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Les agents immobiliers et le blanchiment des capitaux en afrique centrale


par Mariette POKAM MAKOUPPO TAJOUO
Université de Dschang - Master 2020
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ DE DSCHANG

UNIVERSITY OF DSCHANG

ÉCOLE DOCTORALE

POST CRADUATE SCHOOL

UNITÉ DE FORMATION ET DE RECHERCHE
TRAINING AND RESEARCH UNIT

DSCHANG SCHOOL OF LAW AND POLITICAL SCIENCES

LES AGENTS IMMOBILIERS ET LE BLANCHIMENT DE

CAPITAUX EN AFRIQUE CENTRALE

Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention du diplôme de Master en Droit

Privé

Filière : Recherche

Option : Droit des Affaires et de l'Entreprise

Par :

POKAM MAKOUPPO TAJOUO MARIETTE

Maîtrise en Droit des Affaires et de l'Entreprise

Matricule : CM-UDS-15SJP0667

Sous la Direction de :

Pr. LOWÉ GNINTEDEM Patrick Juvet

Agrégé des facultés de Droit

Maître de conférences à l'Université de Dschang

ANNÉE : 2019-2020

AVERTISSEMENT

i

L'Université de Dschang n'entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions emises dans ce memoire. celles-ci devraient être considerées comme propres à l'auteur.

DÉDICACE

ii

À

Ma famille

REMERCIEMENTS

iii

Qu'il nous soit permis au moment où s'achève ce travail de remercier tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à son élaboration. Nous pensons tout particulièrement :

À notre directeur, M. le Pr LOWÉ GNINTEDEM Patrick Juvet, à qui nous exprimons notre profonde gratitude et nos sincères remerciements pour avoir accepté de conduire avec bienveillance et générosité nos premiers pas dans le champ subtil de la recherche, pour la documentation, la patience et les multiples conseils ;

Au corps enseignant de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang pour leur dévouement dans notre formation ;

Au Centre International d'Étude et d'Échange de l'information Juridique (CIEIJ), pour la documentation ;

Au Dr NGUIFFEU Eddy, pour la documentation, ses observations et les multiples conseils ;

À Mr ASSONNA Ulrich Lenz qui a accepté m'accompagner et a su mettre à ma disponibilité la documentation, sa patience et ses conseils tout au long de mon travail ;

Au Dr NGAPA Théophile, pour son aide en documentation, et sa disponibilité à nous aider ;

À mes parents, pour leur amour, encouragements au quotidien et leur soutien indéfectible et aux qui je dois ma réussite ;

À mes frères et soeurs pour leur amour, leurs encouragements, leur soutien matériel et financier ;

Á la famille MOMO, pour leur soutien multiforme ;

À Me NGATCHUESSI KAMDEM, pour sa participation à ma formation académique et ses multiples conseils de vie ;

À tous mes amis de promotion, principalement à LANDO MELI Stéphane, NGUIMNANG CALREL Junior, NYAMSI Mbakop Rollin, TADONLEKEU-ABAO Beaudrigue, pour leurs soutiens et nos multiples échanges.

PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

iv

Aff. Affaire

Al. Alinéa

ANIF Agence Nationale d'Investigation Financière

Art. Article

BEAC BC

Banque des États de l'Afrique Centrale Blanchiment de capitaux

C. / Contre

C.mon.f. Code Monétaire et Financier

CEMAC Communauté Économique et Monétaire des États de l'Afrique Centrale

Cf. Confère

Ch.Instr. Chambre de l'instruction

COBAC Commission Bancaire d'Afrique Centrale

Coll. Collection

CRF Cellule de Renseignement Financier

DGCCRF Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la

Répression des Fraudes

Dir. Sous la direction de

Éd. Édition

FMI Fond Monétaire International

GABAC LBC/FT

Groupe d'Action contre le Blanchiment d'Argent en Afrique Centrale Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et Financement du Terrorisme

LGDJ Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

Obs. Observations

OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économique

Op. cit. Opéré citatum (cité plus haut)

ORTG Organe Régional de type GAFI

P./pp. Page/ pages

PPE Personnes Politiquement exposées

PR Procureur de la République

PUA Presses Universitaires d'Afrique

v

PUF Presses Universitaires Française

RDB Revue de Droit Bancaire

TRACFIN Traitement du Renseignement et Actions contre les Circuits Financiers

Clandestins

UE Union Européenne

UEMOA Union Économique et Monétaire Ouest Afrique

UMAC V.

Union Monétaire d'Afrique Centrale Voir

Vol. Volume

RÉSUMÉ

vi

Le développement du secteur immobilier dans les grands centres urbains de la sous-région d'Afrique centrale et l'arrivée massive d'investisseurs étrangers et nationaux dont l'identité, l'origine, la licéité et la traçabilité des capitaux sont parfois difficile à établir, sont des situations qui interpellent de plus en plus les États de la sous-région d'Afrique Centrale. En effet, le secteur de l'immobilier est devenu au fil des temps, la destination privilégiée des criminels pour dissimuler des capitaux provenant d'activités illicites. C'est l'ensemble du marché économique qui prend un sérieux coup avec l'investissement dans l'immobilier de ces fonds d'origine illicite. En effet, l'intervention des agents immobiliers dans ce secteur est devenue presque incontournable au regard de la croissance exponentielle des transactions immobilières ; c'est pourquoi depuis le Règlement CEMAC de 2003, le législateur les soumet aux obligations préventives LBC/FT.

Leur intervention et leur activité pouvant procurer des moyens d'opacité recherchés par les délinquants pour les opérations de BC/FT, leur assujettissement à la prévention et la répression se justifie aisément. Mais cet assujettissement aux obligations préventives, au regard de notre contexte socio-économique nous semble insuffisante d'où nait la question de l'efficacité du dispositif communautaire à pouvoir garantir aux agents immobiliers une lutte efficiente

Ainsi, pour une lutte concertée de ce phénomène qui prend des proportions inquiétantes dans notre sous-région, et pour s'assurer de la bonne santé du secteur de l'immobilier, les agents immobiliers devraient s'impliquer véritablement dans la lutte contre le blanchiment. Pour y parvenir efficacement, il importe de renforcer les obligations de ces acteurs dans le dispositif communautaire et inviter les États membres à une réforme globale du cadre juridique relatif aux transactions immobilières et à la profession d'agent immobilier.

ABSTRACT

vii

The development of the real estate sector in the large urban centers of the Central African sub-region and the massive arrival of foreign and national investors whose identity, origin, legality and traceability of capital are difficult to establish, are situations that challenge more and more States in the Central African sub-region. Indeed, the real estate sector has over time become the favored destination for criminals to conceal funds derived from illicit activities. It is the entire economic market that takes a serious hit with the investment in real estate of these illicit funds. Indeed, the intervention of real estate agents in this sector has become almost essential in view of the exponential growth of real estate transactions; this is why since the CEMAC Regulation of 2003, the legislator subjects them to preventive AML / CFT obligations.

Their intervention and their activity can provide opacity means sought by delinquents for ML / TF operations, their subjection to prevention and repression is easily justified. But this subjugation to preventive obligations with regard to our socio-economic context seems insufficient to us, hence the question of the effectiveness of the community mechanism in being able to guarantee real estate agent an efficient fight.

Therefore, for a concerted fight against this phenomenon, which is taking on worrying proportions in our sub-region, and to ensure the good health of the real estate sector, real estate agents should really get involved in the fight against money laundering. To achieve this effectively, it is important to strengthen the obligations of these actors in the community system and to invite the member States to a comprehensive reform of the legal framework relating to real estate transactions and the profession of real estate agent.

SOMMAIRE

viii

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PARTIE I : L'ASSUJETTISEMENT JUSTIFIÉ DES AGENTS IMMOBILIERS AUX OBLIGATIONS DE VIGILANCE DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE

CAPITAUX 9
CHAPITRE I : LA NÉCESSITÉ DE LA VIGILANCE Á L'ÉGARD DE LA CLIENTÈLE 12

SECTION 1 : LE CONTENU DE L'OBLIGATION DE VIGILANCE GENERALE 12
SECTION 2 : LA CONSISTANCE DE L'OBLIGATION DE VIGILANCE SPECIFIQUE 18

CHAPITRE II : LA PERFECTIBILITÉ DU CADRE DE LA VIGILANCE FINANCIÈRE 26
SECTION 1 : LES DIFFICULTES DE LA MISE EN OEUVRE DES OBLIGATIONS DE

VIGILANCE 26

SECTION 2 : LES PALLIATIFS AUX DIFFICULTES DE VIGILANCE 33

PARTIE II : L'ASSUJETTISSEMENT OPPORTUN DES AGENTS IMMOBILIERS À LA

DÉCLARATION DES OPÉRATIONS SUSPECTES 42
CHAPITRE I : L'IMPORTANCE DE LA DÉCLARATION DES OPÉRATIONS

SUSPECTES 45

SECTION 1 : LE REGIME DE L'OBLIGATION DE DECLARATION DE SOUPÇON 45

SECTION 2 : LES MODALITES D'EXECUTION DE L'OBLIGATION DE

DECLARATION DE SOUPÇON 53
CHAPITRE II : L'AMÉLIORATION URGENTE DE LA MISE EN OEUVRE DE

L'OBLIGATION DE DÉCLARATION DE SOUPÇON DES AGENTS IMMOBILIERS 59
SECTION 1 : LE RENFORCEMENT DES INSTITUTIONS EN CHARGE DE LA RECEPTION DES DECLARATIONS DE SOUPÇON DE BLANCHIMENT DANS LE

SECTEUR IMMOBILIER 60
SECTION2 : L'IMPLEMENTATION DES SANCTIONS PAR LES ORGANES DE LUTTE

CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX DANS LE SECTEUR IMMOBILIER 67

CONCLUSION GÉNÉRALE 77

ANNEXES 80

1

INTRODUCTION GÉNÉRALE

2

L'un des effets pervers de la mondialisation aujourd'hui est l'ouverture des frontières1, qui permet la circulation facile du capital2 issu de diverses activités même celles menées dans l'illégalité. En effet, les différentes activités criminelles telles la prostitution, la contrebande, le trafic de drogues génèrent d'énormes profits. Ces sommes acquises illégalement sont légitimées par les délinquants grâce au blanchiment des capitaux. L'individu ou le groupe impliqué doit trouver un moyen pour justifier l'origine de ces fonds sans éveiller des soupçons sur l'activité criminelle qui en est l'origine. C'est la raison pour laquelle, les criminels s'emploient à masquer la provenance frauduleuse de ces fonds en recourant à des investissements nationaux et internationaux pour restituer aux instruments financiers illégalement acquis une respectabilité, leur donnant ainsi l'accès à des activités de tous ordres3.

Par essence, les faits de blanchiment se situent dans le sillage de la commission d'une infraction en amont. Ils consistent cumulativement en la justification mensongère de l'origine des biens, des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit profitable, mais aussi au placement, en la conversion et à la dissimulation des produits d'un crime ou d'un délit.

Selon les théoriciens, les opérations de blanchiment se font généralement en trois phases à savoir : le prélavage encore appelé placement4 qui consiste pour les criminels à fractionner l'argent illicite de façon à l'intégrer facilement dans le circuit financier normal ; le brassage ou dispersion5consistant pour le criminel à brouiller les pistes par les transactions financières complexes afin de légitimer la possession ; l'essorage encore appelé recyclage ou intégration c'est la phase où l'argent a déjà acquis l'honorabilité recherchée par le criminel, ainsi les investissements peuvent commencer. C'est généralement dans cette dernière phase qu'intervient l'acquisition des biens immobiliers. En fait, depuis belle lurette l'immobilier est considéré comme un secteur de prédilection des délinquants pour dissimuler ou transférer les revenus licites6. Ils préfèrent effectuer des placements dans des valeurs non ou peu soumises

1 Libre circulation de biens, des personnes et des services.

2 Capital : Fonds, somme d'argent destinés aux placements et investissements ; quantité considérable d'argent.

3 BERR (C. J.), « Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme », Répertoire de droit commercial, 2010, p. 4.

4 Le placement consiste par ailleurs à placer l'argent liquide sous un compte bancaire, en masquant son origine frauduleuse, c'est une phase vulnérable pour le criminel.

5 A été qualifié de dissimulation le fait de contracter un faux contrat pour l'achat d'un bien immobilier, les échéances du contrat de prêt étant prises en compte par l'argent blanchi V. Crim.10oct. 2007 n° 06-84.632, inédit.

6 Rapport de l'OCDE, du 20 février 2009, sur les risques de fraude fiscale et de blanchiment de capitaux dans le secteur immobilier cité par GROSS (S.), Les intermédiaires de l'immobilier face au blanchiment et à la fraude

3

aux aléas du marché. L'immobilier permet de blanchir de grosses sommes d'argent, car s'agissant d'investissement à forte rentabilité7. Le secteur immobilier sert ainsi de cadre à de nombreuses pratiques frauduleuses ou opérations financières illicites ; il reste un investissement de choix des fraudeurs.

Depuis plus d'une décennie, le phénomène du blanchiment des capitaux fait l'objet d'une mobilisation de la communauté internationale. Face aux conséquences désastreuses qu'entrainent les activités des organisations criminelles sur les économies nationales8 et transnationales9, la lutte contre le blanchiment de capitaux est apparue comme une nécessité pressante. La stratégie adoptée à cet égard a été globale en raison du caractère transnational de ces activités illicites, car toute stratégie qui se limiterait à la sphère nationale serait inéluctablement vouée à l'échec10. C'est ainsi que les États de la sous-région d'Afrique Centrale11 se sont engagés depuis le début des années 2000, en adoptant un cadre institutionnel et normatif anti-blanchiment à vocation à se hisser au niveau des standards européens et internationaux.

Ces États ont procédé12 à la création d'un Groupe d'Action contre le Blanchiment d'Argent en Afrique Centrale (GABAC) et par la suite ont adopté plusieurs Règlements13. Le plus récent est le Règlement N° 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 Avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment de capitaux et financement du terrorisme et la Prolifération en Afrique Centrale. Ces Règlements adoptés dans le cadre de l'harmonisation des moyens de lutte contre la criminalité organisée s'imposent à une certaine catégorie d'acteurs

fiscale, mémoire de licence professionnel « Investigations judiciaires en matière de délinquance économique et financière », Université de Strasbourg, Ecole de Management Robert Schuman, Juin 2010.

7 GROSS (S.), Les intermédiaires de l'immobilier face au blanchiment et à la fraude fiscale, op. cit., p.12.

8 Le blanchiment est un choc pour l'économie d'un pays. Les effets sont particulièrement sensibles quand le secteur financier du pays concerné est assez modeste, comme en témoigne l'affaire Stanford dans laquelle une fraude organisée depuis les Etats-Unis a bouleversé une petite économie insulaire.

9 Il est indéniable que les activités criminelles, difficiles à mesurer, faussent les statistiques économiques disponibles et empêchent tout diagnostic précoce d'une crise en germe. L'argent sale présente un risque pour le fonctionnement efficient des marchés, car sa circulation se fait en dehors de toute logique économique.

10 NGUIFFEU TAJOUO (E. L), La lutte contre la criminalité financière en zone CEMAC, Etudes à la lumière du modèle européen, EUE 2011, p. 8.

11 La CEMAC est constituée de six Etats : le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République Centrafricaine et le Tchad.

12À travers l'Acte Additionnel n° 09/00/CEMAC-06/CCE du 14 décembre 2000.

13Le Règlement du 02 Octobre 2010 portant révision du Règlement n°01/CEMAC/UMAC/CM du 04 Avril 2003 portant prévention et répression du blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en Afrique centrale.

4

économiques tels les Entreprises et Professions Non Financières Désignées dont les agents immobiliers et les agents de location14 sont des espèces.

L'article 6 du Règlement de 2016 au titre des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, prescrit que les dispositions du Règlement, sont applicables à toute personne physique ou morale qui, dans le cadre de sa profession, réalise, contrôle ou conseille des opérations entrainant des dépôts, des échanges, des placements, des conversions ou tous autres mouvements de capitaux. Ces personnes assujetties sont la BEAC, les institutions financières, les changeurs manuels, les agents immobiliers, y compris les agents de location15, les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, les agents sportifs (...). Des dispositions de l'article 8 du Règlement N°01/CEMAC/UMAC/CM du 11 Avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment et la prolifération en Afrique, le blanchiment des capitaux désigne la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l'origine, de l'emplacement, la disposition du mouvement ou la portée des biens provenant d'un crime. La dissimulation de la nature des capitaux peut se faire via les investissements immobiliers, secteur dans lequel interviennent des agents facilitant les transactions.

Selon le Vocabulaire juridique publié sous la direction de GERARD CORNU16, l'agent immobilier, est un agent d'affaire qui intervient habituellement comme intermédiaire dans les opérations portant sur les biens immobiliers. Une autre définition est donnée par la loi camerounaise N°2001/020 du 18 Décembre 2001 portant organisation de la profession d'agent immobilier qui définit l'agent immobilier comme toute « personne physique ou morale qui accomplit des opérations immobilières17 et en fait sa profession habituelle ».

La définition prévue par la loi N° 006/2017 portant règlementation de la profession d'agent immobilier en République Gabonaise nous parait plus claire et contient toutes les attributions de l'agent. L'agent immobilier y est définit comme « toute personne physique ou morale qui accomplit, en vertu d'un mandat et moyennant une rémunération, des prestations

14 Assujettis prévus aux articles 6 et 7 du Règlement CEMAC de 2016.

15 Alinéa 7 de l'article 6 du Règlement CEMAC de 2016.

16 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 11e édition mise à jour, PUF, p.46.

17 Selon la loi camerounaise organisant la profession d'agent immobilier, les opérations immobilières prévu en son article 3 consistent en -l'achat, la vente, la location ou la sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ; - l'achat, la vente, la location ou la sous-location de fonds de commerce ; - la souscription, l'achat, la vente d'actions ou de part de sociétés immobilières donnant vocation à l'attribution des locaux en jouissance ou en propriété, - la vente ou l'achat de parts sociales non négociables, lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ; - la gestion immobilière.

5

de service à caractère commercial en matière d'intermédiation dans le domaine des transactions et de la gestion immobilières pour le compte ou au profit des tiers propriétaires »18. L'agent immobilier peut être un agent commercial, un mandataire, un travailleur en agence ou exerçant individuellement mais il agit pour le compte d'un tiers.

En ce qui concerne l'aptitude professionnelle, l'article 5 du décret camerounais de 2007 fait état du diplôme requis pour les agents immobiliers. Ainsi pour ce qui est de l'aptitude professionnelle des personnes morales, les lois des États de la CEMAC prévoient que, toutes celles qui remplissent des conditions d'exercice de la profession de commerçant doivent en outre employer des personnes physiques ayant l'aptitude professionnelle requise et remplissant les conditions d'exercice de la profession19. Ce qui revient à dire que les personnes qu'emploient les agences immobilières doivent avoir la même aptitude professionnelle que les agents immobiliers. Il serait même judicieux qu'elles soient des agents immobiliers.

L'agent immobilier est un agent d'affaire (agissant le plus souvent en qualité de courtier) dont l'activité habituelle et rémunérée est de gérer les affaires d'autrui et s'entremettre dans les transactions commerciales ou foncières qu'il s'agisse d'une location, vente ou échange d'habitation ou de locaux de tous genres. Aux yeux de la loi, il s'agit des professionnels représentant soit le propriétaire, soit le locataire ou l'acheteur lors de la négociation d'un acte portant sur un bien immobilier.

Il faut souligner avec les lois QUILLOT de 1970 et MERMAZ du 6 juillet 1989 en France que le marché de l'immobilier couvre en réalité non seulement le secteur locatif, mais aussi le secteur d'accession à la propriété20. Dit autrement, il existe une branche Transaction consistant en la vente et la location des biens immobiliers, et la branche de Gestion locative consistant en la gestion des biens ayant fait l'objet de location. Nous nous intéresserons à ces deux branches, car elles sont ouvertes aux opérations de blanchiment des capitaux.

L'activité d'agent immobilier qui se résume pour l'essentiel à la négociation pour le compte de ses clients des contrats de location ou de vente d'immeuble (faisant l'objet d'une juste rémunération) donne lieu à la conclusion d'une convention d'entremisse encore appelé

18 Cf. art 6 de la loi Gabonaise de 2017.

19 L'exercice de la profession d'agent au Cameroun est subordonné aux termes de l'article 6 de la loi de 2001 et son décret d'application de 2007, à l'inscription au Registre des agents immobiliers et la délivrance d'une carte professionnelle par le ministre en charge de l'habitat. Ces mêmes conditions et plus sont posées à l'article 9 de la loi Gabonaise n° 006/20167 du 09 août 2017.

20 BOMBA (D. T.) « Le statut juridique de l'agent immobilier au Cameroun » in « Droit et politique de l'immobilier en Afrique : exemple du Cameroun », Mélange en l'honneur du Pr André TIENTCHOU NJIAKO, PUA, p. 76.

6

mandat par la loi21; ces agents immobiliers pouvant déléguer tout ou partie de leur mandat à des négociateurs en immobilier22, mandataires immobiliers23, ou à l'agent commercial en immobilier24 salariés ou juridiquement indépendants. Ces derniers sont tenus de faire remonter toutes les informations utiles à l'agent immobilier, ce dernier étant seul tenu des obligations en matière de lutte contre le blanchiment.

La législation communautaire anti-blanchiment inspirée des normes internationales, elles-mêmes inspirées des recommandations du GAFI25, part de l'idée que le blanchiment de capitaux est souvent favorisé par la coopération de certains professionnels, lesquels, sans pouvoir être accusés ouvertement de complicité, sont en revanche coupables de négligence, de laxisme caractérisé. Il convient donc de les associer à la détection, à la prévention, et le cas échéant, à la répression des agissements frauduleux auxquels ils ont été mêlés. C'est ainsi que le Règlement CEMAC a prévu des obligations anti-blanchiment à l'égard des agents immobiliers, sauf que ces obligations pour certaines s'opposent aux obligations prévues par les textes nationaux organisant la profession d'agent immobilier qui ignorent la réalité du blanchiment de capitaux car obsolètes et par conséquent n'astreignent pas les agents immobiliers à lutte contre ce phénomène. En effet, le Règlement pose le principe de l'intervention des agents immobiliers dans la lutte contre le blanchiment, pourtant l'organisation de la profession qui relève des États membres est subordonnée aux textes nationaux qui ne prennent pas en compte la lutte contre le blanchiment dans leurs dispositions. Se soulève ainsi la question de la cohérence et l'harmonie des textes. Les textes nationaux ignorent le phénomène de blanchiment qui a une assise dans le secteur immobilier, cette assise qui passe inéluctablement par les agents immobiliers. Par ailleurs, ces textes nationaux n'ayant pas pris en compte la réalité du blanchiment sont en déphasage avec le Règlement de 2016.

Face à ces difficultés et ces contradictions dans les règlementations, la solution la plus plausible pour une harmonisation des textes communautaires et nationaux est la solution

21 CALAIS-AULOY (J.), et STEINMETZ (F.), Droit de la consommation, 6ème éd., Dalloz,2003, n° 387, p. 421.

22 C'est un intermédiaire entre les acheteurs et les vendeurs des biens immobiliers, il met en rapport vendeurs et acheteurs des biens immobiliers. Le négociateur n'est pas un agent immobilier il est le mandataire de celui-ci.

23 Le mandataire immobilier est un professionnel qui agit sous le contrôle et l'appui d'un agent immobilier.

24 C'est toute personne physique qui s'enregistre au RCCM en tant qu'entrepreneur individuel ou autoentrepreneur et qui est lié à un agent immobilier ou une agence immobilière par un contrat d'intermédiation. Son rôle se résulte à la partie commerciale de l'opération c'est à dire prospecter et rentrer les biens en portefeuille. Son mandat se limite à l'offre d'achat.

25 GAFI : Groupe d'Action Financière International, il émet des recommandations, comme leurs noms l'indique n'ayant pas force obligatoire, mais obligatoire pour les États dans la politique de lutte de les appliquer.

7

juridique qui consacre la primauté du droit communautaire sur les textes nationaux, et donc l'application immédiate du texte communautaire, ce qui revient à dire que les agents immobiliers dans l'exercice normale de leurs activités doivent lutter contre le blanchiment en dénonçant tout agissement de ses clients tombant sous le coup du Règlement de 2016.

Dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, l'agent immobilier n'est pas un organe de poursuite, son intervention se limite principalement dans la phase de la prévention, puisque dans la phase de la répression il sera poursuivi soit en complicité soit même comme auteur principal du blanchiment. Il n'est non plus un acteur dans la répression car elle relève des autorités d'enquête et de poursuite. Les agents immobiliers n'intervenant que dans la phase de la prévention, on peut utilement s'interroger sur l'efficacité de leur intervention. Le problème que soulève le sujet soumis pour analyse est celui de l'efficacité du dispositif assujettissant les agents immobiliers à lutter contre le blanchiment de capitaux en Afrique Centrale.

En effet, tel que le Règlement est structuré et ses règles posées, lorsque ces règles sont mises en ensemble avec l'organisation juridique de la profession d'agent immobilier, peut-on espérer une contribution efficace des agents immobiliers dans la lutte contre le blanchiment des capitaux ? Autrement dit, les dispositions du Règlement CEMAC permettent-elles une lutte efficace contre le blanchiment des capitaux dans le secteur immobilier ?

Pour conjuguer les contradictions textuelles afin de permettre une lutte efficace, le législateur communautaire peut aborder la lutte dans le secteur immobilier de manière particulière c'est-à-dire en tenant compte des réalités du secteur d'activité. Ainsi notre étude nous permettra de relever les difficultés observables dans les textes règlementant l'activité de l'agent immobilier qui ne permettent pas sur le pan de la lutte contre le blanchiment de se concilier ou d'être d'une utilité pour les dispositions de lutte contre le blanchiment. Aussi, elle se basera sur les standards européens en faisant recours aux recommandations du GAFI.

Pour apporter des solutions à la participation efficace des agents immobiliers à la lutte contre le blanchiment de capitaux, trois méthodes seront utilisées : D'abord la méthode juridique dans ses composantes qui sont l'exégèse, puisqu'il est de tradition, lorsqu'on s'intéresse à un phénomène juridique codifié, de dépouiller les textes s'y référant. On fera ainsi appel aux règlements, lois nationales et textes communautaires ; et la casuistique qui consiste en une analyse sur les cas de blanchiment dans le secteur immobilier. Ensuite, la méthode de droit comparé qui consistera à comprendre et mieux traiter le sujet par le recours aux autres systèmes normatifs en la matière. Enfin, la méthode de l'analyse économique qui fera relever

8

la participation ou non des agences immobilières dans la lutte contre la criminalité organisée. Outre ces méthodes, la technique documentaire sera utilisée.

La lutte contre le blanchiment de capitaux par le truchement des agents immobiliers sera efficiente si par exemple un véritable cadre normatif est mis en place, en tenant compte de tous les facteurs sociaux, économiques, juridiques, et politiques d'exercice de la profession ; aussi le législateur communautaire doit prendre des mesures permettant aux États membres d'inclure dans leurs systèmes normatifs nationaux, des dispositions, allant dans ce sens surtout concernant le secteur d'activité visé. Aussi il peut assujettir les notaires, les courtiers à lutter contre le blanchiment, car leur rôle n'est pas de moindre dans les transactions portant sur les immeubles.

En outre, opacité, vétusté et inadaptabilité du cadre juridique de lutte contre le blanchiment qui caractérisent les textes nationaux organisant la profession et les dispositions communautaires en la matière, permettent dans l'étude de ce sujet à emprunter la méthode du GAFI. Les États de la CEMAC ont pensé à l'adoption des dispositions basées sur les risques26 sauf que cette approche que préconise les recommandations du GAFI27 n'est pas effectivement considérée.

Le Règlement CEMAC impose aux agents immobiliers d'alerter spontanément les autorités responsables de poursuite lorsqu'ils ont découvert des agissements susceptibles de tomber sous le coup de loi anti-blanchiment. Ainsi l'efficacité du Règlement peut s'apprécier par l'assujettissement des agents immobiliers à la prévention du blanchiment à travers les obligations de vigilance (PREMIÈRE PARTIE) et l'obligation de déclaration de soupçon (SECONDE PARTIE).

26 L'approche par les risques recommande de renforcer les obligations dans les situations de risques plus élevés, d'adopter une approche plus ciblée dans les domaines présentant des risques élevés et dans les domaines où la mise en oeuvre pourrait être renforcée ; et les dispositions communautaire anti-blanchiment à l'heure actuelle en plus d'être général prennent plus en compte les réalités du secteur bancaire.

27 GAFI groupe d'action financière internationale, Recommandations GAFI, février 2012, p. 8.

9

PARTIE I : L'ASSUJETTISEMENT JUSTIFIÉ DES AGENTS
IMMOBILIERS AUX OBLIGATIONS DE VIGILANCE DE LUTTE
CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX

10

L'assujettissement peut être entendu comme la contrainte, l'obligation de faire quelque chose. Ainsi les agents immobiliers sont contraints à travers les obligations mises à leurs charges à lutter contre le blanchiment d'argent. La lutte peut se définir comme le fait d'agir pour vaincre, pour éradiquer un phénomène considéré comme nuisance. Les agents immobiliers sont obligés de participer à lutter contre le blanchiment de capitaux qui est devenu une menace réelle pour l'économie mondiale28. Le blanchiment de capitaux constitue une atteinte à la sécurité des transactions dont les agissements visent la justification de l'origine mensongère des biens ou revenus de l'auteur d'un crime.

Si le recours aux experts d'un domaine permet une sécurité transactionnelle, il est ainsi conseillé avant de faire toute transaction immobilière de passer par les experts de l'immobilier ; c'est un moyen pratique mais surtout sécurisé pouvant aboutir à des prestations à la hauteur des attentes des demandeurs, et surtout une prise en charge professionnelle du bien immobilier. Ceci rejoint l'idée du Doyen CARBONNIER lorsqu'il affirmait : « La terre n'est pas un bien comme les autres (...) Son aliénation est moins libre, sa vente ne peut être affaire courante entre deux individus »29. Donc la présence d'un professionnel est importante pour juguler certaines difficultés. C'est ainsi que le législateur a estimé que le professionnel de l'immobilier pouvait lui aussi être associé à l'éradication du phénomène de blanchiment qui depuis peu converge vers son domaine d'activité et interpelle les autorités en charge de la lutte.

Ces professionnels, en plus des obligations qui sont les leurs dans l'exercice de leurs activités, ont aussi l'obligation de participer à faire face au blanchiment tel que prévu par le législateur communautaire. De ce fait, ils sont tenus des obligations préventives par la détection du blanchiment à travers la vigilance et la déclaration des opérations à laquelle la législation communautaire leurs a assujettis.

Le législateur communautaire a, depuis 200330 à travers le Règlement adopté, estimé que les agents immobiliers doivent contribuer à vaincre le phénomène de blanchiment qui est

28 D'après de récentes estimations de l'ONU, les produits d'activités criminelles blanchis chaque année représente entre 2 et 5% du PIB mondial.

29 CARBONNIER, Flexible droit, pour une sociologie du droit sans risque (le droit de propriété depuis 1914), LGDJ., 9e éd. 1998.

30 Il s'agit du Règlement n° 01/03/CEMAC/UMAC/CM/ portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en Afrique Centrale.

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comme un cancer pour l'économie et pour emboiter le pas à KONAN BANNY, « le blanchiment est pour le système financier ce que le SIDA est pour la société »31.

Les agents immobiliers acteurs de la prévention, leur rôle dans la lutte se concentre à prévenir la réalisation des opérations de blanchiment, ils doivent alors faire preuve de promptitude à déceler et éradiquer ce phénomène et ceci devra se faire à travers la vigilance qu'ils feront montre dans l'exercice de leurs métiers. En amont des mesures d'éradication du blanchiment, il existe des mesures pour le prévenir, c'est dès lors en cas d'échec de ces mesures préventives que seront mise en oeuvre les mesures curatives.

Afin de rendre la lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur immobilier efficace le législateur CEMAC a astreint les agents immobiliers aux obligations préventives à savoir l'obligation de vigilance qui consiste en la recherche des informations sur l'identité des clients avec qui la relation d'affaire sera établie (chapitre1). Néanmoins la mise en oeuvre de cette obligation contient des imperfections qui appellent à des corrections (chapitre2).

31 KONAN BANNY (Ch.), Gouverneur de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), propos tenu lors du sommet des gouverneurs des Banques Africaines tenu à Yaoundé les 29 et 30 Juillet 2004, in TCHUENKAM (B.), « Contre le blanchiment et pour l'intégration monétaire », paru dans le financier d'Afrique, n° 08, août/ sept 2004.

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CHAPITRE I : LA NÉCESSITÉ DE LA VIGILANCE Á L'ÉGARD DE
LA CLIENTÈLE

En matière de détection du blanchiment, les agents immobiliers sont astreints à la vigilance dans les opérations. La vigilance consiste à exécuter une tâche avec diligence, avec attention. Ainsi, les agents immobiliers sont tenus à l'obligation de diligence afin de détecter si dans une relation d'affaire il existe des indices pouvant laisser croire que l'opération consiste au blanchiment de capitaux.

La vigilance en matière de lutte contre le blanchiment, consiste pour l'agent immobilier à recueillir des informations sur le client avec lequel il établira la relation d'affaire ; et cette vigilance s'étend à la nature de la relation d'affaire qui s'établira ; par ailleurs le professionnel est tenu à cette vigilance même au cours de la relation, ainsi s'il existe des indices de blanchiment, l'agent immobilier selon les cas et sous certaines conditions pourra mettre un terme à la relation d'affaire en cours, et si celle si , n'avait pas été conclu, pourra simplement refuser la transaction.

Face à certain client, le professionnel doit renforcer les mesures de vigilance générales, cela l'est également face à certaines transactions présentant des indices de dissimulation d'un fait par exemple lorsque le bénéficiaire réel de l'opération n'est pas celui qui entame la relation. Il existe des dispositions pour gérer les situations des clients et des opérations présentant de risques. Par ailleurs, les professionnels sont tenus de conserver toutes les informations sur leurs clients ainsi que les informations concernant les transactions passées, ceci pour des éventuelles investigations ultérieures.

En matière de vigilance financière les agents immobiliers sont assujettis à une vigilance générale ou ordinaire (Section 1), commune sauf que cette vigilance s'intensifie en fonction de la nature de la relation d'affaire et du statut du client impliqué dans la relation d'affaire (Section 2).

Section 1 : Le contenu de l'obligation de vigilance générale

La vigilance générale consiste en une diligence commune que devra faire montre le professionnel de l'immobilier face à toutes relations d'affaire avec la clientèle. Le dispositif communautaire consacre au chapitre de la vigilance générale, l'obligation de connaissance de

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la clientèle à travers son identification par les pièces qu'il doit fournir et l'obligation de conservation des informations recueillies (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La singularisation de la connaissance de l'identité du client

L'identification du client est un préalable, c'est une étape capitale dans la lutte anti-blanchiment. Ce n'est qu'une fois identifié, que l'on peut faire supporter à un client son acte32. La première obligation imposée aux agents immobiliers dans la lutte contre le blanchiment des capitaux consiste, à bien identifier leurs clients (A) et à connaitre ceux qui se cachent éventuellement derrières eux (B).

A- L'identification globale de la clientèle

En ce qui concerne l'identification du client en générale, on insistera sur le luxe des détails fournis par le texte des articles 30 et 31 du Règlement de 2016. Il y ressort que, les agents immobiliers doivent, avant de nouer toute relation ou effectuer une transaction avec un client habituel ou occasionnel33, personne physique ou morale, avoir une certaine connaissance de l'identité de son client.

En effet, l'identification de la personne physique34 s'opère par la présentation d'un document officiel original en cours de validité et comportant une photographie, dont il est pris une photocopie. Par contre, l'identification de la personne morale cliente, s'effectue par la production des statuts et de tout document établissant qu'elle a été légalement constituée et qu'elle a une existence réelle au moment de l'identification. Il en est pris photocopie. De plus, la personne morale cliente doit présenter l'original ou la copie certifiée conforme de tout acte ou extrait du registre officiel constatant sa dénomination, sa forme juridique, son siège social et les pouvoirs des personnes agissant en son nom.

Le Règlement CEMAC de 2016 invite les agents immobiliers, avant d'établir une relation contractuelle ou de prêter assistance à la préparation ou à la réalisation d'une transaction avec un client occasionnel35 le cas échéant le bénéficiaire effectif de l'opération36,

32 TCHABO SONTANG (H. M.), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Mémoire de DEA, Université de Dschang, p. 31.

33 Le client occasionnel est toute personne ayant pour but de préparer ou de réaliser une opération ponctuelle, ou d'être assisté dans la réalisation d'une telle opération, que celle-ci soit réalisée en une seule opération ou en plusieurs opérations paraissant liées entre elle.

34 Cf. art. 30 du Règlement CEMAC de 2016.

35 Prévu à l'article 32 du Règlement CEMAC de 2016, l'identification du client occasionnel et par ricochet du bénéficiaire effectif de l'opération est exigée, lorsque ceux-ci effectuent une opération ou des opérations liées

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de s'assurer de la connaissance de la véritable identité de leurs cocontractants pour les opérations donc les montants sont déterminés.

Par ailleurs, en cas de répétition d'opérations distinctes pour un montant individuel inférieur aux seuils fixés, l'identification est requise. Á la lecture de cette disposition on croirait que le législateur exige une vigilance envers les clients occasionnels ou du bénéficiaire effectif de l'opération, que lorsqu'il y a répétition des mêmes opérations ou des opérations distinctes alors même que le montant du seuil fixé est inférieur. Si telle est l'idée du législateur, il aurait donné une occasion aux blanchisseurs clients occasionnels37, de blanchir des sommes en dessous du seuil des montants des opérations faisant l'objet de vigilance. La vigilance devrait être exigée pour toutes les opérations dont le montant est en dessous du seuil fixé, bien qu'il n'y ait pas répétitions des opérations.

Cette exigence de la présentation certains documents, est aussi demandé de l'ayant droit économique.

B- La connaissance de l'identité de l'ayant droit économique

Le nouveau Règlement CEMAC ne pose pas de manière claire, l'obligation pour les agents immobiliers de vérifier l'identité de l'ayant droit économique de l'opération38. Par contre, en 2003, le législateur communautaire assujettissait explicitement les agents immobiliers à recueillir les informations sur l'identité de l'ayant droit économique de l'opération. Le Règlement de 2016 n abrogeant pas celui de 2003, celui-ci reste en vigueur, et ses dispositions applicables.

Des dispositions de l'article 33 du Règlement de 2016, l'identification de l'ayant droit économique ne concerne que les institutions financières. Le législateur CEMAC en 2003 avait assujettit les agents immobiliers à l'identification de l'ayant droit économique ; prévu à

dont : 1-le montant excède dix millions de francs (10.000.000) FCFA, pour les personnes autres que les changeurs manuels ou les représentants légaux et directeurs responsables des opérations de jeux ; 2- le montant excède cinq millions de francs (5.000.000) FCFA, pour les changeurs manuels ; 3- le montant excède un million de francs FCFA pour les représentants légaux et directeurs responsable des opérations de jeux ; 4- la provenance licite des capitaux n'est pas certaine.

36 A titre de droit comparé, le bénéficiaire effectif au terme de l'article L.561-2-2 du code monétaire et financier Français, s'entends de la personne physique qui contrôle directement ou indirectement, le client ou de celle pour laquelle une transaction est exécutée ou une activité réalisée.

37 Qui selon l'article 1er alinéa 21 du Règlement CEMAC de 2016 est toute personne qui effectue des opérations ponctuelles, ou sollicite un accompagnement pour ces opérations.

38 Selon l'article 1 alinéa 14, il s'agit du bénéficiaire économique ; le véritable propriétaire d'un patrimoine ou la personne pour le compte duquel le client agit.

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l'article10 du Règlement, les personnes assujetties aux titres de l'article 539 parmi lesquelles les agents immobiliers, doivent se renseigner sur l'identité véritable des personnes au bénéfice desquelles une opération veut être réalisée lorsqu'il apparaît que les personnes qui demandent la réalisation de l'opération pourraient ne pas agir pour leur propre compte.

Par ailleurs, si le client est un avocat, un comptable public ou privé, une personne privée ayant une délégation d'autorité publique, ou un mandataire, intervenant en tant qu'intermédiaire financier, il ne pourra invoquer le secret professionnel pour refuser de communiquer l'identité du véritable opérateur.

Ainsi, en présence d'une technique de représentation ou de convention de prête-nom, l'agent immobilier doit procéder à l'identification des personnes représentées et de l'ayant droit économique de la transaction, en même temps qu'elle requiert l'identité et l'adresse du représentant, ainsi que les documents originaux attestant de la délégation de pouvoirs qui lui est accordée40.

Le bénéficiaire effectif s'apparente à l'ayant droit économique, son identification bien que subsidiaire à l'identification du client, met à la charge de l'agent immobilier quelques contraintes supplémentaires. Du « connais ton client », on avance vers le « connais aussi le client des autres » ce qui peut conduire à des « déclarations de couverture » à la cellule de renseignement financier41. En effet, face à certains montages juridiques bien que légaux, mettant le professionnel dans une impasse quant à l'identification du client, il est clair que l'agent procédera à la déclaration de l'opération42. Bien que cette situation peut compromettre la conclusion d'une affaire au vu du temps que l'identification peut prendre, le mode des affaires étant régit par la célérité, quoiqu'il en soit, toutes mesures sont établies pour lutter efficacement contre l'argent sale.

Le législateur CEMAC pour faciliter la tâche aux professionnels et aux autorités de poursuite, peut emboiter le pas au Parlement européen qui a voté en faveur de la mise en

39 Il s'agit des organismes financiers, les changeurs manuels, les agents immobiliers, les agences de voyage (...).

40 NGUIFFEU TAJOUO (E. L.), « La réforme du système de détection et de la prévention de la criminalité financière en zone CEMAC à la lumière du Règlement n° 01/CEMEC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale », in Juridis périodique n°108, pp. 133-144.

41NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse à la lumière des normes et standards européens et internationaux, Thèse de doctorat en droit privé et sciences criminelles, 2016, p. 251.

42 CUTAJAR (Ch.), « Lutte contre le blanchiment et « devoir d'ingérence » du banquier », JCP Entreprises et Affaires 2010, n°18, 1434. Cité par NGAPA (T.), ibidem.

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oeuvre d'un registre public des bénéficiaires effectifs des sociétés écrans et des trusts43 . Cette technique permettra de détecter les bénéficiaires effectifs de certaines opérations qui pour conserver l'anonymat emploient des personnes de façade à l'origine de grands scandales de blanchiment de capitaux.

La vigilance sur l'identité du client de la relation d'affaire consiste aussi en la nécessité de connaitre les informations sur la relation d'affaire qui sera établie et la conservation de ces informations.

Paragraphe 2 : La nécessité de l'appréhension de certaines informations

Lorsque l'identification du client est terminée, l'agent immobilier devrait aussi être astreint à l'obligation de connaitre l'objet et la nature de la relation d'affaire (A) ainsi que l'obligation de conserver tous documents liés à l'identification (B) ceci pour permettre des investigations ultérieures.

A- L'omission de l'assujettissement des agents immobiliers à l'obligation de connaissance de l'objet et la nature de la relation d'affaire

Ni le Règlement de 2003 ni celui de 2016, ne met à la charge des agents immobiliers l'obligation de rechercher l'objet ou la nature de la relation d'affaire qu'il s'en va nouer avec le client. Par contre, les institutions financières y sont clairement assujetties. Mais pourquoi exclure les autres assujettis tels que les professionnels de l'immobilier à une telle mesure qui n'est pas sans importance dans le processus de vigilance auquel ils sont astreints ? La connaissance de l'objet de la relation est importante pour le professionnel car ceci lui permettra de connaitre les réelles intentions de son client, si les opérations de ce dernier visent à blanchir ou non de l'argent.

En effet, la connaissance de l'objet de la relation d'affaire tombe sous le sens qu'un professionnel vigilant doit avant tout s'intéresser à la nature des opérations qu'il propose à ses clients, au risque que ces derniers les utilisent à des fins de blanchiment des capitaux. La relation d'affaire est établie lorsque le professionnel assujetti engage une relation professionnelle ou commerciale qui est censée au moment où le contact est établi, s'inscrire dans une durée44. La relation peut résulter d'un contrat selon lequel plusieurs opérations

43 Cf. arts. 31, 11, paragraphe 1.b) et 30, point 3 de la 4e directive anti-blanchiment de l'UE.

44 BERR (J. C.), op. cit., p. 14. Voir article L561-2-1 du code monétaire et financier Français.

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successives seront réalisées entre les contractants ou qui crée entre ceux-ci des obligations à exécution successives.

Tout comme il est nécessaire pour l'assujetti préalablement à l'entrée de la relation d'affaire d'avoir des informations sur l'identité du client, il est aussi nécessaire qu'il recueille des informations sur l'objet ou la nature de la relation. Ainsi les agents immobiliers de la sous-région CEMAC, professionnels assujettis à la lutte contre le blanchiment des capitaux en Afrique Centrale, doivent, avant d'entrer en relation avec leur client, recueillir des informations relatives à la nature et à l'objet de cette relation, et toute autre information pertinente sur le client.

De même, ils doivent pendant toute la durée de la relation, exercer dans la limite de leurs droits et obligations une vigilance constante et pratiquer un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu'elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu'ils ont de leurs clients. Ceci pour maitriser de bout en bout la relation établie et cela permettra de détecter des opérations visant à blanchir de l'argent.

Le législateur communautaire a établi un cadre de vigilance excluant certains assujettis sans raison de certaines obligations ; tel est le cas de l'exclusion des agents immobiliers à la nécessité de conserver les documents après la fin d'un contrat.

B- L'exclusion marquée des agents immobiliers de l'obligation de conservation des pièces et documents

Le Règlement CEMAC de 2016 ne soumet pas explicitement les agents immobiliers à la conservation les documents après cessation des activités avec un client, mais partant de la qualité d'assujetti à la lutte contre le blanchiment de capitaux et à l'intérêt de la conservation des documents, les agents immobiliers pour prévenir les risques de blanchiment doivent tout comme les institutions financières conserver par écrit les documents liés à une relation même après la cessation de celle-ci.

En vue de permettre d'éventuelles investigations ultérieures, il est fait obligation aux professionnels assujettis de conserver des documents pertinents relatifs à leur activité. Il en va ainsi 10 ans45 après cessation de toute relation des documents concernant l'identification de leurs clients habituels ou occasionnels.

45 L'article 13 du Règlement de 2003 fixait la durée de conservation des documents à 5 ans après la cessation de toute relation avec le client. Le nouveau Règlement CEMAC de 2016 a prorogé ce délai à 10ans.

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Les agents immobiliers doivent aussi conserver tous les documents et pièces relatifs aux opérations qu'ils ont effectuées. Ainsi, le problème des opérations suspectes non déclarées ne se pose plus. Aussi, la question du contenu des transactions passées avec la clientèle pouvant permettre de retracer à un moment donné, les opérations passées par un client ayant un passé criminel irréprochable mais faisant désormais l'objet des poursuites pour participation à des projets criminels ne se pose plus46.

Il ressort de l'article 38 du Règlement CEMAC que la conservation des documents et pièces a cette importance, qu'elle permet la reconstitution de l'ensemble des transactions réalisées par une personne physique ou morale et qui pourront être liées à une opération qui fera l'objet de déclaration de soupçon. La conservation des pièces et documents est doublée d'une obligation au secret ou à la confidentialité ; ainsi ces documents ne peuvent être communiqués qu'aux quelques entités prévues par le Règlement. Il s'agit des autorités judiciaires, les agents de l'État chargés de la détection et de la répression des infractions liées au blanchiment de capitaux agissant dans le cadre d'une procédure judiciaire, aux autorités de contrôle et à l'ANIF47.

Les mesures de vigilance précitées sont effectuées généralement avant toute entrée dans une relation d'affaire. Mais à côté, sont établies des mesures de vigilances plus spécifiques face à certains clients ou opérations.

Section 2 : La consistance de l'obligation de vigilance spécifique

Des mesures spécifiques doivent être prises par les agents immobiliers lorsqu'ils nouent des relations d'affaire avec certains clients, ou même lorsque les caractéristiques de l'affaire sont telles que présentant un risque de blanchiment. Ainsi au titre de la vigilance spécifique le législateur communautaire en 2016, a défini des mesures particulières pour certaines opérations (Paragraphe 1) et certains clients (Paragraphe 2) qui présentent de risques élevés de blanchiment capitaux.

46 NGUIFFEU TAJOUO (E. L.), « La réforme du système de détection et de la prévention de la criminalité financière en zone CEMAC à la lumière du Règlement n° 01/CEMEC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale », op. cit., p. 138.

47 ANIF Agence Nationale d'Investigation Financière. Mise en place au Cameroun par le décret n°2005/187 du 31mai 2005 portant organisation et fonctionnement de l'agence Nationale d'Investigation Financière.

Au Congo il s'agit du CENOREF cellule nationale des renseignements financiers.

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Paragraphe 1 : La nécessité d'une vigilance accrue pour les opérations à

risque

Le GAFI recommande comme pour le cas des clients ordinaires, que certaines opérations fassent l'objet de surveillance particulière. On considère certaines opérations et certains clients comme présentant de risque de par leur nature ou statut pour les clients. L'objectif de la surveillance plus grande est la recherche des informations exactes sur le client et le but de transaction que le client veut passer, aussi d'établir l'origine et la destination des sommes concernées et par ailleurs, d'anéantir complètement toutes transactions visant à blanchir de l'argent.

La vigilance accrue pour certaines opérations est exigée par ensemble de disposition du Règlement de 2016. Nous verrons d'abord le contenu de la notion d'opération à risque (A) avant de voir le traitement imposé aux assujettit face à ces opérations (B).

A- La notion d'opération à risque

Les opérations à risque sont des opérations dont les circonstances exceptionnelles entourant l'accomplissement inspirent le risque et appellent à la méfiance. Il s'agit entre autre des opérations se présentant dans des conditions inhabituelles de complexité et ne paraît pas avoir une justification économique ou d'objet licite48, des opérations des sommes dont le montant est supérieur au seuil fixé, des opérations de paiement en espèces ou par titre au porteur des sommes dont le montant est supérieur à cinquante millions dans des conditions normales, des opérations sur une somme supérieure ou égale à dix millions dans les conditions inhabituelles de complexité ou injustifiées ou ne paraît pas avoir de justification économique ou d'objet licite49.

Par ailleurs, il peut s'agir des opérations sur des sommes dont la provenance présente un risque (l'établissement de crédit émetteur ou destinataire, le pays d'origine ou de destination, du fait de son défaut d'engagement ou son engagement limité dans la lutte contre la criminalité financière. Selon le GAFI, il s'agit des pays n'ayant pas un dispositif efficace pour

48 AZEUFACK WANDJEH (G. A.), La répression du blanchiment des capitaux en droit Camerounais, Mémoire de DEA, Université de Yaoundé II SOA, 2005. La loi Camerounaise n° 97/019 du 07 Août 1997 relative au contrôle des stupéfiants visait essentiellement le blanchiment de l'argent issu du trafic des stupéfiants.

49 Cf. art. 35 du Règlement CEMAC de 2016.

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lutter contre le blanchiment)50. Il peut aussi s'agir d'opération favorisant ou non l'anonymat du client ou des bénéficiaires effectifs, ou des opérations donc l'origine des fonds utilisés pour les financer présente des facilités de blanchiment (comptant, prêt bancaire, prêt interpersonnel...).

En 2003, le législateur communautaire a expressément fait obligation aux assujettis de l'article 5 du Règlement, d'exercer une surveillance particulière face à certaines opérations tout en les énumérant clairement. Par contre, le législateur communautaire en 2016 une fois de plus ne parle que des institutions financières, pourtant les agents immobiliers selon l'article 17 doivent interdire tout payement en espèce dans les transactions immobilières lorsque le montant du bien immobilier est supérieur à trois millions. Et l'article 18 renchérit en imposant à ces derniers la déclaration toute transaction en espèce dont le montant est égal ou supérieur à 5 millions.

Ces transactions relevant des opérations à risque tel qu'il ressort implicitement des dispositions du Règlement, les agents immobiliers devraient tout aussi être impliqués dans la gestion efficace des opérations à risques. Les textes se complétant, les agents immobiliers de la sous-région devront face à toute opération présentant un risque, prendre des mesures prévues par les Règlements.

B- Les recommandations pour la gestion des opérations à risque

Dans le cadre de l'achat, de la vente, de la location ou la sous-location d'un bien immobilier, l'agent immobilier doit prendre des mesures efficaces lorsque ces opérations présentent des risques de blanchiment. En plus des obligations générales de vigilance, les agents immobiliers face à l'une de ces opérations dans le cadre de l'exercice de leurs professions, doivent comme les textes communautaires l'exigent, rechercher des informations relatives à l'origine des sommes et à l'objet de la transaction.

Il s'agit en fait du renforcement des mesures de vigilance prévues à l'article 57 du Règlement de 2016, qui consiste pour le professionnel à effectuer un examen renforcé de toute opération particulièrement complexe présentant des risques, et ainsi de se renseigner

50 NGUIFFEU TAJOUO (E.L.), « La réforme du système de détection et de la prévention de la criminalité financière en zone CEMAC à la lumière du Règlement n° 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale », op. cit., p. 138.

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auprès du client sur l'origine des fonds et la destination de ces sommes ainsi que l'objet de l'opération et l'identité de la personne bénéficiaire de l'opération.

Paragraphe 2 : La nécessité d'une vigilance accrue pour les clients à risque

L'accroissement de la vigilance est également recommandé lorsque le professionnel est face à un type de client. Ainsi il est fait obligation de gérer différemment l'entrée et la relation d'affaire avec certains clients présentant des caractéristiques particulières. Il s'agit des personnes politiquement exposées (A) et des autres catégories de clients à risques (B).

A- Le traitement particulier des Personnes Politiquement Exposées (PPE)

Les personnes politiquement exposées (PPE) sont selon l'article 1 alinéa 55 du Règlement de 2016, des personnes physiques ayant exercé ou qui exercent des hautes fonctions publiques et politiques. Elles peuvent être nationales, étrangères ou internationales. Quelle que soit la nature, l'article 60 du Règlement recommande aux assujettis lorsqu'ils nouent ou lorsqu'ils effectuent des transactions avec ou pour le compte de PPE, d'appliquer des mesures spécifiques à l'égard de ces personnes.

En effet les PPE sont des clients à risque, parce que le niveau de risque en terme de fraude et de corruption est plus élevé que la moyenne compte tenu de leur position d'influence. L'activité médiatique l'a démontré en 201651 que les PPE sont impliquées dans des scandales de fraude ou d'évasion fiscale, de pots de vin voire de biens mal acquis52, dans les cas les plus extrême de blanchiment. Les scandales de Panama Papers en 2016, a ainsi révélé que près de 140 PPE avaient eu recours à des sociétés écrans pour blanchir de l'argent ou pour dissimuler l'identité des personnes corrompues qui leur avaient versé de l'argent53.

Les textes de loi exigent face aux PPE un niveau de vigilance élevé et adapté au risque de lutte contre le blanchiment. Il peut s'agir d'une procédure d'entrée en relation ou d'acceptation des clients. Il est par ailleurs requis que la décision de nouer une relation d'affaire avec une personne classée PPE, relève d'un membre de l'organe exécutif ou d'une personne habilitée à cet effet par l'organe exécutif. Cette implication se justifie par la nécessité de procédure d'identification et de vérification de l'identité particulièrement rigoureuse, la nécessaire capacité du professionnel à pouvoir mesurer et maitriser les risques,

51Leaks en folie : 2016 l'année de la corruption?.

52Voir affaire Guinée équatoriale contre la France, dite des « biens mal acquis », Le Monde, 27 octobre 2017. 53 https://bis.lexisnexis.fr consulté le 20 juillet 2020.

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la sensibilité des informations relatives à ce type de client, notamment au regard de leur circulation au sein d'un groupe pour les besoins54 de LCB/FT55.

Ces mesures spécifiques impliquent l'obligation de mettre en oeuvre des procédures adéquates et adaptées, en fonction du risque, de manière à pouvoir déterminer si le client ou un bénéficiaire du client est un PPE. En outre, les agents immobiliers doivent prendre toutes mesures appropriées, en fonction du risque, pour établir l'origine du patrimoine et l'origine des fonds impliqués dans la relation d'affaire ou la transaction ; enfin ils doivent s'assurer d'effectuer une surveillance renforcée de la relation d'affaire.

Cependant, l'identification des personnes politiquement exposées est souvent difficile, du fait du statut de la personne et ses fonctions ou même des fausses informations que pourraient donner ces personnes. En fait, « il peut être très difficile de détecter qu'un client est une personne politiquement exposée, en particulier lorsque les clients taisent les informations importantes ou apportent des indications erronées. Dans la plupart des cas examinés, les titulaires du compte ou les ayants droit économique ne sont pas identifiés comme étant politiquement exposés mais ont affirmé être des hommes d'affaire fortunés et donc l'activité est couronnée de succès »56.

Quoi que le statut public de ces personnes peut influencer l'efficacité de leur l'identification, les agents immobiliers sont tenus d'exercer leurs obligations vigilance avec diligence.

B- L'incitation à une vigilance accrue pour les autres contractants à risque

La règlementation en vigueur fait obligation aux agents immobiliers de se doter d'un cadre d'identification et de gestion des risques de blanchiment liés à leur secteur et de déterminer la procédure adéquate de gestion de ces risques face à un type de contractant.

Les contractants à risque sont les clients non-résidents et les clients recommandés, les clients effectuant des opérations électroniques ou en ligne. Cette catégorie de personne mérite un temps d'arrêt car peuvent représenter des réels criminels. Une fois de plus il est regrettable

54 Article L.511-34 du code monétaire et financier.

55 Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme.

56 Rapport de la commission de banque Suisses, Fonds « Achaba » auprès des banques Suisses du 30 Août 2000, p. 12. Cité par TSOBGNI DJOUMETIO (N. L.), Les banques et la mise en oeuvre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun et en France, Thèse en droit pénal et sciences criminelles, Université de Strasbourg, 2015, p. 150.

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que le législateur n'ait pas prévu des obligations des agents immobiliers face au traitement à accorder à ces clients à risque.

On entend par client non-résident, selon l'article 3 alinéa e du Règlement COBAC de 2005, une personne physique ou morale implantée dans un Etat non-membre sollicitant l'ouverture d'un compte ou la réalisation d'une opération dans un établissement assujetti sis dans un Etat membre. Il n'est pas qu'une affaire des établissements financiers, même les agents immobiliers ou toute institution financière peuvent faire face à des clients non-résident qui les sollicitent pour faire affaire. Tout comme les institutions financières en matière de traitement et de collecte des informations sur l'identité des clients non-résidents, les agents immobiliers peuvent recourir à des tiers de réputation confirmée pour vérifier l'identité de ce client ou exiger que les documents habituellement requis soient soumis à d'autres formalités telles l'authentification, complément par des pièces jointes. Par ailleurs, l'entrée en relation d'affaire peut être conditionnée par l'approbation d'une personne habilitée (qui joue en quelque sorte le rôle de garant des opérations à effectuer), ou alors si le risque après identification du client paraît élevé le professionnel peut tout simplement refuser d'établir la relation d'affaire.

Les clients recommandés quant à eux sont les personnes recommandées par des tiers aux professionnels. La relation d'affaire procédant ainsi par l'invitation d'un tiers, intermédiaires pouvant être une personne morale ou physique. Face à un tel client, l'agent immobilier doit évaluer soigneusement l'honorabilité de l'intermédiaire ayant recommandé le client, et vérifier qu'il accomplit normalement son devoir de diligence en procédant à des examens périodiques de conformité et de fiabilité quant aux exigences en matière de lutte contre le blanchiment d'argent.

A ces clients, on peut ajouter les clients en ligne, qui sont ceux qui effectuent leurs transactions par le biais d'un site internet. Ces clients sont à craindre plus que les autres. Depuis toujours des personnes utilisent les moyens électroniques ou numérique pour effectuer certaines opérations ; Avec la menace de la pandémie du COVID-19, et face à toutes les mesures de sécurité adoptées, les entreprises utilisent de manière accrue des systèmes en ligne permettant le télétravail ainsi plus de transactions devraient s'effectuer par le biais d'internet, ceci offrant des facilités à ces criminels qui font généralement recours à une usurpation d'identité. Leur identification devenant ainsi malaisée appelant la vigilance renforcée et l'adoption des mesures appropriées pour gérer les risques que ces clients présentent.

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Ainsi, toute opération visant la conclusion d'un contrat de vente ou d'achat, de location ou de sous-location d'un bien immeuble par l'un de ces contractants à risque, exige de la part des agents immobiliers une vigilance accrue, et la prise des mesures pour gérer les risques que présentent ces personnes et si les risques sont trop élevés ils peuvent décider de pas entrer en relation d'affaire c'est à dire ne pas conclure de contrat, ou ils peuvent au cours de la relation y mettre un terme.

CONCLUSION CHAPITRE I

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Le processus KYC57 (« Know Your Custumers » désigne l'ensemble de processus que le professionnel devra mettre en oeuvre pour assurer à la fois une connaissance approfondie de ses clients, mais également un suivi régulier de la clientèle.

En adoptant l'approche par les risques que préconise les recommandations du GAFI de 2012, le législateur CEMAC a mise à la charge des agents immobiliers des obligations de diligences permettant à ces derniers, de déceler si la relation qu'ils veulent nouer ou qu'ils ont noué ne présente pas de risque de blanchiment.

Toutes ces obligations visant à l'identification du client, à la connaissance de l'objet et la nature de l'affaire sont très importantes car permettront de déceler des personnes ou des opérations visant à blanchir l'argent sale et s'ajoute à cela l'obligation de conservation des documents et pièces qui vise l'exclusion de la possibilité de la perte des informations sur les opérations passées et la possibilité d'y revenir si la nécessité se fait sentir et cela pourrait servir de preuve. À ces obligations s'ajoutent les obligations de déclaration des opérations suspectes.

57 D'origine des Etats-Unis, l'acronyme KYC (KNOW YOUR CUSTOMER) est né de la crise financière de 2008 et s'est rapidement imposé en France ; cette expression est devenue tendance dans le milieu bancaire, financier et économique.

CHAPITRE II : LA PERFECTIBILITÉ DU CADRE DE LA VIGILANCE

FINANCIÈRE

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Le cadre de la vigilance soumis aux agents immobiliers en matière de lutte contre le blanchiment permet à ces derniers dans une certaine mesure de détecter les opérations à risque et de mettre en place des mesures pour y faire face. Sauf que, certaines facteurs socioculturels, certaines contraintes pratiques ne permettent pas à ces professionnels assujettis à lutter contre le blanchiment de capitaux, d'effectuer une vigilance efficace.

La vigilance à l'égard des clients ou des opérations conformément aux standards européens rencontre parfois des obstacles dans la mise en oeuvre (section 1), mais des palliatifs peuvent être adoptés (section 2).

Section 1 : Les difficultés de la mise en oeuvre des obligations de vigilance

Les obligations mises à la charge des assujettis même si elles sont conformes aux exigences européennes en matière de lutte, sont quelquefois difficilement mise en oeuvre parce que parfois incompatibles aux réalités Africaine.

La difficulté de mettre en oeuvre effectivement la vigilance financière peut provenir de l'inadaptabilité du cadre formel et textuel de la vigilance c'est-à-dire le déphasage par rapport à la réalité des conditions de vérification de l'identité et du cadre de la vigilance prévue par le Règlement CEMAC (Paragraphe 1), mais également, dans la pratique, de la contribution des agents immobiliers à rendre la tâche compliquée à exécuter (Paragraphe 2).

Paragraphe1 : Les obstacles à la mise en oeuvre effective de la vigilance :
une identification des clients fortement lacunaire

Les obstacles à la mise en oeuvre des obligations de vigilance peuvent être dus à l'inadaptabilité des conditions de vérification de l'identité du client (A), ou des failles contenues dans le dispositif CEMAC même (B).

A- L'inadaptation des conditions de vérification de l'identité du client

Le contexte socio-culturel et même politique de la sous-région CEMAC est un élément pouvant créer des difficultés qui se poseront lors de l'identification des clients que ce soit des personnes physiques ou morales.

En effet dans certains Etats de l'Afrique Centrale, il existe des populations surtout venant des campagnes qui n'ont pas de documents officiels d'identification. Bien plus, les agents immobiliers peuvent faire face à des clients possédant de fausses pièces d'identification. En fait, certains États Africains en proie aux désordres institutionnels dus aux guerres civiles, aux terrorismes, il est très facile pour les nationaux de déclarer avoir perdu leurs documents officiels et de se faire établir d'autres sous de faux noms, et utiliser ceux-ci pour commettre des actes répréhensibles.

Par ailleurs, en droit camerounais, le Décret n° 76/166 reconnaît un droit d'accès au domaine national non occupé ou non exploité à toute personne physique ou morales quelle que soit sa nationalité58. Elles peuvent accéder librement aux terres appartenant aux particuliers par le biais des transactions : vente ou cession à titre gratuit ou l'échange d'un immeuble. Cette ouverture à des étrangers peut être une passerelle pour le blanchiment car l'identification de ces clients peut être rendue difficile du fait du retard que connait les États de la sous-région dans l'utilisation des nouvelles technologies pour obtenir des informations sur l'identité des personnes sollicitant l'acquisition des biens et de la suivie limitée des fichiers liés à l'état civil en Afrique centrale.

Il est vrai que tous les pays membres de la CEMAC disposent des lois régissant l'état civil. Toutefois dans de nombreux pays, la législation en vigueur est dépassée et non conforme aux normes internationales recommandées.

En effet, le contexte Africain caractérisé par un non suivi des fichiers liés à l'état des personnes physiques, il est facile de falsifier l'identité d'une personne ainsi l'obligation d'identification pourra se trouver dans une impasse et l'identité que le client aura donnée sera faussée même si l'assujetti respecte toutes les mesures de vigilance, il ne pourra pas avoir la réalité des faits concernant le blanchisseur.

Une autre difficulté concerne le défaut d'adresse sur les pièces d'identités. Donc par la présentation de la carte d'identité, le client ne renseigne pas l'agent immobilier sur son adresse. Aussi la vérification du domicile du client peut poser, en pratique, des difficultés.

Pour pallier à cela la solution qui fût consacrée par la jurisprudence française concernant les banques peut être transposable en Afrique dans le contexte des agents immobiliers. Il s'agit pour les agents immobiliers d'adresser une « lettre d'accueil » au domicile du client, pour plus de fiabilité, il doit s'agir d'une lettre recommandée avec avis de

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58 Art. 4 du décret n° 76/166 fixant les modalités de gestion du domaine national.

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réception59. L'identification d'un client juste avec la photocopie de sa carte d'identité semble insuffisante.

En outre, la fragilité du système des économies des pays de la sous-région les rend vulnérable au développement d'opérations immobilières sous-jacentes au blanchiment des capitaux. Aussi, le faible taux de bancarisation des États qui se situe autour de 11% pour certains pays de la CEMAC60 affecte la traçabilité des transactions immobilières ce qui revient à dire que les opérations se font le plus souvent en monnaie judiciaire, moyen facilitant le blanchiment.

B- Les failles du dispositif anti blanchiment dans l'immobilier en Afrique centrale

De nombreuses ONG et organisations de lutte contre la corruption, ont toujours dénoncé la construction des immeubles et autres résidences par certaines personnes dont les revenus connus annuellement, ne peuvent pas bâtir des buildings et des palaces qui remplacent progressivement la luxuriante forêt équatoriale d'Afrique Centrale61.

Le dispositif anti blanchiment en Afrique centrale comporte d'importantes failles qui permettent à des personnes d'acquérir des biens avec de l'argent d'origine illégale et notamment sur la non déclaration obligatoire des biens avant toute prise de fonctions officielles par les dirigeants et autres responsables. En outre, le champ d'application de la loi sur le blanchiment d'argent, est trop restreint. Il doit être étendu aux principaux acteurs du secteur immobilier. Il faut aussi améliorer impérativement la qualité et la transparence des données du registre foncier qui est lacunaire et opaque, et mettre aussi l'accent sur la lutte dans le secteur immobilier comme c'est le cas dans le secteur de la finance62.

En effet, le champ d'application de la loi anti-blanchiment sur le volet de la prévention ne donne pas aux agents immobiliers la possibilité d'identifier effectivement leurs clients. Le législateur est resté muet sur la gestion des opérations électroniques. Les dispositions du Règlement CEMAC liées à l'identification des clients par les agents immobiliers ne sont pas adaptées au cadre d'activité. En fait on pourrait croire une exclusion des agents immobiliers

59 RD bancaire et bourse 1995, p. 214, obs. Crédot et Gérard.

60 D'après les estimations de la banque centrale du Congo le taux de bancarisation en RDC est de 5,59%.

61 Blanchiment d'argent dans l'immobilier : le GABAC passe à l'action, disponible sur le site https://afrique-info.cm/blanchiment-dargent-dans-limmobilier-le-gabac-passe-a-laction, consulté le 20 juin.

62 Blanchiment d'argent dans l'immobilier : le GABAC passe à l'action, op. cit.

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de certaines dispositions ; ce qui dans la pratique pourrait mettre en mal la mise en oeuvre de cette obligation63.

Le dispositif communautaire ne prend en considération que les activités menées dans le formel, pourtant le secteur informel dans la CEMAC occupe aujourd'hui une place importante à côté des activités dite formelles. À raison de leurs caractères informels, les transactions y sont effectuées en monnaie fiduciaire et cette prédominance des transactions en liquide est un terrain propice au blanchiment de capitaux.

L'identification des personnes morales telle que prévu par le dispositif communautaire exige la production des statuts et des documents établissant qu'elles ont été légalement constituées et qu'elles ont une existence réelle au moment de l'identification. Le dispositif communautaire ignore la réalité des entreprises du secteur informel. En effet, le secteur de l'informel occupe un part importante de l'économie dans la sous-région64 et donc une part importante d'entreprise de la sous-région agit dans le secteur informel ; il s'agit des petites entreprises individuelles ou familiales dont l'identité et le patrimoine des propriétaires se confondent avec ceux de l'entreprise65 et qui fonctionnent dans l'illégalité.

Comment procéder à l'identification réelle de ces structures exerçant dans l'informel ? Le législateur n'en dit mot, ces acteurs du secteur informel manipulent souvent d'importante somme d'argent liquide et se présentent comme des terrains de prédilection pour le blanchiment d'argent.

Pour une lutte efficace dans la sous-région, il convient d'adopter une approche propre aux réalités de la communauté. L'approche prendra en compte les considérations plus importantes du secteur informel et des interfaces qu'il entretient avec l'économie réelle. Cette solution permettra le recadrage des priorités dans l'identification des facteurs de risques de blanchiment.

63 Le Règlement vise explicitement les agents immobiliers dans certaines dispositions, mais l'exclue aussi, pourtant il est disposé dès le préambule que le règlement est applicable à toutes les personnes assujettis aux articles 6 et 7.

64 Selon un rapport du FMI publié en 2017, le marché informel représente entre 20% et 65% du produit intérieur brut des pays d'Afrique subsaharienne ; le secteur informel compte pour 40% du PIB en moyenne pour les pays à faibles revenu, et pour 35% du PIB des pays à revenu intermédiaire. https://www.agenceecofin.com consulté le 26 juin 2020.

65 NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse à la lumière des normes et standards européens et internationaux, Thèse de doctorat en droit privé et sciences criminelles, novembre 2016.

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Par ailleurs, comme le préconise un auteur66, dans le contexte actuel de la CEMAC, il est nécessaire de procéder à une « informalisation » accrue du dispositif anti-blanchiment c'est-à-dire que le dispositif communautaire doit prendre compte les activités menées dans l'informel car ces activités représentent entre 20 et 65% du PIB des pays d'Afrique subsaharienne67, cette solution nous semble bonne ceci parce que sa mise en oeuvre permettra de prendre en compte les spécificités de la région. C'est aussi ce que recommande le GAFI lorsqu'il préconise aux Etat le recours à ses recommandations uniquement dans le cas où la situation l'oblige. Le GAFI soutient que « les recommandations du GAFI constituent des normes internationales que les pays devraient mettre en oeuvre au moyen de mesures adaptées à leur situation particulière »68. Ceci peut justifier le choix du caractère de ces nomes, car « les recommandations » n'ont pas une valeur juridique contraignante, ne les applique que celui qui les estimes nécessaires.

On peut par ailleurs souligner l'écriture maladroite de certaines dispositions du règlement69. On croirait à la lecture de certains articles, que les obligations qui y sont contenues ne visent que les institutions financières, pourtant il n'en est pas le cas, toutes les personnes visées aux articles 6 et 7 en sont concernées. En effet, le Règlement du 02 octobre 2010 en son article 9, visait expressément les organismes financiers et toutes les autres assujettis.

Avec la menace du COVID-19, les opérations en espèce se sont multipliées. Certains membres du GAFI et d'ORTG ont fait état d'une augmentation générale du nombre de retrait d'espèces, ces billets de banque pouvant permettre de dissimuler des activités de BC/FT, car en période de ralentissement économique, les criminels peuvent chercher à investir dans l'immobilier ou dans des entreprises immobilières en difficultés pour générer des liquidités et dissimuler les produits illicites70. Le Règlement CEMAC a limitativement pris en compte la gestion des opérations en espèce.

Il est important de corriger ces failles, car les failles réglementaires offrent des garanties supplémentaires aux investisseurs qui ont trouvé, dans ce créneau, des techniques privilégiées

66 NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse à la lumière des normes t standards européens et internationaux, op. cit., p. 245.

67 Selon un classement du FMI disponible sur le site www.agenceecofin.com. Op. cit.

68 GAFI, normes internationale sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, recommandation de février 2012, p.7.

69 Cf. Art. 29 du Règlement CEMAC de 2016.

70 Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme lié au COVID-19, étude du GAFI, mai 2020, p.13.

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et discrètes pour blanchir d'importantes sommes d'argent issues principalement de la corruption d'agents publics.

Paragraphe 2 : La contribution des agents immobiliers à la
complexification de la vigilance

Certains aspects de la difficulté d'identification ou de la vigilance limitées relèvent du concours implicite ou parfois explicite des professionnels qui de par leurs comportements entrave la vigilance à laquelle ils sont soumis. Les agents immobiliers sont parfois eux même des obstacles à une vigilance efficace.

De par la faible culture des agents immobiliers, ceux-ci peuvent être utilisés comme prête-nom complexifiant ainsi l'identité du bénéficiaire effectif de l'opération (A), ou alors ils peuvent participer activement ou passivement aux opérations de blanchiment (B).

A- La complexification de l'identité des bénéficiaires effectifs de l'opération par l'utilisation de l'agent immobilier comme prête-nom

La convention de prête-nom est un contrat par lequel la mandataire effectue certaines opérations pour le compte du mandant, tout en laissant croire qu'il agit dans son intérêt propre et en assumant personnellement les charges du contrat71. En passant donc un tel contrat le criminel se voit couvert par le professionnel, et celui-ci participe aux opérations de blanchiment. L'agent immobilier offre des opportunités de garantie aux criminels ; étant le professionnel de l'immobilier, son concours offre des garanties d'opacité de la transaction. Il complexifie l'identité du bénéficiaire effectif.

Le bénéficiaire effectif est celui à qui le patrimoine final de la transaction revient, qui tire avantage72 d'une opération, c'est celui qui bénéficie définitivement de l'économie de la transaction. Dans la pratique, on observe souvent soit une personne d'une bonne réputation soit un démarcheur qui est présent comme étant le bénéficiaire des constructions qui sont faites. On observe aussi souvent, un agent immobilier qui suit de manière assidu les opérations au point où on ignore le véritable propriétaire de l'immeuble bâtit, il facilite le blanchiment en maintenant ainsi le criminel dans le noir, en empêchant l'identification même du criminel.

71CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 800. 72CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op. cit., p.126.

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Étant le professionnel de l'immobilier sa présence dans une transaction, enlève tout soupçon, puisqu'il est censé maitriser la chose. C'est donc ainsi que beaucoup de criminels utilisent les agents immobiliers pour blanchir de l'argent. Car ceux-ci leur confèrent l'anonymat qu'ils recherchent.

On observe par ailleurs certains acteurs du secteur immobilier jouer des rôles important dans la complexification de l'identité. Il s'agit des quincailliers, qui sont d'ailleurs visés par le Règlement CEMAC en matière de lutte contre le blanchiment, qui peuvent être sollicité par les criminels pour la fourniture de matériaux, ce qui fait profiter aux criminels doublement l'anonymat. Le criminel ne pouvant lui-même aller dans les surfaces pour l'acquisition des matériaux de construction (étant d'ailleurs toujours dans une logique de ne pas se révéler au public), il peut contracter avec un quincaillier pour l'acquisition des matériaux. Avec sa qualité de commerçant cela n'éveille aucun doute. Il peut par ailleurs être utilisé comme le propriétaire fictif. On utilise ainsi l'agent immobilier comme prête-nom ce qui le rends complice actif ou passif aux opérations de blanchiment.

B- La complicité des agents immobiliers dans les opérations de blanchiment de capitaux

Le blanchiment des capitaux dans le secteur immobilier est une grosse opportunité pour les criminels, leurs logiques étant de ne pas apparaitre, mais de faire apparaitre de gens de façade ; l'agent immobilier en tant qu'intermédiaire, peut servir d'écrans à ces criminels ; et comme l'agent est dans un contexte de recherche de gains, parfois cette recherche de gain va prendre le dessus sur la connaissance même du marché, sur la mise en oeuvre des obligations qui pèsent sur lui.

La complicité des agents peut être active ou passive. Elle est active lorsque les agents immobiliers se prêtent aux jeux des blanchisseurs, lorsqu'ils agissent en toute connaissance de cause. Par exemple un criminel qui achète un immeuble à 2 million et passe le contrat avec l'agent en stipulant avoir acheté l'immeuble à 5 million, là il a blanchi trois millions ; et l'agent en passant cette opération a surement sa part dans cet argent blanchi ; Cette complicité est bien plus grave chez l'agent informel, car celui-ci se bat comme un commerçant, et lorsqu'il trouve une affaire dont il peut en tirer des avantage de 15 millions, pour lui c'est l'affaire du siècle, et là il est prêt à tout pour la réussite de l'affaire.

La complicité de l'agent peut être passive c'est-à-dire il aide le criminel, sans savoir que celui-ci est dans une logique de brouiller les pistes sur l'argent qu'il a acquis illégalement.

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La faible culture des agents immobiliers pourrait être une épine dans les pieds du dispositif anti-blanchiment. Un agent qui garde le silence et s'exerce à la furtivité, est un danger pour la lutte anti-blanchiment, car son ignorance ou son comportement peut servir les intérêts d'un criminel. Il est donc important, de mettre fin à ces pratiques.

Section 2 : Les palliatifs aux difficultés de vigilance

Le législateur communautaire doit chercher des moyens pour prévenir efficacement le blanchiment dans le secteur de l'immobilier et il doit être aider pour cela par les législateurs nationaux. Le secteur financier étant tellement sécurisé, les blanchisseurs cherchent d'autres activités pour recycler l'argent issu des activités illégales et si le secteur immobilier n'est pas aussi fortement contrôlé, les criminels utiliseront les failles du système et effectueront leurs activités en toute tranquillité ; ainsi il impératif qu'au niveau nationale les États essayent de mettre en conformité les textes nationaux aux exigences communautaires en matière de lutte ( Paragraphe 1). Et aussi, tout comme le personnel des établissements financiers, que les agents immobiliers reçoivent des formations et informations sur les risques de blanchiment inhérents à leurs secteur d'activité ce qui renforcera la vigilance (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : La conformité des textes nationaux aux exigences de lutte : l'invitation des législateurs nationaux à participer à la lutte contre le blanchiment de capitaux

La lutte au niveau communautaire ne peut être efficace si des mesures ne sont pas d'abord prises au niveau nationale. Les législateurs nationaux doivent penser à une lutte d'abord interne ; Les lois nationales sont celles qui peuvent facilement être implémenter par les professionnels. Ainsi nous invitons les pouvoirs publics à intégrer dans le dispositif de l'organisation de la profession des mesures visant la lutte contre le blanchiment (A) aussi comme le règlement le demande de gérer efficacement au niveau national les risques de blanchiment inhérent au secteur immobilier (B).

A- La nécessaire implication des mesures de vigilance dans la réglementation de la profession d'agent immobilier

Le professionnel pour apporter son concours à la lutte contre le blanchiment, doit avoir reçu une formation adéquate sur la déontologie de sa profession, tenu d'être informé sur les législations relatives à sa profession, si celles-ci doivent contenir des dispositions faisant

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obligation à celui-ci de prendre des mesures de vigilance dans l'exercice de leurs activités, cela sera en harmonie avec les lois communautaires et cela sera facilement mise en oeuvre.

Les lois sous régionales sur l'acquisition d'immeubles par les personnes étrangères manquent actuellement d'instruments efficaces permettant de détecter et de sanctionner les opérations de blanchiment d'argent réalisées sous le couvert de transactions immobilières effectuées par des personnes à l'étranger et par des sociétés de domiciles étrangères. En outre, le registre foncier lacunaire et opaque doit être corrigé.

Les textes organisant la profession d'agent immobilier en Afrique centrale, sont pour la plus part vétustes, dépassés car ce sont souvent des textes adoptés avant 200373, et pour ceux un peu récent74, à leur lecture, on se rend rapidement compte que les législateurs nationaux ignorent les réalités du blanchiment dans ces textes. La lutte au niveau national peut se faire à travers l'assujettissement des agents immobiliers dans le dispositif organisant leur profession, des obligations ayant un rapport direct avec le blanchiment de capitaux.

En fait, ces dispositions font obligation à toutes personnes désirant effectuer cette activité à remplir certaines conditions, et à passer par une identification permettant de connaitre la moralité de l'agent75, et concernant la lutte contre la criminalité financière, pour y faire, il est important d'impliquer des personnes de bonne moralité. Sur ce pan le législateur a quand même posé des bases concernant les futurs professionnels qui lutteront contre le blanchiment dans le secteur76.

Cependant, ces dispositions sont insuffisantes, et pourront être complétées par certaines dispositions qui prendront en compte explicitement, les réalités du blanchiment dans le contexte de la sous-région. Ainsi une réforme des textes nationaux peut être la bienvenue. Les États pourront faire intégrer les obligations liées à l'identification des clients et la mise en oeuvre des mesures de gestion nationale des risques liées au blanchiment des capitaux dans le secteur immobilier.

La situation du Tchad interpelle encore plus, en effet, jusqu'en 2014 la profession d'agent immobilier n'était pas réglementée, malgré que les agents immobiliers sont assujettis depuis 2003 à la lutte contre le blanchiment. Il n'existe pas un cadre formel d'exercice de la

73 Au Cameroun c'est la loi de 2001, au Gabon c'est une loi de 2007.

74 Au Gabon c'est une loi assez récente, c'est la loi n° 006/2017 du 09 Août 2017.

75 Voir les articles 27 à 29 de la loi Gabonaise de 2017, les articles 6 à 8 de la loi camerounaise de 2001.

76 Cette mesure ne peut concerner que les agents exerçant en agence, ce sont les agences immobilières qui peuvent implémenter cette mesure.

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profession d'agent immobilier au Tchad, et pourtant le blanchiment dans l'immobilier fait partie des typologies les plus courantes du blanchiment au Tchad77.

Ainsi une réforme des cadres juridiques nationaux relatifs au foncier et aux transactions immobilières et sa conformité au dispositif communautaire anti-blanchiment s'imposent, avec en plus, la mise en d'une cartographie des risques de blanchiment dans le secteur immobilier ceci pour une meilleure implémentation de l'approche basée sur risques prescrites par les Recommandations du GAFI. Le cas du Gabon interpelle, et les autres pays peuvent emboiter le pas à la mesure adopté par ce dernier, qui par l'Arrêté n° 002/MTEIH/2019, a internalisé les mesures de lutte anti-blanchiment applicable dans les opérations immobilières. Ce qui invite une gestion nationale plus accrue des risques de blanchiment.

B- La gestion nationale des risques de blanchiment inhérent au secteur immobilier

Les États doivent prendre des mesures permettant d'évaluer les risques d'utilisation d'un secteur au fin de blanchiment ceci afin de prendre des mesures pour y mettre un terme. Cette implication des États est posée à l'article 23 du Règlement de 2016.

Il y ressort que l'autorité compétente78 de chaque État doit prendre des mesures appropriées, pour identifier, évaluer, comprendre et atténuer les risques de blanchiment de capitaux auxquels il est exposé et doit tenir à jour cette évaluation. Selon l'alinéa 2 de cet article, les États membres doivent désigner une autorité chargée de coordonner la réponse nationale aux risques identifiés. Selon l'alinéa 3, les États doivent appliquer une approche fondée sur les risques pour repartir ses ressources et mettre en oeuvre les mesures afin de prévenir ou atténuer le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération.

Autrement dit, les États doivent instituer une autorité chargée de coordonner, et de gérer la réponse nationale au risque de blanchiment inhérent au secteur immobilier, c'est-à-dire mettre en place une structure qui aura pour mission de coordonner les risques de blanchiment et veillera à la mise en oeuvre effective des mesures adoptées au niveau nationale.

L'évaluation, l'identification des risques d'utilisation du secteur immobilier peut se faire à travers l'attractivité que représente les investissements immobiliers dans une période donnée ; et le Règlement ajoute que l'évaluation doit être mise à jour ceci pour maitriser le

77Rapport mutuelle d'évaluation détaillée sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, mai 2014, pp. 23-25.

78 Il s'agit de l'ANIF Agence Nationale d'Investigation Financière.

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niveau de risque, afin que les mesures prises pour la gestion de risques soient propices aux risques identifiés. Par ailleurs, l'approche fondée sur les risques que recommande le Règlement, voudrait que les États déploient leurs ressources afin de mettre en oeuvre les mesures édictées par ledit règlement également, et donc la lutte ne doit plus viser seul le secteur financier, mais davantage le secteur immobilier et tous les nouveaux secteurs de prédilection.

Paragraphe 2 : Le renforcement du cadre de la vigilance

Le renforcement du cadre de la vigilance peut se faire pour les agents immobiliers à travers leurs formations et informations à la mise en oeuvre effective des mesures d'évaluation et de gestion des risques (A) par l'aménagement du régime répressif en cas de manquement aux obligations de vigilance (B).

A-La formation, l'information du personnel et la mise en oeuvre effective des
mesures d'évaluation et de gestion des risques

Le cadre de la vigilance financière pourra effectivement être renforcé si les agents immobiliers s'investissent véritablement à la formation et l'information sur les risques de blanchiment de capitaux inhérent au secteur immobilier (1), et à la mise en oeuvre effective des mesures d'évaluation et de gestion de risque de blanchiment de capitaux (2).

1-La formation et l'information du personnel sur les risques de blanchiment de capitaux

La profession d'agent immobilier dans les pays de la CEMAC doit être régit par des dispositions rigoureuses et dont le respect scrupuleux est facteur de préservation du secteur des infiltrations des criminels. L'agent doit être formé à la déontologie de sa profession et avoir une maitrise convenable de ses obligations professionnelles. L'insuffisance professionnelle peut gravement servir les causes du blanchiment. Un agent pour qui toute opération est toujours normale, quelle qu'en soit sa banalité ou son extravagance est une menace pour le système anti-blanchiment79. Il en est ainsi, d'un agent qui n'émet aucun doute quand un client fait subitement une transaction importante alors qu'il n'a pas l'habitude.

79 TCHABO SONTANG (H.M.), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Mémoire de DEA, juin 2006, p. 28.

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Les agences immobilières doivent donc assurer la formation et l'information régulière de leurs personnels en vue du respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment (que ce soit de vigilance ou l'obligation de déclaration). Concernant les agents exerçant individuellement, ils doivent se former et s'informer personnellement sur les obligations liées à la lutte contre le blanchiment et les mettre en application dans le cadre de leur activité.

Cette formation vise à l'appropriation par les agents immobiliers, du système de détection des actes pouvant s'inscrire dans un processus d'une infraction sous-jacente au blanchiment80. La connaissance de l'existence du blanchiment et des méfaits sur l'économie permettra aux professionnels de mettre en place des moyens pour y faire face ; ainsi ils peuvent mettre en place un dispositif de contrôle interne pour vérifier la conformité, l'observance et l'efficacité des mesures adoptées par le règlement. La formation et l'information doivent être continues.

Par ailleurs, les États peuvent apporter leurs concours afin de parfaire l'action. Cette apport peut se faire à travers l'organisation permanente des séminaires de formation sur le blanchiment dans l'immobilier, permettant à ceux-ci de maitriser les techniques, les petites subtilités dans les opérations qu'ils passent avec leurs clients. L'ignorance par les agents immobiliers des risques d'utilisation de leurs concours pour blanchir de l'argent peut être une faiblesse que s'en serviront avec plaisirs les fraudeurs ; pour y pallier il faut que les agents immobiliers fassent preuve de professionnalisme dans l'exercice de leurs activités.

2-La mise en place effective des mesures d'évaluation et de gestion des risques

L'agent immobilier doit se doter de système d'identification, d'évaluation et de gestion des risques auxquels il est exposé, ceci implique l'établissement d'une cartographie des risques permettant de choisir le degré de vigilance adapté. Pour se faire, il est nécessaire que l'agent élabore des « protocoles internes » à mettre en place en amont des relations avec les clients, adaptés à la situation particulière du professionnel. Ces protocoles contenant les obligations en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, doivent être formalisés par écrit et mis à la disposition de l'ensemble des collaborateurs du professionnel, des organismes de contrôle, de régulation et de supervision, des ANIF, et des autorités compétentes81.

80 Cf. art. 26 du Règlement CEMAC de 2016, en matière d'obligation des institutions financières à la formation et à l'information du personnel.

81 Art.14 alinéa 2 du Règlement de 2016.

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L'identification des risques consiste à analyser en amont et de façon exhaustive tous les aspects de l'activité. L'objectif sera d'établir une typologie des différentes catégories de clients, lister les conditions dans lesquelles des opérations avec la clientèle peuvent être conclues afin d'identifier les risques qui pourront en découler, et ces mesures doivent être proportionnelles à la nature et à la taille des personnes assujetties82.

Par ailleurs, le professionnel de l'immobilier pour chaque paramètre de risque identifié, doit établir une classification des risques. Il peut bâtir une grille de notation des risques de ses clients83 ; chaque client, en fonction des opérations qu'il réalise , se voit attribuer une note de blanchiment. Ces notes peuvent être rassemblées en catégorie simples (risque faible/normal/ élevé/ très élevé) afin d'identifier les situations à risque, voire de justifier le refus de conclure une opération84.

La formation et l'information des agents immobiliers, permettra qu'ils évitent de laisser passer certaines opérations quel que soit leurs banalités, ils feront ainsi montre de diligence, et cela conduira à une gestion efficace des risques de blanchiment tels que propose par exemple le code monétaire et financier français. Des mesures d'identification et de gestion étant adoptées, les agents immobiliers, pourront face à certaines opérations présentant des risques élevés refuser d'effectuer l'opération. Si le renforcement de la vigilance nécessite toutes ces opérations par les agents immobiliers, il faudrait aussi qu'au sein des Etats, des dispositions soient prises dans le but d'harmoniser le dispositif de lutte.

B-L 'aménagement du régime répressif pour le manquement aux obligations de

vigilance

C'est l'existence des sanctions qui permet de donner plus de rigueur aux obligations. Il est donc important lorsqu'on prévoir des obligations de l'assortir d'un régime de répression. Le législateur a exclu la responsabilité pénale des agents immobiliers pour non-respect des obligations de vigilance ce qui à certains égards peut rendre vulnérable ces obligations de vigilance.

Néanmoins des sanctions administratives et disciplinaires ont été prévu. L'article 113 du Règlement CEMAC du 11 Avril 2016 prévoit que, des sanctions administratives et

82 Article 14 alinéa 1 du Règlement de 2016.

83 Le degré de détail de la grille peut varier selon l'activité du professionnel.

84 https://www-journaldelagence-com.cdn.ampproject.org/v/s/www.journaldelagence.com/1170727-tout-savoir-pour-gerer-les-risques , consulté le 7 juin 2020.

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disciplinaires peuvent être infligées par l'autorité de tutelle ayant pouvoir disciplinaire aux professionnels qui méconnaitront leurs obligations de vigilance prévues au TITRE II, en disposant que «Lorsque, par suite, soit d'un grave défaut de vigilance, soit d'une carence dans l'organisation de ses procédures interne de contrôle , une personne visée aux articles 6 et 7, a méconnu les obligations qui lui imposent les titres II et III (...), l'autorité de contrôle ayant pouvoir disciplinaire peut agir d'office dans les conditions prévues par les textes législatifs et réglementaires en vigueur ».

Même ces peines administratives et disciplinaires n'ont pas un régime spécifique, en effet le quantum des peines n'a pas été déterminé. Ce qui donne à l'autorité de tutelle un pouvoir discrétionnaire d'appréciation et de subjectivité dans le prononcé des sanctions.

Il importe que le législateur communautaire aménage le régime des sanctions contre les professionnels qui violeront les obligations de vigilance, en déterminant le quantum des peines encouru et si possible prévoir des sanctions pénales. Ceci permettra de renforcer la mise en oeuvre de l'obligation de vigilance.

CONCLUSION CHAPITRE II

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La vigilance implique que les professionnels identifient tous les clients avec lesquels ils veulent établir une relation d'affaire, sauf que le dispositif communautaire anti-blanchiment contient des failles car ayant négligé la réalité des activités menées dans l'informel, pourtant étant la caractéristique des activités menées dans la sous-région. Ces failles s'étendent à l'inadaptabilité du cadre d'identification des clients soumis au agents immobiliers ; pour pallier à cela les agents immobiliers doivent participer personnellement à travers leurs formations et informations sur les risques de blanchiment, et les États doivent s'impliquer davantage par la conformité des textes nationaux régissant la profession aux exigences communautaires et aussi à répartir les ressources disponibles pour gérer les risques observés dans le secteur immobilier. Par ailleurs, il est appréciable que le législateur ait prévu des sanctions administratives et disciplinaires, mais il est important que ces sanctions soient bien organisées pour donner de la rigueur à la vigilance

En plus de l'action de l'État, le législateur communautaire doit penser à l'adaptabilité du Règlement aux exigences du secteur immobilier. Le secteur financier ayant une forte réglementation en la matière, il serait facile pour les criminels d'utiliser les secteurs négligés. Il est donc nécessaire d'éviter que les blanchisseurs usent le secteur immobilier pour dissimuler l'origine de leur fonds, car cela impactera gravement l'économie.

Pour éviter que les délinquants usent des vulnérabilités du système anti-blanchiment, il est nécessaire que le cadre institutionnel de déclaration d'opération soit adapté. La connaissance du laxisme des CRF dans le traitement des déclarations peut encourager les criminels à commettre plus d'acte car ayant la certitude que leur acte n'encourt aucune punition après dénonciation.

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

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Aux termes de cette partie, un constat confirme une de nos hypothèses : il existe un cadre normatif de lutte impliquant les agents immobiliers. Il en ressort par ailleurs que, les agents immobiliers peuvent véritablement effectuer une vigilance face à leurs clients et déclarer toute opération dont ils suspectent l'objet ; leurs obligations sont posées par le dispositif communautaire, même s'il n'est pas clairement exprimé, on voit quand même la volonté du législateur de faire participer les professionnels de l'immobiliers. En effet, les agents immobiliers sont astreints à une surveillance générale de toute opération, mais aussi face à certaine opération, à raison du risque qu'elle présente, ceux-ci sont astreint à une vigilance accrue. On constate alors une modulation de l'obligation de vigilance, qui peut être faible ou accrue devant un type de relation ou de client.

Par ailleurs, lorsque toute diligence a été effectué, et que la transaction ou le client présente des risques de blanchiment de capitaux, l'agent immobilier est assujettis à une autre obligation dans ce cas, celle de déclarer à l'organisme compétent les soupçons qu'éveillent la transaction.

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PARTIE II : L'ASSUJETTISSEMENT OPPORTUN DES AGENTS
IMMOBILIERS À LA DÉCLARATION DES OPÉRATIONS

SUSPECTES

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La déclaration de soupçon est un moyen de prévention dans la LBC/FT. A partir des déclarations faites, des investigations seront menées par les autorités compétentes et pourront aboutir à la sanction d'infraction de blanchiment de capitaux85.

La définition du soupçon est le premier aspect86 de l'obligation de déclaration d'opération suspecte. Cette notion n'a ni été défini par le GAFI, ni par les différents textes communautaires87, ni par les textes nationaux créant les organismes en charge de recevoir les déclarations88, ce qui est déplorable et devait être revu au regard du rôle déterminant que joue le soupçon dans la lutte contre le blanchiment. Le soupçon peut être défini comme « une opinion défavorable à l'égard de quelqu'un, de son comportement, fondée sur des indices, des intuitions, mais sans preuves précises »89 ; il peut par ailleurs être défini comme « la simple conjoncture ou une opinion défavorable fondée sur des indices ou des éléments de vraisemblances. Il s'agit de signes apparents qui indiquent une probabilité. Appliqué au blanchiment, il s'agit d'une défiance ou d'une incompatibilité entre l'opération projetée et ce qui est connu du client »90.

La Recommandation 20 du GAFI pose clairement l'obligation de déclaration des opérations suspectes à la charge des personnes assujetties, lorsqu'elles suspectent ou alors, a des motifs raisonnables de suspecter que les fonds affectés à une transaction sont le produit d'une activité criminelle ou seraient destinés à une telle activité.

La déclaration de soupçon a pour intérêt d'informer les autorités de poursuite de l'existence des faits susceptible d'être constitutifs de blanchiment. Afin de rendre le dispositif de détection du blanchiment le plus efficace possible, il est important de l'associer à une autre dimension en faisant intervenir des pouvoirs publics. L'intervention en amont permet de rendre la répression plus efficace. Les dispositions communautaires91 et nationales92, obligent

85 https://kalieu-elongo.com.

86 Le second aspect est la définition de l'éventail des activités criminelles suspectes déclencheur de déclaration de soupçon.

87 On peut voir là le Règlement CEMAC de 2003, le Règlement COBAC de 2005, le Règlement CEMAC de 2016.

88 Au Cameroun c'est le décret du 31 mai 2005. Au Gabon en 2005 par le décret n° 000739/PR/MEFBP du 22 Septembre 2005, la RCA a institué son ANIF en 2005, celle de la Guinée Equatoriale a été institué en 2007, le Tchad en 2007 par le décret n° 101/PR/PM/MFEP/07 du 02 Février 2007, celle du Congo a été institué par le décret n° 2008-64 du 3 mars 2008.

89 GUITTON (G.), In Banque et Droit 2003, n° 88, p. 8. Cité par TSOBGNI DJOUMETIO (N. L.), op. cit., p. 164

90 DEFFERRARD (F.), « Les métamorphoses de la législation anti-blanchiment », Gaz. Pal., Doctrine, 23 et 24 octobre 2009, p. 7.

91 Règlement CEMAC de 2016, articles 18, 83.

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conformément aux indications internationales93, les agents immobiliers à donner l'alerte au blanchiment de capitaux dans deux situations : lorsque le professionnel a connaissance des actes matériels de blanchiment, il est tenu de le dénoncer, et lorsqu'il a des soupçons sur l'accomplissement d'actes constitutifs de blanchiment94. Des dispositions de l'article 83 Règlement CEMAC de 2016, l'agent immobilier est tenu de déclarer des opérations immobilières qu'il suspecte d'être un moyen de blanchiment. Le législateur communautaire a ainsi posé les bases de la déclaration de soupçon.

L'obligation de déclaration est à l'évidence l'élément essentiel de l'ensemble du système anti-blanchiment. Elle consiste à associer de manière autoritaire à la poursuite d'éventuelles infractions, les professionnels amenés à intervenir dans les opérations financières. En imposant ce devoir de « déclaration des opérations suspectes », le législateur communautaire n'a fait que se conformer aux textes internationaux, notamment les recommandations du GAFI95 qui font obligations aux institutions financières de déclarer aux cellules de renseignement financier(CRF), toutes opérations dont, elle suspectent ou ont des motifs de suspecter que les fonds proviennent d'une activité illégale96 au regard du montant, de la fréquence, de la qualité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire.

Les contours de cette obligation restent flous, car la notion d'opération suspecte fait largement appel à la subjectivité des professionnels concernés. Ainsi l'agents immobilier est tenu de déclarer toute opération qui lui semble être un moyen de blanchiment (Chapitre 1). Posant ainsi les bases de l'obligation de déclaration de soupçon, le législateur communautaire recherche l'efficacité de la lutte, mais le cadre de cette obligation contient encore quelques failles (Chapitre1).

92 Décret n° 2005 du 31 mai 2005 portant organisation et fonctionnement de l'ANIF.

93 Voir article 7 de la convention de Palerme entrée en vigueur le 29 septembre 2009.

94 NGUIFFEU TAJOUO (E. L.) La lutte contre la criminalité financière en zone CEMAC, Etude à la lumière du modèle européen, op. cit., p. 76.

95 BEER (C. J.), op. cit., p.13.

96 Recommandation du GAFI n° 20, février 2012.

CHAPITRE I : L'IMPORTANCE DE LA DÉCLARATION DES OPÉRATIONS SUSPECTES

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L'obligation de déclaration est à l'évidence l'élément essentiel de l'ensemble du système anti-blanchiment. Elle consiste à associer, de manière autoritaire à la poursuite d'éventuelles infractions, les professionnels amenés à intervenir dans les opérations financières. En imposant ce devoir de « déclaration des opérations suspectes », le législateur communautaire n'a fait que se conformer aux textes internationaux, notamment les recommandations du GAFI97 qui font obligations aux institutions financières de déclarer aux cellules de renseignement financier (CRF), toutes opérations dont, elle suspectent ou ont des motifs de suspecter que les fonds proviennent d'une activité illégale98.

Afin d'encourager les agents immobiliers à dénoncer davantage les faits suspects qu'ils auraient connaissance au cours de l'exercice de leur profession, le législateur à penser à leur exonérer de leur responsabilité lorsqu'ils agissent de bonne foi, et de faire assumer cette responsabilité à l'Etat, s'il existe un préjudice moral ou matériel résultant du blocage des opérations ayant fait l'objet de déclaration.

Si aucun problème ne se pose en cas de dénonciation, car les éléments matériels de l'infractions sont constatés. Les difficultés naissent lorsqu'il s'agit de la déclaration des opérations suspectes. Les contours de cette obligation restent flous, car la notion d'opération suspectes fait largement appel à la subjectivité des professionnels concernés. Cela étant, il convient tout d'abord de déterminer le régime des obligations déclaratives (Section1), ensuite les règles qui président à l'exécution de ces obligations (Section 2).

Section 1 : Le régime de l'obligation de déclaration de soupçon

Les dispositions tant communautaires, qu'internationales anti-blanchiment, obligent les agents immobiliers astreints à une vigilance, à donner alerte s'ils ont de simple soupçon sur la nature de l'opération que le client sollicite ou les fonds qui seront utilisés. Le cadre de ces

97 BEER (C.J), op.cit., P.13.

98 Recommandation du GAFI N°20, de février 2012

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obligations (Paragraphe1), ainsi que l'encadrement du devoir du secret professionnel (Paragraphe 2) ont été prévu à nouveau par le législateur communautaire en 2016.

Paragraphe 1 : L'encadrement de la déclaration des opérations suspectes

Des dispositions communautaires99, il ressort que l'agent immobilier après avoir effectué une vigilance, est tenu de faire sa déclaration dans deux situation : en cas de soupçon et même en dehors de soupçon (A), des critères d'alerte ont été progressivement dégagés destinés à attirer l'attention et la surveillance particulière de certaines opérations ou sur certaines personnes (B).

A- L'étendue de la déclaration de soupçon

Aux termes de l'article 14 du Décret de 2005, l'agent immobilier est tenu, en cas de soupçon de déclarer les sommes et biens qui sont en sa possession et qui pourraient être liés à un crime ou à un délit ou s'inscrire dans un processus de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ; il doit par ailleurs, déclarer les opérations qui portent sur des sommes ou biens qui pourraient provenir d'un crime ou d'un délit ou s'inscrire dans un processus de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme.

Les agents immobiliers, sont tenus par ailleurs, de déclarer à l'ANIF100, dans les conditions fixées par le législateur communautaire et selon un modèle de déclaration fixé par arrêté du Ministre chargé des Finances sur proposition de l'ANIF, les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur les sommes dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles sont le produit d'une activité criminelle ou ont un rapport avec une infraction de blanchiment de capitaux ou de financement de terrorisme ou de la prolifération101.

Toutefois, les agents immobiliers, doivent s'abstenir d'effectuer toute opération dont ils soupçonnent qu'elle soit liée à l'une des infractions visées, jusqu'à ce qu'ils fassent la déclaration de soupçon102. Et si l'opération devant faire l'objet de déclaration a déjà été

99 Article 83 du Règlement CEMAC de 2016, les articles 14 et 15 du décret de 2005, l'article 29 du Règlement COBAC.

100 ANIF : Agence Nationale d'Investigation Financière.

101 Par dérogation à l'alinéa 1 de l'article 83, les agents immobiliers peuvent déclarer les sommes ou opérations ou tentative d'opération dont elles savent, ou soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une fraude douanière ou fiscale lorsqu'il y'a présence d'au moins un critère défini par la réglementation en vigueur.

102 Art. 83 al 8.

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réalisée, soit parce que qu'il a été impossible de surseoir à son exécution, soit que son report aurait pu faire obstacle à des investigations portant sur une opération suspectée, soit qu'il est apparu postérieurement à sa réalisation qu'elle était soumise à cette déclaration, la personne assujettie doit informer sans délai l'ANIF103.

Des dispositions de l'article 83, la déclaration résulte de la vigilance que l'agent porte sur l'opération ou les biens dont il a connaissance, en fonction de leur nature intrinsèque et des renseignements qu'il détient sur ses clients. L'utilisation du verbe pouvoir par le décret de 2005 témoigne de ce large pouvoir d'appréciation laissé à l'agent immobilier, il signifie aussi que la certitude de la nature frauduleuse de l'opération n'est pas exigée pour faire la déclaration104. Sauf que le Règlement de 2016 est plus impératif105 et exige que toute information qui pourrait infirmer ou confirmer le soupçon doit être déclarée à l'ANIF106. On pense qu'il est nécessaire que le Décret de de 2005 fasse l'objet d'une réforme ceci parce qu'il est contraire au nouveau règlement.

Aux termes de l'article 15 du Décret de 2005, l'agent immobilier, même en dehors de tout soupçon est ténu de faire une déclaration. Ainsi il doit déclarer toute opération pour laquelle l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire effectif ou du constituant d'un fonds fiduciaire ou de tout autre instrument de gestion d'un patrimoine d'affectation reste douteuse en dépit des diligences effectuées. En plus, toute information de nature à infirmer, conforter ou modifier les éléments contenus dans la déclaration de soupçon est portée, sans délai, à la connaissance de l'ANIF107.

Face à la difficulté de déterminer les actes de délinquance, des indicateurs d'alerte ont été dégagés.

103 Al. 9 de l'article 83.

104 Selon un auteur l'utilisation des verbes paraître et apparaître dans la loi camerounaise de 1997 et dans le code monétaire et financier Français dans sa rédaction d'avant 2001 conduisait certains professionnels à soumettre la déclaration de soupçon au constat d'indices et de faits concrets de nature à rendre vraisemblable la provenance illicite des sommes. En 2001, la loi Française relative aux Nouvelles Régulation Economique dite loi NRE (Loi n° 2001/420) modifie certaines dispositions du code monétaire et financier et introduit le verbe pouvoir, remplaçant le verbe apparaître.

105 L'utilisation du verbe tenir, l'utilisation des verbes au présent dans le règlement de 2016 témoigne du caractère impératif des obligations déclaratives contrairement au passé où il était utilisé plus le verbe, apparaît, paraît et pouvoir.

106 Art. 83 du Règlement CEMAC de 2016.

107 Al. 5 de l'article du Règlement CEMAC de 2016.

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B- Les indicateurs d'alerte

L'activité des criminels, même lorsque des montages sont élaborés, peut laisser apparaître un certain nombre d'indice qui, lorsqu'ils sont suffisamment nombreux ou flagrants, doivent attirer l'attention du professionnel assujetti. En France par exemple, TRACFIN et DGCCRF108 ont actualisé les lignes directrices en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux dans l'immobilier et y ont établie des lignes directrices à cet effet. Ces lignes directrices ainsi que les dispositions communautaires doivent permettre à chaque agent immobilier d'établir une cartographie qui lui est propre selon les risques qui vont appeler des mesures de vigilance à moduler à chaque situation rencontrée. Certains indices doivent pousser les agents immobiliers à s'interroger d'avantages sur la licéité d'une opération. Ces critères ne peuvent pas être exhaustifs109 mais donnent aux intermédiaires immobiliers des indices pertinents. Face donc à ces indices le professionnel doit mettre en mouvement le système d'alerte :

> Discordance entre le profil du client (âge, revenu, catégorie socio-professionnelle) et la valeur du bien objet de l'opération

> Discordance entre la valeur de marché du bien immobilier et le montant de la transaction.

> Présence d'un tiers au côté du client, dont le comportement fait croire qu'il s'agit du bénéficiaire effectif de l'opération.

> Un client procède à l'achat et la revente des biens immobiliers dans un temps bref. > Les fonds émis pour l'achat du bien sont émis à partir d'un compte différent de celui de l'acquéreur

> Le recours à l'interposition de plusieurs personnes morales qui tend à opacifier l'identification du bénéficiaire effectif.

> Sensibilité du secteur d'activité (BTP, restauration, téléphonie), duquel les fonds sont susceptibles de provenir.

> Le comportement atypique ou insolite du client.

> Connivence supposée entre le vendeur et l'acquéreur du bien immobilier.

> Montage anormalement complexe au regard de l'opération.

108 DGCCRF : Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

109 Cf. les lignes directrices relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LBC/FT) pour les professionnels du secteur immobilier.

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? La présence d'une personne politiquement exposée (PPE).

Par ailleurs le législateur communautaire, fait obligation aux agents immobiliers de déclarer les transactions en espèce ou d'instruments négociables au porteur lorsque le montant de la transaction est égal ou supérieur à cinq millions de francs (5.000.000) FCFA, qu'il s'agisse d'opération unique ou de plusieurs opérations qui apparaissent liées110. Aussi il est interdit dans les transactions immobilières tout paiement en espèce d'un montant supérieur à trois millions111, toute tentative par l'acquéreur du bien, doit être un indice pour le professionnel d'avoir des soupçons sur le client.

De même, dans les lignes directrices, TRACFIN approfondit l'interprétation du conseil d'Etat112 en indiquant qu'«une déclaration de soupçon s'effectue (...) sur la base d'arguments démontrant l'effectivité de la vigilance renforcée et l'impossibilité, in fine pour le professionnel de lever le doute et de conclure à la licéité de l'opération en cause »113.

Dès la constatation de l'un des indicateurs ou de plusieurs d'entre eux, l'agent immobilier doit mettre en mouvement la procédure d'alerte. Sauf que son devoir d'alerte se heurte quelque fois à une autre obligation qui pèse sur lui : le devoir de discrétion. Il est important de s'interroger sur la ligne de démarcation entre ces deux obligations.

Paragraphe 2 : L'indispensable dilution du secret professionnel

L'agent immobilier agit par mandant, le mandant peut inclure une obligation au secret pendant la relation d'affaire. S'il est indéniable que l'agent immobilier n'est pas tenu au secret professionnel, il est néanmoins soumis à un devoir de discrétion114 qui porte sur les confidences que lui sont faites par son client. L'obligation de déclaration de soupçon et l'obligation à la discrétion peuvent coexister pacifiquement. D'ailleurs, en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux l'obligation de déclaration doit primer sur ce secret (A),

110 Art. 18 du Règlement CEMAC de 2016.

111 Selon l'article 17 du Règlement de 2016, le prix de vente d'un bien immobilier dont le montant est supérieur à trois millions de francs CFA ne peut être acquitté qu'au moyen d'un virement ou d'un chèque.

112 Dans un arrêt du 31 mars 2004, le Conseil d'Etat avait considéré que la déclaration de soupçon s'impose dès lors qu'après avoir exercé son devoir de vigilance et recueilli les informations nécessaires prévues par les textes, l'assujetti ne peut pas exclure que les sommes proviennent pas d'un délit.

113 TSOBGNI DJOUMETIO (N. L.), Les banques et la mise en oeuvre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun et en France. Thèse de doctorat en droit pénal et sciences criminelles, Université de Strasbourg, 2015, p.165.

114 Qui dans une certaine mesure peut être considéré comme le secret professionnel au sens plein du terme. Car la confidence est faite dans le cadre de l'exercice de la profession.

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ceci pour assurer une sécurité aux agents immobilier et les inciter à une déclaration accrue (B).

A- La primauté de l'obligation de déclaration sur le devoir de discrétion de l'agent

immobilier

L'agent immobilier, en plus des obligations qui pèsent sur lui dans le cadre de sa profession, a d'autres obligations en matière de lutte contre le blanchiment, qui concerne la dénonciation de tout fait dont il aurait connaissance et en raison de sa profession ; il est tenu de déclarer toutes les sommes ou transactions suspectes.

L'agent immobilier est en réalité soumis à un devoir de discrétion qui porte sur les confidences qui lui sont faites par son client ou des informations personnelles qui lui sont confiées à titre confidentiel. Ce devoir devra être assumé tout en respectant l'obligation d'information et de loyauté qui pèse sur l'agent. Il doit informer les autorités des informations nécessaires relatives aux biens pour lequel il intervient. A cet effet, le tribunal de 1ère instance de Bruxelles indique dans un jugement du 8 mai 2006115 que « l'agent immobilier doit se comporter comme tout professionnel de la même spécialité normalement prudent et diligent et ne peut méconnaitre les intérêts légitimes des tiers. Il doit informer les tiers sur les caractéristiques du bien, ce qui pourrait déterminer son consentement »116.

En effet, si l'obligation de l'agent immobilier est dissoute face aux informations qu'il est tenu de donner à l'acquéreur des biens qu'il a reçu la charge de vendre, ce devoir est encore plus dissout en matière de dénonciation de toutes transactions suspectes telle que posé par les dispositions anti-blanchiment. Le législateur communautaire fait obligation aux agents immobiliers de dénoncer toute transaction ou toutes les sommes qu'ils soupçonnent provenir d'une activité criminelle117.

Le devoir de discrétion et l'obligation de dénonciation ne sont cependant pas incompatibles. Ils sont au coeur d'un conflit entre deux intérêts contradictoires : d'une part l'impératif de sécurité118 et d'autre part, la préservation des droits et libertés fondamentaux de

115 RGDC 2006, p. 438. 116 https://www.pim.be/.

117 Voir les dispositions de l'article 83 du Règlement CEMAC de 2016.

118 Qui provient de la règlementation anti-blanchiment, qui oblige une lutte contre le crime organisé par tous les moyens préventifs et répressifs.

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l'individu par le respect de sa sphère individuelle119. Le premier impératif commande d'associer au dispositif de lutte contre le crime financier les professionnels dont les activités sont particulièrement susceptibles d'être utilisées à des fins criminelles.

Le législateur CEMAC ayant opté pour la participation des professionnels à la lutte, prône ainsi la primauté de l'obligation de déclaration de soupçon des opérations et sommes suspectes. Cette obligation n'éteint pas le devoir de discrétion qui demeure effectif pour des questions bien déterminées. Il s'agit par exemple de l'existence d'une procédure judiciaire ou lors de l'évaluation de la situation juridique d'un client120. En fin, selon l'article 101 du Règlement CEMAC, le secret professionnel ne peut être invoqué par les assujettis pour refuser de fournir les informations aux autorités de contrôle ainsi qu'à l'ANIF ou de procéder aux déclarations prévues par le Règlement121.

De même les agents immobiliers sont tenus à un devoir de confidentialité vis-à-vis de leurs clients, ceci concerne l'interdiction faite de porter à la connaissance du propriétaire des sommes ou de l'auteur de l'une des opérations induisant une déclaration, l'existence et le contenu d'une déclaration faite à l'ANIF et de donner des informations sur les suites qui ont été réservées à ladite déclaration122.

Il y apparait clairement que face à toute opération suspecte, la discrétion du professionnel de l'immobilier doit prendre du recul. Car sa responsabilité est en jeu en cas d'omission ou de défaut de diligence de ses obligations déclaratives. Mais aucune poursuite ne peut être engagée pour violation du secret professionnel123 ceci pour encourager les agents immobiliers à dénoncer davantage les soupçons.

B- Pour l'incitation des agents immobiliers à la déclaration de soupçon

Les différents textes ont prévu un traitement spécial aux professionnels assujettis à la déclaration de soupçon, ceci pour les inciter à plus de dénonciation ou de déclaration. De ce

119 NGUIFFEU TAJOUO (E. L.), La lutte contre la criminalité financière en zone CEMAC, Etudes à la lumière du modèle européen op. cit., p. 80.

120 Cf. Directive européenne n° 90/308 du 10 juin 1991 modifiée par la directive n° 2001/97 du 04 décembre 2001, qui a fortement inspiré le législateur CEMAC.

121 En effet, l'article 101 al.1 renchérit en disposant que les agents ne doivent pas, au nom du secret professionnel refuser de fournir des informations requises dans le cadre d'une enquête portant sur des faits de blanchiment, ordonnée par l'autorité judiciaire.

122 L'article 87 qui traite de la confidentialité de la déclaration de soupçon, fait obligation à tous les membres de la chaine de déclaration, de garder secret le contenu de la déclaration et de ne divulguer aucune information relative sauf à des personnes désignées. En cas de violation de cette obligation, des sanctions peuvent être prononcée à l'encontre de l'agent immobilier.

123 Le détail de l'article 102 du Règlement CEMAC de 2016 renseigne davantage.

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fait, le Règlement CEMAC124 exempt tout agent immobilier qui aurait fait des déclarations de bonne foi ou après avoir effectué la transaction suspectée a porté ceci à la connaissance de l'ANIF.

L'article 88 pose le principe de l'exemption de responsabilité des déclarations faites de bonne foi. En effet, il dispose que les personnes ou les dirigeants et préposés des agents immobiliers, qui, de bonne foi, ont transmis des informations ou effectué toute déclaration, sont exempts de toutes poursuites pénales125. En outre, aucune action en responsabilité civile ou pénale ne peut être intentée, ni aucune sanction professionnelle prononcée contre les dirigeants et préposés des agents immobiliers ayant déclaré les opérations suspectes de bonne foi, même si des décisions de justice rendues sur la base des déclarations n'ont donné lieu à aucune condamnation126.

Par ailleurs, aucune action en responsabilité civile ou pénale ne peut être intentée contre les personnes assujetties à la déclaration, en raison des dommages matériels ou moraux qui pourraient résulter du blocage d'une opération127 telle que prévu à l'article 74128 du règlement de 2016.

L'exonération de l'agent s'étend à l'exécution de certaines opérations. En effet, lorsqu'une opération suspecte a été exécutée et sauf cas de collusion frauduleuse avec le ou les auteurs du blanchiment, l'agent immobilier, ainsi que les préposés ou les dirigeants129, sont dégagés de toute responsabilité et aucune poursuite pénale du chef de blanchiment de capitaux ne peut être engagée à leur encontre, à condition que la déclaration ait été faite de bonne foi130. Il en est de même lorsque l'agent a effectué une opération, à la demande des services d'enquête agissant en cas d'opposition à l'exécution d'une opération suspecte.131

L'exonération de la responsabilité de l'agent immobilier, vise ainsi à les faire participer davantage à la lutte contre le blanchiment des capitaux, en déclarant tout fait qu'il aurait eu connaissance dans la relation d'affaire, relayant ainsi le devoir de discrétion au second plan. Et le législateur a pensé à une protection absolue de ces professionnels, car après avoir déclaré

124 Voir les articles 88 et 89 du Règlement CEMAC de 2016.

125 Art. 88 alinéa1du Règlement CEMAC de 2016.

126 Art. 88 alinéa 2 du Règlement CEMAC de 2016.

127 Art. 88 alinéa 3 du Règlement CEMAC de 2016.

128 Qui traite de l'opposition à l'exécution d'une obligation ayant fait l'objet de déclaration.

129 Il s'agit ici des agences immobilières.

130 Cf. article 89 al. 1 du Règlement CEMAC de 2016.

131 Article 89 al.2.

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toutes transactions suspectes, ils sont exempts de responsabilité pour violation du secret professionnel132 telle qu'il ressort de l'article 102.

Le législateur communautaire, en protégeant les agents immobiliers par la levée du secret professionnel et l'exonération de la responsabilité des déclarants de bonne foi, a mis à la charge de l'État la responsabilité de tout dommage causé aux personnes et découlant directement d'une déclaration de soupçon faite de bonne foi, mais qui s'est avérée inexacte133. Par ailleurs, la responsabilité de l'État est aussi retenue, lorsque l'agent immobilier a effectué une opération à la demande des autorités judiciaires, des agents de l'État chargés de la détection et de la répression des infractions liées au blanchiment, au financement du terrorisme et de la prolifération, ou les agents agissant dans le cadre d'une procédure judiciaire, aussi lorsque l'opération a été demandé par l'ANIF134.

L'obligation de déclaration de soupçon s'exécute selon certaines modalités qui méritent une étude attentive.

Section 2 : Les modalités d'exécution de l'obligation de déclaration de

soupçon

La déclaration de soupçon ne se fait pas dans le désordre et par n'importe qui. Ces personnes débitrices de l'obligation sont particulièrement énumérées dans les dispositions du texte communautaire135. Ainsi la découverte d'une opération suspecte par l'agent immobilier 136, celui-ci est tenu d'informer immédiatement l'autorité compétente destinataire de la réception (Paragraphe1), qui après réception de la déclaration, qui est soumis à certaines condition de validités, doit lui en donner une suite (Paragraphe2).

Paragraphe 1 : Les destinataires de la déclaration de soupçon

Elle est instituée par l'article 65 du Règlement, l'autorité administrative ayant compétence de recevoir et de traiter les déclarations de soupçons émises par les professionnels

132 Lorsque la déclaration a été faite conformément aux articles 66, 83, 101 et 103 du Règlement de 2016.

133 Il ressort des dispositions de l'alinéa 1 de l'article 90 du Règlement CEMAC de 2016.

134 Alinéa 2 de l'art. 90 du Règlement CEMAC de 2016.

135 Il s'agit des assujettis aux termes des articles 6 et 7, des personnes prévues à l'alinéa 5 de l'article 83.

136 Dans le cadre d'une agence immobilière, conformément à l'article 69 du Règlement CEMAC, l'institution doit communiquer à l'ANIF et à leurs autorités de contrôle les personnes habilitées à procéder aux déclarations de soupçon.

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assujettis, il s'agit de l'ANIF (A) et dans une certaine mesure du procureur de la République (B).

A- La plénitude de compétence de l'ANIF dans la réception des déclarations

L'approche préventive par les risques que recommande le GAFI consiste aussi en la déclaration de tout soupçon aux autorités compétentes notamment l'ANIF dans la sous-région Afrique Centrale. Les agents immobiliers, professionnels assujettis aux termes de l'article 6 du Règlement, sont tenus de déclarer à l'ANIF, les opérations qu'ils suspectent ou ont de raison de soupçonner qu'elles sont faites dans le processus de blanchiment de capitaux.

L'ANIF est instituée dans chaque État membre de la communauté par l'article 65 du Règlement CEMAC de 2016, et est consacrée par le législateur Camerounais par le Décret n° 2005/187 du 31 Mai 2005 portant organisation et fonctionnement de l'ANIF. C'est une autorité placée sur la tutelle du Ministre chargé des Finances, ayant une autonomie financière et un pouvoir de décision autonome sur les matières relevant de sa compétence. Elle est composée de 4 quatre membres137 ayant des compétences en matières économiques et financières138. il s'agit d'un fonctionnaire détaché par le Ministre en chargé des Finances, d'un magistrat de haut rang spécialisé dans les questions financières139,un officier de Police judiciaire de haut rang spécialisé dans les enquêtes économiques et financières140et en fin un haut fonctionnaire de l'administration des Douanes spécialisé dans les enquêtes économiques et financière agissant sous l'autorité du ministère des Finances.

L'ANIF, est un service public de renseignement financier, ayant pour missions essentielles, de recueillir, d'analyser, d'enrichir et d'exploiter tout renseignement propre à établir l'origine ou la destination des sommes ou la nature des opérations ayant fait l'objet de déclaration. Par ailleurs, elle peut demander la communication des informations ayant pour but d'enrichir la déclaration faite, elle peut également recevoir toute information nécessaire dans l'accomplissement de sa mission141. Elle peut par ailleurs, recourir aux services du Procureur de la République.

137 Voir article 67 du Règlement CEMAC de 2016 sur la composition de l'ANIF.

138 L'article 67 dispose que l'ANIF est composée d'un haut fonctionnaire détaché par le Ministère des Finances, un haut fonctionnaire de l'administration des douanes.

139 Détaché par le Ministère chargé de la justice.

140 Détaché par le Ministère chargé de la sécurité.

141 Les dispositions de l'article 66, énumèrent en détails les attributions de l'ANIF.

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B- La saisine du PR : compétence partagée avec l'ANIF

En matière de déclaration de soupçon, le procureur de la République peut recevoir les déclarations des assujettis, ou toute autre personne qui aurait connaissance des opérations ou des sommes qu'elle sait susceptibles de s'inscrire dans un processus de blanchiment142. Par ailleurs, le PR peut être saisit par l'ANIF, sauf que dans ce cas, la déclaration de soupçon ou toute information qui a été transmise à l'ANIF, ne figure pas au dossier de la procédure ceci afin de préserver l'anonymat de ses auteurs telle qu'il ressort de l'alinéa 3 de l'article 73. Le nouveau règlement exprime une méfiance à l'égard de l'autorité judicaire en obligeant l'anonymat des auteurs de déclaration, le Procureur de la République ne dispose plus d'une marge d'appréciation de l'opportunité d'engager les poursuites comme c'était le cas en 2003143 ; cette solution est justifiée par le fait que dans la quasi-totalité des cas, aucune suite n'était donnée aux transmissions données par les CRF144 aux autorités judiciaires. En l'absence d'une victime pouvant assurer la suite de la procédure, les dossiers étaient abandonnés ou faisant l'objet d'un arrangement occulte avec les criminels et les magistrats peu véreux145.

Le PR a plus de pouvoir dans la réception des déclarations venant des personnes assujetties ; il est saisi par l'ANIF afin qu'il puisse mener des enquêtes. La saisine du Procureur de la République se fait conformément aux règles habituelles de la procédure pénale par plainte (simple ou constitution de partie civile) lorsque l'acte de saisine « émane de la personne lésée par l'infraction ou de ses ayants cause »146.

Si la difficulté de la détermination de l'autorité destinataire et compétente pour recevoir la déclaration, est résolue, il nous reste à étudier les modalités de traitement de la déclaration par ces autorités.

142 Cf. Art. 73 al.3 du Règlement CEMAC de 2016.

143 Le Règlement CEMAC n°01/03 du 4 Avril 2003.

144 Cellule de Renseignement Financier.

145 NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse à la lumière des normes et standards européens et internationaux, op. cit., p. 259.

146 Cf. MERLE (R.) et VITU (A.), Traité de Droit criminel, Tome 2 : La procédure pénale ; CUJAS 3e Ed. 1979, p. 298.

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Paragraphe 2 : La réception de la déclaration de soupçon

La déclaration de soupçon transmis à l'ANIF répond à certaines conditions prévues par le Règlement CEMAC pour sa validité (A). Dès réception, l'ANIF a l'obligation de recueillir des informations nécessaires, pour l'analyser, la traiter et y donner une suite (B).

A- Les formalités de recevabilité de la déclaration

Les formalités pour la recevabilité de la déclaration sont posées à l'article 86 du Règlement de 2016. En 2003, la déclaration pouvait être verbale ou écrite, et même par téléphone à condition d'être confirmée par télécopie ou tout autre moyen écrit147. Il revenait à l'ANIF d'accuser réception de la déclaration148. Désormais les déclarations se font par écrit149. Les assujettis sont tenus de transmettre leurs déclarations par tous moyens laissant trace écrite tel qu'il ressort des dispositions de l`article 86 du Règlement de 2016. Il existe néanmoins la possibilité de faire les déclarations par téléphonie ou par moyen électronique mais celles-ci doivent être confirmées dans un délai de quarante-huit heures (48)150. Ces déclarations sont faites selon certaines modalités contenues à l'alinéa 2 de l'article précité151. La déclaration peut également être faite directement sur le site internet de l'ANIF152 ceci pour simplifier les procédures.

La déclaration doit préciser suivant les cas, les raisons pour lesquelles l'opération a été exécutée ou le délai dans lequel l'opération suspecte doit être exécutée153. Ceci pour informer l'ANIF, afin qu'elle mette en oeuvre la bonne procédure selon le cas.

B- Le traitement particulier réservé à la déclaration de soupçon

Dès la réception de la déclaration, l'ANIF doit accusée réception de la déclaration sauf si l'entité déclarante en avise autrement. Apres l'analyse de la déclaration, l'ANIF peut

147 Article 19 du Règlement de 2003.

148 L'article 20 donnait aussi la possibilité au déclarant de demander à l'ANIF de ne pas accuser réception de la déclaration.

149 Article 86 du Règlement de 2016.

150 Il y ressort de dispositions de l'article 86 précité.

151 Les déclarations précisent les raisons pour lesquelles l'opération a déjà été effectuée, ou le délai dans lequel l'opération suspecte doit être exécutée.

152 Comme c'est le cas en France, où la procédure a été simplifiée et la déclaration se fait sur le site internet de TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Clandestins) : www.TRACFIN.bercy.gouv.fr.

153 Article 86 al.2 du Règlement de 2016.

solliciter de la personne déclarante des informations supplémentaires ou documents complémentaire devant servir à établir l'origine des fonds ou la destination des sommes en cause, ou même à identifier les bénéficiaires effectifs154.

Les prérogatives de l'ANIF dans l'analyse des déclarations, sont constituées par le pouvoir de faire opposition à l'exécution d'une opération ayant fait l'objet d'une déclaration de soupçon155 ; en effet le législateur communautaire, pense que si les circonstances l'exigent, l'ANIF peut, sur la base des informations graves concordantes et fiables en sa possession, faire opposition à l'exécution d'une opération ayant donné lieu à une déclaration de soupçon ceci avant le délai d'exécution mentionnée par le déclarant. L'opposition qui est notifiée au déclarant par écrit, ne fait obstacle à l'exécution de l'opération que dans un délai de quarante-huit (48) heures.

L'ANIF peut par ailleurs, saisir la juridiction compétente afin de voir ordonner le blocage provisoire des comptes, des fonds ou des titres concernés par la déclaration156.

S'il est établi au vu des informations recueillies, que les sommes suspectées sont susceptibles de provenir des activités des organisations criminelles ou d'un crime en générale, l'ANIF saisit le procureur de la République de la juridiction compétente et lui transmet un rapport sur les faits accompagnés de son avis et toutes pièces utiles. Le rapport envoyé ne doit contenir aucune information sur l'identité de l'auteur de la déclaration. Ceci est incompréhensible car l'article 87 du règlement permet aux déclarants de relever à l'autorité judiciaire ou aux officiers de police judicaires agissant sur délégation l'existence de la déclaration effectuée à la CRF ; la saisine des autorités judiciaires entraine le dessaisissement de l'ANIF sauf avis contraire du Procureur de la République157.

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154 Art. 72 du Règlement CEMAC de 2016.

155 Cf. art. 74 du Règlement CEMAC de 2016.

156 Cf. Art. 74 du Règlement de 2016 précité.

157 Cf. Art. 87 al. 5 du Règlement de 2016.

CONCLUSION CHAPITRE I

Le Règlement CEMAC a posé des bases pour une déclaration adéquate, et cela est appréciable car chaque professionnel ainsi que les agents immobiliers peuvent aisément faire leurs déclarations selon les modalités fixées. Le cadre ainsi posé par le législateur peut être amélioré au vu de la pratique dans d'autres systèmes et d l'évolution des technologies.

Bien que la notion d'opération suspecte n'ait pas été définie par le dispositif anti-blanchiment, le régime organisant sa déclaration aux autorités compétentes est bien encadré. De la détection à la procédure de déclaration. Les agents immobiliers sont tenus de déclarer à l'ANIF des sommes ou opérations dont ils suspectent ou ont des raisons de suspecter qu'elles proviennent ou s'effectuent dans le dessein du blanchiment. Pour les aider dans la détection de ces opérations, des critères d'alerte ont été proposés par TRACFIN en France mais peuvent être transposés dans notre contexte. Par ailleurs, dans le but d'encourager les professionnels de l'immobilier à plus de dénonciation, le législateur communautaire à penser faire primer l'obligation déclarative sur son devoir de discrétion, tout en l'exonérant d'une quelconque responsabilité au cas où après investigation il s'est avéré que l'opération n'avait rien de suspect et que cela ait déjà causé du tort à l'auteur.

Les modalités d'exécution de l'obligation ont été prévues. Ainsi l'agent doit, en présence d'une opération en fonction du risque de blanchiment de qu'elle présente, saisir l'ANIF par une déclaration158. À son tour, l'ANIF doit analyser et traiter la déclaration et s'il est nécessaire elle peut saisir le Procureur de la République pour mettre en mouvement l'action publique afin de traquer les criminels.

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158 Remplissant toute les conditions prévues pour sa recevabilité.

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CHAPITRE II : L'AMÉLIORATION URGENTE DE LA MISE EN
OEUVRE DE L'OBLIGATION DE DÉCLARATION DE SOUPÇON DES
AGENTS IMMOBILIERS

Il est inéluctable que le législateur de la CEMAC a pensé associer les agents immobiliers à la lutte contre le blanchiment en les soumettant aux obligations préventives. Sauf que leurs mises en oeuvre rencontre quelques fois de difficultés pratiques. Il est important de juguler ces difficultés afin de rendre effective la participation des agents immobiliers.

En effet, le contexte socio-économique et culturel caractérisant la sous-région, met à mal la mise en oeuvre de la vigilance, néanmoins tout cela peut être corrigé si les États de la CEMAC collaborent en s'arrimant effectivement à la lutte prévue au niveau communautaire. Aussi, le dispositif communautaire anti-blanchiment étant lacunaire les agents immobiliers peuvent à leur niveau combler par leurs formations, à gérer les risques que présenteront les opérations, bien plus les États doivent participer à l'amélioration de ce cadre d'exercice des obligations.

Certaines situations rendant difficile le contrôle des agents immobiliers relèvent de la compétence des décideurs publics d'apporter des moyens pour y faire face. C'est ainsi en ce qui concerne les obstacles à la mise en oeuvre des obligations déclaratives. Il convient de revoir le cadre la mise en oeuvre de obligations déclaratives en matière de lutte contre le blanchiment en général et en matière de lutte dans le secteur immobilier en particulier.

Pour une déclaration de soupçon louable il y a urgence de revoir le cadre institutionnel, autrement dit, revoir les pouvoirs des organes en charge de recevoir ces déclarations, tout en leur donnant les moyens matériels et humains nécessaires pour un traitement des déclarations conformément à la législation en vigueur (Section1). Par ailleurs le renforcement des institutions doit se faire également en ce qui concerne les organes devant veiller à application des éventuelles sanctions prononcées contre tout agent fautif (Section 2).

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Section 1 : Le renforcement des institutions en charge de la réception des déclarations de soupçon de blanchiment dans le secteur immobilier

Les organismes régionaux jouent un rôle important en ce qu'ils cordonnent au niveau régional la lutte contre le blanchiment des capitaux. Ils reçoivent par ailleurs la mission d'évaluer les actions des États159 dans la mise en place du dispositif anti-blanchiment afin de dynamiser leurs actions. Il apparait donc nécessaire de consolider les pouvoir des organismes régionaux en charge de la lutte (Paragraphe1), et aussi d'affermir les pouvoirs des agences nationales d'investigation financière (Paragraphe2).

Paragraphe 1 : la consolidation des organismes en charge de la lutte contre
le blanchiment de capitaux

Il est important en matière de traitement des déclarations de soupçon, qu'il existe des organes facilitateurs de la transmission et de l'échange des informations, aussi qu'il ait une collaboration entre les organes internationaux régionaux et nationaux. A l'heure actuelle, il existe déjà un organisme en charge de la coordination de la lutte, il s'agit du Groupe d'Action contre le Blanchiment des Capitaux en Afrique Centrale (GABAC) dont l'action louable, peut être améliorée (A), ou alors renforcer par la création d'un organe à compétence spéciale en matière immobilier qui pourra agir tel la COBAC (B).

A- La coordination améliorable du GABAC dans la lutte contre le blanchiment de capitaux dans l'immobilier en Afrique Centrale.

Les responsables politiques de la CEMAC, tel leurs homologues de l'Union Européenne, ont décidé sous l'impulsion des bailleurs de fonds, de créer un organisme régional de type GAFI (ORTG). C'est de cette volonté qu'est née le groupe d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique Centrale (GABAC)160 qui a vocation à devenir un ORTG, membre du GAFI161.

159 Il s'agit principalement du GABAC donc le siège est à Libreville au Gabon.

160 Le Secrétaire permanent du GABAC est Mr MBATA Gervais, il est nommé depuis 2017 à la session extraordinaire du 31 octobre 2017 à N'Djamena au Tchad il a prêté serment devant la CCJA le 18 Décembre 2017.

161 Les efforts fournir on conduit à l'admission du GABAC au rang de membre observateur du GAFI en Février 2012. En Octobre 2015 le GAFI a reconnu le GABAC comme ORTG et l'a admis comme membre associé, et a étendu la portée du réseau mondial du GAFI en Afrique centrale.

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Le GABAC est la structure de promotion de la mise en oeuvre coordonnée des normes, instruments et standards anti-blanchiment en Afrique Centrale162. A cet effet, il a reçu la mission de lutter contre le blanchiment des capitaux et les produits de crime, la mise en place harmonisée et concertée des mesures appropriées à cette lutte dans la CEMAC ; le GABAC a la charge d'assister les États membres dans leur politique anti-blanchiment, et l'évaluation des résultats de l'action et l'efficacité des mesures adoptées163.

Malgré certaines contraintes, le GABAC mène tant bien que mal sa mission de coordination stratégique. Il a ainsi créé un réseau technique d'expert à effectuer différents exercices de typologie et d'évaluation mutuelle, on peut par ailleurs noter que mène actuellement le GABAC sur les risques d'utilisation du secteur immobilier à des fins de blanchiment de capitaux.

Face au boom immobilier observable ces dernières années en Afrique Centrale, le GABAC a lancé au mois de Juin 2019 une étude164 pour avoir une idée claire sur les rapports entre les propriétaires immobiliers de la sous-région et les ressources investies. A cet effet, il a organisé un atelier sous Régional165 sur les vulnérabilités au blanchiment d'argent inhérentes au secteur de l'immobilier en Afrique Centrale.

Pour le moment le constat qui est fait, est celui de l'inadaptabilité de la règlementation anti-blanchiment au secteur immobilier, ces failles permettent à des criminels l'acquisition facile des biens immobiliers avec de l'argent d'origine illégale. Le Secrétaire permanent du GABAC, Mr Gervais MBATA, déclare à ce propos : « le dispositif anti blanchiment en Afrique centrale présente de graves lacunes dans le secteur immobilier. Actuellement, il est relativement facile d'acquérir un bien immobilier au moyen d'argent illégal. Nous dévons corriger ces failles. En effet, ces transactions criminelles portent atteinte au marché immobilier (inflation) et à l'ensemble de l'économie. De surcroît, elles mettent à mal le principe de l'Etat de droit et compromettent le développement économique des pays dont provient l'argent »166. Il soutient par ailleurs, qu'à l'instar des efforts consentis dans la

162 4e paragraphe du préambule de l'Acte Additionnel n° 09/00/CEMAC-086/CCE 02.

163 Art. 4 du Règlement n° 02/02/CEMAC du 14Avril 2002 portant organisation et fonctionnement du GABAC.

164 Cette étude est présidée par un représentant du Ministre des finances Camerounais, avec la participation du Directeur de l'ANIF, du Secrétaire permanent du GABAC et des experts intervenants sur toute la chaîne de production immobilière (banquier, notaire, inspecteurs des domaines, architectes, promoteurs immobiliers...).

165 Cet atelier s'est tenu du 26 au 28 juin à l'hôtel Sawa de Douala au Cameroun.

166 Propos disponible sur le site https://afrique-info.cm/blanchiment-dargent-dans-limmobilier-le-gabac-passe-a-laction consulté le 4 juin 2020.

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finance, tout doit être mis en oeuvre pour prévenir et sanctionner systématiquement le blanchiment d'argent dans le secteur immobilier.

Vu les conséquences néfastes que pourraient avoir le blanchiment dans le secteur immobilier, et les failles dans la législation communautaire et même nationale sur la réglementation de l'activité immobilière, le Secrétaire permanent du GABAC dans son propos, rassure qu'une correction doit être faite, afin de prémunir le secteur immobilier d'un dispositif permettant aux intervenants de ce domaine d'avoir un cadre idéal pour lutter contre le blanchiment. Cette solution peut sous un pan se matérialiser par la création dans le secteur immobilier d'un organisme en charge de contrôler l'activité tant au niveau communautaire que national.

B- La nécessaire implémentation d'un organisme régional de type COBAC dans le

secteur immobilier

La Commission Bancaires d'Afrique Centrale167(COBAC) organe de l'union monétaire de la CEMAC, ayant reçu par l'article 1er de l'annexe de la convention l'instituant, le pouvoir de veiller au respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires édictées par les autorités nationales, par la BEAC ou par elle-même et qui leur sont applicables. Elle veille par exemple à l'harmonisation des règlementations et le contrôle de l'activité bancaire et de la micro finance168 en Afrique Centrale. Cette compétence générale se décline en compétence règlementaire169, administrative170 et juridictionnelle171.

La mise en oeuvre des pouvoirs de la COBAC, permet d'assainir l'activité bancaire, et de protéger à la fois les acteurs passifs et actifs du secteur et sanctionne quand cela est nécessaire tout comportement contra legem172. La COBAC oeuvre elle aussi à la lutte contre le blanchiment des capitaux dans le secteur bancaire à titre illustratif il existe un règlement sur

167 Institué par la convention du 16 octobre 1990.

168 Cette compétence est rappelée par l'article 11 de la convention de l'UMAC.

169 Le fondement textuel de ce pouvoir se trouve à l'article 9 de l'annexe à la convention de 1990, il consiste pour la COBAC à fixer les règles de fonctionnement des établissements de crédit.

170 Qui se manifeste à travers le pouvoir d'autorisation préalable à tout acte de la vie de l'établissement financier.

171 Prévue à l'article 239 de l'annexe de la convention de 1992, elle concerne le pouvoir de sanction de la COBAC.

172 NJOYA KAMGA (B.), « La COBAC dans le système bancaire de la CEMAC », Annales de la faculté de science juridique et politique de l'Université de Dschang, t.13, 2009P.85-100.

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les diligences des établissements financiers assujettis en matière de blanchiment de capitaux173.

Au vu de l'ampleur du phénomène du blanchiment dans l'immobilier et des proportions qu'il prend ces dernières années en Afrique Centrale, il est nécessaire que le législateur CEMAC prenne davantage conscience de la nécessiter de mettre en oeuvre des moyens adéquates et efficaces pour lutter contre le phénomène. Ceci concerne le renforcement des institutions devant lutter contre le blanchiment dans l'immobilier.

A cet effet, nous proposons la création dans le secteur immobilier comme c'est le cas dans le secteur bancaire, d'un organisme qui aura compétence à réguler les activités de l'immobilier ; Cet organe doit être de création communautaire, et peut recevoir les mêmes pouvoirs que la COBAC. Ainsi, il pourra disposer des trois pouvoirs de la COBAC ; il s'agira d'abord du pouvoir réglementaire qui consistera en la création des normes communautaires qui organisent et régissent l'activité d'agent immobilier ; ensuite du pouvoir juridictionnel qui se traduira par le pouvoir de sanction qui peut être reconnut à l'organe ainsi tout comme la COBAC, cette commission immobilière d'Afrique centrale, pourra prononcer des injonctions, des mises en garde, ou prononcer des sanctions à l'égard des agents immobiliers qui ne se seront pas conformer aux lois communautaires et à celles qu'elle aura édictée ; enfin, l'organe pourra disposer du pouvoir administratif qui se manifestera par le pouvoir d'autorisation préalable à l'exercice de la profession d'agent immobilier, et pour les agences immobilières, il sera constitué par l'avis conforme qu'il doit donner préalablement à l'agrément de ces agences.

Cet organisme dans l'exercice de son pouvoir règlementaire devra prendre des mesures, ou adopter des règlements permettant d'assainir le secteur immobilier, et lutter principalement contre le blanchiment de capitaux dans l'immobilier174. Cette organe pourra booster les législateurs nationaux à s'intéresser et à organiser davantage les professions immobilières. Et déjà il pourra combler les failles des législations nationales en ceci qu'il organisera la profession en posant des bases et conditions d'accès et d'exercice de la profession, et peut avec l'appui des partenaires internationaux, organiser des séminaires de sensibilisation et de

173 Règlement COBAC R-2005/01 relatif à la diligence des établissements assujettis en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en Afrique Centrale.

174 Comme c'est le cas par exemple du Règlement COBAC précité.

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formation des agents immobiliers à la lutte contre le blanchiment de capitaux dans l'immobilier.

Paragraphe 2 : L'affermissement du soutien matériel aux cellules de
renseignements financiers nationales

Selon les recommandations du GAFI de février 2012, les CRF doivent être dotés des pouvoirs et d'une certaine autonomie dans la gestion des déclarations qui lui sont soumis par les assujettis ou non. En zone CEMAC, on constate que le but n'est pas encore atteint. À cet effet il est important d'octroyer davantage des moyens tant humains que matériels aux agences nationales d'investigation financières (A) ceci pour assurer leur indépendance vis à vis de tout pouvoir étatique (B).

A- L'octroi des moyens à l'ANIF pour le traitement des déclarations de soupçon

L'ANIF comme toute cellule de renseignement financier, est l'agence centrale de réception des déclarations faites par les assujetties. Comme l'a fait remarquer le GAFI, les informations reçues par l'ANIF devraient, au minimum inclure des déclarations d'opérations suspectes175. Cependant, plusieurs freins viennent faire bloc à l'efficacité de l'ANIF dans son entreprise légale de lutte contre le blanchiment ; il s'agit de l'insuffisance des moyens matériels et humains à la disposition de l'agence et la difficulté de mettre en oeuvre les pouvoirs qui lui sont reconnus.

Le dispositif CEMAC, depuis 2003, a fait obligation aux États membres de créer des agences nationales, sauf que 10 ans après leurs institutions176, certains États n'avaient pas encore procédé à l'implémentation de leurs ANIF. C'est par exemple le cas du Congo, qui a attendu jusqu'à 2008 avant de créer son ANIF, et son directeur a été nommé en 2012. Bien que sa première évaluation a été réalisé en 2015, celle-ci a besoin d'un temps pour assurer sa bonne opérationnalité, car il a été relevé des insuffisances lors de son évaluation.

L'insuffisance des moyens matériels et humains caractérisant les Agences nationales ne leurs permettent pas de déployer leurs activités ; ajoutées à cela les ressources insuffisantes qui leurs sont allouées. Plus encore, certains membres ont été affectés à des postes de

175 Normes internationale sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et la prolifération, note interprétative de la recommandation n° 29, p.101.

176 Par le Règlement CEMAC de 2003.

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responsabilités dans l'administration de l'État177 sans toutefois être remplacé, ce qui réduit considérablement sa capacité opérationnelle.178

L'ANIF Tchad, est dans un processus de renforcement de ses capacités opérationnelles. Elle est sur une voie qui permet « de penser qu'à brève échéance, elle pourrait, entièrement satisfaire aux exigences de fonctionnement des cellules de renseignement financiers »179. On peut constater que seul les ANIF Cameroun et Gabon, semblent avoir atteint un véritable niveau d'opérationnalité et sont membres du groupe Egmont180. Toutefois, avec un effectif opérationnel de 10 personnes, il est nécessaire d'un renforcement des moyens humains pour plus d'opérationnalité.

En effet, que ce soit l'ANIF Cameroun ou Gabon, elle est composée, en plus de son directeur général, d'un effectif de trois membres permanents et de neuf professionnels ; il s'agit de trois chargés d'études, deux informaticiens, deux Secrétaires, un chargé de la communication et un coursier. Avec ce nombre réduit, il est possible que ces agences ne remplissent pas véritablement les missions assignées au CRF, ce qui imputera sur la mise en oeuvre de leurs pouvoirs reconnu en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Cette insuffisance des moyens matériels et humains peut justifier la difficulté de l'ANIF de déployer les pouvoirs qui lui sont reconnus.

B- Le nécessaire octroi des pouvoirs absolus à l'ANIF pour le traitement des déclarations de soupçon

Il est important et nécessaire pour les CRF d'être indépendant, tel qu'il est recommandé par le GAFI, qui estime qu'elles « devraient opérationnellement être indépendantes et autonomes, c'est-à-dire qu'elles doivent avoir la capacité d'exercer librement leur pouvoirs notamment de décider en toute autonomie d'analyser, de demander de désaminer des informations spécifiques »181.A l'analyse de l'organisation et des pouvoir des CRF de la sous-

177 Il s'agit principalement de l'ANIF da la République centrafricaine.

178 NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse à la lumière des normes et standards européens et internationaux, op. cit., p. 310.

179 Il y ressort de la réunion plénière des ANIF de la CEMAC tenue à Brazzaville au Congo le 19 novembre 2013.

180 Le Groupe Egmont est un forum International crée en 1995 à l'initiative de la CTIF (Belgique) et de la FinCEN (Etats-Unis) qui réunit au niveau mondial les services chargés de recevoir et de traiter les déclarations de soupçon de BC/FT.

181 GAFI, normes internationales sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et la prolifération, les recommandations, du GAFI, février 2012, note interprétative de la recommandation 29, points E (8, 9,19 et 11) et F (12).

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région CEMAC, on peut rapidement se rendre compte qu'elles ne respectent pas la recommandation du GAFI.

Il est incontestable, que l'ANIF, a reçu la mission de lutter contre le blanchiment, et à cet effet a reçu également le pouvoir d'enquête, de communication et d'opposition. Il existe des entraves à la mise en oeuvre de ces pouvoirs, ces entraves concernent son indépendance à son pouvoir de communication et d'enquête. Dans la CEMAC, le sentiment est celui d'un déficit d'indépendance des CRF, qui semble provenir de la nature même des ANIF, qui les expose à l'influence des pouvoirs politique et le mode de financement182.

L'ANIF est une CRF de type administratif qui relève du Ministère en charge des Finances183. Cette tutelle du ministère des finances est un signe du défaut d'indépendance et de son contrôle direct par les autorités politiques. Ainsi, certaines transactions suspectes peuvent être laissées sans traitement pour des raisons partisanes184. Ceux qui s'entêtent à effectuer ces opérations sont souvent exposés à des représailles185.

La dépendance des ANIF aux pouvoirs politique, peut entrainer son instrumentalisation. Les infractions en amont du blanchiment186 s'accompagnent presque toujours de l'insertion des sommes dans le circuit normal par l'acquisition des biens immobiliers ou d'autres opérations il est donc inconcevable qu'on protège ces criminels. L'affaire dite de « biens mal acquis »187 en France, traduit le malaise que de nombreuses autorités nationales africaines ont à s'attaquer à toute forme de criminalité financière et économique, réalisées dans les hautes sphères du pouvoir.

182 NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse à la lumière des normes t standards européens et internationaux, op. cit., p. 312.

183 Cf. art. 65 du Règlement CEMAC de 2016. Elle est dotée de l'autonomie financière et d'un pouvoir de décision autonome sur les matières relevant de sa compétence.

184 Le blanchiment des capitaux en zone CEMAC est souvent lié à la corruption des hommes politiques et aux détournements de derniers publics. Il est donc difficile d'arriver à une lutte efficace car ceux qui sont sensé la mener sont souvent les utilisateurs des techniques.

185 C'est le cas d'un fait divers qui a agité le Tchad à la fin des années 2012. Le directeur de l'ANIF du Tchad, Mr Idriss ANNOUR, a été rétrogradé du grade de contrôleur général de la police (équivalent à celui de général dans l'armé), à un grade équivalent de soldat. Les raisons semble-t-il pour s'être attaqué à un vaste réseau de blanchiment de capitaux et de criminalité économique et financier piloté par certaines autorités du pouvoir central Tchadien. Son engagement pour la lutte contre la criminalité lui aurait valu une tentative d'assassinat. Informations relayées par le presse Tchadienne, également sur le site https://www.tchadactuel.com/ le 22 novembre 2012 ; également cité par NGAPA (T.), ibidem.

186 Il peut s'agir de la corruption, du trafic de stupéfiant de la contrebande.

187 Voir CUTAJAR (C.), « Affaire « des biens mal acquis », un arrêt qui ne clôt pas le débat » -Note sous arrêt, JCP G 2009, 563. Cette affaire trouve son origine en 2007 à la suite des plaintes déposées par les ONG Sherpa et transparency international, pour détournement de fonds contre plusieurs chef d'Etat parmi lesquels celui du Gabon, du Congo et de la Guinée équatoriale ; CA Paris, pôle 7, 2e Ch.instr. , 29 oct.2009, Assoc .Transparence Internationale France : Juris Data n°2009-014809.

67

Il sera peut-être préférable que l'ANIF soit un organisme de type financier, ceci peut garantir son efficacité, et le prémunir de l'ingérence du pouvoir politique, ce qui rendra rapide les mesures de contrainte. Il est donc important que l'ANIF soit un organisme à la fois de type administratif et judiciaire pour assurer sa pleine efficacité.

Pour assurer l'autonomie de l'ANIF il serait nécessaire que son mode de financement ne soit pas tributaire d'une quelconque autorité car c'est un gage de son indépendance. Il ressort de la recommandation n° 29 du GAFI, que « la CRF devrait être dotée de ressources financières, humaine et technique satisfaisante, de manière à garantir son autonomie et son indépendance et à lui permettre d'exercer efficacement son mandat »188. Sauf que, le financement des ANIF par les États n'est pas toujours assuré. Ceci peut être présumé par la difficulté de la trésorerie de l'État membre189 ou l'absence de volonté politique.

Il est donc nécessaire pour l'efficacité dans le traitement des déclarations, que l'ANIF ait des pouvoirs et une autonomie certaine, aussi des moyens humains, matériels et financiers ce qui sera gage de son indépendance.

Section2 : L'implémentation des sanctions par les organes de lutte contre le
blanchiment de capitaux dans le secteur immobilier

L'inexécution des opérations préventives par les professionnels assujettis, les expose à la mise en oeuvre de leur responsabilité. Ce pan du régime des obligations préventives permet de rendre compte de son efficacité. La mise en oeuvre de la responsabilité permet de s'intéresser aux cas de défaillances dans la mise en oeuvre des procédures internes ou de manquement aux obligations déclaratives par les professionnels assujettis. La responsabilité des agents immobiliers est engagée dès lors qu'ils n'ont pas satisfait à leurs obligations de vigilance et de déclaration (Paragraphe1). Il est aussi opportun pour rendre le dispositif crédible et décourager les criminels, de prévoir des sanctions à la hauteur de leur crime (Paragraphe 2).

188 Recommandation du GAFI février 2012, note interprétative de la recommandation n° 29 point 10.

189 On peut voir le cas de la République centrafricaine, dont la situation politique et militaire impacte gravement le niveau économique du pays.

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Paragraphe1 : La mise en oeuvre des sanctions contre l'agent fautif

Le non-respect des obligations de diligence et déclarative, expose les agents immobiliers à des sanctions pénales (A) et dans une certaine mesure à des sanctions administratives et disciplinaires (B).

A- Le régime de la responsabilité pénale des agents immobiliers

Sous les termes « peines applicables à certains agissements liés au blanchiment »190, le législateur communautaire, a entendu organiser un régime permettant de sanctionner tout comportement anormal des agents immobiliers. Il s'agit de la complicité, de l'entente pour la commission de l'infraction de blanchiment. De ce qui ressort des 7 alinéas de l'Article 117 du Règlement de 2016, les agents immobiliers sont exposés, aux peines d'emprisonnement de six mois à deux ans et aux peines d'amende d'un million à cinq million de francs CFA ou l'une de ces deux peines lorsqu'ils auront intentionnellement :

? Fait des révélations au propriétaire des sommes ou à l'auteur des opérations de blanchiment de capitaux, sur la déclaration qu'ils sont tenus de faire ou sur les suites qui lui ont réservées ;

? Détruit ou soustrait des pièces ou documents relatifs aux obligations d'identification des clients ;

? Informé par tous moyens la ou les personne(s) visée(s) par l'enquête menée pour les faits de blanchiment dont ils auront connaissance en raison de leur profession ;

? Communiqué aux autorités judiciaires ou à l'ANIF pour constater les infractions subséquentes, des actes ou documents qu'ils savent falsifié ou erronés ;

? Omis de procéder à la déclaration de soupçon, alors que les circonstances amenaient à déduire que les sommes d'argent pouvaient provenir d'une infraction de blanchiment telle que défini à l'article 8 de règlement ;

Le législateur entend sanctionner tout comportement de l'agent immobilier pourrait entraver l'enquête ou qui pourrait permettre au criminel d'échapper à la justice et d'échapper par à la sanction prévue par la règlementation ;

En France par contre, le manquement aux obligations de diligence n'est pas pénalement sanctionné. Ainsi « l'inexécution fautive de l'obligation déclarative n'est pas pénalement

190 Cf. art. 117 du Règlement CEMAC de 2016.

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sanctionnée [...] la volonté délibérée de ne pas respecter une obligation professionnelle ne coïncide pas avec la volonté d'apporter un concours à une opération financière illicite »191. De cette contradiction de législation, on peut comprendre que le souci de la CEMAC est d'empêcher autant que possible aux agents immobiliers de collaborer avec les criminels, le Règlement a sur ce point prise une bonne résolution, car l'inexécution fautive des obligations professionnelles résultant de la volonté délibérée du professionnel doit être sanctionné. La législation CEMAC quant à elle, à côté des sanctions pénales, ajoute des peines accessoires comme les sanctions administratives et disciplinaires.

B- La consécration des sanctions disciplinaires et administratives par le dispositif

anti-blanchiment

Les manquements aux obligations de vigilance, de diligence et de déclaration de soupçons sont réprimés par des sanctions administratives ou disciplinaires. Il ressort de l'article 113 du Règlement que des sanctions administratives ou disciplinaires peuvent être prononcées par l'autorité de tutelles ayant pouvoir disciplinaire aux agents qui méconnaissent les obligations préventives. Cet article dispose : « lorsque, par suite, soit d'un grave défaut de vigilance, soit d'une carence dans l'organisation de ses procédures internes de contrôle, une personne visée aux articles 6 et 7, a méconnu les obligations que lui imposent les titres II et III du présent Règlement, l'autorité de contrôle ayant pouvoir disciplinaire peut agir d'office dans les conditions prévues par les textes législatifs et réglementaires spécifiques vigueur ». Pour la mise en oeuvre de ces sanctions, l'autorité de tutelle doit aviser l'ANIF et le Procureur de la république.

Autrement dit, la sanction disciplinaire ou administrative est infligée au professionnel par l'autorité de tutelle du secteur d'activité. On se demande quel sera, dans le secteur immobilier l'autorité qui détiendra ce pouvoir, puisqu'il n'existe pas une autorité, à l'exemple de la COBAC dans le secteur bancaire. Si l'on se réfère aux différents textes organisant la profession d'agent immobilier, on peut déduire que l'autorité en charge de sanctionner les manquements aux obligations professionnelles, sera de même compétente pour prononcer et infliger des sanctions aux agents en cas de manquement à leurs obligations découlant du dispositif anti-blanchiment. Ainsi en fonction de l'État membre, l'autorité de tutelle peut être

191 MATSOPOULOU (H.) et MASCALE (C.), (dir.), Lamy droit pénal des affaires, 2014, N°1281 cité par NGAPA (T.), op. cit., p. 274.

70

le Ministère en charge de l'habitat192, ou la commission de délivrance des autorisations d'exercer193.

A côté de ces peines pouvant être considérées comme dissuasives, le législateur communautaire CEMAC, a prévu des hypothèses ou la responsabilité de l'agent peut être écartée même s'il a exécuté l'opération suspecte. Le principe est celui de l'exonération des agents de bonne foi, qui effectueront leurs obligations avec diligence. En effet, selon l'article 89 du Règlement, sauf cas de collusion frauduleuse avec le ou les auteurs du blanchiment de capitaux, lorsqu'une opération a déjà été exécutée, la responsabilité de l'agent immobilier tenu de la déclaration, peut être dégagée et aucune poursuite pénale du chef de blanchiment ne peut être engagée à son encontre, si la déclaration a été faite conformément aux prescriptions du règlement194. Une disposition analogue est prévue dans le code monétaire financier Français195.

Par ailleurs, il existe des cas où, bien que l'opération n'ait pas été exécutée, la responsabilité de l'agent peut être dégagée. C'est ainsi lorsque la déclaration a été faite de bonne foi. Ceci rejoint les recommandations du GAFI qui prévoient que : « les institutions financières, leurs dirigeants et leurs employés, mais aussi tous les autres professionnels assujettis, devraient être protégés par la loi contre toute responsabilité pénale ou civile pour violation de tout règle encadrant la divulgation des informations imposées par le contrat ou par toute autre disposition législative, règlementaire ou administrative, lorsqu'ils déclarent de bonne foi leurs soupçons à la CRF, même s'ils ne savaient pas précisément quelle était l'activité criminelle sous-jacente ou si l'activité illégale ayant fait l'objet du soupçon s'est pas effectivement produite.»196.

S'il existe des cas d'exonération de responsabilité chez l'agent fautif, les peines sont aussi effectivement prévues lorsqu'ils ne seront pas conformé aux dispositions anti-blanchiment. De même, les criminels sont exposés à des sanctions lorsqu'il est avéré que les transactions faites, l'ont été dans le but de blanchir des sommes issues des activités criminelles.

192 Art. 36 de la loi de 2001 organisant la profession au Cameroun.

193 Art. 28 de la loi de 2017 organisant la profession d'agent immobilier au Gabon.

194 Il s'agit de l'exemption de la responsabilité du fait de l'exécution de certaines opérations.

195 Art. L.561-22, IV C.Mon.Fin.

196 Recommandation n° 21 (a) du GAFI.

71

Paragraphe 2 : La consécration opportune des peines à l'encontre des

blanchisseurs

Afin de rendre le dispositif encore plus efficace, le législateur communautaire a pensé et prévu des sanctions contre toute personne qui commettra l'un des faits constitutifs de blanchiment tels que prévu à l'article 8 du règlement. Ces peines peuvent être regroupées en peines privative de droit (A) et en peine patrimoniales (B).

A- L'application des peines restrictives de droit aux blanchisseurs

Les peines privatives de droits sont des peines généralement temporaires qui frappent le condamné dans l'exercice de certains droits ou de certaines activités197 . Ces peines frappent aussi bien les personnes physiques et que les personnes morales.

Toutes personnes physiques coupables de blanchiment de capitaux, sont punies d'une peine d'emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans et d'une amende allant de cinq à dix fois le montant de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment, sans toutefois être inférieure à dix million198. Parce que le blanchiment porte généralement sur des grosses sommes, le législateur a le souci de frapper les criminels à la hauteur du crime qu'ils ont commis ; on comprend pourquoi même la tentative de blanchiment est punie des mêmes peines199.

En plus de ces peines, il existe des peines complémentaires prévues à l'article 118 du règlement de 2016. Ainsi le législateur expose en 7 points les peines que les personnes coupables peuvent encourir. Il s'agit :

1) l'interdiction définitive ou pour une durée de 5ans de séjour sur le territoire de l'Etat de la juridiction ayant prononcé la condamnation, si le blanchisseur est un étranger ,
·

2) l'interdiction de séjour pour une durée d'un (1) à cinq (5) ans dans une ou des circonscriptions administratives de l'État dont la juridiction a prononcé la condamnation ,
·

3) l'interdiction de quitter le territoire national et le retrait de passeport pour une durée de six (6) mois à trois (3) ans ,
·

4) l'interdiction de l'exercice des droits civils et politiques pour une durée de six (6) mois à trois (3) ans ,
·

197 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, op.cit., p.753.

198 Art. 114 al.1.

199 Al. 2 de l'art. 114 du Règlement de 2016.

5) l'interdiction définitive ou pour une durée de trois (3) à six (6) ans d'exercer la profession ou l'activité à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise et l'interdiction d'exercer une fonction publique ;

6) l'interdiction d'émettre des chèques autres que ceux permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et l'interdiction d'utiliser des cartes de paient pendant trois (3) à six (6) ans.

7) l'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant trois (3) à six (6) ans ;

8) la confiscation de tout ou partie des biens du condamné.

Le dispositif communautaire a prévu des sanctions pour les personnes morales qui se livrent aux activités de blanchiment. La responsabilité pénale des personnes morales peut aussi être engagée en matière de blanchiment. Ainsi les personnes morales pour le compte ou au bénéfice desquelles une infraction de blanchiment de capitaux a été commise par l'un de leurs organes ou leurs représentants, sont punies d'une amende d'un taux égal au quintuple de celles encourues par les personnes physiques, sans préjudice de la condamnation de ces dernières comme auteures ou complices des mêmes faits200.

Par ailleurs, elles peuvent être se voir infliger d'autres peines à savoir :

1) L'exclusion des marchés publics à titre temporaire pour une durée de six (6) mois à cinq (5) ans, ou à titre définitif ;

2) La confiscation du bien qui a servi ou était destiné à commettre l'infraction ou du bien qui en est le produit ou un bien de valeur équivalente ;

3) Le placement sous surveillance judiciaire pour une durée de cinq (5) ans au plus ;

4) L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq (5) ans, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales à l'occasion desquelles l'infraction a été commise ;

5) La fermeture définitive ou pour une durée de cinq (5) ans, des établissements ou de l'un des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

6) La dissolution, lorsqu'elles ont été créées pour commettre les faits incriminés.

Certains faits peuvent aggraver les peines encourues par les personnes physiques. Ces circonstances aggravant les peines prévues aux articles 114 du Règlement de 20016, sont contenues dans les dispositions de l'article 116 du même Règlement. En effet, les peines

72

200 Art. 126 alinéa 1 du Règlement.

73

prévues sont doublées, lorsque le blanchiment des capitaux est commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle ; lorsque l'auteur de l'infraction est en état de récidive, on prend en compte les condamnations prononcées à l'étranger pour prononcer la récidive ; afin lorsque le blanchiment de capitaux est commis en bande organisée201.

Toutes ces sanctions visent à infliger des peines dissuasives, car elles sanctionnent vraiment les personnes ayant commis le blanchiment à la hauteur du mal qu'ils créent dans le système économique. C'est en considération de l'atteinte que porte le blanchiment au marché de l'immobilier et à l'ensemble de l'économie, que le législateur n'exonère pas les agents fautifs au nom de leur qualité ou des immunités qu'ils pourront bénéficier au nom de leur profession ou leurs statuts social. C'est ainsi qu'il sanctionne le criminel même dans son patrimoine.

B- L'application des peines patrimoniales

Les peines patrimoniales sont des peines pécuniaires qui touchent le coupable dans son patrimoine, il peut s'agir de l'amende, de la confiscation. Le Règlement de 2016 a prévu infliger ces peines aux blanchisseurs, il s'agit de la confiscation et du gel de fond et autres ressources financières.

En amont l'autorité judiciaire de chaque État, peut prendre des mesures conservatoires conformément à la loi nationale202. Ces mesures conservatoires visent à préserver la disponibilité des fonds, biens et instruments susceptibles de faire l'objet d'une confiscation. Ainsi elles ordonnent la saisie des biens, fonds et instruments objet de l'enquête et de tous les éléments permettant leur identification. Ces mesures s'étendent au gel des sommes d'argent et opérations financières portant sur les biens en relation avec le blanchiment de capitaux.

Par ailleurs, des mesures de gel de fonds peuvent être ordonnées par l'autorité judiciaire. Elle le fait par une décision écrite, qui ordonne le gel de fonds et la saisie aux fins de confiscation des biens blanchis, des produits du blanchiment des capitaux203. La décision

201 L'article 116 alinéa 2 prévoit par ailleurs que, lorsque l'auteur de l'infraction d'origine est également l'auteur du blanchiment, et que l'infraction d'origine est punissable d'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à celle encourue par l'article 114, le blanchiment sera punissable des peines attachées à l'infraction d'origine.

202 Cf. art. 104.

203 Cf. art. 105 al.1.

74

ordonnant le gel doit être fondée sur de critères de preuves relevant des motifs raisonnables ou d'une base raisonnable204.

De même, des cas d'atténuations des peines sont prévus. Il est possible lorsque toute personne ayant participé à une association ou en entente en vue de blanchir de l'argent, de révéler l'existence de cette entente, association, aide ou conseil à l'autorité judicaire, et de faciliter l'identification des autres personnes en cause, permettant ainsi d'éviter la réalisation de l'infraction de blanchiment est exempte des peines frappant les criminels ou alors les sanctions sont atténuées.

204 Alinéa 2 de l'article 105 ; en effet le gel n'est ordonné que s'il y a eu preuve de blanchiment et preuve que les bien qui font l'objet du gel sont les produits du blanchiment.

CONCLUSION CHAPITREII

75

Les difficultés de coordination des agences nationales d'investigation financière et la perpétuation des infractions sous-jacentes au blanchiment, impose le renforcement des institutions en charge de la lutte contre le blanchiment des capitaux en Afrique Centrale. À ces difficultés s'ajoutent les facteurs matériels et humains qui empêchent les CRF de la sous-région de déployer efficacement leur mission sur le terrain. C'est la raison pour laquelle il est important de prendre des mesures afin d'assurer une meilleure coordination entre ces institutions et maintenir leurs indépendances tant structurelles que financières.

Les organes sous régionaux institués assurent la coordination au niveau régional des moyens de lutte contre le blanchiment des capitaux, c'est pourquoi il est important comme on l'a montré d'instituer un organe régional de contrôle de l'activité immobilière au niveau régional en lui octroyant des pouvoirs en matière et même des pouvoirs de sanction.

Pour assurer une meilleure pénalisation du blanchiment, le législateur a opté pour les peines privatives de droit, de liberté et des peines pécuniaires.

CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE

76

Le dispositif communautaire assujettissant les agents immobiliers à lutter contre le blanchiment est lacunaire s'agissant de certaines obligations, ce qui pourrait empiéter sur l'intervention des professionnels assujettis.

Ainsi, il importe de corriger les failles empêchant les CRF d'exercer leurs missions, et de renforcer leurs actions par l'implémentation des organismes ayant les pouvoirs de prendre des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur immobilier.

Afin de dissuader les agents immobiliers de participer à ces entreprises criminelles, le législateur a prévu des sanctions à l'encontre d'un agent qui de son propre chef ou par complicité enfreindra la loi. Ces sanctions assez sévères visent à décourager les agents immobiliers dans la commission des infractions de blanchiment de capitaux.

Il est effet, appréciable que le législateur tout en sanctionnant le blanchiment, a pensé sanctionner les criminels. En effet, toute personne physique ou morale qui fait l'acquisition de biens immobiliers à des fins de blanchiment de capitaux s'expose à des sanctions diverses et cumulatives. Il s'agit des peines touchant le patrimoine du criminel et privant sa liberté. À l'analyse de la consistance des sanctions, le législateur communautaire a prévu des sanctions à la hauteur du crime de blanchiment.

La dimension répressive du blanchiment telle que prévue dans le règlement est un gage de son efficacité en ce sens que le législateur recherche l'application effective du dispositif communautaire au détriment de laquelle des sanctions seront prononcées tant à l'égard du criminel que du professionnel assujetti.

CONCLUSION GÉNÉRALE

77

78

Le blanchiment des capitaux est une épine dans le pied d'une économie. Il porte atteinte au marché de l'immobilier et à l'ensemble de l'économie. Dans la perspective d'uniformiser les moyens de lutte, la CEMAC a adopté des Règlements d'application directe et obligatoire dans tous ces éléments, permettant aux États membres de la communauté de disposer d'une législation anti-blanchiment uniforme.

A la question de savoir, si la législation anti-blanchiment permet un apport efficace des agents immobiliers dans la lutte contre le blanchiment des capitaux en Afrique centrale, force est de constater que la règlementation posant les règles de la contribution de l'agent immobilier, à son caractère obligatoire s'ajoute sa recherche d'efficacité. Cette efficacité s'analyse sur deux points ; d'une part les agents immobiliers sont tenus à une obligation de vigilance et de diligence avant de nouer toute relation d'affaire. Cette exigence consiste à avoir des renseignements les plus sûrs concernant le client et de conserver ces informations pendant une certaine durée.

D'autre part, l'obligation de surveillance se poursuivant au cours de la relation d'affaire, l'agent immobilier après vérification, est tenu de déclarer à l'agence d'investigation financière (ANIF) toutes opérations qui lui semble suspectes c'est la consistance de l'obligation de déclaration de soupçon. Cette suspicion peut découler des critères d'alerte proposés par le GAFI. Et en cas de soupçon sur les réelles intentions du client, l'agent peut refuser de nouer la relation, ou si la relation était en cours d'exécution, il peut suspendre l'exécution ou y mettre un terme sous autorisation de l'ANIF. Afin d'inciter les agents à une plus grande dénonciation, la CEMAC à penser à l'exonération de la responsabilité du déclarant de bonne foi au profit de la responsabilité de l'État, lorsque la déclaration s'étant avérée fausse a causé un préjudice au suspect.

Allant plus loin que les recommandations du GAFI, le règlement comporte aussi bien les incriminations que les sanctions diverses (pénales disciplinaires, administrative) contre le blanchiment et contre toute personne complice ou auteur du blanchiment d'argent. Toutefois, le régime des peines et sanctions, pour l'heure est louable et acceptable. Les peines prévues sont à la hauteur du crime. Et, tout comme le criminel, l'agent immobilier s'expose à des sanctions lorsqu'il a prêté son concours par quelque moyen que ce soit, à la faisabilité du blanchiment. Le criminel est sanctionné sans égard à son statut socio-politique car les immunités ne sont pas un obstacle à l'application des peines de blanchiment.

Sur le plan opérationnel, la lutte contre le blanchiment dans le secteur immobilier est en recherche d'efficacité. Il est indubitable que le législateur a mis à la charge des intervenants

79

du secteur immobilier les obligations de vigilance et de déclaration dont l'inobservation ou la mauvaise exécution peut engager leurs responsabilités. Toutefois, le cadre institutionnel et règlementaire reste à repenser, ainsi que les failles du dispositif en termes d'identification des clients, restreint au secteur financier sont à corriger. De même, les lois nationales organisant la profession d'agent immobilier et relatives au foncier et aux transactions immobilières sont à reformer dans certains États et dans d'autres à adopter, afin d'arrimer les textes nationaux aux exigences de lutte anti-blanchiment.

Il est important que le cadre institutionnel soit renforcé par l'implémentation de nouveaux organes propres au secteur immobilier, avec pour rôle de relais des actions du GABAC et par ailleurs de veiller sur la mise en oeuvre des dispositions du règlement CEMAC ; il est donc impérieux à l'heure actuelle que le secteur immobilier soit tout aussi contrôlé que le secteur bancaire, c'est en effet la mise en oeuvre de l'approche par les risques, qui consiste en la sécurisation des secteurs présentant des risques réels de blanchiment tel le secteur immobilier.

Par ailleurs, il est important de faire participer clairement tous les acteurs qui interviennent dans la chaine des transactions immobilières, tel les quincailliers, les notaires, les courtiers, car leurs apports ne peuvent être insignifiants dans la recherche d'efficacité des dispositions légales de lutte contre le blanchiment.

ANNEXES

80

-Extrait du Règlement CEMAC N°01/CEMEC /UMAC/CM du 11 Avril 2016.

- Loi N°2001-020 du 18 décembre 2001 portant organisation de la profession d'agent immobilier.

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8. TANKOUA (R.), Criminalité et Justice pénale dans l'espace CEMAC : De l'expérience nationale à l'ouverture communautaire du droit pénal, Thèse de Doctorat, Université de Strasbourg, 201 p.

9. TSOBGNI DJOUMETIO (N.L.), Les banques et la mise en oeuvre du dispositif préventif de lutte contre le blanchiment des capitaux au Cameroun et en France, Thèse de Doctorat en droit pénal et sciences criminelles, Université de Strasbourg, janvier 2015, 448 p.

10. WATCHO (R.S.), Le droit commun des contrats face à l'émergence des droits communautaires Africains, Thèse de Doctorat en droit, Université de Dschang,2009, 622p.

2-MÉMOIRES

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2.

84

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3. FOTCHOU NGUEMEZI (V.P.), Les ventes immobilières diligentées par les agences immobilières : Cas du cabinet d'études et d'expertise immobilière le bien être, Mémoire de master en Droit et Technique foncier, Université de Dschang, 2019, 74 p.

4. NGUIFFEU (E.), Le système communautaire de lutte contre la criminalité financière en zone CEMAC, Mémoire de DEA en Droit communautaire, Université de Dschang, 2006, 120 p.

5. TCHABO SONTANG (H.M.), Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en zone CEMAC, Mémoire de DEA en droit communautaire, Université de Dschang, juin 2006, 102 p.

6. TADJUDJE (W.), La déconcentration de la gestion foncière au Cameroun . Une analyse du décret n°2005/481 du 16 décembre 2005, Mémoire de DEA, Université de Yaoundé II-SOA, 2005, 81 p.

7. TSOBNI DJOUMETIO (N.L.), Prévention et répression du blanchiment des capitaux en zone CEMAC, Mémoire DEA, droit com. comparé CEMAC, Université de Dschang, 2006, 131 p.

C-ARTICLES

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2. BINET (J.), « Droit foncier coutumier au Cameroun », Monde non chrétien, n°16, Paris, 1951, p1-21.

3. BOMBA (D.T.), « Le statut juridique de l'agent immobilier au Cameroun » in « Droit et politique de l'immobilier en Afrique . exemple du Cameroun », Mélange en l'honneur du Pr André TIENTCHOU NJIAKO, PUA, P.75-96.

4. BOUTONNET (M.) et MEKKI, « La coloration environnementale des obligations contractuelles », Revues des contrats, 01 Octobre 2012, n°4, p1305.

5. BOYER (P.), « Le blanchiment de l'argent : nouveau enjeux internationaux » in Problème économiques n°2776 du 19 juin 2002, P.28-32.

6. CARBONNIER (J.), « La propriété, garantie des libertés », in FARGAT, Gérard, et REMICHE, Bernard, (dir.), liberté et droit économique, De Boeck, Bruxelles, 1992, p.63s. (repris in Flexible droit, p.345-351).

7.

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CUTAJAR (C.), « La prévention du blanchiment et du financement du terrorisme », Revue de de droit bancaire et financier n°3,2009, P14.

8. CUTAJAR (C.), - « Garantir que « le crime ne paie pas », à propos des dites priorités stratégiques proposées par la commission européenne », aperçu rapide, JCPG, 2008, act.P.733 ;

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9. Dalloz, Répertoire de droit immobilier.

10. DESHAYES (O.), « Les sanctions de l'usage déloyale des prérogatives contractuelles », Revues des contrats, n°2, Avril 2011, 18 P.

11. DEVESA (Ph.), « Courtage, courtiers libres », I-CP. Commercial, fasc. N°345, 1,1998.

12. DIFFERRARD (F.), « Les métamorphoses de la législation anti-blanchiment », Gaz. Pal, Doctrine, 23 et 24 octobre 2009.

13. GUITTON (G.), Banque et Droit, n°88.

14. LECOCQ (P.), « La propriété, son évolution et ses divisions », charte pour le droit continental à l'Université Keio, Novembre 2009.

15. NJOYA KAMGA (B.), « La COBAC dans le système bancaire de la CEMAC », Annales de la faculté de science juridique et politique de l'Université de Dschang, t.13, 2009P.85-100.

16. NGUIFFEU (E.L.), « La réforme du système de détection et de prévention de la criminalité financière en zone CEMAC à la lumière du règlement n°01/CEMAC/UMAC/CM du 11 Avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux, du financement du terrorisme et la prolifération en Afrique Centrale », in Juridis périodique n°108, pp 133-144.

17. MATSOPOULOU (H.) et MASCALE (C.), (dir.), Lamy droit pénal des affaires, 2014, N°1281.

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19. « De l'ambiguïté de la notion d'intermédiaire », in Revue trimestrielle de droit civil, 1992, P.86 et s.

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20. « Les négociateurs immobiliers sur Internet : Entre vins anciens et outres neuves », Le droit des affaires à la confluence de la théorie et de la pratique, Mel.P. Le CANNU, Lextenso éd, 2014, P .142-154.

D-RAPPORT

1. Rapport de la commission des banques Suisses fonds « Achaba » auprès des Banques Suisses du 30 Août 2000.

2. Rapport de l'OCDE 20 février 2009.

E-LÉGISLATIONS

1. Acte additionnel du traité de la CEMAC N°9/00/CEMAC-086/CCE du 14 Décembre 2000 portant création du GABAC.

2. Code pénal camerounais.

3. Code de la propriété immobilière, 2014.

4. Convention de Palerme du 15 Novembre 2000 contre la criminalité financière organisée.

5. Décret n° 2005/187 du 31 mai 2005 Portant organisation et fonctionnement de l'agence d'investigation financière du Cameroun.

6. Décret n° 000739/PR/MEFBP du 22 Septembre 2005 portant organisation et fonctionnement de l'ANIF Gabon.

7. Décret n° 101/PR/PM/MFEP/07 du 02 Février 2007 portant organisation et fonctionnement de l'agence nationale d'investigation financière du Tchad.

8. Décret n° 2008-64 du 3 mars 2008 fixant les modalités d'organisation, de fonctionnement et de financement de l'agence nationale d'investigation financière.

9. Loi n° 2001/020 du 18 Décembre 2001 portant organisation de la profession d'agent immobilier au Cameroun.

10. Recommandation du GAFI, février 2012.

11. Règlement COBAC R-2005/01 du 1er Avril 2005 relatif aux diligences des établissements assujettis en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et financement de terrorisme en Afrique Centrale.

12. Règlement n° 01/03-CEMAC portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et financement du terrorisme en Afrique centrale.

13. Traité de Ndjamena du 16 mars 1994 instituant la CEMAC.

14. Règlement n° 02/10 du 02 octobre 2010 portant révision du Règlement n° 01/CEMAC/UMAC/CM du 04 avril 2003 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et financement du terrorisme en Afrique Centrale.

87

15. Règlement n° 01/CEMAC/UMAC/CM du 11avril 2016 Portant Prévention et Répression du Blanchiment des Capitaux et Financement du Terrorisme et de la Prolifération en Afrique Centrale.

F-WEBOGRAPHIE

1. http:/economie/conjoncture/2008-06/cesagences-immobilières-frappées-par-crise 4879062.html.

2. www.cairn.info

3. www.banque-france.fr.

4. https://wwwjournaldelagencecom.ampproject.org/v/s/www.journaldelagence.com/117072 7-tout-savoir-pour-gerer-les-risques.

5. www.TRACFIN.bercy.gouv.fr.

6. https://www.tchadactuel.com/.

7. https://afrique-info.cm/blanchiment-dargent-dans-limmobilier-le-gabac-passe-a-laction.

8. https://www.pim.be/.

9. www.agenceecofin.com.

10. https://kalieu-elongo.com.

TABLE DES MATIÈRES

88

AVERTISSEMENT A

DÉDICACE ii

REMERCIEMENTS iii

PRINCIPALES ABRÉVIATIONS iv

RÉSUMÉ vi

ABSTRACT vii

SOMMAIRE viii

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PARTIE I : L'ASSUJETTISEMENT JUSTIFIÉ DES AGENTS IMMOBILIERS AUX OBLIGATIONS DE VIGILANCE DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE

CAPITAUX 9
CHAPITRE I : LA NÉCESSITÉ DE LA VIGILANCE Á L'ÉGARD DE LA CLIENTÈLE 12

SECTION 1 : LE CONTENU DE L'OBLIGATION DE VIGILANCE GÉNÉRALE 12

Paragraphe1 : La singularisation de la connaissance de l'identité du client 13

A- L'identification globale de la clientèle 13

B- La connaissance de l'identité de l'ayant droit économique 14

Paragraphe 2 : La nécessité de l'appréhension de certaines informations 16

A- L'omission de l'assujettissement des agents immobiliers à l'obligation de

connaissance de l'objet et la nature de la relation d'affaire 16

B- L'exclusion marquée des agents immobiliers de l'obligation de conservation des

pièces et documents 17
SECTION 2 : LA CONSISTANCE DE L'OBLIGATION DE VIGILANCE SPÉCIFIQUE

18

Paragraphe 1 : La nécessité d'une vigilance accrue pour les opérations à risque 19

A- La notion d'opération à risque 19

B- Les recommandations pour la gestion des opérations à risque 20

89

Paragraphe 2 : La nécessité d'une vigilance accrue pour les clients à risque 21

A- Le traitement particulier des Personnes Politiquement Exposées (PPE) 21

B- L'incitation à une vigilance accrue pour les autres contractants à risque 22

CONCLUSION CHAPITRE I 25

CHAPITRE II : LA PERFECTIBILITÉ DU CADRE DE LA VIGILANCE FINANCIÈRE 26

SECTION 1 : LES DIFFICULTÉS DE LA MISE EN OEUVRE DES OBLIGATIONS DE

VIGILANCE 26

Paragraphe1 : Les obstacles à la mise en oeuvre effective de la vigilance : une identification

des clients fortement lacunaire 26

A- L'inadaptation des conditions de vérification de l'identité du client 26

B- Les failles du dispositif anti blanchiment dans l'immobilier en Afrique centrale 28

Paragraphe 2 : La contribution des agents immobiliers à la complexification la vigilance 31

A- La complexification de l'identité des bénéficiaires effectifs de l'opération par

l'utilisation de l'agent immobilier comme prête-nom 31

B- La complicité des agents immobiliers dans les opérations de blanchiment de

capitaux 32

SECTION 2 : LES PALLIATIFS AUX DIFFICULTÉS DE VIGILANCE 33

Paragraphe 1 : La conformité des textes nationaux aux exigences de lutte : l'invitation des

législateurs nationaux à participer à la lutte contre le blanchiment de capitaux 33

A- La nécessaire implication des mesures de vigilance dans la réglementation de la

profession d'agent immobilier 33

B- La gestion nationale des risques de blanchiment inhérent au secteur immobilier 35

Paragraphe 2 : Le renforcement du cadre de la vigilance 36

A-La formation, l'information du personnel et la mise en oeuvre effective des mesures

d'évaluation et de gestion des risques 36

1-La formation et l'information du personnel sur les risques de blanchiment de

capitaux 36

2-La mise en place effective des mesures d'évaluation et de gestion des risques 37

B-L 'aménagement du régime répressif pour le manquement aux obligations de vigilance

38

CONCLUSION CHAPITRE II 40

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 41

90

PARTIE II : L'ASSUJETTISSEMENT OPPORTUN DES AGENTS IMMOBILIERS À LA

DÉCLARATION DES OPÉRATIONS SUSPECTES 42
CHAPITRE I : L'IMPORTANCE DE LA DÉCLARATION DES OPÉRATIONS

SUSPECTES 45

SECTION 1 : LE RÉGIME DE L'OBLIGATION DE DÉCLARATION DE SOUPÇON 45

Paragraphe 1 : L'encadrement de la déclaration des opérations suspectes 46

A- L'étendue de la déclaration de soupçon 46

B- Les indicateurs d'alerte 48

Paragraphe 2 : L'indispensable dilution du secret professionnel 49

A- La primauté de l'obligation de déclaration sur le devoir de discrétion de l'agent

immobilier 50

B- Pour l'incitation des agents immobiliers à la déclaration de soupçon 51
SECTION 2 : LES MODALITÉS D'EXÉCUTION DE L'OBLIGATION DE

DÉCLARATION DE SOUPÇON 53

Paragraphe 1 : Les destinataires de la déclaration de soupçon 53

A- La plénitude de compétence de l'ANIF dans la réception des déclarations 54

B- La saisine du PR : compétence partagée avec l'ANIF 55

Paragraphe 2 : La réception de la déclaration de soupçon 56

A- Les formalités de recevabilité de la déclaration 56

B- Le traitement particulier réservé à la déclaration de soupçon 56

CONCLUSION CHAPITRE I 58

CHAPITRE II : L'AMÉLIORATION URGENTE DE LA MISE EN OEUVRE DE

L'OBLIGATION DE DÉCLARATION DE SOUPÇON DES AGENTS IMMOBILIERS 59
SECTION 1 : LE RENFORCEMENT DES INSTITUTIONS EN CHARGE DE LA RÉCEPTION DES DÉCLARATIONS DE SOUPÇON DE BLANCHIMENT DANS LE

SECTEUR IMMOBILIER 60

Paragraphe 1 : la consolidation des organismes en charge de la lutte contre le blanchiment de

capitaux 60

A- La coordination améliorable du GABAC dans la lutte contre le blanchiment de

capitaux dans l'immobilier en Afrique Centrale. 60

B- La nécessaire implémentation d'un organisme régional de type COBAC dans le

secteur immobilier 62

Paragraphe2 : L'affermissement du soutien matériel aux cellules de renseignements financiers

nationales 64

A- L'octroi des moyens à l'ANIF pour le traitement des déclarations de soupçon 64

B- Le nécessaire octroi des pouvoirs absolus à l'ANIF pour le traitement des déclarations

de soupçon 65
SECTION2 : L'IMPLÉMENTATION DES SANCTIONS PAR LES ORGANES DE LUTTE

CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX DANS LE SECTEUR IMMOBILIER 67

Paragraphe1 : La mise en oeuvre des sanctions contre l'agent fautif 68

A- Le régime de la responsabilité pénale des agents immobiliers 68

B- La consécration des sanctions disciplinaires et administratives par le dispositif anti-

blanchiment 69

Paragraphe 2 : La consécration opportune des peines à l'encontre des blanchisseurs 71

A- L'application des peines restrictives de droit aux blanchisseurs 71

B- L'application des peines patrimoniales 73

CONCLUSION CHAPITREII 75

CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE 76

CONCLUSION GÉNÉRALE 77

ANNEXES 80

91

TABLE DES MATIÈRES 88

92






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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand