe 2 : L'affermissement du soutien
matériel aux cellules de renseignements financiers
nationales
Selon les recommandations du GAFI de février 2012, les
CRF doivent être dotés des pouvoirs et d'une certaine autonomie
dans la gestion des déclarations qui lui sont soumis par les assujettis
ou non. En zone CEMAC, on constate que le but n'est pas encore atteint.
À cet effet il est important d'octroyer davantage des moyens tant
humains que matériels aux agences nationales d'investigation
financières (A) ceci pour assurer leur indépendance vis à
vis de tout pouvoir étatique (B).
A- L'octroi des moyens à l'ANIF pour le traitement
des déclarations de soupçon
L'ANIF comme toute cellule de renseignement financier, est
l'agence centrale de réception des déclarations faites par les
assujetties. Comme l'a fait remarquer le GAFI, les informations reçues
par l'ANIF devraient, au minimum inclure des déclarations
d'opérations suspectes175. Cependant, plusieurs freins
viennent faire bloc à l'efficacité de l'ANIF dans son entreprise
légale de lutte contre le blanchiment ; il s'agit de l'insuffisance des
moyens matériels et humains à la disposition de l'agence et la
difficulté de mettre en oeuvre les pouvoirs qui lui sont reconnus.
Le dispositif CEMAC, depuis 2003, a fait obligation aux
États membres de créer des agences nationales, sauf que 10 ans
après leurs institutions176, certains États n'avaient
pas encore procédé à l'implémentation de leurs
ANIF. C'est par exemple le cas du Congo, qui a attendu jusqu'à 2008
avant de créer son ANIF, et son directeur a été
nommé en 2012. Bien que sa première évaluation a
été réalisé en 2015, celle-ci a besoin d'un temps
pour assurer sa bonne opérationnalité, car il a été
relevé des insuffisances lors de son évaluation.
L'insuffisance des moyens matériels et humains
caractérisant les Agences nationales ne leurs permettent pas de
déployer leurs activités ; ajoutées à cela les
ressources insuffisantes qui leurs sont allouées. Plus encore, certains
membres ont été affectés à des postes de
175 Normes internationale sur la lutte contre le blanchiment
des capitaux et la prolifération, note interprétative de la
recommandation n° 29, p.101.
176 Par le Règlement CEMAC de 2003.
65
responsabilités dans l'administration de
l'État177 sans toutefois être remplacé, ce qui
réduit considérablement sa capacité
opérationnelle.178
L'ANIF Tchad, est dans un processus de renforcement de ses
capacités opérationnelles. Elle est sur une voie qui permet
« de penser qu'à brève échéance, elle
pourrait, entièrement satisfaire aux exigences de fonctionnement des
cellules de renseignement financiers »179. On peut
constater que seul les ANIF Cameroun et Gabon, semblent avoir atteint un
véritable niveau d'opérationnalité et sont membres du
groupe Egmont180. Toutefois, avec un effectif opérationnel de
10 personnes, il est nécessaire d'un renforcement des moyens humains
pour plus d'opérationnalité.
En effet, que ce soit l'ANIF Cameroun ou Gabon, elle est
composée, en plus de son directeur général, d'un effectif
de trois membres permanents et de neuf professionnels ; il s'agit de trois
chargés d'études, deux informaticiens, deux Secrétaires,
un chargé de la communication et un coursier. Avec ce nombre
réduit, il est possible que ces agences ne remplissent pas
véritablement les missions assignées au CRF, ce qui imputera sur
la mise en oeuvre de leurs pouvoirs reconnu en matière de lutte contre
le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Cette insuffisance
des moyens matériels et humains peut justifier la difficulté de
l'ANIF de déployer les pouvoirs qui lui sont reconnus.
B- Le nécessaire octroi des pouvoirs absolus
à l'ANIF pour le traitement des déclarations de
soupçon
Il est important et nécessaire pour les CRF
d'être indépendant, tel qu'il est recommandé par le GAFI,
qui estime qu'elles « devraient opérationnellement être
indépendantes et autonomes, c'est-à-dire qu'elles doivent avoir
la capacité d'exercer librement leur pouvoirs notamment de
décider en toute autonomie d'analyser, de demander de désaminer
des informations spécifiques »181.A l'analyse de
l'organisation et des pouvoir des CRF de la sous-
177 Il s'agit principalement de l'ANIF da la République
centrafricaine.
178 NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment d'argent dans
la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse à la
lumière des normes et standards européens et internationaux, op.
cit., p. 310.
179 Il y ressort de la réunion plénière
des ANIF de la CEMAC tenue à Brazzaville au Congo le 19 novembre
2013.
180 Le Groupe Egmont est un forum International crée en
1995 à l'initiative de la CTIF (Belgique) et de la FinCEN (Etats-Unis)
qui réunit au niveau mondial les services chargés de recevoir et
de traiter les déclarations de soupçon de BC/FT.
181 GAFI, normes internationales sur la lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et la
prolifération, les recommandations, du GAFI, février 2012, note
interprétative de la recommandation 29, points E (8, 9,19 et 11) et F
(12).
66
région CEMAC, on peut rapidement se rendre compte
qu'elles ne respectent pas la recommandation du GAFI.
Il est incontestable, que l'ANIF, a reçu la mission de
lutter contre le blanchiment, et à cet effet a reçu
également le pouvoir d'enquête, de communication et d'opposition.
Il existe des entraves à la mise en oeuvre de ces pouvoirs, ces entraves
concernent son indépendance à son pouvoir de communication et
d'enquête. Dans la CEMAC, le sentiment est celui d'un déficit
d'indépendance des CRF, qui semble provenir de la nature même des
ANIF, qui les expose à l'influence des pouvoirs politique et le mode de
financement182.
L'ANIF est une CRF de type administratif qui relève du
Ministère en charge des Finances183. Cette tutelle du
ministère des finances est un signe du défaut
d'indépendance et de son contrôle direct par les autorités
politiques. Ainsi, certaines transactions suspectes peuvent être
laissées sans traitement pour des raisons partisanes184. Ceux
qui s'entêtent à effectuer ces opérations sont souvent
exposés à des représailles185.
La dépendance des ANIF aux pouvoirs politique, peut
entrainer son instrumentalisation. Les infractions en amont du
blanchiment186 s'accompagnent presque toujours de l'insertion des
sommes dans le circuit normal par l'acquisition des biens immobiliers ou
d'autres opérations il est donc inconcevable qu'on protège ces
criminels. L'affaire dite de « biens mal acquis
»187 en France, traduit le malaise que de nombreuses
autorités nationales africaines ont à s'attaquer à toute
forme de criminalité financière et économique,
réalisées dans les hautes sphères du pouvoir.
182 NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment d'argent dans
la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse à la
lumière des normes t standards européens et internationaux, op.
cit., p. 312.
183 Cf. art. 65 du Règlement CEMAC de 2016. Elle est
dotée de l'autonomie financière et d'un pouvoir de
décision autonome sur les matières relevant de sa
compétence.
184 Le blanchiment des capitaux en zone CEMAC est souvent
lié à la corruption des hommes politiques et aux
détournements de derniers publics. Il est donc difficile d'arriver
à une lutte efficace car ceux qui sont sensé la mener sont
souvent les utilisateurs des techniques.
185 C'est le cas d'un fait divers qui a agité le Tchad
à la fin des années 2012. Le directeur de l'ANIF du Tchad, Mr
Idriss ANNOUR, a été rétrogradé du grade de
contrôleur général de la police (équivalent à
celui de général dans l'armé), à un grade
équivalent de soldat. Les raisons semble-t-il pour s'être
attaqué à un vaste réseau de blanchiment de capitaux et de
criminalité économique et financier piloté par certaines
autorités du pouvoir central Tchadien. Son engagement pour la lutte
contre la criminalité lui aurait valu une tentative d'assassinat.
Informations relayées par le presse Tchadienne, également sur le
site https://www.tchadactuel.com/ le 22 novembre 2012 ; également
cité par NGAPA (T.), ibidem.
186 Il peut s'agir de la corruption, du trafic de
stupéfiant de la contrebande.
187 Voir CUTAJAR (C.), « Affaire « des biens mal
acquis », un arrêt qui ne clôt pas le débat »
-Note sous arrêt, JCP G 2009, 563. Cette affaire trouve son origine en
2007 à la suite des plaintes déposées par les ONG Sherpa
et transparency international, pour détournement de fonds contre
plusieurs chef d'Etat parmi lesquels celui du Gabon, du Congo et de la
Guinée équatoriale ; CA Paris, pôle 7, 2e
Ch.instr. , 29 oct.2009, Assoc .Transparence Internationale France : Juris Data
n°2009-014809.
67
Il sera peut-être préférable que l'ANIF
soit un organisme de type financier, ceci peut garantir son efficacité,
et le prémunir de l'ingérence du pouvoir politique, ce qui rendra
rapide les mesures de contrainte. Il est donc important que l'ANIF soit un
organisme à la fois de type administratif et judiciaire pour assurer sa
pleine efficacité.
Pour assurer l'autonomie de l'ANIF il serait nécessaire
que son mode de financement ne soit pas tributaire d'une quelconque
autorité car c'est un gage de son indépendance. Il ressort de la
recommandation n° 29 du GAFI, que « la CRF devrait être
dotée de ressources financières, humaine et technique
satisfaisante, de manière à garantir son autonomie et son
indépendance et à lui permettre d'exercer efficacement son mandat
»188. Sauf que, le financement des ANIF par les
États n'est pas toujours assuré. Ceci peut être
présumé par la difficulté de la trésorerie de
l'État membre189 ou l'absence de volonté politique.
Il est donc nécessaire pour l'efficacité dans le
traitement des déclarations, que l'ANIF ait des pouvoirs et une
autonomie certaine, aussi des moyens humains, matériels et financiers ce
qui sera gage de son indépendance.
Section2 : L'implémentation des sanctions par
les organes de lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur
immobilier
L'inexécution des opérations préventives
par les professionnels assujettis, les expose à la mise en oeuvre de
leur responsabilité. Ce pan du régime des obligations
préventives permet de rendre compte de son efficacité. La mise en
oeuvre de la responsabilité permet de s'intéresser aux cas de
défaillances dans la mise en oeuvre des procédures internes ou de
manquement aux obligations déclaratives par les professionnels
assujettis. La responsabilité des agents immobiliers est engagée
dès lors qu'ils n'ont pas satisfait à leurs obligations de
vigilance et de déclaration (Paragraphe1). Il est aussi opportun pour
rendre le dispositif crédible et décourager les criminels, de
prévoir des sanctions à la hauteur de leur crime (Paragraphe
2).
188 Recommandation du GAFI février 2012, note
interprétative de la recommandation n° 29 point 10.
189 On peut voir le cas de la République
centrafricaine, dont la situation politique et militaire impacte gravement le
niveau économique du pays.
68
Paragraphe1 : La mise en oeuvre des sanctions contre
l'agent fautif
Le non-respect des obligations de diligence et
déclarative, expose les agents immobiliers à des sanctions
pénales (A) et dans une certaine mesure à des sanctions
administratives et disciplinaires (B).
A- Le régime de la responsabilité
pénale des agents immobiliers
Sous les termes « peines applicables à
certains agissements liés au blanchiment »190, le
législateur communautaire, a entendu organiser un régime
permettant de sanctionner tout comportement anormal des agents immobiliers. Il
s'agit de la complicité, de l'entente pour la commission de l'infraction
de blanchiment. De ce qui ressort des 7 alinéas de l'Article 117 du
Règlement de 2016, les agents immobiliers sont exposés, aux
peines d'emprisonnement de six mois à deux ans et aux peines d'amende
d'un million à cinq million de francs CFA ou l'une de ces deux peines
lorsqu'ils auront intentionnellement :
? Fait des révélations au propriétaire
des sommes ou à l'auteur des opérations de blanchiment de
capitaux, sur la déclaration qu'ils sont tenus de faire ou sur les
suites qui lui ont réservées ;
? Détruit ou soustrait des pièces ou documents
relatifs aux obligations d'identification des clients ;
? Informé par tous moyens la ou les personne(s)
visée(s) par l'enquête menée pour les faits de blanchiment
dont ils auront connaissance en raison de leur profession ;
? Communiqué aux autorités judiciaires ou
à l'ANIF pour constater les infractions subséquentes, des actes
ou documents qu'ils savent falsifié ou erronés ;
? Omis de procéder à la déclaration de
soupçon, alors que les circonstances amenaient à déduire
que les sommes d'argent pouvaient provenir d'une infraction de blanchiment
telle que défini à l'article 8 de règlement ;
Le législateur entend sanctionner tout comportement de
l'agent immobilier pourrait entraver l'enquête ou qui pourrait permettre
au criminel d'échapper à la justice et d'échapper par
à la sanction prévue par la règlementation ;
En France par contre, le manquement aux obligations de
diligence n'est pas pénalement sanctionné. Ainsi «
l'inexécution fautive de l'obligation déclarative n'est pas
pénalement
190 Cf. art. 117 du Règlement CEMAC de 2016.
69
sanctionnée [...] la volonté
délibérée de ne pas respecter une obligation
professionnelle ne coïncide pas avec la volonté d'apporter un
concours à une opération financière illicite
»191. De cette contradiction de législation, on
peut comprendre que le souci de la CEMAC est d'empêcher autant que
possible aux agents immobiliers de collaborer avec les criminels, le
Règlement a sur ce point prise une bonne résolution, car
l'inexécution fautive des obligations professionnelles résultant
de la volonté délibérée du professionnel doit
être sanctionné. La législation CEMAC quant à elle,
à côté des sanctions pénales, ajoute des peines
accessoires comme les sanctions administratives et disciplinaires.
B- La consécration des sanctions disciplinaires et
administratives par le dispositif
anti-blanchiment
Les manquements aux obligations de vigilance, de diligence et
de déclaration de soupçons sont réprimés par des
sanctions administratives ou disciplinaires. Il ressort de l'article 113 du
Règlement que des sanctions administratives ou disciplinaires peuvent
être prononcées par l'autorité de tutelles ayant pouvoir
disciplinaire aux agents qui méconnaissent les obligations
préventives. Cet article dispose : « lorsque, par suite, soit
d'un grave défaut de vigilance, soit d'une carence dans l'organisation
de ses procédures internes de contrôle, une personne visée
aux articles 6 et 7, a méconnu les obligations que lui imposent les
titres II et III du présent Règlement, l'autorité de
contrôle ayant pouvoir disciplinaire peut agir d'office dans les
conditions prévues par les textes législatifs et
réglementaires spécifiques vigueur ». Pour la mise en
oeuvre de ces sanctions, l'autorité de tutelle doit aviser l'ANIF et le
Procureur de la république.
Autrement dit, la sanction disciplinaire ou administrative est
infligée au professionnel par l'autorité de tutelle du secteur
d'activité. On se demande quel sera, dans le secteur immobilier
l'autorité qui détiendra ce pouvoir, puisqu'il n'existe pas une
autorité, à l'exemple de la COBAC dans le secteur bancaire. Si
l'on se réfère aux différents textes organisant la
profession d'agent immobilier, on peut déduire que l'autorité en
charge de sanctionner les manquements aux obligations professionnelles, sera de
même compétente pour prononcer et infliger des sanctions aux
agents en cas de manquement à leurs obligations découlant du
dispositif anti-blanchiment. Ainsi en fonction de l'État membre,
l'autorité de tutelle peut être
191 MATSOPOULOU (H.) et MASCALE (C.), (dir.), Lamy droit
pénal des affaires, 2014, N°1281 cité par NGAPA (T.),
op. cit., p. 274.
70
le Ministère en charge de l'habitat192, ou
la commission de délivrance des autorisations
d'exercer193.
A côté de ces peines pouvant être
considérées comme dissuasives, le législateur
communautaire CEMAC, a prévu des hypothèses ou la
responsabilité de l'agent peut être écartée
même s'il a exécuté l'opération suspecte. Le
principe est celui de l'exonération des agents de bonne foi, qui
effectueront leurs obligations avec diligence. En effet, selon l'article 89 du
Règlement, sauf cas de collusion frauduleuse avec le ou les auteurs du
blanchiment de capitaux, lorsqu'une opération a déjà
été exécutée, la responsabilité de l'agent
immobilier tenu de la déclaration, peut être dégagée
et aucune poursuite pénale du chef de blanchiment ne peut être
engagée à son encontre, si la déclaration a
été faite conformément aux prescriptions du
règlement194. Une disposition analogue est prévue dans
le code monétaire financier Français195.
Par ailleurs, il existe des cas où, bien que
l'opération n'ait pas été exécutée, la
responsabilité de l'agent peut être dégagée. C'est
ainsi lorsque la déclaration a été faite de bonne foi.
Ceci rejoint les recommandations du GAFI qui prévoient que : «
les institutions financières, leurs dirigeants et leurs employés,
mais aussi tous les autres professionnels assujettis, devraient être
protégés par la loi contre toute responsabilité
pénale ou civile pour violation de tout règle encadrant la
divulgation des informations imposées par le contrat ou par toute autre
disposition législative, règlementaire ou administrative,
lorsqu'ils déclarent de bonne foi leurs soupçons à la CRF,
même s'ils ne savaient pas précisément quelle était
l'activité criminelle sous-jacente ou si l'activité
illégale ayant fait l'objet du soupçon s'est pas effectivement
produite.»196.
S'il existe des cas d'exonération de
responsabilité chez l'agent fautif, les peines sont aussi effectivement
prévues lorsqu'ils ne seront pas conformé aux dispositions
anti-blanchiment. De même, les criminels sont exposés à des
sanctions lorsqu'il est avéré que les transactions faites, l'ont
été dans le but de blanchir des sommes issues des
activités criminelles.
192 Art. 36 de la loi de 2001 organisant la profession au
Cameroun.
193 Art. 28 de la loi de 2017 organisant la profession d'agent
immobilier au Gabon.
194 Il s'agit de l'exemption de la responsabilité du fait
de l'exécution de certaines opérations.
195 Art. L.561-22, IV C.Mon.Fin.
196 Recommandation n° 21 (a) du GAFI.
71
Paragraphe 2 : La consécration opportune des
peines à l'encontre des
blanchisseurs
Afin de rendre le dispositif encore plus efficace, le
législateur communautaire a pensé et prévu des sanctions
contre toute personne qui commettra l'un des faits constitutifs de blanchiment
tels que prévu à l'article 8 du règlement. Ces peines
peuvent être regroupées en peines privative de droit (A) et en
peine patrimoniales (B).
A- L'application des peines restrictives de droit aux
blanchisseurs
Les peines privatives de droits sont des peines
généralement temporaires qui frappent le condamné dans
l'exercice de certains droits ou de certaines activités197 .
Ces peines frappent aussi bien les personnes physiques et que les personnes
morales.
Toutes personnes physiques coupables de blanchiment de
capitaux, sont punies d'une peine d'emprisonnement de cinq (5) à dix
(10) ans et d'une amende allant de cinq à dix fois le montant de la
valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les
opérations de blanchiment, sans toutefois être inférieure
à dix million198. Parce que le blanchiment porte
généralement sur des grosses sommes, le législateur a le
souci de frapper les criminels à la hauteur du crime qu'ils ont commis ;
on comprend pourquoi même la tentative de blanchiment est punie des
mêmes peines199.
En plus de ces peines, il existe des peines
complémentaires prévues à l'article 118 du
règlement de 2016. Ainsi le législateur expose en 7 points les
peines que les personnes coupables peuvent encourir. Il s'agit :
1) l'interdiction définitive ou pour une
durée de 5ans de séjour sur le territoire de l'Etat de la
juridiction ayant prononcé la condamnation, si le blanchisseur est un
étranger , ·
2) l'interdiction de séjour pour une durée
d'un (1) à cinq (5) ans dans une ou des circonscriptions administratives
de l'État dont la juridiction a prononcé la condamnation
, ·
3) l'interdiction de quitter le territoire national et le
retrait de passeport pour une durée de six (6) mois à trois (3)
ans , ·
4) l'interdiction de l'exercice des droits civils et
politiques pour une durée de six (6) mois à trois (3) ans
, ·
197 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri
Capitant, op.cit., p.753.
198 Art. 114 al.1.
199 Al. 2 de l'art. 114 du Règlement de 2016.
5) l'interdiction définitive ou pour une
durée de trois (3) à six (6) ans d'exercer la profession ou
l'activité à l'occasion de laquelle l'infraction a
été commise et l'interdiction d'exercer une fonction publique
;
6) l'interdiction d'émettre des chèques
autres que ceux permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du
tiré ou ceux qui sont certifiés et l'interdiction d'utiliser des
cartes de paient pendant trois (3) à six (6) ans.
7) l'interdiction de détenir ou de porter une arme
soumise à autorisation pendant trois (3) à six (6) ans ;
8) la confiscation de tout ou partie des biens du
condamné.
Le dispositif communautaire a prévu des sanctions pour
les personnes morales qui se livrent aux activités de blanchiment. La
responsabilité pénale des personnes morales peut aussi être
engagée en matière de blanchiment. Ainsi les personnes morales
pour le compte ou au bénéfice desquelles une infraction de
blanchiment de capitaux a été commise par l'un de leurs organes
ou leurs représentants, sont punies d'une amende d'un taux égal
au quintuple de celles encourues par les personnes physiques, sans
préjudice de la condamnation de ces dernières comme auteures ou
complices des mêmes faits200.
Par ailleurs, elles peuvent être se voir infliger
d'autres peines à savoir :
1) L'exclusion des marchés publics à titre
temporaire pour une durée de six (6) mois à cinq (5) ans, ou
à titre définitif ;
2) La confiscation du bien qui a servi ou était
destiné à commettre l'infraction ou du bien qui en est le produit
ou un bien de valeur équivalente ;
3) Le placement sous surveillance judiciaire pour une
durée de cinq (5) ans au plus ;
4) L'interdiction, à titre définitif ou
pour une durée de cinq (5) ans, d'exercer directement ou indirectement
une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales à
l'occasion desquelles l'infraction a été commise ;
5) La fermeture définitive ou pour une
durée de cinq (5) ans, des établissements ou de l'un des
établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits
incriminés ;
6) La dissolution, lorsqu'elles ont été
créées pour commettre les faits incriminés.
Certains faits peuvent aggraver les peines encourues par les
personnes physiques. Ces circonstances aggravant les peines prévues aux
articles 114 du Règlement de 20016, sont contenues dans les dispositions
de l'article 116 du même Règlement. En effet, les peines
72
200 Art. 126 alinéa 1 du Règlement.
73
prévues sont doublées, lorsque le blanchiment
des capitaux est commis de façon habituelle ou en utilisant les
facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle ;
lorsque l'auteur de l'infraction est en état de récidive, on
prend en compte les condamnations prononcées à l'étranger
pour prononcer la récidive ; afin lorsque le blanchiment de capitaux est
commis en bande organisée201.
Toutes ces sanctions visent à infliger des peines
dissuasives, car elles sanctionnent vraiment les personnes ayant commis le
blanchiment à la hauteur du mal qu'ils créent dans le
système économique. C'est en considération de l'atteinte
que porte le blanchiment au marché de l'immobilier et à
l'ensemble de l'économie, que le législateur n'exonère pas
les agents fautifs au nom de leur qualité ou des immunités qu'ils
pourront bénéficier au nom de leur profession ou leurs statuts
social. C'est ainsi qu'il sanctionne le criminel même dans son
patrimoine.
B- L'application des peines patrimoniales
Les peines patrimoniales sont des peines pécuniaires
qui touchent le coupable dans son patrimoine, il peut s'agir de l'amende, de la
confiscation. Le Règlement de 2016 a prévu infliger ces peines
aux blanchisseurs, il s'agit de la confiscation et du gel de fond et autres
ressources financières.
En amont l'autorité judiciaire de chaque État,
peut prendre des mesures conservatoires conformément à la loi
nationale202. Ces mesures conservatoires visent à
préserver la disponibilité des fonds, biens et instruments
susceptibles de faire l'objet d'une confiscation. Ainsi elles ordonnent la
saisie des biens, fonds et instruments objet de l'enquête et de tous les
éléments permettant leur identification. Ces mesures
s'étendent au gel des sommes d'argent et opérations
financières portant sur les biens en relation avec le blanchiment de
capitaux.
Par ailleurs, des mesures de gel de fonds peuvent être
ordonnées par l'autorité judiciaire. Elle le fait par une
décision écrite, qui ordonne le gel de fonds et la saisie aux
fins de confiscation des biens blanchis, des produits du blanchiment des
capitaux203. La décision
201 L'article 116 alinéa 2 prévoit par ailleurs
que, lorsque l'auteur de l'infraction d'origine est également l'auteur
du blanchiment, et que l'infraction d'origine est punissable d'une peine
privative de liberté d'une durée supérieure à celle
encourue par l'article 114, le blanchiment sera punissable des peines
attachées à l'infraction d'origine.
202 Cf. art. 104.
203 Cf. art. 105 al.1.
74
ordonnant le gel doit être fondée sur de
critères de preuves relevant des motifs raisonnables ou d'une base
raisonnable204.
De même, des cas d'atténuations des peines sont
prévus. Il est possible lorsque toute personne ayant participé
à une association ou en entente en vue de blanchir de l'argent, de
révéler l'existence de cette entente, association, aide ou
conseil à l'autorité judicaire, et de faciliter l'identification
des autres personnes en cause, permettant ainsi d'éviter la
réalisation de l'infraction de blanchiment est exempte des peines
frappant les criminels ou alors les sanctions sont atténuées.
204 Alinéa 2 de l'article 105 ; en effet le gel n'est
ordonné que s'il y a eu preuve de blanchiment et preuve que les bien qui
font l'objet du gel sont les produits du blanchiment.
CONCLUSION CHAPITREII
75
Les difficultés de coordination des agences nationales
d'investigation financière et la perpétuation des infractions
sous-jacentes au blanchiment, impose le renforcement des institutions en charge
de la lutte contre le blanchiment des capitaux en Afrique Centrale. À
ces difficultés s'ajoutent les facteurs matériels et humains qui
empêchent les CRF de la sous-région de déployer
efficacement leur mission sur le terrain. C'est la raison pour laquelle il est
important de prendre des mesures afin d'assurer une meilleure coordination
entre ces institutions et maintenir leurs indépendances tant
structurelles que financières.
Les organes sous régionaux institués assurent la
coordination au niveau régional des moyens de lutte contre le
blanchiment des capitaux, c'est pourquoi il est important comme on l'a
montré d'instituer un organe régional de contrôle de
l'activité immobilière au niveau régional en lui octroyant
des pouvoirs en matière et même des pouvoirs de sanction.
Pour assurer une meilleure pénalisation du blanchiment,
le législateur a opté pour les peines privatives de droit, de
liberté et des peines pécuniaires.
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE
76
Le dispositif communautaire assujettissant les agents
immobiliers à lutter contre le blanchiment est lacunaire s'agissant de
certaines obligations, ce qui pourrait empiéter sur l'intervention des
professionnels assujettis.
Ainsi, il importe de corriger les failles empêchant les
CRF d'exercer leurs missions, et de renforcer leurs actions par
l'implémentation des organismes ayant les pouvoirs de prendre des
mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur
immobilier.
Afin de dissuader les agents immobiliers de participer
à ces entreprises criminelles, le législateur a prévu des
sanctions à l'encontre d'un agent qui de son propre chef ou par
complicité enfreindra la loi. Ces sanctions assez sévères
visent à décourager les agents immobiliers dans la commission des
infractions de blanchiment de capitaux.
Il est effet, appréciable que le législateur
tout en sanctionnant le blanchiment, a pensé sanctionner les criminels.
En effet, toute personne physique ou morale qui fait l'acquisition de biens
immobiliers à des fins de blanchiment de capitaux s'expose à des
sanctions diverses et cumulatives. Il s'agit des peines touchant le patrimoine
du criminel et privant sa liberté. À l'analyse de la consistance
des sanctions, le législateur communautaire a prévu des sanctions
à la hauteur du crime de blanchiment.
La dimension répressive du blanchiment telle que
prévue dans le règlement est un gage de son efficacité en
ce sens que le législateur recherche l'application effective du
dispositif communautaire au détriment de laquelle des sanctions seront
prononcées tant à l'égard du criminel que du professionnel
assujetti.
CONCLUSION GÉNÉRALE
77
78
Le blanchiment des capitaux est une épine dans le pied
d'une économie. Il porte atteinte au marché de l'immobilier et
à l'ensemble de l'économie. Dans la perspective d'uniformiser les
moyens de lutte, la CEMAC a adopté des Règlements d'application
directe et obligatoire dans tous ces éléments, permettant aux
États membres de la communauté de disposer d'une
législation anti-blanchiment uniforme.
A la question de savoir, si la législation
anti-blanchiment permet un apport efficace des agents immobiliers dans la lutte
contre le blanchiment des capitaux en Afrique centrale, force est de constater
que la règlementation posant les règles de la contribution de
l'agent immobilier, à son caractère obligatoire s'ajoute sa
recherche d'efficacité. Cette efficacité s'analyse sur deux
points ; d'une part les agents immobiliers sont tenus à une obligation
de vigilance et de diligence avant de nouer toute relation d'affaire. Cette
exigence consiste à avoir des renseignements les plus sûrs
concernant le client et de conserver ces informations pendant une certaine
durée.
D'autre part, l'obligation de surveillance se poursuivant au
cours de la relation d'affaire, l'agent immobilier après
vérification, est tenu de déclarer à l'agence
d'investigation financière (ANIF) toutes opérations qui lui
semble suspectes c'est la consistance de l'obligation de déclaration de
soupçon. Cette suspicion peut découler des critères
d'alerte proposés par le GAFI. Et en cas de soupçon sur les
réelles intentions du client, l'agent peut refuser de nouer la relation,
ou si la relation était en cours d'exécution, il peut suspendre
l'exécution ou y mettre un terme sous autorisation de l'ANIF. Afin
d'inciter les agents à une plus grande dénonciation, la CEMAC
à penser à l'exonération de la responsabilité du
déclarant de bonne foi au profit de la responsabilité de
l'État, lorsque la déclaration s'étant
avérée fausse a causé un préjudice au suspect.
Allant plus loin que les recommandations du GAFI, le
règlement comporte aussi bien les incriminations que les sanctions
diverses (pénales disciplinaires, administrative) contre le blanchiment
et contre toute personne complice ou auteur du blanchiment d'argent. Toutefois,
le régime des peines et sanctions, pour l'heure est louable et
acceptable. Les peines prévues sont à la hauteur du crime. Et,
tout comme le criminel, l'agent immobilier s'expose à des sanctions
lorsqu'il a prêté son concours par quelque moyen que ce soit,
à la faisabilité du blanchiment. Le criminel est
sanctionné sans égard à son statut socio-politique car les
immunités ne sont pas un obstacle à l'application des peines de
blanchiment.
Sur le plan opérationnel, la lutte contre le
blanchiment dans le secteur immobilier est en recherche d'efficacité. Il
est indubitable que le législateur a mis à la charge des
intervenants
79
du secteur immobilier les obligations de vigilance et de
déclaration dont l'inobservation ou la mauvaise exécution peut
engager leurs responsabilités. Toutefois, le cadre institutionnel et
règlementaire reste à repenser, ainsi que les failles du
dispositif en termes d'identification des clients, restreint au secteur
financier sont à corriger. De même, les lois nationales organisant
la profession d'agent immobilier et relatives au foncier et aux transactions
immobilières sont à reformer dans certains États et dans
d'autres à adopter, afin d'arrimer les textes nationaux aux exigences de
lutte anti-blanchiment.
Il est important que le cadre institutionnel soit
renforcé par l'implémentation de nouveaux organes propres au
secteur immobilier, avec pour rôle de relais des actions du GABAC et par
ailleurs de veiller sur la mise en oeuvre des dispositions du règlement
CEMAC ; il est donc impérieux à l'heure actuelle que le secteur
immobilier soit tout aussi contrôlé que le secteur bancaire, c'est
en effet la mise en oeuvre de l'approche par les risques, qui consiste en la
sécurisation des secteurs présentant des risques réels de
blanchiment tel le secteur immobilier.
Par ailleurs, il est important de faire participer clairement
tous les acteurs qui interviennent dans la chaine des transactions
immobilières, tel les quincailliers, les notaires, les courtiers, car
leurs apports ne peuvent être insignifiants dans la recherche
d'efficacité des dispositions légales de lutte contre le
blanchiment.
ANNEXES
80
-Extrait du Règlement CEMAC N°01/CEMEC /UMAC/CM du 11
Avril 2016.
- Loi N°2001-020 du 18 décembre 2001 portant
organisation de la profession d'agent immobilier.
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GABAC.
2. Code pénal camerounais.
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4. Convention de Palerme du 15 Novembre 2000 contre la
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7. Décret n° 101/PR/PM/MFEP/07 du 02
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8. Décret n° 2008-64 du 3 mars 2008 fixant les
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9. Loi n° 2001/020 du 18 Décembre 2001 portant
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13. Traité de Ndjamena du 16 mars 1994 instituant la
CEMAC.
14. Règlement n° 02/10 du 02 octobre 2010 portant
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AVERTISSEMENT A
DÉDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS iv
RÉSUMÉ vi
ABSTRACT vii
SOMMAIRE viii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PARTIE I : L'ASSUJETTISEMENT JUSTIFIÉ DES AGENTS
IMMOBILIERS AUX OBLIGATIONS DE VIGILANCE DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE
CAPITAUX 9 CHAPITRE I : LA NÉCESSITÉ DE LA
VIGILANCE Á L'ÉGARD DE LA CLIENTÈLE 12
SECTION 1 : LE CONTENU DE L'OBLIGATION DE VIGILANCE
GÉNÉRALE 12
Paragraphe1 : La singularisation de la connaissance de
l'identité du client 13
A- L'identification globale de la clientèle 13
B- La connaissance de l'identité de l'ayant droit
économique 14
Paragraphe 2 : La nécessité de
l'appréhension de certaines informations 16
A- L'omission de l'assujettissement des agents immobiliers
à l'obligation de
connaissance de l'objet et la nature de la relation d'affaire
16
B- L'exclusion marquée des agents immobiliers de
l'obligation de conservation des
pièces et documents 17 SECTION 2 : LA CONSISTANCE DE
L'OBLIGATION DE VIGILANCE SPÉCIFIQUE
18
Paragraphe 1 : La nécessité d'une vigilance accrue
pour les opérations à risque 19
A- La notion d'opération à risque 19
B- Les recommandations pour la gestion des opérations
à risque 20
89
Paragraphe 2 : La nécessité d'une vigilance accrue
pour les clients à risque 21
A- Le traitement particulier des Personnes Politiquement
Exposées (PPE) 21
B- L'incitation à une vigilance accrue pour les autres
contractants à risque 22
CONCLUSION CHAPITRE I 25
CHAPITRE II : LA PERFECTIBILITÉ DU CADRE DE LA VIGILANCE
FINANCIÈRE 26
SECTION 1 : LES DIFFICULTÉS DE LA MISE EN OEUVRE DES
OBLIGATIONS DE
VIGILANCE 26
Paragraphe1 : Les obstacles à la mise en oeuvre
effective de la vigilance : une identification
des clients fortement lacunaire 26
A- L'inadaptation des conditions de vérification de
l'identité du client 26
B- Les failles du dispositif anti blanchiment dans l'immobilier
en Afrique centrale 28
Paragraphe 2 : La contribution des agents immobiliers à la
complexification la vigilance 31
A- La complexification de l'identité des
bénéficiaires effectifs de l'opération par
l'utilisation de l'agent immobilier comme prête-nom 31
B- La complicité des agents immobiliers dans les
opérations de blanchiment de
capitaux 32
SECTION 2 : LES PALLIATIFS AUX DIFFICULTÉS DE VIGILANCE
33
Paragraphe 1 : La conformité des textes nationaux aux
exigences de lutte : l'invitation des
législateurs nationaux à participer à la
lutte contre le blanchiment de capitaux 33
A- La nécessaire implication des mesures de vigilance
dans la réglementation de la
profession d'agent immobilier 33
B- La gestion nationale des risques de blanchiment
inhérent au secteur immobilier 35
Paragraphe 2 : Le renforcement du cadre de la vigilance 36
A-La formation, l'information du personnel et la mise en oeuvre
effective des mesures
d'évaluation et de gestion des risques 36
1-La formation et l'information du personnel sur les
risques de blanchiment de
capitaux 36
2-La mise en place effective des mesures d'évaluation et
de gestion des risques 37
B-L 'aménagement du régime répressif pour le
manquement aux obligations de vigilance
38
CONCLUSION CHAPITRE II 40
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 41
90
PARTIE II : L'ASSUJETTISSEMENT OPPORTUN DES AGENTS
IMMOBILIERS À LA
DÉCLARATION DES OPÉRATIONS SUSPECTES 42 CHAPITRE
I : L'IMPORTANCE DE LA DÉCLARATION DES OPÉRATIONS
SUSPECTES 45
SECTION 1 : LE RÉGIME DE L'OBLIGATION DE
DÉCLARATION DE SOUPÇON 45
Paragraphe 1 : L'encadrement de la déclaration des
opérations suspectes 46
A- L'étendue de la déclaration de soupçon
46
B- Les indicateurs d'alerte 48
Paragraphe 2 : L'indispensable dilution du secret professionnel
49
A- La primauté de l'obligation de déclaration sur
le devoir de discrétion de l'agent
immobilier 50
B- Pour l'incitation des agents immobiliers à la
déclaration de soupçon 51 SECTION 2 : LES MODALITÉS
D'EXÉCUTION DE L'OBLIGATION DE
DÉCLARATION DE SOUPÇON 53
Paragraphe 1 : Les destinataires de la déclaration de
soupçon 53
A- La plénitude de compétence de l'ANIF dans la
réception des déclarations 54
B- La saisine du PR : compétence partagée avec
l'ANIF 55
Paragraphe 2 : La réception de la déclaration de
soupçon 56
A- Les formalités de recevabilité de la
déclaration 56
B- Le traitement particulier réservé à la
déclaration de soupçon 56
CONCLUSION CHAPITRE I 58
CHAPITRE II : L'AMÉLIORATION URGENTE DE LA MISE EN OEUVRE
DE
L'OBLIGATION DE DÉCLARATION DE SOUPÇON DES AGENTS
IMMOBILIERS 59 SECTION 1 : LE RENFORCEMENT DES INSTITUTIONS EN CHARGE DE LA
RÉCEPTION DES DÉCLARATIONS DE SOUPÇON DE BLANCHIMENT DANS
LE
SECTEUR IMMOBILIER 60
Paragraphe 1 : la consolidation des organismes en charge de la
lutte contre le blanchiment de
capitaux 60
A- La coordination améliorable du GABAC dans la lutte
contre le blanchiment de
capitaux dans l'immobilier en Afrique Centrale. 60
B- La nécessaire implémentation d'un organisme
régional de type COBAC dans le
secteur immobilier 62
Paragraphe2 : L'affermissement du soutien
matériel aux cellules de renseignements financiers
nationales 64
A- L'octroi des moyens à l'ANIF pour le traitement des
déclarations de soupçon 64
B- Le nécessaire octroi des pouvoirs absolus à
l'ANIF pour le traitement des déclarations
de soupçon 65 SECTION2 : L'IMPLÉMENTATION DES
SANCTIONS PAR LES ORGANES DE LUTTE
CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX DANS LE SECTEUR IMMOBILIER
67
Paragraphe1 : La mise en oeuvre des sanctions contre l'agent
fautif 68
A- Le régime de la responsabilité pénale
des agents immobiliers 68
B- La consécration des sanctions disciplinaires et
administratives par le dispositif anti-
blanchiment 69
Paragraphe 2 : La consécration opportune des peines
à l'encontre des blanchisseurs 71
A- L'application des peines restrictives de droit aux
blanchisseurs 71
B- L'application des peines patrimoniales 73
CONCLUSION CHAPITREII 75
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE 76
CONCLUSION GÉNÉRALE 77
ANNEXES 80
91
TABLE DES MATIÈRES 88
92
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