4.4 Les motivations au voyage
Dans ce chapitre, nous allons étudier les risques par
rapport aux destinations choisies. Ce travail permet de mieux comprendre les
liens entre la motivation et les risques immédiats sur une destination
touristique. Bien entendu, les consommateurs sont alors sensibles à
toutes formes de risques déclarés dans une zone. En
réalité, tout dépend de ce que vous faites du traitement
de l'information donnée par une source qui détermine l'avenir de
la destination en question. Dans ce sens, y a-t-il forcément un rapport
entre le conflit et le tourisme dans ces zones étudiées ? C'est
la question que nous nous sommes posé pour pouvoir mesurer
véritablement
73 Les attentats du 21 avril 2019 sont une
série de huit attaques terroristes qui ont eu lieu le dimanche de
Pâques dans plusieurs villes du pays entre 8h45 et 14h15. Des Eglises et
trois hôtels de luxe sont visés faisant 257 victimes, dont 42
ressortissants étrangers et 45 enfants. L'organisation de l'Etat
islamique a revendiqué ces attaques le 23 avril 2019. Le gouvernement
avait accusé le National Thowheeth Jama'ath, un groupe terroriste du
pays.
74 Loi promulguée par le président
Addel Fattah al-Sissi sur la surveillance des réseaux sociaux en 2018.
Il y a également une loi sur la diffusion de fausses nouvelles,
l'incitation à la haine, lutte contre le terrorisme.
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l'impact de la communication ou de la couverture
médiatique et le traitement de l'information par les différents
acteurs sur le tourisme dans les deux communes.
Bien entendu, plus qu'un simple secteur, le tourisme est
devenu une industrie mondiale et demeure aujourd'hui plus que jamais
exposé et sensible aux crises de tout genre. Les menaces sont
réelles et peuvent être d'ordre naturel (ouragans, tremblement de
terre...), politique et courants terroristes très actifs. La
diversité des acteurs (touristiques, de la communication classique, des
TIC, etc.) pourrait ainsi multiplier le risque d'insécurité car
ils n'ont souvent pas le même discours face à une situation de
base. Pour ce faire, les crises sont nombreuses et ont chacune son degré
d'impact sur l'économie de façon générale, mais
encore plus sur le secteur du tourisme. En effet, une étude menée
en 2004 auprès de plus de 370 voyageurs dans les tour-opérateurs
en Australie a montré les catégories de risques perçus
comme les plus importantes :
· Les attaques terroristes 46%
· La guerre 18%
· Les risques de santé 13%
· Maladies contagieuses 11%
· Mauvais rapport qualité-prix 8%
· La sécurité en générale
4%75
Dans cette étude, qui concerne aussi le sujet
traité dans ce travail, les guerres représentent 18% de risques
d'annulation du voyage par le touriste potentiel, de motivation de voyage.
Représentant 46% des données, les attaques terroristes sont plus
importantes en termes d'impact sur le tourisme. Aujourd'hui, nous remarquons
que ce phénomène ne cesse de s'amplifier avec des exemples de
plus en plus nombreux : attaques d'Eglises et hôtels en 2019 au Sri
Lanka, d'une route touristique en Tunisie en 2018 faisant 6 morts, deux
touristes français enlevés et deux soldats tués en 2019 au
Burkina Faso. Sur les risques sanitaires, par exemple Ebola
déclaré à Ziguinchor en 2015 n'était qu'une fausse
information car le suspect souffrait de paludisme. C'est ce qu'ont
révélé les analyses faites au moment où le patient
a été mis en isolement. Pourtant, l'information avait
fuité et était relayée dans les médias dans les
minutes qui ont suivi cet incident. A propos du conflit, nous avions vu que
celui de Casamance était moins conséquent comparé aux
conflits d'autres pays tels que le Rwanda, la République
démocratique du Congo, pour ne citer que ceux-là.
Néanmoins, ce conflit peut être plus complexe vu les nombreuses
factions du Mouvement des Forces démocratiques de la Casamance qui se
sont
75Frochot et Legorehel. Le Marketing du
tourisme. Op.cit. Encadré 10.1.
implantées dans l'espace géographique.
Cependant, nous avons ainsi constaté des zones
pacifiées76 comme Djembéring ou encore Ziguinchor.
Toutefois, quand on parle de zone de conflit dans la partie sud du pays, tout
le monde est impliqué et la communication (appellation Casamance) ne
permet surtout pas de faire de distinction géographique du conflit.
Pour notre part, les données que nous avons
recueillies après l'étude de terrain dans les deux communes,
auprès de nos différentes cibles, nous ont
révélé des informations sur les motivations des
consommateurs en fonction du risque perçu par les consommateurs.
Figure 10 : Risques liés au conflit
à Ziguinchor et Djembéring
Lien evident entre tourisme et conflit
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Source : Enquête de terrain, avril 2019.
Sur ces données recueillies, les 54% sont d'avis que
le risque de faire du tourisme dans ces zones pourrait ne pas avoir un rapport
avec le conflit. Les risques, comme l'a dit M. Cissé, sur l'accentuation
ou l'atténuation de la psychose afférente au conflit peut
être en effet le rôle de la communication joué à ce
niveau. Les conséquences sont ainsi énormes pour les
hôteliers en cas d'accentuation, en termes d'annulation de voyage,
d'endettement des T.O, de mauvais souvenirs pour les hôtes, etc. Ainsi,
la communication faite sur un aspect en lien avec le conflit peut devenir un
frein à la motivation de voyage. Dans ce contexte, des souvenirs
défavorables à la destination peuvent être associés
à cette dualité tourisme/conflit notamment. A cet effet, 50% des
interrogés (voir annexe) affirment avoir un mauvais souvenir en termes
de fausse nouvelle surtout. Autrement dit, le dualisme est interrogé
dans ce travail qui cherche à déterminer le rapport de ces deux
entités avéré si l'on tient compte de l'aspect
76 M. Sambou lors de notre entretien, avril 2019.
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communicationnel. Tout compte fait, ces deux
éléments ont un rapport dualiste, c'est-à-dire qu'ils
peuvent coexister même s'ils sont de nature différente. Ainsi, le
lien de causalité n'est pas dû entièrement au conflit,
élément source conflits périphériques
lui-même. Pour ce faire, 50% des professionnels du tourisme ainsi que 8%
des professionnels de la communication (voir annexe) pensent que le conflit
impacterait sur la communication du tourisme dans les communes de Ziguinchor et
Djembéring. Cette analyse permet de voir que ces deux zones de notre
champ de travail, pourtant à l'abri des nombreux incidents notés
en Casamance, sont quand même impliquées dans le traitement du
simple fait qu'elles sont dans la zone de conflit. En effet, beaucoup pensent
que certaines localités ne doivent pas être citées comme
faisant partie géographiquement de la zone de conflit. A ce propos, M.
Diatta (président du syndicat d'initiative de la Casamance, 2019)
précise : « Quand on parle de conflit, de Diogué
jusqu'à Vélingara, tout le monde est concerné par ce
problème ». Cependant, est-ce qu'un département ou une
commune est plus concerné(e) que l'autre ? La réponse semble
aussi évidente aux yeux de ceux qui vivent dans la région
naturelle de la Casamance. Un événement qui se déroule
dans le département de Bignona (touristes violés sur l'axe de
Kafountine) n'a rien à voir avec l'activité touristique à
Djembéring ou à Ziguinchor, même si on considère
qu'ils sont dans la zone de conflit. C'est pourquoi nous avions posé la
question suivante : pourquoi Cap-Skirring n'est pas inscrit dans la zone rouge
alors qu'il se trouve dans la commune de Djembéring ? Evidemment, il est
possible à ce niveau qu'il y ait un traitement spécifique.
4.4.1 Une identité dénaturée
Ces éléments que nous avons cités plus
haut sont aussi le résultat d'autres facteurs. En effet, la
communication du tourisme dans une zone de conflit est affectée par ce
dernier, notamment dans des localités moins touchées par les
tensions. Pourtant, les localités dont on fait allusion
mériteraient plus d'attention. Mais, les conflits ont un impact
énorme, mais encore plus la communication : dénaturer souvent
l'identité collective du territoire en question.
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Figure 11 : La communication dénature
l'identité de la destination
Une identité dénaturée x La
localité
34
0
34
2 1 1
pas du tout
d'accord
4
6
3
pas d'accord
Ziguinchor Djembéring autre
20
7
5
3
d'accord
totalement
d'accord
Source : Enquête de terrain, avril 2019.
14
Comme nous le remarquons dans ce graphique, la question de
l'articulation territoire et conflit plus communication et identité est
étudiée afin de savoir si les territoires se sentent
menacés par la communication faite sur le territoire en question sur la
base d'un sentiment d'appartenance identitaire à une localité. La
promotion de l'identité territoriale pouvait être un moyen de
vulgariser les valeurs du territoire. Cependant, elle est parfois
dénaturée par un conflit et de surcroît par le langage ou
l'action de communication sur le conflit qui sévit dans un territoire
donné. Quand cette communication n'est pas encadrée, quand ou les
acteurs du tourisme sont désorganisés, voire latents, dans ce cas
elle peut alors transformer une identité. Déjà le tourisme
est quelquefois accusé d'entretenir souvent des relations peu favorables
avec les valeurs identitaires, c'est-à-dire les moeurs des terres
d'accueil. Car l'industrie du tourisme ne se soucie que de l'aspect de la
commercialisation et de la communication. C'est une fin. Elle met donc en
péril toute relation humaine respectant l'objet même des
territoires cibles. C'est le même résultat qui ressort de cette
étude. Dans une zone en conflit, même l'existence de
localités pacifiques ou de pays stables n'est point un gage de
sécurité permanente. C'est l'exemple du Bénin avec
l'incident survenu dans le Parc de Pérendji (2019) couvrant 2.755 km et
situé à l'extrême nord du pays, frontalier avec le Burkina
Faso. A cause de l'instabilité chronique du pays de l'homme
intègre, de supposés terroristes se sont introduits au
Bénin pour tuer un guide touristique et enlever des touristes. Alors, un
événement survenu dans une zone de conflit peut affecter la
Gambie ou la Guinée-Bissau par exemple, et la communication joue un
rôle
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important dans ce processus. En effet, les résultats
que nous avons obtenus sur la question, dans les deux localités,
Ziguinchor et Djembéring, le confirment. Respectivement 2% à
Ziguinchor, 1% à Djembéring et 1% autre est en total
désaccord ; 4% à Ziguinchor, 6% à Djembéring et 3%
autre n'est pas d'accord ; 34% à Ziguinchor, 20% à
Djembéring et 5% autre est d'accord et 14% à Ziguinchor, 7%
à Djembéring et 3% autre est totalement d'accord sur le fait que
la communication sur le conflit dénature l'identité de leur
localité, l'image de la destination. Donc, la situation de départ
est différente de la situation d'arrivée. L'image perçue,
l'image voulue, ne sont pas l'image réelle. L'image est une
représentation d'un individu sur un objet, d'une population sur une
autre, d'un territoire sur un autre, donc c'est le rapport communication
territoire. En effet, l'image perçue est une représentation que
se font les consommateurs lorsqu'ils parlent de la destination. L'image voulue
est celle organisée par les acteurs du tourisme : les objectifs à
atteindre (image souhaitée). Quant à l'image réelle, elle
correspond à ce que le territoire a de manière objective sans
slogans par exemple ; c'est dans l'ordre naturel des choses. Or, la
communication faite sur les zones de conflit peut arriver à influencer
ce processus (image souhaitée et image réelle) et ainsi
dénaturer l'identité du territoire. C'est le cas dans la commune
de Ziguinchor et Djembéring.
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