v Le contrôle patriotique des
délocalisations
Les délocalisations, favorables pour la firme
(augmentation de la production ou de ses parts de marché au niveau
mondial), sont souvent non bénéfiques à l'échelle
de la nation, si l'on prend en compte la
« déterritorialisation » des activités
domestiques et les répercussions en chaîne qui s'ensuivent sur
d'autres entreprises ainsi que sur les services publics. Elles sont
destructrices de nombreux emplois et de revenus dans les territoires d'origine,
tandis que des postes de travail sont proposés aux travailleurs des pays
émergents ou des pays en voie de développement. Mais
l'État peut-il demander à ses citoyens, dont les entreprises sont
délocalisées, d'aller travailler dans d'autres pays à bas
salaires ? Par ailleurs, les économies d'échelle, qui
résultent des délocalisations, sont redistribuées en
faveur d'un actionnariat à la recherche d'une rentabilité
financière de court terme et au détriment des salariés du
pays d'origine. La nouvelle division internationale du travail nécessite
donc une intervention de l'État qui peut prendre la forme soit d'un
contrôle patriotique des délocalisations (aspect défensif
du patriotisme économique) soit d'une stratégie
d'attractivité du territoire (aspect offensif du patriotisme
économique). Le contrôle patriotique des délocalisations
consiste, alors, pour un État à instaurer des obstacles de toutes
natures aux tentatives de prises de contrôle indésirables mettant
en cause l'indépendance et l'emploi dans des activités de type
stratégique. La stratégie d'attractivité, dans le cadre
d'un patriotisme offensif, consiste pour un État à rendre le
territoire attractif pour l'ensemble des entreprises, quelle que soit leur
nationalité.
v La protection des activités économiques
essentielles et/ou stratégiques
Dans le nouveau contexte de la mondialisation, les
États-nations ont le devoir d'assurer la sécurité à
leurs ressortissants, en disposant, en toute indépendance, des moyens
nécessaires à cet effet et d'une capacité de
décision autonome. Ils doivent être capables de maîtriser
les intérêts essentiels de leur nation, au besoin en s'opposant
aux exigences de la mondialisation. Ils ne doivent pas abandonner à la
discrétion d'autres pays (surtout s'ils n'appartiennent pas aux
mêmes zones d'intérêts et de valeurs) des productions
à caractère stratégique.
Plus fondamentalement, les États doivent être
capables d'élaborer une stratégie destinée à
prévenir les menaces et à anticiper les risques d'ordre
économique, technologique et financier. En 1988, les États-Unis,
au nom du patriotisme économique, ont mis en place un dispositif de
contrôle des investissements étrangers qui autorise le
Président à limiter ou à interdire totalement certaines
prises de contrôle (Delbecque, 2008). Au cours de la période
récente, des États, au nom de l'intérêt national, se
sont munis d'outils réglementaires et légaux leur procurant un
droit d'ingérence dans le monde des affaires. Trois initiatives peuvent
illustrer ce constat :
ü Adoption par le gouvernement français d'un
décret, en décembre 2005, visant à protéger les
sociétés présentes dans certains secteurs jugés
sensibles comme les domaines de l'armement, du secret défense, de la
cryptologie, du matériel d'interception des communications, des
biotechnologies, de la protection d'antidotes, de la sécurité
informatique ainsi que les casinos. Ce décret a été
inspiré par le rapport de B. Carayon sur l'intelligence
économique de 2003, précédemment cité, dans lequel
l'auteur a formulé des propositions concrètes pour garantir la
sécurité économique des acteurs françaisa titre
illustratif ;
ü Mise en oeuvre d'un dispositif législatif en
Allemagne protégeant le capital des sociétés allemandes de
l'appétit des investisseurs étrangers ;
ü Nouvelle loi chinoise sur la concurrence
prévoyant le durcissement des conditions de rachat des entreprises
chinoises par les étrangers.
Dans le domaine de l'énergie en particulier, les grands
États producteurs ont décidé de reprendre le
contrôle des entreprises nationales. Le Venezuela en constitue un exemple
dans le secteur énergétique. En fait, le débat sur le
contrôle patriotique des investissements semble lié à celui
qui concerne la nationalité du capital des entreprises.
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