![]() |
Analyse critique de la menace terroriste dans la zone frontalière Bénin-Burkina Faso-Togopar Kocou Mano Hermann ATTUY Université de Parakou - Master 2 option Études Stratégiques, Sécurité et Politique de Défense 2020 |
Résumé :Après le débordement du conflit algérien des années 90 avec l'installation au nord du Mali du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) à l'an 2000, en fin d'année 2006,le GSPC, s'est reconstitué sous un nouveau nom, Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Et aprèsla chute de Mouammar KADHAFI en Lybie en 2011, le Sahel est devenu un sanctuaire pour les groupes djihadistes. Ainsi, l'Afrique de l'Ouest a vu fleurir sur son territoire de nombreux groupes armés terroristes. La défaillance structurelle des États ouest africains associée à l'augmentation des conflits interethniques et la porosité des frontières en sont quels-que des causes. Les « Nord » (Mali, Burkina-Faso), sont actuellement sous l'influence des groupes terroristes. Cette menace s'étend vers les régions centrales(Mali, Burkina-Faso), Ouest et Est du Burkina-Faso et désormais vers le Nord des pays du littoral (Golf du Guinée) dont le Togo et le Bénin. Les zones frontalières que le Burkina-Faso partage avec le Niger, le Togo et le Bénin ; sont aujourd'hui en partie occupées par des hommes armés. Notamment, des djihadistes liés au GSIM (Groupe de Soutien à l'Islam et aux Musulmans) et à l'EIGS (État islamique au Grand Sahara) et leur servent de base logistique et de repli. L'utilisation du modèle SEPO pour analyser les mécanismes et outils de gestion de la sécurité et des frontières existants au Bénin a permis d'en identifier les potentialités et les faiblesses. Les résultats obtenus montrent que dans la mise en oeuvre de la Politique Nationale de Développement des Espaces Frontaliers au Bénin, certains responsables optent pour le développement des frontières d'une région pour des raisons politiques à but électoral. Les militaires ont tendances à oublier ou négliger leur mission première qui est d'assurer la défense et la protection du pays par la force des armes en abandonnant la gestion des frontières à la Police républicaine. Le manque de ressources financières, humaines et matérielles sont les difficultés quotidiennes des FDS. Mots clés :Bénin-Burkina-Faso-Togo, menace terroriste, espaces frontaliers, FDS, GAT. Abstract: After the overflow of the Algerian conflit of the 90s with the installation in northern Mali of the salafist group for preaching and combat (GSPC) from the year 2000, at the end of 2006 the GSPC was reconstituted under a new name, Al-Qaida in the Islamic maghreb. And the fall of Muammar KADHAFI in Libya in 2011, the Sahel has became a sanctuary for jihadists. Thus, West Africa has seen numerous armed terrorist groups flourish on its territory. The structural failure of West African states associated with the increase in inter-ethnic conflicts and the porosity of borders are whatever the causes. The "North" (Mali, Burkina Faso) are currently under the influence of terrorist groups. This threat is spreading to the Central (Mali, Burkina-Faso), West and East Burkina-Faso, regions and now to the north of the coastal countries (Gulf of Guinea), including Togo and Benin. The border areas that Burkina-Faso shares with Niger, Togo and Benin; these areas are now partly occupied by armed men, in particular jihadists linked to the GSIM and the EIGS, and serve as their logistical and fallback base. The use of the SEPO model to analyze existing security and border management mechanisms and tools in Benin made it possible to identify their potential and weaknesses. The results obtained show that in the implementation of the National Policy for the Development of Border Areas in Benin, some leaders opt for the development of a region's border for policies for electoral purposes without taking into account priorities. The military tend to forget or neglect their primary mission, which is to ensure the defense and protection of the nation by force of arms by abandoning border management to the paramilitaries, in particular the Republican Police. Lack of financial, human and material resources are the daily difficulties of the FDS. Keywords: Benin-Burkina-Faso-Togo, terrorist threat, border areas, FDS, GAT. INTRODUCTION GENERALE Aujourd'hui plus qu'hier, la question du terrorisme est au menu de toutes les discussions comme sujet préoccupant par son impact tant sur le développement que sur la paix et la sécurité dans le monde1(*). En Afrique de l'ouest2(*), la question de la sécurité occupe une place de choix au sein des instances internationales et régionales. En effet, cette partie de l'Afrique est en proie à de nombreux défis qui menacent la stabilité du continent.3(*)Depuis le début de l'an 2000, elle est touchée par le phénomène sans précédent du terrorisme, avec diverses manifestations d'activités terroristes dans la communauté, notamment des attentats à la bombe, des attentats-suicides, des enlèvements et prises d'otages. A l'origine de ce phénomène, il y a les ressentiments d'ordre politique, ethnique ou religieux4(*). Les conditions menant à la propagation de ce phénomène sont complexes et nécessitent des politiques fortes et efficaces pour faire face aux facteurs économiques sous-jacents et aux problèmes sociaux et politiques à l'origine des actes de terrorisme5(*). En réalité, ce qui a fondamentalement changé au niveau des défis de type sécuritaire, c'est l'inscription de l'islam radical au plan international. Cela s'accompagne de méthodes nouvelles, importées du Moyen-Orient par des Maghrébins ayant séjourné en Afghanistan, ou tout simplement observées sur des sites internet. Autrefois, que ce soit dans les années 1980 avec les émeutes du pain ou dans les années 1990 avec la guerre civile algérienne, les phénomènes étaient nationaux. Aujourd'hui, l'ennemi est beaucoup plus difficile à identifier, et les objectifs des actes terroristes ne sont pas précis. Les méthodes empruntées rendent les moyens de lutte traditionnels peu opérants et donnent le sentiment que les pouvoirs en place ont de moins en moins de maîtrise sur la sécurité de leurs pays6(*). L'ethnicité est souvent instrumentalisée au Sahel, dans une logique entre « Nous et Eux ». À titre d'exemple, le conflit au centre du Mali qui a pu être greffé sur les tensions entre « Bambaras » et « Peuls », associant les Peuls aux « djihadistes » et les Bambaras à « l'État malien7(*) », est un défi de sécurité. Au début du terrorisme au Mali il y a, d'abord le débordement de la guerre civile d'Algérie des années 1990. Les derniers djihadistes de ce pays, vétérans d'Afghanistan, et qui avaient rejeté toutes les offres de réinsertion d'Alger, ont été presque tous repoussés vers le nord du Mali vers 2000. C'était le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC), devenu, en 2007, Al-Qaïda auMaghreb islamique (AQMI).8(*)Au Mali, ces mouvements djihadistes, surinfectant des problèmes locaux cités en exemple, et se sont alliés à des groupes séparatistes en 2012, au nord du pays d'où l'armée malienne s'était retirée en application de l'accord de paix de1992signé avec la rébellion touarègue.En 2012, le Mali sombre dans le chaos et une partie de son territoire est contrôlée par des groupes terroristes constitués d'anciens militaires touarègues de l'armée de Kadhafi, repoussés aussi vers le Mali par la chute du « guide » libyen, sont venus relancer et encadrer les séparatistes. Il s'est formé alors un attelage improbable combinant ces ex-militaires de Libye à des féodaux touarègues de la tribu des Ifoghas et à trois groupes djihadistes (un algérien, AQMI, et deux locaux). Ce regroupement a battu l'armée malienne en 20129(*).Ils ont commis plusieurs violations des Droits de l'Homme. Cette défaite, aux lourdes conséquences, a été facilitée d'une part par le retournement d'environ 900 anciens rebelles touarègues qui avaient été intégrés dans ladite armée par le précédent accord de paix et, d'autre part, par une mutinerie dégénérant en coup d'État et portant au pouvoir le Capitaine SANOGO Amadou Haya à Bamako. Des bandes armées, rapidement dominées par des djihadistes et, parmi eux, par leleadertouarègue Iyad Ag Ghali, ont alors occupésle septentrion malien, pendant neuf mois en 2012, menaçant de s'étendre vers le sud. Face aux hésitations des acteurs régionaux, une intervention militaire conduite par la France est lancée en 2013. L'intervention militaire françaiseServal de janvier 2013, à laquelle a succédél'opération Barkhane depuis 2014. Cette intervention de l'opération serval doublée par l'appui de l'armée malienne et Tchadienne s'était révélée efficace dans la reconquête éclaire du nord Mali10(*). À partir de 2015, une relocalisation opportuniste s'opère à l'intérieur et à l'extérieur du Mali. L'organisation connaît de nombreuses réorganisations tandis que de nouveaux groupes émergent dans le Delta intérieur (Front de libération du Macina - FLM) et dans la région de Ménaka (Touarègue et Peul), qui ravivent des disputes foncières et pastorales jamais réglées par l'État11(*). Cette violence communale enflamme également le pays dogon et le Burkina-Faso avec Ansaroul Islam. L'AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique), Le front de libération du Macina (FLM), ou katiba Macina, l'État islamique au Grand Sahara (EIGS) et Ansaroul Islam, continuent de semer la terreur dans le centre du Sahel12(*). Leurs attaques sont largement concentrées dans le centre du Mali, au nord et à l'est du Burkina Faso, et à l'ouest du Niger l'évolution observée en Afrique de l'Ouest contraste fortement avec celle du reste du monde, où la libéralisation du commerce s'est accompagnée d'un renforcement des capacités des États et des institutions régionales en matière de sécurité.L'Afrique de l'ouest a vu éclore sur son territoire de nombreux groupes terroristes qui, au travers de leurs attaques meurtrières, semblent narguer les États de la zone13(*). Dans le contexte actuel de la mondialisation, le terrorisme ne connaît plus de frontière. Les criminels mènent leurs activités illicites en se déplaçant d'un État à l'autre ou en opérant sur plusieurs territoires nationaux.14(*) Le 15 janvier 2016, le raid djihadiste contre l'hôtel le Splendide et le restaurant Cappuccino à Ouagadougou (capitale du Burkina-Faso) a fait 30 morts. Dans la même année, le 13 août, deux assaillants ont ouvert le feu dans le café restaurant Halal, Aziz Istanbul toujours dans la ville capitale avec un bilan de 19 morts. En 2018, l'attaque terroriste du 02 mars contre l'ambassade de France et l'État-Major des Forces Armées Burkinabès a fait une trentaine de morts à Ouagadougou15(*). En 2021, c'est des successions d'attaques auxquelles fait face le Burkina-Faso : le 26 avril 2021, une attaque ayant coûté la vie à trois expatriés de nationalité Espagnole et Irlandaise ; une autre le 04 juin dans la région de Tadaryat soldée par 14 morts ; et la plus sanglante du 6 juin, emporta160 personnes à Solhan. Ces cas ne sont pas exhaustifs, mais montrent combien la situation est inquiétante. Dès lors, dans un monde de plus en plus interdépendant, aucun pays ne peut à lui seul s'attaquer efficacement au terrorisme qui se répand dans les quatre coins de la planète.16(*) Autrefois épargné par les groupes armés terroristes du sahel, l'espace frontalier situé entre le Bénin, le Burkina Faso et le Togo fait, de plus en plus, l'objet d'attaques par des terroristes qui circulent dans des pickups ou à motos. En effet, dans cet espace frontalier des trois (03) États ouest-africains, les terroristes sèment la psychose : ils enlèvent par endroits des touristes étrangers et attaquent par ailleurs des résidents autochtones, propageant ainsi, panique et frayeur dans le subconscient des populations.Et là, inquiétude et doute grandissant dans l'esprit des guides touristiques, gardes faune, Forces de Défense et de Sécurité (FDS). De plus en plus, les populations locales, quelles qu'en soit la nationalité, savent de moins en moins à quel saint se vouer quant à la sérénité de leur personne et la sécurité de leurs biens. Les menaces dont on entendait parler ailleurs ou auxquelles l'on s'attendait ailleurs sauf à sa porte, s'annoncent désormais présentes, non point seulement dans le voisinage, mais plutôt à proximité de sa case, de sa chambre à coucher, si ce n'est dans son champ ou sur le lieu de son travail. Comment expliquer ce phénomène autrefois absent ou vraiment distant ? C'est ce que cherche à réaliser la présente recherche qui porte précisément sur « analyse critique de la menace terroriste dans lazone frontalière Bénin-Burkina Faso-Togo » Pour conduire à bon port une telle analyse, une question fondamentale urge. Comment expliquer la présence de groupes armés terroristes dans lazone frontalière Bénin-Burkina Faso-Togo? Pour répondre à cette interrogation, deux hypothèses ont été émises : Ø La défaillance du système sécuritaire, des politiques de gestion des frontières de chaque État (Bénin, BurkinaFaso, Togo) qui expose la zone frontalière Bénin-Burkina Faso-Togo à la pénétration des Groupes Armes Terroristes (GAT); Ø Non application des initiatives d'intégrations régionalesfacilite l'extension des GAT dans la zone frontalièreBénin-Burkina Faso-Togo. Des hypothèses, il résulte que les GAT y trouvent un sanctuaire favorable à la mobilisation des ressources économiques, financières, politiques et humaines. Créant ainsi, chez les populations résidentes le sentiment d'être abandonnées par les pouvoirs publics. Pour vérifier ces hypothèses, des objectifs ont été fixés. Notre objectif général vise à identifier les causes structurelles qui constituent les paramètres d'attractions des GAT dans la zone frontalièreBénin-Burkina Faso-Togo. Trois objectifs spécifiques auront la primeur de notre analyse. Il s'agira de : Ø Déterminer les facteurs naturels, politiques, socio-économiques et religieux qui favorisent le terrorisme dans lazone frontalière Bénin-Burkina Faso-Togo ; Ø Identifier les effets de ces facteurs sur la population transfrontalière ; Ø Proposer des stratégies efficaces de lutte contre la menace terroriste dans ledit triangle. * 1 GNANGUENON, A., Afrique de l'Ouest : faire de la prévention des conflits la règle et non l'exception, Observatoire Boutros-Ghali du maintien de la paix, 2018. * 2 L'appellation « Afrique de l'ouest » se réfère dans ce travail à l'espace CEDEAO, comprenant 15 pays depuis 2002 (Bénin, Burkina-Faso, Cap Vert, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo). * 3SARAMBE L. A.,Les mécanismes de lutte contre le terrorisme en Afrique de l'ouest : quel impact? mémoire de maîtrise en Droit avec concentration en Droit humanitaire et droit de la sécurité internationale, à l'Université d'Ottawa, Canada, 2018, p155 * 4 GUILHAUDIS Jean-Paul, « Terrorisme et relations internationales après 11 septembre 2001, la relation terroriste au coeur des relations internationales», AFFI, volume VIII, 2008, p.41 * 5KANTE M. I., « lutte contre le terrorisme en Afrique de l'ouest : coopération entre la CEDEAO, les États et les Organisations », Revue Africaine sur le Terrorisme, volume n°2, décembre 2019, p94 * 6Les défis sécuritaires au Maghreb Khadija Mohsen-Finan Note d'IFRIprogramme Maghreb Juin 2008 ( * 7Hagberg et al. 2017a : 58 ; cf. Benjaminsen et Ba 2018+ * 8NICOLAS NORMAND, Le Sahel peut-il retrouver la paix ? * 9 ibid * 10 ibidem * 11ICG, Frontière Niger-Mali: mettre l'outil militaire au service d'une approche politique, International Crisis Group, Rapport Afrique 261, 2018 * 12 Menace terroriste en Afrique de l'Ouest: État des réponses nationales, régionales et internationales * 13 Notes ouest-africaines novembre 2019 no 26,O. J. Walther, Groupe de recherche sur le Sahel, Université de Floride, 2019 * 14 ALLOWANOU K., La Police Nationale du Bénin dans la lutte contre le terrorisme, 2019, p.4 * 15 https://information-tv5monde-com.cdn.ampproject.org consulté le 26/05/21 à 03h 57 * 16 Ibidem |
|