La coopération internationale face au terrorisme en Afrique de l'ouest.par Wilfried Jean-Marc Die KOFFI Université catholique de l'Afrique de l'ouest - Master en droit public 2020 |
Section 2 : Les entraves à la coopération régionaleSelon la résolution 2396 adoptée le 21 Décembre 2017 : « le terrorisme ne peut être vaincu qu'à la faveur d'une démarche suivie et globale, fondée sur la participation et la collaboration actives de l'ensemble des acteurs internationaux de sorte à l'isoler 258 ». Or, Les divergences d'intérêts entre États présentent des insuffisances à une vision de la lutte commune. À proprement parler, les entraves s'illustrent dans une confrontation entre le droit et les faits. Celle-ci augure leur manque de mesures fermes à s'unir pour combattre les groupes terroristes et instaurer un État de droit. Il s'agit des entraves à la coopération régionale en matière de financement du terrorisme (§1) et sur la situation de l'état pénal (§2). Paragraphe 1 : En matière de financement du terrorismeL'obligation d'incriminer le financement du terrorisme conformément à la recommandation 5 du Groupe d'Action Financière (GAFI) a été retenu dans une directive de l'UEMOA. Celle-ci a imposé aux États de l'uniformiser. Mais, elle n'a pu être un frein au besoin de financement des réseaux criminels en collaboration avec les groupes terroristes259 dans la sous-région. De 258 S/RES/2396 (2017) 259 CSNU «que le Mouvement pour l'unification et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), Ansar Eddine et son dirigeant, Iyad Ag Ghali, et Al-Mourabitoun sont inscrits sur la Liste relative aux sanction... concernant Daech , Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés a pris note de la fusion des groupes terroristes AQMI, Al-Mourabitoun et Ansar Eddine dans Jamaat 48 plus, elle leur a permis d'instituer des sources de revenus d'une façon directe par la rançon (A) et d'une façon indirecte en lien à d'autres activités criminelles (B). A - L'autofinancement des groupes terroristes par le paiement de rançonLe terrorisme se nourrit d'argent260. Cette rentrée de fonds est constatée par un grand nombre d'enlèvement des touristes occidentaux par les groupes terroristes au paiement de rançon. De ce fait, la rançon devient une source d'autofinancement. Alors, on entend par autofinancement, la capacité directe de financement muée en trésorerie disponible en tant que moyen de revenu financier. C'est un fonds qui assure les dépenses de l'entreprise des groupes terroristes261 pour consolider leurs assises dans la région. Lequel fonds est perceptible dans le réinvestissement sur la sophistication du matériel et d'équipements de combats en vue de faciliter leurs réseaux de recrutement. L'imbroglio de cette rançon est présenté par les medias au mépris du désengagement des États à un aveu. Aucun État ne reconnaît avoir directement cédé sous la pression en payant une rançon. Et pourtant, par hypothèse, si officiellement les prises d'otages sont divulguées par les medias, n'est-ce pas officieusement, par la rançon semble-t-il, que les otages sont libérés ? Une « négociation en clandestinité » dont seul les medias ont connaissance de l'exactitude des sommes payées262. D'ailleurs qu'est ce qui explique cette légion de prises d'otages dont la zone sahélienne passe pour l'épicentre de ce mode de paiement263 ? Il n'y a naturellement pas de statistiques fiables sur les prises d'otages et les versements de rançons. On estime que le nombre de kidnappings se situe entre 12 000 et 30 000 par an dans le monde entier avec les enlèvements d'étrangers qui connaissent une hausse particulière264. Nosrat el-Islam wal-Muslimin (Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans) comme annoncée par Iyad Ag Ghali le 2 mars 2017 ». 260DZEZOU (E. H.), La police ivoirienne face au défi du terrorisme sous régional, Mémoire de fin de cycle Commissaire de Police, DFENP, février 2016, p. 32. 261 Il s'agissait alors de savoir lesquels des profits tirés de l'enlèvement d'otages ou de la participation aux différents trafics étaient plus conformes aux préceptes de l'Islam. Alors que l'émir Abou Zeid revendiquait l'enlèvement d'otages avec paiement de rançon comme unique source de financement du mouvement islamiste, Mokhtar Bel mokhtar défendait la collusion avec les réseaux criminels de trafiquants pour la captation des ressources. La discussion doctrinale se penchera à la faveur d'Abou Zeid. Voir. GUIDERE (M.), « Al Qaïda au Maghreb Islamique : le tournant des révolutions arabes », Maghreb-Machrek, n° 208, 2011, p. 4. 262 Jeune Afrique, Infographie : otages au Sahel, des rançons toujours plus importantes, 05 novembre 2013. Consulté le 25 mars 2014 sur http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20131104175524/ 263 France Tv Info, Comment fonctionne le «business des otages» ?, 24 novembre 2013. www.francetvinfo.fr/monde/cameroun/otages-français/comment-fonctionne-le-business-desotages_461430.html (consulte le 24 Mai 2019) 264 https://css.ethz.ch/content/dam/ethz/special-interest/gess/cis/center-for-securities-studies/pdfs/CSS-Analysen-141-FR.pdf. Nous soulignons, que ces rançons énormes ont éveillé l'intérêt de la communauté internationale: le 49 La rançon parait un vieux crime265 qui s'est internationalisé dans la région Ouest-africaine et du Sahel à partir du 22 février 2003 avec ex GSPC, devenu AQMI266. Selon le gouvernement américain, le gouvernement malien a incité les djihadistes à perpétrer d'autres prises d'otages quand il a facilité aux groupes terroristes d'extorquer une rançon de cinq (5) millions de dollars au gouvernement allemand. C'est le point de campagne majeur de prises d'otages ciblant des touristes étrangers comme « business »267. L'adaptation des réseaux terroristes à cette tendance s'est transformée en cellules criminelles locales, autonomes et financièrement indépendantes. Dans la même dynamique, le MUJAO opère dans la prise d'otages avec demande de rançons pour le financement de ses activités268. Dès février 2013, Boko Haram, débutait l'enlèvement d'otages avec le rapt d'une famille européenne au Cameroun dont la rançon aurait été fixée à trois (3) millions de dollars269. Et pourtant, deux décisions répriment le paiement de la rançon. La résolution 1904 du Conseil de sécurité de l'ONU avait « explicitement prévue qu'aucune rançon ne peut être versée à des groupes terroristes associés à Al-Qaïda ». De même que la décision de l'UA thème de l'enlèvement contre rançon a souvent été mentionné comme source de financement du terrorisme dans la déclaration finale du G8 en juin 2013. Les Etats du G8 estiment que les groupes terroristes islamistes ont recouvré ces trois dernières années, par le biais d'enlèvements d'étrangers, des rançons se montant «à plusieurs dizaines de millions». Au cours du premier semestre de 2013, la moitié des cas de kidnappings mondiaux concernaient quatre pays: le Nigéria (26 %), le Mexique (10 %), le Pakistan (9 %) et le Yémen (7 %).Selon le gouvernement australien, une rançon est versée dans 64 pour cent des cas de kidnapping dans le monde. Dans six pour cent des cas, la prise d'otages se termine par la mort de ces derniers. 265 Ibid. L'enlèvement contre rançon est un terme relativement récent dans les relations internationales. Mais c'est un vieux crime: le roi anglais Richard Coeur de Lion a été, au XII e siècle, la première figure historique à être enlevée contre rançon. Au XXe siècle, beaucoup de personnalités importantes ou leurs enfants ont été kidnappés. Les kidnappings avec demande de rançon de Charles Lindbergh Jr. (1932) ou Patty Hearst (1974) sont devenus célèbres. 266 A cette époque l'enlèvement étais dirigé par Amari Saifi dit Abderrazak El Para membre du groupe a titre de négociant avait opéré son premier enlèvement de trente-deux (32) touristes européen 16 Allemands et 4 Suisses, pour être ensuite libérer au Mali le 18 Aout 2003. Les efforts de médiation menés par le gouvernement malien266 entre les preneurs d'otages et les gouvernements européens ont abouti. 267 Le gouvernement américain a compté en 2012, environs 1283 cas de kidnapping à motivation terroriste dans le monde. Selon le gouvernement britannique, un total de 150 étrangers a été kidnappé entre 2008 et 2012 par des groupes terroristes islamistes, beaucoup par AQMI, mais aussi par Boko Haram au Nigéria, Tehrik-e Taliban au Pakistan et Abu Sayyaf aux Philippines. AQMI a réalisé à elle seule plus de 20 opérations de kidnapping et a enlevé 60 étrangers. AQMI a, en 2011, reçu en moyenne, selon le gouvernement américain, 5,4 millions d'USD par otage libéré, presque un million de plus qu'en 2010. Des estimations concrètes des rançons circulent pour certains cas isolés: le gouvernement algérien a prétendu en 2011 que les gouvernements européens avaient versé jusqu'à présent 150 millions d'euros à AQMI. Le service de renseignements américain privé Stratfor par contre a cité la somme totale de 89 millions d'USD de rançon dont se serait emparée AQMI entre 2003 et 2012. En 2011, AQMI a reçu en moyenne 5,4 millions d'USD par otage libéré. Voir Prem Mahadevan, «The Glocalisation of Al Qaedaism» in Strategic Trends 2013 268 DUFOUR (J.), Groupes armés au nord Mali : état des lieux, Note d'analyse du GRIP, 2012, p. 6 et s. 269 U.S. House of Representatives Committee on Homeland Security, Boko Haram Growing threat to the U.S. Homeland, Prepared by the Majority Staff of the Committee on Homeland Security, September 13, 2013, p. 8. 50 d'opposer une incrimination « contre le paiement de rançon des groupes terroristes »270. Aussi, a été adopté à Abu Dhabi, un mémorandum d'Alger en décembre 2012. Celle-ci recommande des mesures pratiques exemplaires («good practices») pour sensibiliser les touristes sur des zones à risque. Une des inquiétudes à souligner est portée à « l'assurance contre enlèvement » comme un des produits des compagnies d'assurances. Cette transparence dans la gestion d'otages ne constitue-t-elle pas une entrave à la coopération régionale quand les positions stratégiques de lutte antiterroristes sont détournées au profit de l'intérêt propre de chaque État ? Le gouvernement américain semble s'inscrire dans ce reproche. Il estime que les gouvernements européens encouragent directement le terrorisme au sahel en accédant aux demandes de rançon. Mais, dans la zone ouest-africaine, c'est le Mali qui est fortement contesté par ses voisins dans la mise en oeuvre d'une stratégie de résolution ferme contre la rançon271. Il existe d'autres activités criminelles usées à des fins terroristes à côté de la rançon qui permettent un meilleur financement des groupes terroristes. |
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