3.3. Stratégies de résilience: adaptation
des paysans aux changements et variabilités climatiques
Dans cette partie, il est question des stratégies
d'adaptation développées par les agriculteurs de Nassian pour
faire face aux évènements climatiques ces dernières
années en fonction des ressources dont ils disposent. En effet, ils ont
réagi devant la nouvelle donne climatique pour remodifier leur
savoir-faire afin de continuer à tirer de leur milieu l'essentiel de
leur subsistance. Ils ont développé diverses stratégies
basées sur leurs perceptions du climat dans la pratique agricole et
l'élevage des animaux. La diversification des sources de revenu est
également une composante des stratégies que développent
les populations locales pour assurer leur survie.
3.3.1. Stratégies développées dans la
pratique agricole
Les aléas du climat ont conduit les populations rurales
à développer une pluralité de réponses adaptatives
à partir de leurs connaissances endogènes. Les stratégies
notées sont de quatre ordres: celles basées sur la modification
du calendrier agricole et option culturale, celles basées sur
l'aménagement de l'espace cultivable, celles basées sur
l'utilisation des intrants et réduction du temps de travail et celles
basées sur l'imploration des dieux pour faire venir la pluie.
3.3.1.1. Modifications du calendrier agricole et des
options culturales
Dans la région de Nassian, le calendrier cultural a
connu d'importantes modifications voir une certaine évolution. En effet,
les paysans identifient les effets du changement climatique au fait que, par le
passé, les travaux de préparation des champs commençaient
tôt, dès le mois de novembre ou de décembre, suivis par le
défrichage en janvier février (77,6% des enquêtés).
Cette opération prenait fin avec la mise à feu des parcelles
défrichées.
Cette tradition culturale est aujourd'hui perturbée par
le retard du début des pluies et la quasi-disparition de
l'écosystème forestier. Ainsi, la préparation du sol et le
défrichement connaît un prolongement jusqu'à mi-avril, voir
la fin de ce mois, repoussant d'autant l'opération des semis.
Aussi, pour ne pas perdre, 67,1% des agriculteurs affirment
qu'ils font un deuxième défrichage dans le mois de septembre pour
faire des champs à contre saison (Photo 3).
Photo 3: Défrichage d'une parcelle en
septembre pour un deuxième champ d'igname (Cliché KOBENAN
K. Raphaël, septembre 2018)
En outre, afin de faire face à la récession
pluviométrique, les agriculteurs ont fait le choix d'adopter dans leur
système de cultures de nouvelles stratégies pour s'adapter et
réduire les risques climatiques (Tableau 15). A ces stratégies
endogènes, s'ajoutent celles des institutions de recherche et de
développement (semences améliorées).
Tableau 15: Stratégies d'adaptation
aux effets du changement climatique (enquête de terrain KOBENAN K.
Raphaël, septembre 2018)
Stratégies d'adaptation
|
Fréquences des réponses (%)
Oui Non Total
|
Origine
|
Changement de parcelle et/ou de culture
|
87,20
|
12,80
|
100
|
Endogène
|
Changement de technique agricole
|
39,30
|
60,70
|
100
|
Endogène
|
Déplacement de la date de semis
|
86,40
|
13,60
|
100
|
Endogène
|
Protection des jeunes plantes
|
10,00
|
90,00
|
100
|
Endogène
|
Re-labour
|
49,30
|
50,70
|
100
|
Endogène
|
Re-semis
|
52,10
|
47,90
|
100
|
Endogène
|
Utilisation de semences améliorées
|
73,60
|
26,40
|
100
|
Exogène
|
79
80
L'examen du tableau 15 montre que le changement de culture, le
déplacement de la date de semis, l'utilisation de semences
améliorés et le re-semis étaient les quatre
stratégies dont une exogènes occupant plus de la moitié de
l'ensemble des stratégies développées dans le cas de la
modification du calendrier agricole.
De plus, par crainte de voir mourir leurs semis et pour
éviter les opérations multiples de re-semage, les paysans
attendent désormais la saison effective des pluies qu'ils situent au
mois de mai au lieu d'avril. C'est le cas de l'igname, par exemple, qui pourrit
quand elle n'a pas un certain apport pluviométrique après
quelques semaines de végétation. A cette stratégie
s'ajoute la technique de paillage. Elle consiste à recouvrir les buttes
de résidus de récole ou de produits ligneux (Photo 4). Son
avantage est de permettre la protection des buttes contre le soleil et de
conserver l'humidité du sol par la réduction de
l'évaporation, l'amélioration de l'infiltration par
l'augmentation de l'activité biologique du sol.
Photo 4: Technique de paillage dans un champ
d'igname entre Talahini et Parhadi (Cliché KOBENAN K.
Raphaël, septembre 2018)
De même, les agriculteurs, pour faire face aux
changements climatiques associent plusieurs cultures sur une même
parcelle. Ce sont par exemple l'association de l'anacarde à l'igname et
au manioc. Son avantage réside dans le faite que les plantes
protègent les plantes ; c'est-à-dire de s'échanger divers
services (fertilisation, action répulsive sur les insectes et/ou les
mauvaises herbes) pour accroitre et diversifier leur production.
81
Enfin, il est a noté que, les cultures à cycle
long telles que certaines variétés de tubercules (ignames N'za,
bertai-bertai, térela, lorbrai et tamlagba) disparaissent
progressivement de l'activité agricole de la région au profil de
d'autres variétés comme l'igname (kpona), l'igname (florido),
l'igname pahinté et l'igname ANADER qui se révèlent
être plus adaptées au nouveau calendrier agricole (93,6% des
enquêtés).
L'accent est aussi mis sur les cultures à cycle plus
court et demandant des travaux agricoles plus hâtifs. Les
variétés de plantes cultivées les plus recherchées
sont celles qui exposent moins le paysan aux incertitudes des débuts de
saison pluvieuse ainsi qu'à ses interruptions brutales.
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