Chapitre II : Historique de la coopération
UE/ACP et la question
des APE
Le Burkina Faso à l'instar des autres pays ACP s'est
engagé dans la coopération avec l'Europe depuis 1959. Du
traité de Rome aux accords de Cotonou en 2000, le Burkina Faso a
été un acteur du jeu des relations internationales avec la
Communauté Economique Européenne devenue actuelle Union
Européenne. Dans ce chapitre, nous allons nous pencher sur l'analyse de
l'évolution des accords UE-ACP jusqu'aux conventions dites de
Yaoundé et de Lomé d'une part, et d'autre part, sur les limites
de cette coopération UE-ACP en justifiant l'avènement des APE
dans les relations actuelles.
2.1. Bref rappel des relations UE-ACP
L'Europe et l'Afrique sont deux continents marqués par
l'histoire de liens économiques dont la perception a varié au fil
du temps. En effet, selon ALMEIDA-TOPOR Hélène50 :
« Ces relations ont largement mobilisé l'attention des
spécialistes surtout dans les années soixante-dix ». Le
couple Europe-Afrique, hérité du partage colonial, offrait un
argument de choix à ceux qui recherchaient dans le passé une
explication des dépendances contemporaines51. De ce fait, les
négociations entre l'UE et les pays ACP remontent à plusieurs
décennies et se fondent sur les relations de coopération
économique et commerciale nées de la colonisation.
Déjà en 1950, l'ancien Ministre français des affaires
étrangères M. Robert Schuman, déclarait : « l'Europe
pourra avec des moyens accrus, poursuivre la réalisation d'une de ses
tâches essentielles:
50 ALMEIDA-TOPOR, H, et al., 1994,
Op.cit., p. 5.
51 ALMEIDA-TOPOR, H, et al., 1994, Idem,
p.5.
25
le développement du continent
africain»52. A la suite de cette option, plusieurs
traités et conventions vont maintenir les relations entre ces deux
parties du monde. Après l'indépendance de leurs colonies, la
France, la Belgique, l'Italie, et les Pays-Bas ont cherché à
entretenir des relations commerciales privilégiées avec ces
nouveaux pays d'Afrique. En 1957, le traité de Rome instituait un
régime d'association des pays et territoires d'outre-mer pour conserver
les relations particulières avec ces derniers53. Ce
traité prévoit une politique de coopération visant le
développement économique et social durable des pays en
développement, à l'insertion harmonieuse et progressive
de ces pays dans l'économie mondiale, ou encore à la
lutte contre la pauvreté. C'est ainsi que la France, la Belgique,
les Pays-Bas et l'Italie vont associer leurs anciennes colonies à la
Communauté54. Cette association a donné naissance aux
PTOM (Pays et Territoires d'Outre-mer) ainsi qu'au 1er FED (Fonds
Européen de Développement). De 1959 à 2000, les relations
entre l'Union Européenne et les pays ACP ont été
formalisées à travers les conventions de Yaoundé, puis de
Lomé et reposent sur deux piliers : le libre accès non
réciproque des exportations ACP au marché européen et un
appui financier dans le cadre du Fonds Européen de Développement
(FED)55. Cependant, les limites de ces conventions et la naissance
de l'OMC vont aboutir à la signature d'un nouvel accord à Cotonou
au Benin le 23 juin 2000. Ce nouvel accord de Cotonou contient des nouveaux
accords commerciaux appelés accords de partenariat économique
(APE)56.
52 JUFAU, J. Pet SUOARE A, 2011,
Op.cit., P. 4.
53 ALMEIDA-TOPOR, H, et al., 1994,
Op.cit., p.45.
54 CENTRE TRICONTINENTAL, 2001,
Op.cit., p.154.
55 ALMEIDA-TOPOR, H, et al., 1994,
Idèm, p.25.
56 NDADJO MBA, H, 2013, Op.cit.,
p.39.
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Tableau n° 1 : L'évolution du nombre des
pays ACP-UE de Yaoundé I à Cotonou
Conventions et accords
|
Yaoundé I (1963)
|
Yaoundé II (1969)
|
Lomé
I
|
Lomé II
|
Lomé III
|
Lomé IV
|
Lomé IV bis
|
Accord de
|
|
|
|
(1975)
|
(1979)
|
(1984)
|
(1990)
|
(1995)
|
Cotonou
|
|
|
|
|
|
|
|
|
(2000)
|
Nombre de pays ACP
|
18
|
18
|
46
|
57
|
65
|
70
|
75
|
77
|
Nombre de pays UE
|
6
|
6
|
9
|
9
|
10
|
12
|
15
|
15
|
Source : DIANDA, I., 2017, Ouagadougou
Graphique 1 : L'évolution du nombre des pays
ACP-UE de Yaoundé I (1963) à
Cotonou (2000)
40
90
80
70
60
50
30
20
10
0
Yaoundé I
1963
18 18
6 6
Yaoundé II
1969
Lomé I 1975 Lomé II
1979
46
Nombre de pays ACP Nombre de pays UE
12
9 9 10
57
Lomé III
70
65
1984
Lomé IV Lomé IV bis
1990 1995
75 77
15
Accord de Cotonou
2000
15
Source : graphique réalisé à partir des
données du tableau 1
Le tableau et le graphique ci-dessus retracent
l'évolution du partenariat UE-ACP depuis les conventions de
Yaoundé jusqu'à l'avènement des APE en 2000. Ils
présentent également l'importance de ce partenariat d'où
l'intégration croissante des pays de 1963 à 2000.
27
2.1.1. Les conventions dites de Yaoundé
(1963-1974)
Après les indépendances dans les années
60, la Haute Volta (l'actuel Burkina Faso) et certains pays africains vont se
réunir et négocier des relations avec la CEE. En effet, dix-huit
(18) Etats africains dénommés Etats Africains et Malgache
Associés (EAMA)57 au sein d'une organisation vont poursuivre
les relations avec la CEE dans un cadre négocié à travers
les accords de Yaoundé de 1963 et de 1969. 58
Le 20 juillet 1963, à Yaoundé la
Communauté signa le premier accord officiel jamais conclu entre l'Europe
et l'Afrique59. Il s'agit de la convention de Yaoundé I
signée entre les dix-huit (18) EAMA et les six Etats de la CEE. Cette
signature a donné du nouveau dans les relations internationales en ce
sens qu'elle marque une rupture avec la période coloniale. Cependant
après la signature de cette convention, quelques pays nouvellement
indépendants anglophones d'Afrique (Nigeria, Kenya, Ouganda, Tanzanie,
etc.) ont décelé les failles de ladite convention60.
Ces derniers pays pensent que Yaoundé I était davantage
orientée vers la sauvegarde des liens séculaires entre la France
et ses anciens territoires61. L'on va passer d'une politique que
Didier FRISH qualifie de « paternalisme honnête et bienveillant
» à une politique de responsabilisation du partenaire car
« la période où l'on disait ce qu'il fallait faire est
terminée »62.
57 Les Etats membres de E.A.M.A. : « les
E tats signataires africains étaient : le Burundi, le Cameroun, la
République centrafricaine , le Tchad, le Congo Brazzaville ancien Congo
français, le Congo Léopoldville ancien Congo belge, le Dahomey,
le Gabon, la Cote d'Ivoire, le Mali, le Niger, le Rwanda, le
Sénégal, la Somalie, le Togo et la Haute volta ».
58 NDADJO MBA, H, 2013, Op.cit.,
p.39.
59 MASSIERA, A, et al. , 1992, L'Europe
renforce sa coopération : Lomé IV, Paris, l'Harmattan,
p.15.
60 Problèmes économiques, Hebdomadaire,
1998, n° 2597, pp25-26.
61 NDADJO MBA, H, 2013,
Idèm, p. 41.
62 NDADJO MBA, H, 2013, Ibidèm,
p.43.
28
La convention de Yaoundé II a été
signée le 19 juillet 1969 par la CEE et les dix-huit (18) EAMA (cf.
tableau N°1 ci-dessus). La principale innovation de Yaoundé II
a été l'instauration d'un régime souple pour les produits
agricoles relevant de la Politique Agricole Commune (PAC) de la CEE, à
l'instar du sucre. L'aide financière et technique au cours de cette
période quinquennale va s'élever à 246 milliards de FCFA
sur fonds FED et prêts de la Banque Européenne d'Investissement
(BEI)63. En 1973, l'adhésion de l'Irlande,
du Danemark et de la Grande Bretagne à la CEE va ouvrir une extension de
la politique de développement européenne à une
constellation des pays membres du Commonwealth repartis sur trois (03)
continents : l'Afrique, les Caraïbes et le Pacifique. Tel fut le point de
départ vers la naissance du groupe ACP qui interviendra officiellement
au cours de la première convention de Lomé. Cet
évènement conjugué avec la crise pétrolière
des années 70 imposa la nécessité de redéfinir les
conventions et accords passés, d'où la signature des conventions
successives de Lomé.
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