De la diversité culturelle, linguistique et migratoire à l’établissement du locuteur en langue franà§aise. Cas d’adultes migrants à Bruxelles.par Stéphanie NASS Université de Bourgogne - Master 2 Recherche didactique du franà§ais 2014 |
3.2. L'échange « naturel »L'étude des actes illocutoires (dans le sens de l'analyse en linguistique-didactique) porte à la fois sur les narrations stimulées (les entretiens autobiographiques) et sur les narrations libres (procédé autonymique). Si le premier genre de discours nous permet de comprendre les rapports mentaux subordonnés au locuteur et son appropriation de la langue in fieri, le second nous autorise des entrées affranchies de contraintes dans l'espace discussif des informateurs (Traverso, 1996 : 131-132). Concept (ibid.) ou corpus (Morel, 2004)72, la conversation ou l'échange peu dirigé présente des caractéristiques spécifiques qui complètent notre interprétation des questionnaires 71 Les informations concernant M-L et W ont été recueillies à l'occasion des observations de classe et des échanges « naturels » (cf. Partie 2, § 3.2.). 72Morel M.-A., 2004, « Intonation et regard dans la structuration du dialogue oral », in Interactions orales en contexte didactique, Lyon, PUL, pp. 335-348. 52 exploratoires. D'un point de vue définitoire 73 , nous sommes face à une situation de communication équilibrée et mutuelle, inscrite dans le réel qui, en transcendant le sensible, laisse place à la subjectivité de l'énonciateur. Contrairement aux variables de Cosnier et Kerbrat-Orecchioni (1991 : 7-8), les échanges naturels que nous visons demeurent indépendants de tout appareillage thématique, spatial, temporel ou relationnel. Seule la chercheure débutante assure une praxis interlocutive circonspecte et se garde bien d'effectuer des coupures « ex abrupto » (ibid.), laissant ainsi la matière locutoire s'établir par paliers (Traverso, 1996 : 131). Bon nombre d'échanges ont été consignés dans notre journal de chercheure débutante, de manière régulière, sous forme de bribes ou de dialogues partiels. Après les avoir organisés par objet, nous avons relevé quelques observations liminaires. Voici celles relatives aux locuteurs de langue in fieri : - les échanges se réalisent en début, en fin de cours et à la pause, à l'occasion des manifestations de loisir ; - dès le mois de novembre, les informateurs en sont les initiateurs. Par la suite, les prises d'initiative sont plus spontanées et s'équilibrent mieux entre les informateurs et l'apprentie-chercheure ; - les thèmes récurrents sont par ordre croissant : la famille, les communautés, l'apprentissage du français, la connaissance de l'autre, des questionnements sur la construction des énoncés en langue in fieri pour un usage externe. Et pour ce qui est des formatrices : - les échanges se réalisent en début, en fin de cours et à la pause, à l'occasion des repas du midi, lors des réunions pédagogiques ; - les conversations sont équilibrées avec la directrice, plus sporadiques avec les éducatrices, et ce jusqu'à fin mai74 ; 73 Source électronique : Page officielle du « Trésor de la Langue Française » : http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?27;s=2506786680;r=2;nat=;sol=1 ; 74 Des relations « compliquées » lient les éducateurs de l'ASBL. En tant que nouvelle venue, il n'a pas toujours été simple d'entrer en contact franc avec les deux formatrices de français. 53 - les thèmes récurrents sont par ordre croissant : les vicissitudes de la profession (en l'occurrence les planifications des cours et le calendrier des stagiaires), ses aspects pédagogiques et didactiques, le manque d'assiduité et le niveau en français des apprenants, la connaissance de l'autre. En nous appuyant sur le questionnaire et l'échange naturel auprès des informateurs de l'association Avenir, nous envisageons le terrain au travers de représentations émiques. En effet, nous avons constaté des rapports co-mobilisateurs dans lesquels éducateurs et énonciateurs non confirmés tendent à un résultat commun qui est l'appropriation de la langue française. Cependant, les relations entre locuteurs et formateurs se révèlent dissymétriques, ces derniers revêtant une position institutionnelle supérieure à celles des énonciateurs. De plus, entre les migrants, on perçoit une asymétrie culturelle due aux origines communautaires de chacun75. Au vu de ce bilan et comme nous étions dans une perspective de collecte d'éléments écrits, une séquence sur la « relativisation culturelle » (Blanchet, Chardenet, 2011 : 461) nous a paru congruente. |
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