IV-2-4-Le sens du journaliste radiophonique congolais
à l'ère du numérique
D'après nos enquêtes, à travers les
tableaux IX, XIX, sur la question à l'heure où tout le monde se
dit journaliste, le professionnel a perdu son sens, sur les 60 journalistes,
100% disent que le journaliste professionnel de la radio en a bel et bien
toujours sa place car pour ceux qui se disent journaliste leur qualité
des informations diffusées peut être sujette à caution.
Aussi, il y a l'absence de respect d'une déontologie
52 PAYETTE, D. et BRUNELLE, A. M. (2007). L'évolution
: Internet et la radio, l'avenir ? Journalisme radiophonique Presses de
l'Université de Montréal, p.13-22
53 https://books.openedition.org/
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journalistique et des responsabilités qui en
découlent constituent une limite qui interdit tout rapprochement avec le
métier de journaliste.
Dans le même contexte, sur les 80 auditeurs, 64, soit
80% pensent que le journaliste radiophonique congolais, malgré les
mutations technologiques demeure utile en ce sens que des informations qui
émanent de lui sont fiables. Mais à cause des nouvelles
technologies ; avec Internet et les moteurs de recherche, l'information ne se
fait plus du haut vers le bas, d'une élite journalistique vers un peuple
dépendant et assoiffé d'une information rare et
contrôlée, mais dans une capacité infinie de communication
latérale de chacun avec tous. La grande révolution de la
démocratie en cours est que le citoyen trouve avec Internet l'espace et
le moyen d'une liberté d'expression affranchie de tout pouvoir y compris
de ce pouvoir de la presse censé l'affranchir de tous les pouvoirs. Quoi
qu'il en soit, le journaliste doit prendre en compte cette nouvelle donne et
adapter sa façon de travailler.
Mais pour ce faire, le journaliste doit changer de posture,
gagner en humilité, accepter le dialogue sans pour autant renoncer au
coeur de son métier : informer. Le tri, la vérification, la
hiérarchisation, la mise en perspective et l'analyse sont des
savoir-faire précieux dans un environnement où les auditeurs ont
plus que jamais besoin de filtrer et de digérer la masse informations
qui parvient jusqu'à eux. C'est ainsi que Dans son blog « Demain
tous journalistes ? » Benoit Raphaell54 décrit le
métier de journaliste du futur comme une compétence qui «
devra être capable de conduire les conversations, d'animer les
communautés réelles et virtuelles, mais aussi mettre en
scène et éditer les contenus extérieurs ». Les
journalistes ont perdu l'exclusivité de la diffusion et de
l'information. Cependant certains journalistes créent directement leurs
propres blogs car les médias traditionnels ont du mal à s'adapter
au défi du numérique.
Les 7 d'enquêtés, soit 8,75% pensent que
grâce à l'existence d'outils de production et de diffusion
gratuits, simples et efficaces, le journaliste n'est plus le seul à
raconter le monde, mais en plus, il doit apprendre à collaborer et
s'ouvrir. L'universitaire
54 Source : PIOTRAUT, J. (2007). Des conséquences de
la convergence sur les médias traditionnels. Thèse :
Entertainment and Media Management. Marseille : Euromed (Ecole de
Management)
68
Robert G. Picard55, spécialiste de
l'économie des médias à Oxford, ne dit pas autre chose:
« La principale valeur du travail du journaliste réside
dans sa capacité à distribuer le savoir des autres
». Or, avec le développement des blogs et des
réseaux sociaux, les professionnels de l'information ont perdu leur
monopole. Chacun peut désormais se connecter à Internet pour y
diffuser des sons, des images, des textes, dont certains se
révèlent d'excellente qualité. Dans ce contexte, le
métier de journaliste semble sérieusement menacé, et
pourtant une grande majorité des professionnels de l'information
continuent à faire leur travail à l'ancienne. Le journaliste ne
doit plus seulement rapporter l'information, mais il doit la raconter. Pour
cela, il faut qu'il s'approprie les nouveaux outils de la narration digitale
afin de construire des récits multimédias. À l'ère
numérique, seul le journaliste mué en homme-média sera
capable de mener ces défis immenses, car finalement ce n'est pas les
radios qu'il faut sauver, mais le journalisme. Exceptions confirmant la
règle, certains médias ont décidé d'assumer
l'information à trois voix : journaliste, expert et internautes.
IV-2-5- des défis du journalisme radiophonique
à l'ère du numérique en république du
Congo
Tout l'enjeu de la pérennité du journalisme
à l'ère numérique se situe dans la recherche d'un juste
équilibre entre un journalisme à l'ancienne nourri
d'enquêtes, de reportages et d'expertise, et les nouvelles pratiques
apparues sur Internet : discussions et débats en ligne, proximité
avec les auditeurs, recommandations et interactions entre les sources
d'information.
Nos tableaux XIII, XIV, XX, XVI, XVIII nous montrent comment
le journalisme radio au Congo fait face à des défis du
numérique.
Il faut dire que les contraintes qui sont apparues avec
l'ère numérique ont de quoi refroidir les journalistes les plus
chevronnés. Voici deux (2) grands défis auxquels les radios
congolaises dans son ensemble, doivent faire face :
55 Why journalists deserve low pay, R.G. Picard, The Christian
Science Monitor, 19 mai 2009 cité dans l'article : le journalisme est-il
soluble dans l'ère numérique ? Publié le 3juillet 2012 par
Nicolas Becquet
69
- La vitesse de circulation de l'information,
l'immédiateté et le contexte concurrentiel :
Dans un article publié dans la revue Communication et
intitulé, Le multimédia face à l'immédiat. Une
interprétation de la reconfiguration des pratiques journalistiques selon
trois niveaux, Amandine DEGAND56 explique que le journaliste web est
confronté à redéfinition permanente des valeurs de son
métier : « Il apparaît que
l'équilibre entre les valeurs journalistiques
d'immédiateté et de fiabilité est aujourd'hui
bouleversé. Il faudrait répondre simultanément à la
logique marchande de l'hyperactivité et à l'éthique
journalistique de la vérification et du recoupement des sources. Cette
situation introduit, dans les pratiques, une incertitude que les journalistes
ne maîtrisent encore que partiellement, grâce à des
arrangements temporaires. Ils seraient donc confrontés à un vide
conventionnel ».
Le journaliste web doit, en effet, sans cesse inventer et
construire sa propre grammaire et ses propres garde-fous qui ne sont plus
toujours dictés par le média pour lequel il travaille.
- La notion d'identité
numérique et la traçabilité des individus :
Cela a également un impact sur les pratiques
journalistiques en République du Congo. Comment mener des investigations
sur un sujet sensible tout en sachant que toutes les activités en ligne
sont enregistrées et archivées sur des serveurs auxquels il est
quasiment impossible d'avoir accès. Le droit à l'oubli ou
à l'anonymat semble être incompatible avec le principe même
d'Internet et de la société de liens qu'elle engendre. Mais le
journaliste radiophonique congolais doit savoir que la presse est le 5e
pouvoir, il doit exercer ce pouvoir de presse face au numérique sans
pour autant être influencé par le contexte socio politique.
IV-2-6-sur des mesures envisageables pour une adaptation
au numérique par les radios congolaises
Pour les mesures envisageables pour une adaptation aux TIC par
les radios congolaises, nos enquêtés, auditeurs, journalistes et
responsables nous ont fait des pro-
56 DEGAND, A. (2012). Le multimédia face à
l'immédiat. Une interprétation de la reconfiguration des
pratiques journalistiques selon trois niveaux. Revue Communication
70
positions. Mais, le saut vers le numérique comporte en
effet deux étapes bien distinctes : les moyens de production d'un
côté, le transport et la diffusion de l'autre. Le passage au tout
numérique n'est pas pour demain en République du Congo ni
même peut-être pour après-demain. Outre le coût des
équipements à mettre en place sur le vaste territoire.
Mais le passage à la production en numérique
implique aussi des contraintes, voire des effets pervers. Il suffira aux
autorités gouvernementales d'appuyer sur un bouton.
Par conséquent, le journaliste se doit de
connaître parfaitement les rouages techniques et légaux du monde
virtuel puisqu'Internet est devenu un espace incontournable de la diffusion et
de la consommation d'informations.
Et pour être performante, une rédaction doit se
mettre en ligne et former ses journalistes vers ce qu'on appelle par : «
l'homme média57 ».
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